Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : Thierry Malandain

  • Noé, Malandain Ballet Biarritz au Théâtre National de Chaillot

    ballet de biarritz,rossini,thierry malandain,theatre national de chaillot,

    Les Ballets de Biarritz sont à Paris. Depuis le 10 mai et jusqu’au 24 mai, Thierry Malandain présente la création « Noé ». En mélomane inspiré le chorégraphe accompagne son oeuvre par La Messa di Gloria de Rossini sur le plateau du Théâtre National de Chaillot jamais quitté par vingt-deux danseurs, archi talentueux, pendant près d’une heure trente. 

    ballet de biarritz,rossini,thierry malandain,theatre national de chaillot,Le très prolifique chorégraphe français est animé par tout ce qui est grand - Don Juan, Roméo et Juliette, Lucifer, Le Portrait de l’Enfante, Orphée et Eurydice, L’après-midi d’un faune - entre autres nombreuses créations depuis 1984, et particulièrement par ce qui est mythique notamment avec L’Envol d’Icare, une commande réalisée pour le Ballet de l’Opéra national de Paris, en 2006. 

    Un long banc occupe la profondeur de Chaillot, scène mythique aussi, résolument acquise à ce qu’il se fait de mieux en matière de danse contemporaine. Les danseurs y glissent d’un bout à l’autre dans une alchimie rythmée. Au sol un bleu pacifique et tout autour des vagues de perles bleues enveloppent des interprètes athlétiques et gracieux. Très heureusement, le mythe du déluge n’a pas l’intention de figurer un cortège d’animaux rescapés, Malandain emmène son propos bien au delà, il est question d’une « humanité en mouvement »...  

    Les amateurs se régalent. Malandain dresse un panorama à 360 du mouvement néo-classique. Il y a des poignets noués frappant le plat des cuisses qui rappellent les accents dramatiques de la démente Gisèle de Mats Ek, des ensembles frénétiques échappés du somptueux Sacre du Printemps de Pina Bausch, et des avancées qui se forment et respirent à l’unisson, au son de chants lyriques, comme dans la désormais très classique Neuvième de Béjart. Quelle époque ! La danse est un éternel recommencement comme la musique, toute l’Histoire de l’Art en somme.
    Rien de nouveau sous le soleil donc, sauf que, libérés de cette technicité inventive du 20ème siècle révélée sans contexte par l’impulsion créatrice de Ninjinski, les danseurs de Malandain apparaissent être des créateurs à leur tour et apportent une interprétation magnifique et radicalement contemporaine. L’enseignement atteint la perfection dont il faut prendre de la graine (d’Etoiles). Les personnalités se distinguent les unes des autres. C’est beau et vraiment intéressant même s’il est parfois difficile de capter son attention à la fois sur le mouvement et sur les voix enregistrées, le regard et l’ouïe se font une concurrence acharnée. 

    Noé de Malandain est assurément une anthologie du mouvement pour qui a soif d’exaltation chorégraphique. A apprécier.

    Laurence Caron

    (photo Olivier Houeix) 

    Lien permanent  commentaire Imprimer
  • La Pastorale jusqu’au 19 décembre au Théâtre National de Chaillot

    thierry malandain,ludwig van beethoven,jorge gallardo,françois menou,ballet biarritz,chaillot,thÉÂtre national de la danse,nijinsky,bejartQuadrillé de barres métalliques, le décor graphique de la scène de Chaillot revendique une nouvelle fois toute sa contemporanéité. Ici, la danse avance, vigilante aux mouvances de l’art de la chorégraphie sans jamais ignorer la création made in France, bien au contraire. Thierry Malandain fait partie de ce formidable élan, il vient d’ailleurs d’être nommé à l’Académie des Beaux-Arts, section chorégraphique, aux côtés de Blanca Li et Angelin Prejlocaj. En 2017, le ballet Noé avait reçu le prix de la « meilleure compagnie » par l’Association professionnelle de la critique de théâtre, de musique et de danse. A cette époque La Messa di Gloria de Rossini avait guidé l’inspiration du chorégraphe, pour cette fois Beethoven est le grand inspirateur,  la Symphonie n°6 en fa majeur, opus 68, dite La Pastorale, composée entre 1805 et 1808, est l’occasion de fêter le 250ème anniversaire de la naissance de l’inventeur du romantisme.

    Avant son retour à la Gare du Midi de Biarritz, les 28 et 29 décembre prochains, et la création mondiale à l’Opéra de Bonn le 23 décembre, La Pastorale est en avant-premières exceptionnelles à Chaillot. Les vingt-deux danseurs du Ballet de Biarritz se sont frayés un chemin, dans un Paris pollué, vrombissant et klaxonnant, pour montrer toute l’expressivité esthétique de la nature.

    « Aujourd’hui, la nature n’est plus seulement synonyme de rêverie…, elle est devenue une urgence » Thierry Malandain.

    Collés ou noués, sortes de chrysalides extirpées d’un maillage aux reflets froids, les danseurs de Malandain sont athlétiques, les jambes et les coups de pieds s’enroulent comme des rubans et se tendent comme des arcs pendant que Beethoven couvre Chaillot d’un ciel orageux, sombre et menaçant. Le Ballet de Biarritz se décline en solo, duo, trio et groupes dans un rythme soutenu, aucune hésitation, aucune errance, l’intention du chorégraphe est forte et ses danseurs lui rendent à force égale. Les jeunes interprètes racontent une danse rigoureuse, la discipline de la danse classique ne lâche rien et dessine une chorégraphie d’une grande précision. Une attention toute particulière est donnée par les lumières de François Menou, les tableaux se suivent comme des clichés photographiques. Les costumes signés Jorge Gallardo accentuent cet effet esthétique soigné et sophistiqué.

    Puis, une transformation s’opère, radicale, les carrés dessinés par les barres d’acier montent dans les cintres, le jour se lève ou les nuages se dissipent, une clarté éblouissante comme un matin de printemps illumine le plateau. Les danseurs abandonnent au sol de lourds costumes aux basques baroques, débarrassés de leurs cocons, ultimes mues, une métamorphose magique et mystique s’opère. Il s’enchaîne une danse qui semble être échappée de la gravure d’un vase étrusque, une joyeuse danse de Ménades et rondes dionysiaques tournoyantes. Il y a une confusion entre les filles et les garçons, fondus dans d’aériennes tuniques de voiles, le ballet célèbre autant la nature que la jeunesse.

    Ce changement de saison se révèle être une nouvelle naissance, les interprètes apparaissent tout à fait dépouillés en justaucorps de chair. C’est une sculpture ciselée ou un modelage de terre cuite qui s’anime, toujours sur un rythme effréné, épousant la musique et faisant mine de s’abandonner définitivement à la toute puissante nature.

    Le jeune danseur Hugo Layer bouleverse par la délicatesse de sa danse, ce sont des mains qui s’élancent comme les ailes graciles d’un papillon qui se déploient pour la première fois ou bien des bras qui s’envolent comme poussés par un vent tourbillonnant. Toute cette fragilité de la vie ressentie et suspendue aux étapes d’une transformation s’oppose aux énergiques Frederik Deberdt et Arnaud Mahouy qui forment un duo fantastique.

    Évidement Nijinsky veille au grain, le Prélude à l’Après-midi d’un Faune ou Le Sacre du Printemps ne sont pas loin et on retrouve avec gourmandise ces visages qui se tournent de profil, ces déplacements latéraux et ces rythmes marqués. Maurice Béjart aussi n’est pas en reste, en 1964 il avait fait naître, ce qu’il désignait comme un « concert-dansé », un ballet éponyme créé sur la Neuvième Symphonie de Beethoven. Des inspirations que l’on traduit ici comme des hommages à ceux qui ont été à l’origine de la danse contemporaine d’aujourd’hui et pour laquelle Thierry Malandain inscrit à son tour sa marque.

    Les 17, 18 et 19 décembre, ce sont les trois prochaines dates à Chaillot pour un ballet qui n’a pas fini de faire parler de lui ; à pieds, à deux ou trois roues, voici un spectacle qui mérite de traverser Paris, une récompense largement à la mesure de vos efforts !

    Laurence Caron

    Lien permanent  commentaire Imprimer
  • The Tree : Carolyn Carlson ouvre en grand les portes de Chaillot

    En 2020, la crise sanitaire a voulu faire taire les voix des arts, ces lieux protéiformes d’expressions et d’inventions constantes se sont refermés sur eux-mêmes… Seules les lucarnes d’internet, ondes radiophoniques et télévisuelles nous ont un peu éclairées. Seulement, quand on a l’habitude de voir ce qui est vivant, il est très frustrant de n’observer le monde que par le petit bout de la lorgnette. Heureusement, la chorégraphe Carolyn Carlson* - dont on se plait à dire depuis des lustres qu’elle est la plus française* des américaines, jusqu’à adopter la nationalité française en 2019 – a maintenu la tension du fil de sa créativité en parfaite osmose avec le temps qui passe et l’espace qui nous entoure. En "poète visuelle", Carolyn Carlson parle de vous, de nous, du monde.

    Dans la maison nationale de la danse, le Théâtre de Chaillot, la Californienne qui a parcouru la Terre entière pour arriver jusqu'à nous est chez elle, notamment pour y avoir été artiste associée jusqu’en 2016. Après les pièces eau (2008), Pneuma et Now (2014), dont la source est née des écrits de Gaston Bachelard (1), sa plus récente création The Tree est le quatrième volet.

    the tree,carolyn carlson,colette malye,chinatsu kosakatani,juha marsalo,céline maufroid,riccardo meneghini,isida micani,yutaka nakata,sara orselli,sara simeoni,constantine baecher,aleksi aubry-carlson,rené aubry,maarja nuut,k. friedrich abel,rémi nicolas,guillaume bonneau,gao xingjian,gilles nicolas,jank dage,elise dulac,théâtre national de chaillot,chrystel zingiro,carolyn carlson company,théâtre toursky marseille,ballet du nord,centre chorégraphique national roubaix hauts-de-france,equilibre nuithonie fribourg.

    « … La terre nous demande de ralentir et de songer aux conséquences de nos actes… » Carolyn Carlson. 

    La pièce The Tree est inspirée Des Fragments d’une poétique du feu**. Carolyn Carlson a placé l’arbre au centre de ses préoccupations. L’arbre, le symbole de cette nature abimée parfois même dévastée, et aussi la solution dans sa façon formidable de combiner les éléments terre, eau et air, enracine l'œuvre ; un juste écho au carnage auquel nous participons mais aussi aux espoirs et aux efforts que nous nourrissons - souhaitons qu’il ne soit pas trop tard.

    La sauvagerie des flammes confrontée à la poésie contemplative de la nature sont mises délicatement en lumières par le créateur Rémi Nicolas. Des rayons de soleil succèdent à de sombres orages sur les décors projetés de Gao Xingjian, des toiles vivantes sur lesquelles l’encre de chine semble se délier dans l’instant. La musique qui épouse la dramaturgie est signée Aubry, qu’il s’agisse du père ou bien du fils, elle a quelque chose d’évident et de rassurant peut-être parce que son style est reconnaissable entre tous. L’esthétisme de The Tree saisit par son raffinement, puissant, la mémoire s’imprègne de chaque image comme un photographe qui mitraille en mode rafale. 

    Devant un public sage et extrêmement attentif - comme si chaque seconde était vitale - la compagnie de Carolyn Carlson est au summum de son art. Les danseuses et danseurs, aux corps archi disciplinés et puissants, ont de fortes personnalités, pour chacun d’eux la chorégraphe a dessiné tout un territoire qui laisse exprimer pleinement leur virtuosité. Les long cheveux des danseuses se mêlent au vocabulaire chorégraphique d’une façon théâtrale. Les corps, soulevés par le vent que l’on sent passer dans les arbres, se jouent des molécules d’air et méprisent toutes les lois de l’attraction terrestre pour ensuite retourner s’ancrer dans cette terre nourricière, comme plantés par des intentions toujours très radicales… Assurément, le témoignage humaniste et politique de Carolyn Carlson est compris. Comme c’est le cas pour les grandes œuvres, la dimension universelle du propos traverse les continents et le temps pour en extraire ce qu’il y a de mieux, et montrer ce qu’il y a de plus beau.

    Les années n’effleurent pas Carolyn Carlson, elle apparaît toujours comme une super héroïne. Sautillant d’enthousiasme, sa longiligne silhouette rejoint la compagnie pour saluer le public. Une grande vague d’amour déferle de la scène jusqu’aux derniers rangs de Chaillot, puis fait le trajet inverse. Je ne sais pas si ce sont les spectateurs ou bien les artistes qui sont les plus ravis d’être là, il n’y aucune frontière visible, ni palpable, entre les deux peuplades. Les élastiques des masques du public se tendent à l’extrême renonçant à contenir leurs très larges sourires, une extase. Enfin, le public remonte des entrailles marbrées de Chaillot à regret mais terriblement apaisé. Le manque vient d’être comblé de la plus belle façon qui soit. Merci !

    Laurence Caron

    ICI > Calendrier des tournées de la compagnie Carolyn Carlson 

    * Le 2 décembre 2020, Carolyn Carlson a été élue à l'Académie des Beaux-Arts, rejoignant Blanca Li, Angelin Preljocaj, et Thierry Malandain. En 2006, Carolyn Carlson est lauréate d'un Lion d'Or de la Biennale de Venise, puis en 1999 elle fonde l'Atelier de Paris-Carolyn Carlson à La Cartoucherie, et dirige le Centre Chorégraphique National Roubaix Nord-Pas de Calais de 2004 à 2013. Pour tout savoir, c'est ICI.

    ** Gaston Bachelard (préf.Suzanne Bachelard), 
    Fragments d'une Poétique du Feu, Paris, PUF, 1988, 176 (ISBN 978-2-13-041454-4).

    THE TREE
    Chorégraphie et scénographie : Carolyn Carlson.
    Assistante chorégraphique : Colette Malye.
    Interprètes : Chinatsu Kosakatani, Juha Marsalo, Céline Maufroid, Riccardo Meneghini, Isida Micani, Yutaka Nakata, Sara Orselli, Sara Simeoni,  Constantine Baecher.
    Musiques : Aleksi Aubry-Carlson, René Aubry, Maarja Nuut, K. Friedrich Abel.
    Création lumière : Rémi Nicolas, assisté de Guillaume Bonneau.
    Peintures projetées :  Gao Xingjian.
    Accessoires | Gilles Nicolas et Jank Dage.
    Costumes | Elise Dulac et Atelier du Théâtre National de Chaillot. Remerciements à Chrystel Zingiro.
    Production | Carolyn Carlson Company. Coproductions en cours | Théâtre National de ChaillotThéâtre Toursky Marseille, Ballet du Nord / Centre Chorégraphique National Roubaix Hauts-de-France, Equilibre Nuithonie Fribourg.

    Lien permanent  commentaire Imprimer
  • Bienvenue dans le monde merveilleux de Sunderland...

    British à souhait : un brin rock'n roll, ambiance "Full Monty" (le film de Peter Cattaneo -1997) dans une Grande-Bretagne nostalgique à la jeunesse desabusée par un chômage abusif... 

    Perchées sur leurs talons, bijoux pacotilles tape à l’oeil, cigarette pendue aux lèvres, pull court et mèches rebelles, aguicheuses pour se défendre : Sally et sa meilleure amie sont abandonnées par leur famille, par la société, par la vie, les deux jeunes femmes se débattent. 
    Dehors, il pleut et le moral de la ville varie en fonction des exploits ou des déboires de son équipe de football.  


    petit théâtre de parisIl s’agit de trouver l’argent nécessaire pour que la petite soeur «toquée» puisse rester sous le même toit, il n'est pas question qu'elle retourne au «Centre». Sally est prête à tout. Est-il possible de s’extirper d’une vie que l’on n’a pas souhaité ?   

    Le propos est dramatique du début à la fin. Pourtant, Clement Koch, l’auteur de la pièce, déploie des trésors d’ingéniosité pour nous fait rire et rien n’est plus noble que de capter ainsi l’attention du public sur un sujet aussi grave. Les réparties fusent, et les rires pleuvent, eux aussi. Cela se passe tout en finesse. La justesse de la mise en scène de Stéphane Hillel laisse la part belle aux comédiens, ils jouent tous avec naturel tout en sachant faire vibrer les planches aux moments souhaités. Les rôles plein de charme sont admirablement bien distribués et l’écriture pour chacun est certainement un régal à jouer. Rien n’est lourd et grinçant, tout est fluide et presque aérien. Quand le rideau tombe, comme pour une bonne série tv, on attend la suite. 

    Finalement, Sunderland est un monde assez inattendu... 

    Laurence Caron-Spokojny

    Actuellement au Petit Théâtre de Paris.

    Avec : Elodie Navarre, Constance Dollé, Léopoldine Serre,Vincent Deniard,Vincent Nemeth, Thierry Desroses, Pascale Mariani et la participation de Bénédicte Dessombz.

    Mise en scène : Stéphane HILLEL, assisté de : Chloé Simoneau

    Décor: Jacques VOIZOT

    Musique: François PEYRONY

    Lumières: Laurent BEAL

    Costumes: Cécile MAGNAN

    Lien permanent  commentaire Imprimer
  • Picasso à Malraux : « J’ai fait des assiettes, on peut manger dedans. » - Picasso, céramiste à la Cité de la Céramique d

    picasso céramiste et la méditerranée,cité de la céramique,sèvres,laurence caron-spokojny,picassoLors de l’exposition annuelle des potiers de Vallauris en 1946, Picasso rencontre Suzanne et George Ramié, les propriétaires d’une fabrique de céramique, l’atelier Madoura. Picasso y réalise ses premières œuvres en céramique puis 4500 œuvres suivront jusqu’en 1971. Picasso considère avoir trouvé une façon  de démocratiser son œuvre ; depuis la libération, Picasso est inscrit au parti communiste, son engagement date de la période de la guerre d’Espagne, il confiera à André Malraux : « J’ai fait des assiettes, on peut manger dedans. »

    L’œuvre céramique de Picasso a investi le dernier étage de la très belle Cité de la Céramique de Sèvres : c’est un éblouissement. La sensualité des courbes de ses femmes, aux hanches généreuses et à la taille élancée, côtoie la foule déchaînée de ses chères corridas alors que faunes, et chèvres délicates, se partagent les vitrines lumineuses de l’exposition.

    Un premier espace réunit matrices et moules aux œuvres originales, c’est une entrée dans l’atelier ; on respire presque la poussière de terre cuite, est-ce le bruit lancinant du tour du potier ? l’envie de caresser l’émail… il faut seulement imaginer, ici même les photos sont interdites, les 150 œuvres présentées sont gardées jalousement par les héritiers du maître. 
    Puis un second espace puise dans les précieuses réserves de l’exposition permanente de la Cité pour présenter quelques pièces anciennes symbolisant les courants qui ont inspirés Picasso, les civilisations chypriotes, grecques ou espagnoles marquent le territoire.
    L’entrée dans le cœur de l’exposition est magique, foudroyée par la beauté. Les mains de Picasso sont partout, inventives, elles modèlent en quelques tours savants des colombes et des chouettes prêtent à prendre leur envol, aussi vivantes que les plats, carafes et assiettes. Picasso transforme l’objet mobile et anodin en œuvre vibrante et tournoyante, les traits sont souvent tracés dans la pâte encore molle de bleus et d’ocres éclatants, la brillance des vernis se frotte au ton mat de la pâte blanche sans que l’une ou l’autre en porte ombrage. 
     

    picasso céramiste et la méditerranée,cité de la céramique,sèvres,laurence caron-spokojny,picasso

    Picasso surcharge de décors certaines pièces classiques pour ensuite modeler une forme pure et aérienne. Par hasard, il ramasse un éclat de brique, il dessine un visage de déesse, tel un fragment de cité antique digne des plus grands trésors de Pompéï.  L’artiste génial s’exprime pleinement, de la façon la plus spontanée qui soit pour enfin se consacrer à l’édition de céramique dont 633 modèles seront édités pour des tirages allant jusqu’à 500 exemplaires, l’Atelier Madoura en aura l’exclusivité.

    Votre connaissance de Picasso est incomplète si vous ne connaissez pas son œuvre céramiste ; à la Cité de la Céramique de Sèvres, il est question de s’approcher au plus près de l’intensité créative de l’œuvre de Picasso : ainsi il est possible de sentir les mains de l’artiste courir sur la glaise, il suffit juste de dévorer des yeux ces modelages et sculptures, une expérience envoûtante. 

    Laurence Caron-Spokojny

    A visionner ici le film "Picasso céramiste et la Méditerranée" - de Christine Pinault et Thierry Spitzer, 2013 (19'30) - production Picasso Administration. 

    Lien permanent  commentaire Imprimer
  • « Résiste » au Palais des Sports, la comédie musicale de France Gall et Bruck Dawit

    france gall,bruck dawit,thierry suc,palais des sports,résiste,comédie musicale,laurent hennequin,michel berger,Léa Deleau,Elodie Martelet,Corentine Collier,gwendal marimoutou,ladislas chollat,marion motin

    En réponse à l’envie -irrésistible- de France Gall, l’habileté musicale de Bruck Dawit, et sous la houlette du producteur Thierry Suc, la comédie musicale «Résiste» illustre quelques compositions choisies de Michel Berger au Palais des Sports.

    Rallongé à grandes cuillerées d’eau de rose, le propos n’a pas grande importance : deux filles et leur père tiennent une boîte de nuit le Lola’s (impossible de ne pas penser au bar de Starmania), il y a des gentils et mauvais garçons (Ziggy ?), des péripéties peu palpitantes, une jeunesse qui se cherche (encore), et en filigrane une grand-mère (France Gall) qui raconte une histoire à sa petite fille… L’intérêt n’est pas là, même si pour tenir ce livret Laurent Hennequin (le père) fait preuve d’un charisme et d’un jeu tout à fait digne des scènes des meilleurs Théâtres. Le mérite de «Résiste» est surtout d’avoir évité les travers du biopic, un exercice souvent casse-gueule qui la plupart du temps égratigne l’image d’un artiste. Pour cette fois, l’intelligence est d’avoir confié les compositions de Michel Berger à de très jeunes chanteurs et danseurs. L’effet est saisissant !

    C’est une troupe joyeuse de jeunes artistes aux charmes ravageurs, la musique et la danse enivrent les spectateurs qui se lèvent tous d’un même élan dès les premières notes attaquées par l’orchestre qui joue en live (pour une fois !) sur scène. « La groupie du pianiste », « Débranche », « Musique », « Si maman si », « Il jouait du piano debout »… : c’est une déferlante de succès, de chansons sincères et vibrantes, dont on redécouvre l'intensité des paroles avec émotion. L’effervescence est à son comble, le public chante et danse, projeté pour un temps sur la piste de danse du Lola’s. Malgré l’acoustique à jamais déplorable de la salle du Palais des Sports, les arrangements et l’orchestration sont très à la hauteur du grand mélodiste. Les trois chanteuses, Léa Deleau, Elodie Martelet et Corentine Collier affichent des personnalités bien trempées aux côtés du très sensible, et très juste, Gwendal Marimoutou pour qui la route semble déjà toute tracée.

    Comme à son habitude, Ladislas Chollat enchaîne les inventions artistiques, ses projections vidéos enchantent la scène et lui donnent une profondeur rarement égalée dans cette salle, les décors s’animent comme les pages d’un livre, et les tableaux se succèdent, vite. La scène du Palais des Sports prend parfois les allures regrettées d’un show télévisé, comme ceux de Maritie et Gilbert Carpentier, ou bien rivalise avec les effets des concerts pop du Stade de France. Et puis, il y a la chorégraphie aux accents hip-hop de Marion Motin, elle ajoute à l’intemporalité absolue de la musique, les danseurs sont tous exceptionnels.

    En fait, il n’y a rien de « vintage », dans ce spectacle-là, même s’il s’agit d’un artiste qui nous a quitté il y a plus de 30 ans et dont la carrière a fortement résonné entre les années 70 et 80. L’effet « générationnel » attendu du spectacle est oublié, c’est un écrin neuf qui accueille l’œuvre de Michel Berger, archi-rythmée et terriblement vivante. 
    C’est bon, vraiment très très bon !

    Laurence Caron-Spokojny

    Lien permanent  commentaire Imprimer
  • War Horse à La Seine Musicale, île Seguin, jusqu’au 29 décembre.

    marianne elliott, tom morris,thierry suc,ts3,fimalac entertainment,la seine musicale,war horse,michael morpurgo,handspring puppet company,leo warner,mark grimmerLa musique, le ballet et les grands textes émeuvent, parfois terriblement : les cils se noient, les creux des joues se mordent, les mains se nouent. On tente du bout des doigts, comme pour repousser une mèche de cheveux, d’empêcher une larme de couler. La rencontre entre l’intention esthétique et une belle histoire transperce le cœur des spectateurs les plus coriaces, heureux vaincus dans un consentement muet. Hormis à l’Opéra ou au cinéma, ces émotions s’expriment sur des territoires limités car souvent il faut qu’une certaine intimité se lient entre les artistes et les spectateurs, l'exercice est difficile et rare. Sur l’immensité du plateau de La Seine Musicale, War Horse remporte ce pari, tout en délicatesse et en émotion.

    Créé en 2007 par le prestigieux London National Theater, War Horse a été joué à Londres puis à travers le monde réunissant plus de huit millions de spectateurs. Sur grand écran en 2011, War Horse a inspiré le film éponyme de Spielberg. A Paris, jusqu’au 29 décembre, mis en scène par Marianne Elliott et Tom Morris et présenté par Thierry Suc (TS3/Fimalac Entertainment), War Horse est LE spectacle de La Seine Musicale à ne pas manquer !

    War Horse est d’abord un roman de Michael Morpugo* récompensé par de nombreux prix littéraires, puis adapté par Nick Stafford. L’histoire raconte La Grande Guerre traversée par un cheval héroïque, et un hommage aux millions de chevaux déployés et sacrifiés par les armées françaises et britanniques pendant cette sale guerre.

    Pour donner vie sur scène au héros, un cheval prénommé Joey, et à d’autres équidés et volatiles, la compagnie sud-africaine Handspring Puppet Company - déjà récompensée par un Special Tony Award, un Olivier Award, les prix du Drama Desk, de l’Outer Critics Circle, du Los Angeles Drama Critics Circle et de Naledi – fait se mouvoir d’impressionnantes carcasses d’acier de 50 kilos recouvertes d’étoffes aériennes qui se jouent de la lumière toutes en transparences et reflets. L’effet est saisissant. Les marionnettistes en costumes d’époque commandent aux chevaux fantastiques et sont visibles par le public, un parti pris drôlement gonflé. Ce secret de fabrication dévoilé s’avère manipuler très habilement le regard et l’esprit. Tout comme Joey dont les apparitions sont époustouflantes, l’imagination cavale, la technique et ses mystères s’oublient totalement pour laisser l’émotion envahir tout l’espace. Les oreilles des chevaux sont à l’écoute, elles bougent en un savant langage, leurs encolures s’inclinent comme guidées par des soupirs, les membres inférieurs et supérieurs effacent les déplacements des marionnettistes jusqu’aux queues qui remuent, tout est délicatesse et précision. De leurs statures de tailles réelles et plus vraies que nature, les marionnettes fantastiques se mêlent aux 34 comédiens et chanteurs, surlignées par un fond vidéo créé sur mesure par Leo Warner et Mark Grimmer et par de simples ballades musicales qui ajoutent charme et profondeur à l’intensité dramatique. 

    War Horse est une fresque théâtrale à plusieurs niveaux de lectures - le courage, l’amitié, la fidélité, tout un panel de nobles sentiments y sont exposés - et, où la société humaine, avec sa bêtise et sa violence, parvient, grâce à sa rencontre avec le cheval, à se transformer en une grande œuvre poétique.

    Laurence Caron

    *War Horse de Michael Morpurgo (1982), roman illustré en couleurs par François Place. Edit. Gallimard Jeunesse

    >>> Face aux difficultés des transports en ce moment le Seine Musicale a mis en place un système de navette par bateau bus pour rejoindre l’Ile Seguin depuis le station Champs-Élysées Concorde. Départ à 18h30. Retour après le spectacle. (prix 5 euros l’aller-retour)

    Lien permanent  commentaire Imprimer