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  • La Pastorale jusqu’au 19 décembre au Théâtre National de Chaillot

    thierry malandain,ludwig van beethoven,jorge gallardo,françois menou,ballet biarritz,chaillot,thÉÂtre national de la danse,nijinsky,bejartQuadrillé de barres métalliques, le décor graphique de la scène de Chaillot revendique une nouvelle fois toute sa contemporanéité. Ici, la danse avance, vigilante aux mouvances de l’art de la chorégraphie sans jamais ignorer la création made in France, bien au contraire. Thierry Malandain fait partie de ce formidable élan, il vient d’ailleurs d’être nommé à l’Académie des Beaux-Arts, section chorégraphique, aux côtés de Blanca Li et Angelin Prejlocaj. En 2017, le ballet Noé avait reçu le prix de la « meilleure compagnie » par l’Association professionnelle de la critique de théâtre, de musique et de danse. A cette époque La Messa di Gloria de Rossini avait guidé l’inspiration du chorégraphe, pour cette fois Beethoven est le grand inspirateur,  la Symphonie n°6 en fa majeur, opus 68, dite La Pastorale, composée entre 1805 et 1808, est l’occasion de fêter le 250ème anniversaire de la naissance de l’inventeur du romantisme.

    Avant son retour à la Gare du Midi de Biarritz, les 28 et 29 décembre prochains, et la création mondiale à l’Opéra de Bonn le 23 décembre, La Pastorale est en avant-premières exceptionnelles à Chaillot. Les vingt-deux danseurs du Ballet de Biarritz se sont frayés un chemin, dans un Paris pollué, vrombissant et klaxonnant, pour montrer toute l’expressivité esthétique de la nature.

    « Aujourd’hui, la nature n’est plus seulement synonyme de rêverie…, elle est devenue une urgence » Thierry Malandain.

    Collés ou noués, sortes de chrysalides extirpées d’un maillage aux reflets froids, les danseurs de Malandain sont athlétiques, les jambes et les coups de pieds s’enroulent comme des rubans et se tendent comme des arcs pendant que Beethoven couvre Chaillot d’un ciel orageux, sombre et menaçant. Le Ballet de Biarritz se décline en solo, duo, trio et groupes dans un rythme soutenu, aucune hésitation, aucune errance, l’intention du chorégraphe est forte et ses danseurs lui rendent à force égale. Les jeunes interprètes racontent une danse rigoureuse, la discipline de la danse classique ne lâche rien et dessine une chorégraphie d’une grande précision. Une attention toute particulière est donnée par les lumières de François Menou, les tableaux se suivent comme des clichés photographiques. Les costumes signés Jorge Gallardo accentuent cet effet esthétique soigné et sophistiqué.

    Puis, une transformation s’opère, radicale, les carrés dessinés par les barres d’acier montent dans les cintres, le jour se lève ou les nuages se dissipent, une clarté éblouissante comme un matin de printemps illumine le plateau. Les danseurs abandonnent au sol de lourds costumes aux basques baroques, débarrassés de leurs cocons, ultimes mues, une métamorphose magique et mystique s’opère. Il s’enchaîne une danse qui semble être échappée de la gravure d’un vase étrusque, une joyeuse danse de Ménades et rondes dionysiaques tournoyantes. Il y a une confusion entre les filles et les garçons, fondus dans d’aériennes tuniques de voiles, le ballet célèbre autant la nature que la jeunesse.

    Ce changement de saison se révèle être une nouvelle naissance, les interprètes apparaissent tout à fait dépouillés en justaucorps de chair. C’est une sculpture ciselée ou un modelage de terre cuite qui s’anime, toujours sur un rythme effréné, épousant la musique et faisant mine de s’abandonner définitivement à la toute puissante nature.

    Le jeune danseur Hugo Layer bouleverse par la délicatesse de sa danse, ce sont des mains qui s’élancent comme les ailes graciles d’un papillon qui se déploient pour la première fois ou bien des bras qui s’envolent comme poussés par un vent tourbillonnant. Toute cette fragilité de la vie ressentie et suspendue aux étapes d’une transformation s’oppose aux énergiques Frederik Deberdt et Arnaud Mahouy qui forment un duo fantastique.

    Évidement Nijinsky veille au grain, le Prélude à l’Après-midi d’un Faune ou Le Sacre du Printemps ne sont pas loin et on retrouve avec gourmandise ces visages qui se tournent de profil, ces déplacements latéraux et ces rythmes marqués. Maurice Béjart aussi n’est pas en reste, en 1964 il avait fait naître, ce qu’il désignait comme un « concert-dansé », un ballet éponyme créé sur la Neuvième Symphonie de Beethoven. Des inspirations que l’on traduit ici comme des hommages à ceux qui ont été à l’origine de la danse contemporaine d’aujourd’hui et pour laquelle Thierry Malandain inscrit à son tour sa marque.

    Les 17, 18 et 19 décembre, ce sont les trois prochaines dates à Chaillot pour un ballet qui n’a pas fini de faire parler de lui ; à pieds, à deux ou trois roues, voici un spectacle qui mérite de traverser Paris, une récompense largement à la mesure de vos efforts !

    Laurence Caron

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  • Noé, Malandain Ballet Biarritz au Théâtre National de Chaillot

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    Les Ballets de Biarritz sont à Paris. Depuis le 10 mai et jusqu’au 24 mai, Thierry Malandain présente la création « Noé ». En mélomane inspiré le chorégraphe accompagne son oeuvre par La Messa di Gloria de Rossini sur le plateau du Théâtre National de Chaillot jamais quitté par vingt-deux danseurs, archi talentueux, pendant près d’une heure trente. 

    ballet de biarritz,rossini,thierry malandain,theatre national de chaillot,Le très prolifique chorégraphe français est animé par tout ce qui est grand - Don Juan, Roméo et Juliette, Lucifer, Le Portrait de l’Enfante, Orphée et Eurydice, L’après-midi d’un faune - entre autres nombreuses créations depuis 1984, et particulièrement par ce qui est mythique notamment avec L’Envol d’Icare, une commande réalisée pour le Ballet de l’Opéra national de Paris, en 2006. 

    Un long banc occupe la profondeur de Chaillot, scène mythique aussi, résolument acquise à ce qu’il se fait de mieux en matière de danse contemporaine. Les danseurs y glissent d’un bout à l’autre dans une alchimie rythmée. Au sol un bleu pacifique et tout autour des vagues de perles bleues enveloppent des interprètes athlétiques et gracieux. Très heureusement, le mythe du déluge n’a pas l’intention de figurer un cortège d’animaux rescapés, Malandain emmène son propos bien au delà, il est question d’une « humanité en mouvement »...  

    Les amateurs se régalent. Malandain dresse un panorama à 360 du mouvement néo-classique. Il y a des poignets noués frappant le plat des cuisses qui rappellent les accents dramatiques de la démente Gisèle de Mats Ek, des ensembles frénétiques échappés du somptueux Sacre du Printemps de Pina Bausch, et des avancées qui se forment et respirent à l’unisson, au son de chants lyriques, comme dans la désormais très classique Neuvième de Béjart. Quelle époque ! La danse est un éternel recommencement comme la musique, toute l’Histoire de l’Art en somme.
    Rien de nouveau sous le soleil donc, sauf que, libérés de cette technicité inventive du 20ème siècle révélée sans contexte par l’impulsion créatrice de Ninjinski, les danseurs de Malandain apparaissent être des créateurs à leur tour et apportent une interprétation magnifique et radicalement contemporaine. L’enseignement atteint la perfection dont il faut prendre de la graine (d’Etoiles). Les personnalités se distinguent les unes des autres. C’est beau et vraiment intéressant même s’il est parfois difficile de capter son attention à la fois sur le mouvement et sur les voix enregistrées, le regard et l’ouïe se font une concurrence acharnée. 

    Noé de Malandain est assurément une anthologie du mouvement pour qui a soif d’exaltation chorégraphique. A apprécier.

    Laurence Caron

    (photo Olivier Houeix) 

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  • The Tree : Carolyn Carlson ouvre en grand les portes de Chaillot

    En 2020, la crise sanitaire a voulu faire taire les voix des arts, ces lieux protéiformes d’expressions et d’inventions constantes se sont refermés sur eux-mêmes… Seules les lucarnes d’internet, ondes radiophoniques et télévisuelles nous ont un peu éclairées. Seulement, quand on a l’habitude de voir ce qui est vivant, il est très frustrant de n’observer le monde que par le petit bout de la lorgnette. Heureusement, la chorégraphe Carolyn Carlson* - dont on se plait à dire depuis des lustres qu’elle est la plus française* des américaines, jusqu’à adopter la nationalité française en 2019 – a maintenu la tension du fil de sa créativité en parfaite osmose avec le temps qui passe et l’espace qui nous entoure. En "poète visuelle", Carolyn Carlson parle de vous, de nous, du monde.

    Dans la maison nationale de la danse, le Théâtre de Chaillot, la Californienne qui a parcouru la Terre entière pour arriver jusqu'à nous est chez elle, notamment pour y avoir été artiste associée jusqu’en 2016. Après les pièces eau (2008), Pneuma et Now (2014), dont la source est née des écrits de Gaston Bachelard (1), sa plus récente création The Tree est le quatrième volet.

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    « … La terre nous demande de ralentir et de songer aux conséquences de nos actes… » Carolyn Carlson. 

    La pièce The Tree est inspirée Des Fragments d’une poétique du feu**. Carolyn Carlson a placé l’arbre au centre de ses préoccupations. L’arbre, le symbole de cette nature abimée parfois même dévastée, et aussi la solution dans sa façon formidable de combiner les éléments terre, eau et air, enracine l'œuvre ; un juste écho au carnage auquel nous participons mais aussi aux espoirs et aux efforts que nous nourrissons - souhaitons qu’il ne soit pas trop tard.

    La sauvagerie des flammes confrontée à la poésie contemplative de la nature sont mises délicatement en lumières par le créateur Rémi Nicolas. Des rayons de soleil succèdent à de sombres orages sur les décors projetés de Gao Xingjian, des toiles vivantes sur lesquelles l’encre de chine semble se délier dans l’instant. La musique qui épouse la dramaturgie est signée Aubry, qu’il s’agisse du père ou bien du fils, elle a quelque chose d’évident et de rassurant peut-être parce que son style est reconnaissable entre tous. L’esthétisme de The Tree saisit par son raffinement, puissant, la mémoire s’imprègne de chaque image comme un photographe qui mitraille en mode rafale. 

    Devant un public sage et extrêmement attentif - comme si chaque seconde était vitale - la compagnie de Carolyn Carlson est au summum de son art. Les danseuses et danseurs, aux corps archi disciplinés et puissants, ont de fortes personnalités, pour chacun d’eux la chorégraphe a dessiné tout un territoire qui laisse exprimer pleinement leur virtuosité. Les long cheveux des danseuses se mêlent au vocabulaire chorégraphique d’une façon théâtrale. Les corps, soulevés par le vent que l’on sent passer dans les arbres, se jouent des molécules d’air et méprisent toutes les lois de l’attraction terrestre pour ensuite retourner s’ancrer dans cette terre nourricière, comme plantés par des intentions toujours très radicales… Assurément, le témoignage humaniste et politique de Carolyn Carlson est compris. Comme c’est le cas pour les grandes œuvres, la dimension universelle du propos traverse les continents et le temps pour en extraire ce qu’il y a de mieux, et montrer ce qu’il y a de plus beau.

    Les années n’effleurent pas Carolyn Carlson, elle apparaît toujours comme une super héroïne. Sautillant d’enthousiasme, sa longiligne silhouette rejoint la compagnie pour saluer le public. Une grande vague d’amour déferle de la scène jusqu’aux derniers rangs de Chaillot, puis fait le trajet inverse. Je ne sais pas si ce sont les spectateurs ou bien les artistes qui sont les plus ravis d’être là, il n’y aucune frontière visible, ni palpable, entre les deux peuplades. Les élastiques des masques du public se tendent à l’extrême renonçant à contenir leurs très larges sourires, une extase. Enfin, le public remonte des entrailles marbrées de Chaillot à regret mais terriblement apaisé. Le manque vient d’être comblé de la plus belle façon qui soit. Merci !

    Laurence Caron

    ICI > Calendrier des tournées de la compagnie Carolyn Carlson 

    * Le 2 décembre 2020, Carolyn Carlson a été élue à l'Académie des Beaux-Arts, rejoignant Blanca Li, Angelin Preljocaj, et Thierry Malandain. En 2006, Carolyn Carlson est lauréate d'un Lion d'Or de la Biennale de Venise, puis en 1999 elle fonde l'Atelier de Paris-Carolyn Carlson à La Cartoucherie, et dirige le Centre Chorégraphique National Roubaix Nord-Pas de Calais de 2004 à 2013. Pour tout savoir, c'est ICI.

    ** Gaston Bachelard (préf.Suzanne Bachelard), 
    Fragments d'une Poétique du Feu, Paris, PUF, 1988, 176 (ISBN 978-2-13-041454-4).

    THE TREE
    Chorégraphie et scénographie : Carolyn Carlson.
    Assistante chorégraphique : Colette Malye.
    Interprètes : Chinatsu Kosakatani, Juha Marsalo, Céline Maufroid, Riccardo Meneghini, Isida Micani, Yutaka Nakata, Sara Orselli, Sara Simeoni,  Constantine Baecher.
    Musiques : Aleksi Aubry-Carlson, René Aubry, Maarja Nuut, K. Friedrich Abel.
    Création lumière : Rémi Nicolas, assisté de Guillaume Bonneau.
    Peintures projetées :  Gao Xingjian.
    Accessoires | Gilles Nicolas et Jank Dage.
    Costumes | Elise Dulac et Atelier du Théâtre National de Chaillot. Remerciements à Chrystel Zingiro.
    Production | Carolyn Carlson Company. Coproductions en cours | Théâtre National de ChaillotThéâtre Toursky Marseille, Ballet du Nord / Centre Chorégraphique National Roubaix Hauts-de-France, Equilibre Nuithonie Fribourg.

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  • Acosta Danza à Chaillot jusqu'au 18 mars

    carlos acosta,yaday ponce,raúl reínoso,pepe gavilondo,alisa pelaez,yaron abulafia,norge cedeño,thais suárez,niosbel gonzález,jenny peña,randy araujo,celia ledón,pontus lidberg,leo brouwer,stefan levin,karen young,patrik bogårdh,adrian silver,elizabet cerviño,maría rovira,pedro benitez,alexis fernandez,maca,kumar,kike wolf,josé white,omar sosa,vladimir cuenca,luis carlos benvenuto,jenny wheeler,emma maxwell,arnaud stephenson,josé acedo,yunet uranga,heian perón araujo,zeleidy crespo,enrique corrales,yasser dominguez,mario sergio elias,arelys hernandez,penelope moréjon,liliana menéndez,marco palominoLa danse est très certainement née d’une manifestation des sentiments, une trajectoire des émotions s’est extériorisée jusqu’à s’exprimer en mouvements : quand on est heureux, on danse, n’est-ce pas ? Cet adage, parfois oublié dans les arcanes de la danse et de ses initiés, est assurément celui de la compagnie de Carlos Acosta.

    Cuba. L’ile caribéenne écrasée par le soleil subit une histoire politico-sociale plus que mouvementée, cependant la musique et la danse ont toujours fait acte de résistance. Avec ses cabarets et ses grands orchestres, des styles musicaux puissants se sont créés et se sont répandus sur toute la planète, comme le Son, la Rumba, le Bolero, le Mambo, le Cha Cha Cha. Seulement, cette créativité s’est mise en sommeil dès 1959 lors de l'arrivée au pouvoir de Fidel Castro. Les cabarets de la Havane ont fermé, l’industrie touristique s’est éteinte et de nombreux artistes ont fui vers les États-Unis. Pour autant, la musique ne s’est pas complètement tue et la danse, même si elle s’est faite à pas feutrés, est resté dans les jambes, les hanches, les bras et les épaules. Avec les artistes, la danse et la musique ont voyagé, elles se sont enrichies d’influences portoricaines et d'intentions jazz et rock venues du fin fond des boîtes Newyorkaises jusqu’aux années 1990. Enfin, sur le territoire, malgré la chape de plomb posée sur la culture cubaine, la culture populaire a poursuivi son chemin, elle s’est étoffée et la salsa est née.

    Le danseur et chorégraphe Carlos Acosta, enfant de la Havane, a été remarqué en 1990 lors du Prix de Lausanne, ce fut le coup d’envoi d’une brillante carrière menée à travers le monde : English National Ballet, le Ballet national de Cuba, le Houston Ballet, l’American Ballet Theatre,… Il a signé des chorégraphies pour le Royal Ballet de Londres dont il a également été membre permanent et promu Principal Guest Artist en 2003.

    Depuis 2016, Carlos Acosta ne voyage plus seul, il a fondé Acosta Danza, des danseurs cubains formés aux rudiments de la danse classiques auxquels le chorégraphe infuse une technique contemporaine intiment liée à une danse cubaine, la recette est étonnante, gracieuse, profonde et dynamique. De la dualité de cette histoire cubaine, à la fois compliquée et passionnée, la compagnie Acosta Danza y puise une énergie hors du commun.

    Ils sont jeunes, ils sont beaux et ils sont déterminés à danser jusqu’au bout de la nuit !

    C’est à Chaillot, au Théâtre National de la Danse, que la compagnie cubaine fait une halte dans le cadre de sa tournée internationale. De jeunes chorégraphes offrent pour l’occasion des écritures contemporaines.

    On remarque les chorégraphe cubains. Raul Reinoso et sa pièce « Liberto » qui propose une très beau récit mêlant tradition, poésie et ésotérisme. Puis, « De Punta a Cabo », signé Alexis Fernàndez (Maca) et Yaday Ponce, transporte les interprètes et le public sur le Malecon de La Havane, la célèbre avenue du bord de mer, une véritable fresque cubaine, bourrée de charme et si vivifiante.
    La chorégraphe ibérique Maria Rovira dessine un solo « Improranta » d’une sensualité athlétique, féline, dont l’incroyable danseuse Zeleidy Crespo en fait une interprétation exceptionnelle. Enfin, le Suédois Pontus Lidberg affiche un style néo-classique dont les envolées jazzy font penser à la virtuosité de Balanchine, son « Paysage, Soudain, la nuit » est une sorte d’acte blanc, un hommage à l’esthétisme cubain extrêmement soigné, du sur-mesure pour la compagnie.

    100% Cuban est 100% réussi !

    Sur des musiques afro cubaines orchestrées par un savoir-faire électro qui prend tout son sens, ce melting pot de techniques qui passe de la rumba aux pointes révèle une maîtrise et un travail sensationnel de la part des danseurs de Carlos Acosta. La précision, avec laquelle les déplacements sont réglés, est très impressionnante, et - cerise sur le gâteau -Acosta Danza déploie une fougue et une joie de vivre/danser terriblement communicative.

    Laurence Caron

    Photo : Zeleidy Crespo performs Impronta (Johan Persson)
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  • Solstice par la compagnie Blanca Li au Théâtre National de Chaillot, jusqu'au 13 octobre

    blanca li,pierre attrait,yann arthus-bertrand,charles carcopino,tao gutierrez,laurent mercier,théâtre national de chaillot,yacnoy abreu alfonso,peter agardi,rémi bénard,jonathan ber,julien gaillac,joseph gebrael,iris florentiny,yann hervé,aurore indaburu,alexandra jézouin,pauline journé,margalida riera roig,gaël rougegrez,yui sugano,victor virnot,léa solomon,bachir sanogoPeut-être que Blanca Li a le même sentiment : la création chorégraphique a atteint ses limites. L’invention même du mouvement commence à se cogner aux quatre coins  du corps humain, il est de plus en plus fréquent d’avoir cette sensation comme si l’histoire se répètait un peu trop souvent en matière de danse contemporaine… La chorégraphe Blanca Li est différente, elle part au delà du mouvement, ne craignant pas d’abolir les frontières entre les genres, elle permet à la danse contemporaine de franchir les obstacles élitistes dressés par les aficionados du genre : « Solstice » à Chaillot le démontre à nouveau.

    Au départ, Martha Graham, Alvin Ailey et le hip-hop ont abreuvé les sources de la belle andalouse. La science du mouvement aussi vite dépassée, il a été question pour Blanca Li de dire des choses, des choses telles qu’elles sont, des choses sur le temps qui passe, des choses de la rue, des choses qui claquent, des choses de la vie en somme. Ce talent pour ce monde solaire, Blanca Li le projette dans des univers contrastés, des planches du Metropolitan Opéra au dernier clip publicitaire de Beyoncé. Blanca Li crée, comme une enfant qui dessine des paysages au stylo feutre avec cette sorte d’élan enchanté, une naïveté tendre infiniment attachante et une volonté farouche !

    Pour « Solstice », véritable ballet « engagé », le mouvement demeure essentiel mais il n’est que la composante d’une expression radicale qui se fond dans la musique et dans des chants envoûtants. La chaleur du soleil d’Afrique se confronte aux Océans déchaînés (filmés par Yann Arthus-Bertrand pour Human), et le ciel, un ensemble de tulles aériens, qui capte la lumière, n’a de cesse de venir mourir et renaître sur la Terre.

    Et puis il y a les danseurs, des danseurs-acteurs qui se débattent entre les éléments. Expressifs et épanouis, les personnalités fortes qui forment la compagnie de Blanca Li ne sont jamais gommées. C’est un déchaînement, du vent, des déserts, des tempêtes et des vagues pendant que le rétrécissement désespéré de la banquise se fait entendre à grands coups de percussions, la musique de Tao Guitierrez grave le ballet dans une matière brute. L’Humanité est en péril, Blanca Li nous le crie par sa danse. Inévitablement, de cette grande fresque écolo il est possible de tisser des liens avec les ballets de Béjart : l’engagement sincère, un certain goût pour la lutte, la synthèse du chant et de la danse, une sorte de mysticisme, une danse métissée et recherchée aux confins des danses tribales, et enfin le souci de plaire à un très large public. 

    A la fin du spectacle, Blanca Li invite son public à danser... Il était temps, dans les rangs du public de Chaillot, certains se trémoussent déjà sur leur fauteuil. A croire que la danse n’est finalement qu’un prétexte pour laisser libre cours à la générosité magnifique de Blanca Li. 

    Laurence Caron

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  • Light Bird ou L’invite - Luc Petton au Théâtre National de Chaillot, jusqu’au 13 mai

    La Salle Jean Vilar du Théâtre National de Chaillot s’est tranformée en volière, un voile délicat sépare la scène des rangs des spectateurs comme une invisible frontière volontairement tendue entre l’aérien et le terrestre.

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    Light Bird@Virginie Pontisso 

    Une danseuse aux longues jambes articule ses déplacements selon les flexions de son long port de tête, le rythme est gracieux, raffiné et follement interéssant. La musique aux instruments chantants de Xavier Roselle s’empare de l’espace sonore dans un naturel déconcertant. Les danseurs, Sun-A Lee, Yura Park et Gilles Noël s’avancent nullement encombrés par leurs ailes de géants (pour contredire Baudelaire), ils s’oub

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  • Le Dernier Testament au Théâtre National de Chaillot, jusqu'au 3 février

    olindo bolzan,stéphane facco,gaël kamilindi,lou de lââge,jocelyn lagarrigue,nancy nkusi,morgan perez,philippe berthomé,stephan zimmerli,marc lainé,mélanie laurent,ledernier testament,théâtre national de chaillotS’emparer du best-seller américain Le Dernier Testament de Ben Zion Avrohom de James Frey était un sacré défi.
    Mélanie Laurent l’a fait, approprié, adapté, mis en scène et enfin livré en pâture au public et à la critique. Un mets de choix.

     

    Top of the pop

    Mélanie Laurent sait bien s’entourer : Marc Lainé et Stephan Zimmerli à la scénographie, et Philippe Berthomé à la création lumière. La belle actrice, et réalisatrice engagée, s’est aussi très bien inspirée, en mettant en scène ce qui se fait de mieux mais en omettant aussi que ce qui est attendu est aussi ce qui a déjà été vu. Le Théâtre ne fait pas de cadeau. Dans le foisonnement des propositions contemporaines des théâtres subventionnés, il est difficile de se distinguer. Ils sont nombreux à bousculer les codes, à faire bouger les lignes. Quant aux mises en espace scéniques, cet apparent dépouillement -très fréquent- il est le signe d’une époque en crise ou sorte de provocation face à une société archi matérialiste, le grand écart est périlleux, il faut tenir l‘équilibre pour éviter de tomber dans le médiocre : ‘ce qui est à la mode’. Cet équilibre là, Mélanie Laurent le tient, même si cela vacille un peu…

    Comme un air de déjà vu

    La terre battue qui couvre le plateau de la salle Jean Vilar de Chaillot n’est pas aussi noire que celle que l’on a vu se soulever sous les pas des danseurs de Pina Bausch quand ils ont célébré Le Sacre du Printemps, pour la première fois en 1975. Comme pour le tournage d’un film, des projecteurs marquent l’espace du plateau de Chaillot, dans un coin une petite table en formica, croulant sous les livres, a ce je ne sais quoi de chiche, un rien bobo chic, un peu comme cette petite salade bio ornée d’une demie tranche de saumon, sur le bord du canal Saint-Martin, et qui allège le budget autant qu’une semaine de courses pour quatre personnes… Très poétiques enfin, les effets vidéo recherchés et joliment conçus sont soutenus par un accompagnement musical minimaliste opposé à des envolées pianistiques plutôt lyriques comme issues d’un film de Jane Campion. 

    Voici, la bienveillance du Théâtre subventionné au décor faussement déshabillé, « façon épure », tout en nous mâchant le travail : s’il s’agit d’un enfant on entend son rire, si les anges sont évoqués on entend leurs chants qui flottent au dessus du public. Et puis, une petite sphère bleue descend des cintres, la Terre paraît si dérisoire, autant que ce ciel d’ampoules à filament, digne du rayon électricité au complet du BHV, qui prend l’allure d’une voie lactée aux âmes évaporées… 

    Le mieux est l’ennemi du bien

    Les comédiens : Olindo Bolzan, Stéphane Facco, Gaël Kamilindi, Lou de Lââge, Jocelyn Lagarrigue, Nancy Nkusi et Morgan Perez sont remarquablement bien dirigés par Mélanie Laurent, ils ne semblent pas du tout effrayés par la taille du plateau de Chaillot. L’adaptation, conçue avec Charlotte Farcet, est floue dans la première partie du spectacle, les comédiens sont les narrateurs de l’histoire avant de l’interpréter. Puis, quand enfin l’action prend le pas sur le récitatif, les comédiens se révèlent, il y a des fulgurances, de la tendresse, des petites trouvailles amusantes, des idées que l’on sent prêtes à émerger et puis : « à trop vouloir analyser, on tue l’émotion »*, c’est peut-être ce qu’il s’est passé…

    De l'amour à donner

    C’est une étrange idée que d’être allé chercher ce messie américain, pour une première fois au Théâtre, il n’était peut-être pas nécessaire d’aller aussi loin pour exprimer des choses qui sont si près du coeur ? La tolérance, l’amour, la religion, la vie, la mort, la sexualité, l’Humanité toute entière dans la lorgnette de James Frey n’était sans doute pas le meilleur angle de vue. Au Théâtre, la simplicité n’est pas quelque chose que l’on montre. Les beaux sentiments de Mélanie Laurent se sont encombrés, à vouloir bien faire souvent on en fait trop, la jeune star devrait plus avoir confiance en son instinct, comme elle le montre déjà dans son jeu d’actrice. Le Dernier Testament est un beau message d'amour et un Théâtre qui laisse entrevoir des instants encore bien plus forts pour l'avenir. Vivement la prochaine étape !

    Laurence Caron

    *citation Jean-Loup Sieff

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  • Contact, compagnie DCA, Philippe Decouflé au Théâtre National de Chaillot jusqu'au 6 février

    contact6.jpgLa grande maison de la danse contemporaine, le Théâtre National de Chaillot, invite à prendre «CONTACT» avec la compagnie DCA de Philippe Decouflé.

    Il a été dit qu’il s’agissait d’une comédie musicale, d’un genre un peu hybride... pas tout à fait ; voici plutôt un "spectacle dans le spectacle", un show dingue, un cabaret sauvage, drôle, étonnant, touchant : le contact est établi.

    De la très belle danse mais aussi du théâtre, du cirque, de la musique, des costumes...
    Sur un fond de décor années 20, Broadway ouvre ses portes par une pantomime de claquettes, puis Faust soigne une entrée magistrale, sur ses talons Marguerite soupire. Aussitôt, ils sont rejoints par un danseur, ou plutôt une chanteuse, peu importe, un artiste donc, qui entame un numéro bientôt interrompu par un élan dramaturgique venu d’ailleurs, peut-être

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  • NOW de Carolyn Carlson, au Théâtre national de Chaillot : le sens de l'harmonie.

    NOW s’écrit et se crie par la compagnie de Carolyn Carlson sur la scène du Théâtre National de Chaillot, son hôte pour ces deux prochaines années.

    carolyn carlson,théâtre national de chaillot

    Cette fois, la belle américaine s’est inspirée de la prose, philosophique et littéraire, de Gaston Bachelard, pour animer sa compagnie qu’elle souhaite : «ruche, espace de créativité et de liberté au sein duquel s’entrelacent geste et pensée poétique». Le dessin est toujours aussi beau, serein, il s’agit de percevoir l’espace, de l’apprivoiser sans le dompter, de l’épouser sans le contraindre. 

    L’art de Carolyn Carlson ne s’exprime pas uniquement par la danse, mais aussi par le son, la voix, une certaine théâtralité. Il y a toujours la musique, particulière, fluide, de René Aubry, qui se fond à la chorégraphie de façon indissociable.
    Les gestes semblent moins aériens qu’à leur habitude, il est question d'introspection, mais les danseurs s’élancent, sautent,

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  • LA FRESQUE jusqu'au 22 décembre au Théâtre national de la Danse Chaillot

    theatre national de la danse,chaillot,mirea delogu,nuriya nagimova,anna tatarova,yurié tsugawa,marius delcourt,antoine dubois,victor martinez caliz,fran sanchez,jean-charles jousni,leonardo cremashi,angelin preljocaj,ballet preljocaj,dany lévêque,natalia naidich,Éric soyer,constance guisset,nicolas godin,azzedine alaïaIl était une fois en Chine deux voyageurs, qui, un jour de tempête, trouvent refuge dans un temple. Ils découvrent alors, sur l’un des murs, une fresque magnifique représentant un groupe de jeunes filles. Le voyageur nommé Chu tombe éperdument amoureux de l’une d’elles. Pour rejoindre l’objet de sa flamme, il traverse le tableau...  

    Il n’est pas forcément très utile de connaître l’histoire pour comprendre le spectacle. Angelin Preljocaj raconte, non pas avec des mots, mais avec les corps et l’invisible. Un langage puissant qui bouleverse les cœurs. 

    La mise en espace de Constance Guisset déploie d’étranges tentacules, effilochements savants ou cheveux éparpillés, ces éléments évanescents soulèvent les interprètes, un ballet aérien décolle de la scène. Le parti pris pour le noir de la nuit méprise un peu les yeux des spectateurs, ce sont les lumières de l’air du temps, parfois très blanches et pour ici noires, une contemporanéité voulue souvent par les scénographes (sur les scènes ou dans les lieux d’expositions) qui commence à devenir vraiment lassante ces dernières années. Mais peu importe les ardents danseurs de Preljocaj brillent. La Compagnie d’Aix-en-Provence se coule dans les soyeux costumes d’Azzedine Alaïa. L’apesanteur a gagné l’immensité de Chaillot.  La mise en sons électro de Nicolas Godin (groupe Air) enveloppe l’atmosphère dans une évidence, la musique naît de la dramaturgie chorégraphique. Pour respirer, précieusement, des silences s’installent, des laps de temps courts, forts, indispensables et respectueux, afin de saisir la beauté des tableaux proposés. 

    Les créations d’Angelin Preljocaj, notre chorégraphe français échappé du Pays des Aigles, se réinventent à chaque fois. Les personnalités fortes qui composent la compagnie de Preljocaj n’ignorent rien des intentions de leur directeur et répondent en un écho parfait à ce flot de sentiments intarissable. L’air est un élément de coordination du mouvement à part entière, il n’y a jamais de vide, Preljocaj montre l’invisible. La passion amoureuse demeure au centre des préoccupations de Preljocaj, quelques pincées d’humour sont saupoudrées, et relevées par des clins d’œil pop comme ce tableau tonique dont la rythmique est certainement un hommage au désormais très classique Thriller de Mickael Jackson. La construction poétique de Preljocaj est complexe et pourtant l’évocation laisse une impression de fluidité et de simplicité apparente. La chorégraphie et la théâtralité se fondent l’un dans l’autre, tout est compréhensible, lisible. Les sentiments prennent forment et les soupirs se matérialisent.

    Le rêve, toujours le rêve. L’amour, toujours l’amour. Voir de ses yeux et ressentir de partout ce qui appartient au domaine de l’imperceptible est une expérience inoubliable, c’est encore une fois la promesse tenue par Angelin Preljocaj. Pour tous, à partir de 9 ans.

    Laurence Caron

    A lire  aussi :

    "ROMÉO ET JULIETTE" AU THÉÂTRE NATIONAL DE CHAILLOT EN 2016

    "RETOUR À BERRATHAM" AU THÉÂTRE NATIONAL DE CHAILLOT EN 2015

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  • ”Roméo et Juliette” au Théâtre National de Chaillot, jusqu'au 24 décembre

    angelin preljocaj,prokofievDéjà, il y a la musique de Prokofiev. Si colorée, si vivante, il est aisé de comprendre pourquoi une somme éhontée de compositeurs s'est inspirée à grandes brassées de ces oeuvres éblouissantes.

    La tragédie antique gravée dans le marbre par Shakespeare est le passage obligé en matière de création, l’exercice de style n’échappe pas aux auteurs dramatiques, aux compositeurs (pas moins de vingt-quatre Opéras) autant qu’aux chorégraphes. L’entreprise s’avère en réalité des plus ardues, se frotter à toutes formes de comparaisons est bien ce qui est de plus risqué et parfois aussi de plus ingrat.

    Le génial chorégraphe Angelin Preljocaj s’est aventuré sur ce terrain avec une sorte d’insolente innocence, la première fois en 1990 avec le Ballet de Lyon avant d’être rejoint par Enki Bilal en 1996 à Aix-en-Provence. Depuis, le spectacle s’est fait voir, entendre, applaudir et a été encensé par les plus attentifs d’entre nous.

    angelin preljocaj,prokofievJusqu’au 24 décembre 2016 sur la scène de Théâtre National de Chaillot, le décor monumental prend place, il est à son aise, les lumières s’obscurcissent pour emmener le spectateur sous un régime dictatorial avec son lot d’arrogance, de violence, de crainte, et de suspicion. Les personnages sombres et muets racontent avec leurs corps l’histoire des amants maudits. La talentueuse compagnie d’Angelin Preljocaj écrit la chorégraphie comme on choisit des mots. Angelin Preljocaj est un conteur d’histoires, des histoires d’Amour surtout. Sur les rives extrêmes d’un romantisme foudroyant, les pas de deux qui unissent ces êtres rappellent évidemment les tournoiements et abandons passionnés de l'inoubliable Le Parc (1994). Comme une vague, une sensualité envahit le plateau de Chaillot et remonte les rangs serrés du public pour submerger tout à fait la salle. Preljocaj commande aux frissons avant de faire couler les larmes. L’intention est exacte et d’une justesse incroyable, il n’y a pas un instant ou l’intensité ne se perd. Il s’agit bien d’amour, un amour pressé, sincère, emporté, ce genre d’amour qu’il faudrait avoir vécu au moins une fois même si c’est pour en mourir…

    Ce soir là, Jean-Charles Jousni, le Roméo de Preljocaj est dans la pleine puissance de sa jeunesse, un acrobate virtuose absolument convaincant, il aime une Juliette fantasque, gracile et forte, souple et cassante, Emilie Lalande est magique, une Etoile rare, elle apparaît comme dans un rêve, l’interprète a fait abstraction du monde matériel pour nous traduire ce qui est impalpable. Divine.

    Cet émouvant Roméo et Juliette demeure un vibrant hommage au ballet classique, sans rien renier Angelin Preljocaj en extrait la substantifique moelle, l’essentiel est là, d’une efficacité redoutable. Les ensembles de danseurs, lors de la scène du bal notamment puis lors des affrontements, font sensiblement penser aux envolées lyriques dessinées par Jérôme Robbins dans West Side Story, une sorte de dédicace qui prend l’air d’une élégante révérence.  

    Sans contexte, Angelin Preljocaj a cette particularité, tout à fait singulière à ses créations, qui consiste à faire naître les sentiments amoureux par l’expressivité du corps. Assurément bouleversant par sa beauté et son intensité, ce "Roméo et Juliette" est inscrit profondément dans le répertoire de la danse contemporaine du 21ème siècle, et comme souvent pour ces pages historiques de la danse, c'est à Chaillot que cela se passe. Magique et magnifique. 

    Laurence Caron

    photo (C) JC Carbonne 

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  • Carmen(s) de José Montalvo à Chaillot, jusqu'au 24 février

    « J’aime Carmen parce que cette pièce solaire me permet de réfléchir à des questions qui me taraudent : l’immigration, les valeurs du métissage, l’enfance. » José Montalvo

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    La Carmen de Prosper Mérimée, hissée en personnage mythique par Georges Bizet (selon le livret de Meilhac et Halévy), est un prétexte pour José Montalvo. L'héroïne se divise en déesse aux multiples talents. Une symbolisation énergique et dramatique pour traiter de la condition féminine et de toutes les femmes en général, et aussi pour aborder, très poétiquement, les migrations des peuples oubliés. 

    Sur la largeur de la scène s’étend une vaste création vidéo. Ce qui sépare le réel de la fiction s’est évanoui, des artistes voyageurs se chargent de guider le public dans ce nouveau monde, sans frontière. L'espace du Théâtre National de Chaillot s'est ouvert sur l'infini. 

    Près des remparts de Séville
    La danse de Montalvo, façonnée de classique et de contemporain, est toujours métissée. L’Orient et l’Occident fusionnent tout en préservant et révélant l’identité et les particularités des cultures. Hip hop savant et aérien, flamenco rythmé et sensuel, danse coréenne appliquée et douce, danse africaine endiablée, capoeira acrobatique, entre autres, les artistes choisis par Montalvo dansent comme ils chantent. Ils sont musiciens, par des échappées rythmiques de peau tendues, de vibrantes castagnettes ou d’enivrant neyanban (sorte de cornemuse perse), la troupe aux personnalités bien distinctes construit le récit avec une sincérité et une joie de vivre communicative. Il suffirait d’un mot pour que le public soit invité à danser et bondisse sur scène. Il faut l’avouer, tant de générosité et tant d’optimisme sont suffisamment rares pour être totalement bouleversants.

    Si tu ne m’aimes pas, je t’aime, et si je t’aime, prends garde à toi !
    De l’amour, José Montalvo sait en parler car finalement il s’agit de cela.
    A l’heure où notre Monde prend encore difficilement conscience que les Droits de l’Homme doivent s’appliquer à tous les hommes, et qu’ils concernent aussi les Droits de La Femme, José Montalvo ne fait pas que s’inspirer, il inscrit un témoignage social et politique qui fait du bien à l’âme. 

    Laurence Caron

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  • Triple Bill #1 / Jann Gallois / Kader Attou / Tokyo Gegegay à Chaillot jusqu'au 21 septembre

    hayate,japonismes 2018,jona,katsuya,skyo,takashi,munetaka maki,régis baillet,jann gallois,kader attou,theatre national de chaillot,tokyo gegegayBboying, c’est le terme un peu plus hype. Celui couramment utilisé aux Etats-Unis, pour designer le breakdance. L'heure est au Hip-Hop ce soir là au Théâtre National de Chaillot sous le signe de «Japonismes 2018». Cet événement culturel a été voulu en mai 2016 par le Président François Hollande et le Premier Ministre Shinzo Abe, afin de marquer les 160 ans de relations diplomatiques entre entre leurs deux pays.

     

    Deux premières pièces créées à Yokohama par deux chorégraphes Français attaquent la soirée.

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    « Reverse » de Jann Gallois ouvre la battle entre contemporanéité et technicité bboying (Head Spin, Chair Freeze, ...). La chorégraphe plaque les têtes au sol de ces cinq formidables danseurs japonais. D’étonnants déplacements de corps vissés au plateau font penser à la fluidité précieuse des petits pas qui glissent sur la paille de riz sous les lourds pans des kimonos. L’inspiration est japonisante et contemporaine, avec cet étrange rythme qui rappelle les déplacements du jeux video Tetris, sorte de puzzle aux combinaisons infinies. Une composition collective rectangulaire, binaire, puis circulaire, enfin sensiblement humaine…  

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    Sur la création musicale de Régis Baillet, la pièce Yoso, avec les mêmes interprètes, Hayate, Jona, Katsuya, Skyo et Takashi, est dessinée par Kader Attou. Inspiré par le Godai (désignant les cycles naturels du corps et du monde), le chorégraphe révèle un peu plus les personnalités des danseurs. La danse est libre, dénouée, comme improvisée. Danse miroir des quatre éléments, la terre, le feu, l’eau et le vent, le tableau est poétique et terriblement vivant.

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    La troisième partie est un saut dans un Japon radicalement pop. Le groupe de quatre danseuses et chanteuses mené par Munetaka Maki a remporté le «Danse@Hero Japan» en 2013 au sein du concours du programme de télévision japonais «Dance@TV». Depuis, élevé au rang de star internationale en explosant aussi bien les frontières du Japon que leur nombre de vues sur youtube, le Tokyo Gegegay  règne sur le hip-hop. C’est prouvé ce soir là. La scène Firmin Gémier de Chaillot chauffe, le public est subjugué. L’enthousiaste et talentueux Tokyo Gegegay embrouille les esprits les plus avertis en matière de danse contemporaine, un remue-méninges indispensable pour aborder cette saison avec un esprit nouveau, frais et ouvert.

    C’est à la directrice artistique de la Triennale de Yokohama Dance, Dominique Hervieu, que l’on doit cette riche initiative. Un adroit croisement de cultures qui hisse des œuvres populaires au même niveau que d’autres plus pointues. Un exemple à suivre.

    Laurence Caron 

    (Photos Kota Sugawara)

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  • Nederlands Dans Theater /NDT 2 - Ekman / Goecke / Leon & Lightfoot au Théâtre National de Chaillot

    jiri kilian,nederlands dans theater ndt 2,ekman,goecke,leon & lightfoot,théâtre national de chaillot,danse contemporaineD’abord il y a Alexander Ekman. Après avoir transformé le Théâtre des Champs-Elysées en un Lac des Cygnes profond de 20 cm d’eau en 2014 (« Swan lake »), le chorégraphe suédois a été définitivement adopté, en faisant jouer les danseurs de l’Opéra de Paris dans une marée de petites balles vertes dans la fosse du Palais Garnier en décembre 2017 avec « Play ». Le microcosme hype de la danse contemporaine éclairée avait été conquis, pourtant «Play» avait révélé une chorégraphie peut-être trop minimaliste (pour ne pas dire simpliste) comparé aux prouesses techniques et d’interprétation dont est capable le Ballet de l’Opéra de Paris… Pour « Fit », sur la scène de Chaillot l’histoire est tout à fait différente. Tout prend sens, la façon de décortiquer le mouvement, cet humour élégant, cet enthousiasmant sens ludique de la mise en scène et cet esthétisme ravageur, jusqu’à ces costumes fondus sous d’élégantes vestes noir soutenues par des jupons de tulles pour un ensemble non genré.

    Les danseurs du NDT2 sont une pâte malléable à souhait pour Ekman. Le tableau tient en moins de trente minutes et fait entrer dix-huit danseurs. Selon Ekman « FIT » est un « puzzle » qu’on emporte avec soi dans des volutes de fumées blanches pour y penser encore longtemps après.  

    Moins lumineuse mais tout aussi éclairée, la proposition « Wir sagen uns dunkles » de Marco Goecke fait se côtoyer Schubert et Placebo avec une évidence nouée par une chorégraphie exigeante, hachée, rapide, les très jeunes danseurs sont connectés. Scintillantes sur le flottement des pantalons de costumes, les fines lumières de Udo Haberland creusent les muscles et les articulations pour en dessiner un alphabet savant issu d’un langage des sentiments.  « Aujourd’hui, mes sentiments appartiennent plus que jamais aux danseurs » dit le chorégraphe allemand, on veut bien le croire. Toute la complexité de ce ballet plonge au cœur de l’intime. 

    Cette soirée chorégraphique qui peint la couleur des sentiments atteint le comble du romantisme avec Sol León et Paul Lightfoot. Le couple anglo-espagnol était déjà là au NDT il y a trente ans, à l‘époque où Jiri Kylian tenait les rênes. A sa suite, ils ont entretenu le plus fidèlement possible l’héritage de Kylian en maintenant la compagnie au plus haut niveau de la danse contemporaine. 

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    « Signing off » n’a rien à envier aux plus grand pas de deux du ballet classique, les couples se soudent si bien, les jambes glissent le long des bras (à moins que cela soit l’inverse) dans une sensualité qui entre en résonance avec les accents tragiques de la musique de Philip Glass. Tout est en virtusosité. Malgré l’immobilité résignée du spectateur tenu entre les accoudoirs de son fauteuil, le cœur s’accélère, le souffle se suspend, comme pour mieux ressentir, voir et entendre. Le fond du décor tendu d’étoffe noir avance, il voudrait transformer le réel, happer ce qui est pour l’emmener vers un ailleurs. Magique… 

    Les très jeunes danseurs du Nederlands Dans Theater "2", le corps de ballet qui prépare les recrues à intégrer la NTD 1, ont le talent de resituer l’œil du spectateur là où il doit être. Tout est exactitude. La justesse d’interprétation et l’exigence inouïe du mouvement en font certainement une des plus belles compagnies au monde. 

     Laurence Caron

    Photo "Signing Off" de  Sol Leon et Paul Lightfoot  crédit photo : Rai Rezvani.

    Jusqu'au 19 mai 2019.

     

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  • Quatrième Biennale d’art flamenco à Chaillot, jusqu’au 13 février 2020

    david coria,david lagos,hodierno,alfredo lagos,juan jiménez,daniel muñoz,artomatico,gloria montesinos(a.a.i.),paula comitre,florencia o’ryan,theâtre national de chaillot,flamenco,biennale d’art flamenco,biennale de sévilleDepuis dix ans le flamenco est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco, il était naturel que le Théâtre National de Chaillot, toujours à l’écoute des dialogues inter-culturels surtout s’ils conversent avec la danse contemporaine, dédie une large page au flamenco. Ainsi, ce dimanche 26 janvier, la Quatrième Biennale d’art flamenco a fait darder les rayons du soleil sévillan sur les 1 200 spectateurs de la salle Jean Vilar de Chaillot.

    Terre d’union entre la mer Méditerranée et l’océan Atlantique, rencontre de l’Orient et de l’Occident, l’Andalousie est la terre d’origine du Flamenco. Ancrée dans cette pure tradition, Fandango! ouvre le bal, une création de David Coria. Aux côtés de David Lagos, interprète absolu du cante d’hier et d’aujourd’hui, David Coria crée sa première chorégraphie, le danseur de 35 ans mène la danse d’une petite troupe terriblement passionnée.  Avec une constante accélération du tempo, le zapateado se déchaîne, les castagnettes s’envolent tandis que la guitare flamenca laisse volontiers la place à Stravinsky ou à la musique électronique sans craindre aucun ombrage.

      David Coria,David Lagos,Hodierno,Alfredo Lagos,Juan Jiménez,Daniel Muñoz,Artomatico,Gloria Montesinos(A.A.I.),Paula Comitre,Florencia O’Ryan, theâtre national de chaillot,flamenco,Biennale d’art flamenco,biennale de séville

    La danse de Coria est intense, hommes et femmes partagent l’histoire espagnole marquée par la tragédie de la guerre d’Espagne avec la même ferveur celle d’un peuple fier et soudé. L’équilibre, entre la tradition ancestrale et la contemporanéité d’une danse aux abords abruptes, est adroit. La justesse et la simplicité apparente du mouvement, éminemment terrien, transmet des sentiments d’une terrible sincérité. Quant à David Coria, outre son talent de danseur et de chorégraphe, la présence scénique d’el bailaor révèle un magnétisme formidable.

    Cette Quatrième Biennale s’annonce sous le signe de la créativité et de l’authenticité. Après David Coria et David Lagos, la Biennale d’art flamenco de Chaillot va offrir six spectacles : Ana Morales, Eva Yerbabuena, Olga Pericet, Rocío Molina, Tomatito, Andrés Marin et Marie-Agnès Gillot. Une pléiade d’artistes aux tempéraments de feu et aux parcours différents. Ce parti pris de programmation est conçu conjointement avec la Biennale de Séville et fait la promesse de maintenir l’art flamenco dans un art chorégraphique résolument intemporel.

    Un voyage à prolonger assidument jusqu’au 13 février.

    Laurence Caron

    Photo Jean-Louis Duzert

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  • LIGHT BIRD de Luc Petton, en tournée (après sa création au Théâtre National de Chaillot), les 2 et 3 octobre à la Maison

    "...Luc Petton est en Maître, il sait regarder les vides et écouter les silences, les préceptes des Arts martiaux ne le quittent pas lorsqu’il accueille avec respect les grues de Mandchourie,  adversaires et partenaires de combat. L’instant est intense, unique. Les oiseaux et les Hommes sont soumis aux dimensions de l’imprévisible, la communication entre les deux s’établie, ou pas, seule la rencontre compte..."

    Lire l'article ICI.

    Maison de la Culture d'Amiens.

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  • Density 21.5, Carolyn Carlson

    Un cadeau. A découvrir ICI sur Numeridanse.tv.

    Créé en 1973 à l'Opéra Garnier, quelques extraits du somptueux Density 21.5, créé et interprété par Carolyn Carlson. 

    Récemment, ce solo a été merveilleusement bien interprété par Isida Micani (accompagné par Timon Nicolas à la flûte) au Théâtre national de Chaillot en février 2016. 

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  • Planet [wanderer] au Théâtre National de la Danse, jusqu’au 30 septembre

    damien jalet,kohei nawa,tim hecker,yukiko yoshimoto,xavier jacquot,alexandra hoàng gilbert,catalina navarrete hernández,shawn ahern,kim amankwaa,aimilios arapoglou,francesco ferrari,vinson fraley,christina guieb,astrid sweeney,ema yuasa,thÉÂtre national de la danse,chaillot,planet wandererEn un élan, le public se soulève, les gradins de Chaillot grondent, des cris, bravos et hourras, s’ajoutent aux applaudissements. Enfin ! Enfin ! Du neuf !

    Comme son titre l’évoque, il est question de planète, la Terre et les matières minérales qui la composent, palpables, le quartz, l’argile ou le calcaire. Les entrailles de cette Terre dont nous nous extirpons pour naître, et dans laquelle on nous enterre ou bien on y mêle nos cendres pour disparaître. Une terre sombre et brillante, douce et rugueuse, créatrice et destructrice, inspirante et expirante. L’esthétique créatif du plasticien Kohei Nawa et la puissante chorégraphie de Damien Jalet se fondent en un seul et même désir. Énergique, radical, il est question de spectacle véritable comme on en voit peu. La formidable musique de Tim Hecker, électronique et humaine, infuse un liant qui va de soi entre visible et invisible. Les corps se tordent, se plient, chahutés par les caprices du temps celui du ciel ou des horloges.


     

    Les interprètes athlétiques, sculpturaux, ne se laissent pas impressionner, ces hommes et femmes du genre humain pourraient aussi incarner des dieux et déesses de l’Olympe. La performance est impressionnante, les artistes révèlent une danse intense qui fait oublier totalement les contraintes anguleuses du corps pour rejoindre les courbes naturelles et élémentaires de la nature. Qu’il s’agisse du déferlement des vagues ou de la course des nuages, la vie s’inscrit dans un mouvement constant. Notre galaxie navigue à plus de 2 millions de kilomètres par heure, une vitesse et une force qui puisent très certainement ses ressources dans les mêmes origines que l’art, c’est en tout cas ce qui est prouvé ce soir-là à Chaillot.

    Il est aujourd’hui temps de retrouver la définition même du spectacle : un monde qui va au-delà, la vie en somme mais en mieux. Un moment où il ne faut pas chercher à percer les mystères, mais où il est recommandé d’éveiller les sens, afin, à coup sûr, d’inscrire dans tout son corps et dans ce qui l’anime, un souvenir pour la vie. Cette création mondiale est un événement immanquable, installée jusqu'au 30 septembre à Chaillot, puis en tournée.

    Laurence Caron

    En tournée : Amsterdam, International Theater Amsterdam 7 et 8 octobre 2021  ; Rouen, Opéra de Rouen Normandie 13 octobre 2021 ; Sankt Pölten, Festspielhaus St. Pölten 4 décembre 2021 -; Cannes, Palais des Festivals et des Congrès 11 décembre 2021 ; Rennes, Théâtre National de Bretagne 12 au 15 janvier 2022; Taipei, National Performing Arts Center - National Theater and Concert 25 au 27 mars 2022 ; Kyoto, ROHM Theatre 28 et 29 avril 2022  ; Tokyo, Tokyo Metropolitan Theatre 4 au 6 mai 2022  ; Hong Kong, Kwai Tsaing Theatre 27 et 28 mai 2022.

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  • Trisha Brown, sophisticated lady

    C’était hier soir, ma première fois. J’ai découvert les chorégraphies de Trisha Brown sur la scène du Théâtre National de Chaillot. Etrangement, je n’avais jamais rien vu de son travail «dans les conditions du direct». Ainsi, j’étais en alerte. Les photographies, quelques vidéos, et sa renommée de grande prêtresse post-modern de la danse américaine, ont éveillé mon appétit d’amatrice de danse contemporaine.

    Fidèle à mes habitudes, je n’ai rien lu en amont : ni programme, ni flyer et encore moins de dossier-presse. Enthousiaste, je me suis installée, dans les gradins verticaux de Chaillot, intacte, quasi pure...

    trisha brown

    «Ne regardez pas ce que vous faites, faites-le !»

    La soirée commence par un solo Watermotor datant de 1978. Les membres se délient, élancés, avec une grande vélocité. Il y a quelque chose de Twyla Tharp, un petit coup de hanche, le torse qui se déroule et les bras qui s'envolent, c'est un peu pop, un peu jazz, sauf que la musique de Paul Simon ne démarre pas. Les gestes sont beaux, le danseur se noue et se dénoue, l’épuisement du danseur est perceptible... Déjà, je redouble de concentration, je ne suis pas très à l'aise, pas vraiment d'émotion, cela me manque. La performance est applaudi, c'est un soir de première.

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    Deux oiseaux on imagine, plutôt deux danseuses, suspendues à des fils invisibles traversent l’espace scénique. Les cintres deviennent maîtres d’enchaînements savants. Sur un dessin de Trisha Brown exposé en toile de fond, il y a beaucoup de poésie, la légèreté gagne le public et nous rions des facéties de ces voyageuses aériennes. Voici la fameuse première européenne, Les Yeux dans l’Ame, inspirée des parties dansées de l’opéra Pygmalion de Rameau mis en scène en 2010 par Trisha Brown. Sauf que la musique baroque pour accompagner la danse contemporaine, je crois que j'en ai assez soupé. Nos oiseaux se sont définitivement envolés et les pas de deux s'enchaînent, répétitifs, et puis, à nouveau, compliqués, tortueux, toujours très esthétiques, mais trop... En fait, j'aurai préféré continuer à voler car il y a là une matière que l'on souhaiterait que la chorégraphe explore encore et encore.

     

    Opal loud/ Cloud Installation, crée en 1980, l’oeuvre inscrit le travail de la chorégraphe dans une modernité absolue en liant son travail avec le plasticien Fujiko Najaka. Un nuage de vapeur d’eau modèle les gestes élégants des danseurs, le rythme sonore est marqué par les mouvements de la machine, l'univers est onirique, mais moi je ne rêve pas. La pièce me semble longue... Je suis très agacée de ne pas être touchée parce ce que je vois.

     

    « ... explorer et développer des idées autour de la sculpture, de la calligraphie et de corps noués. Les danseurs manipulent une personne passive pour lui donner la forme d’un noeud et déplacent cette masse sculpturale ailleurs » 

    I’m going to toss my arms ; if you catch them, they’re yours est la création tant attendue, celle qui crée l'émulation autour de l'ouverture de saison, de la très raffinée programmation, du Théâtre National de Chaillot. Des ventilateurs sont installés côté jardin et donnent, par leur rondeur, une idée assez sensuelle de l'intention chorégraphique (pour le public, la fraîcheur apportée par les machines est la bienvenue). Pour la scénographie et le concept sonore, Trisha Brown a rallié Burt Barr, son compagnon dans la vie. Les danseurs entament des élans multiples, parfois contradictoires, ils attrapent l'air, l'abstraction continue a règner. 
    «Trop de notes, Mozart » aurait dit Joseph II, j'oserais dire "trop de mouvements", la complexité de l'écriture chorégraphique semble bien loin de la volonté de dépouillement des Forsythe, Prejlocaj, Baush et Mats Ek, qui me plaisent tantSans aucun doute, l'ensemble des arts visuels anime Trisha Brown dans sa démarche artistique, elle crée sa danse par autant de coups de pinceaux qu'un impressionniste. Son travail semble animé par une recherche de la perfection, tout répond à une norme esthétique irréprochable, comme ces accompagnements sonores et ces costumes légers aux couleurs justes. Et pourtant, je reste perplexe... je crois que la notion de "concept" a empêché mon émotion de naître. 

    Hier soir, il n'y a pas eu de standing ovation, c'était une création ...

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    Trisha Brown comptabilise aujourd'hui plus de quatre-vingt dix pièces à son répertoire, elle se produit dans le monde entier et est reconnue pour son œuvre visuelle - Dokumenta de Kassel en 2007. De nombreuses expositions lui sont régulièrement consacrées. J'ai découvert qu'elle collabore avec Rauschenberg dont j'admire particulièrement l'oeuvre.

    Laurence Caron-Spokojny

     

    Du 5 au 14 octobre 2011 au  Théâtre National de Chaillot

    Rendez-vous sur le site de La Compagnie Trisha Brown, les photographies sont somptueuses. 

     

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  • L'infaillible beauté du mouvement dessiné par Angelin Preljocaj dans «Retour à Berratham » au Théâtre National de Chaill

    Angelin Preljocaj,Laurent Mauvignier,Retour à Berratham,Emma Gustafsson,Niels Schneider,Laurent Cazanave,Cécile Giovansili-Vissière,théâtre national de chaillot,Adel Abdessemed,Cette année, la création d’Angelin Preljocaj «Retour à Berratham» a été présentée dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes du Festival d'Avignon. À son tour, le Théâtre National de Chaillot invite, jusqu’au 23 octobre, l‘œuvre tripartite du chorégraphe Angelin Preljocaj, de l’écrivain Laurent Mauvignier et du plasticien Adel Abdessemed.

    « L’histoire débute là où une pièce de guerre se terminerait », écrit Laurent Mauvignier. Aux yeux d’Angelin Preljocaj, il s’agit surtout d’une quête, celle de ce jeune homme qui revient à Berratham à la recherche de celle qu’il aime, Katja. Il ne reconnaît plus rien. Et en cherchant Katja, il se retourne sur son enfance, son passé. 

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    Les sentiments palpitent, s’enchaînent et se déchaînent, à très grande vitesse en temps de guerre, les Hommes se retranchent dans leurs instincts les plus vils ou bien ils s’approchent du sublime. Le sujet est hélas à conjuguer au passé, au présent, mais aussi au futur. Les Hommes n’ont pas fini d’en découdre, et les grands artistes sont là pour nous faire partager leur regard sur le monde. «Retour à Berratham» est dans cette veine, une tragédie que l’on souhaiterait uniquement contemporaine…

    La première collaboration entre l’écrivain Laurent Mauvignier et le chorégraphe Angelin Preljocaj date de 2012  (« Ce que j’appelle oubli »). Laurent Mauvignier est un habitué du genre, le drame, la guerre, rien ne l’effraie et il aime à disséquer par des phrases longues, torturées et sincères, les dégâts humains. Sur le même propos, Angelin Preljocaj bien qu’il soit né en France, semble se faire l’écho, dans une grande partie de sa création, des atrocités de la guerre, une sorte de résilience en somme, certainement liée à l’histoire subie par le peuple albanais dont sa famille est issue.

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    Sur le fond noir et lumineux de Cécile Giovansili-Vissière, le plasticien Adel Abdessemed enveloppe danseurs et comédiens dans une scénographie graphique aux lignes métallique, à la fois cages d’acier, barrières glissantes et hautes frontières. Le propos est d’une violence extrême dans sa représentation plastique autant que par ses mots. Les mots dénués de fioritures de Laurent Mauvignier, ce sont Laurent Cazanave et Niels Schneider qui les appuient et les timbrent par leurs voix fortes et articulées, et, l’intense Emma Gustafsson, habituée du Ballet Preljocaj, saisie son auditoire par son accent froid et sonore.
    Il s’agit donc de Théâtre ? ! Pas tout à fait, une œuvre contemporaine certes mais qui renoue aussi avec une tradition du spectacle, plus ancienne, celle de la tragédie antique. Angelin Preljocaj tisse un lien savant entre les arts. Parfois, le spectateur bousculé, s’égare, troublé par trop de perceptions, trop de phrases peut-être, il y a tellement de choses à voir, à écouter, à ressentir. Ce bouleversement désordonné semble être nécessaire comme un fait exprès souhaité par Preljocaj, on accepte de lui faire confiance.

    Car, malgré le propos très sombre, le chorégraphe fascine par sa proposition toujours poétique et aérienne du mouvement. Les fantômes malveillants n'assombrissent en rien l'esthétisme du chorégraphe et c’est heureux ! Les caractères beaux, forts et variés du Ballet Preljocaj glissent avec ce naturel si particulier sur le plateau de la Salle Jean Vilar, c'est une interprétation sensible, les danseurs sont exceptionnels. La chorégraphie de Preljocaj reste musicale et patiemment renouvelée : des pas de deux déliés d’une grâce incomparable et des groupes symphoniques, terriblement envahissants, ou poignants comme ce chœur de femmes qui dessine d’un même élan une sorte de dignité tragique.   

    Les dommages collatéraux des guerres et les affres de cette Humanité qui hésite encore à effacer ses frontières physiques, sociales ou morales, tout cela est dit en une seule œuvre. La charge est lourde. Mais rien, absolument rien, ne distrait le chorégraphe, peut-être même malgré lui, Angelin Preljocaj représente toujours ce qu’il y a de plus beau dans notre monde.

    Laurence Caron-Spokojny

    Crédits :
    © Jörg Letz - www.joerg-letz.com
    © Adel Abdessemed, ADAGP Paris - Retour, 2015 - 184 x 130 cm - Pierre noire sur papier
    © JC Carbonne

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  • WINTERREISE (Voyage d’hiver) d'Angelin Preljocaj au Théâtre des Champs Elysées, et Body and Soul de Crystal Pite à L'Opé

    productions internationales albert sarfati,transcendanses,théâtre des champs-elysées,angelin preljocaj,franz schubert,thomas tatzl,james vaughan,constance guisset,eric soyer,danse contemporaineEn 2019, Crystal Pite crée Body and Soul pour le Ballet de l’Opéra de Paris, cette même année Angelin Preljocaj imagine Winterreise Voyage d’hiver initialement pour le Ballet de La Scala de Milan puis avec sa compagnie lors du Montpellier Danse. En ce début d’année 2022, attendu avec ferveur, le premier est repris à l’Opéra Garnier jusqu’au 20 février tandis que le second vient de triompher pour quatre représentations exceptionnelles au Théâtre des Champs-Élysées.

    Winterreise voyage d'hiver Ballet Préljocaj  (photo Jean-Claude Carbonne)

    Le crépuscule des Dieux…

    Depuis le Planet Wanderer du duo Damien Jalet / Kohei Nawa à Chaillot en septembre 2021, Body and Soul et Winterreise voyage d'hiver sont les deux créations chorégraphiques immanquables de la saison, toutes trois ont en commun un esthétisme crépusculaire infiniment sophistiqué.

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    Ces derniers temps, il faut bien avouer que nous tournions un peu en rond à se demander si la danse contemporaine ne se répétait pas un peu… Puis, un miracle s’est produit, enfin plutôt trois. Après tout, au sens littéraire, le crépuscule désigne (cf.Larousse: ce qui décline, ce qui est proche de disparaître. J'interprète cela comme un passage, éclairé par une lumière à densité variable, dont les talents de ces Maîtres-ses de la chorégraphie indiquent la direction à prendre…  

    Crystal Pite, la magicienne

    Les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l'Opéra de Paris sont dans leur élément, leur formation de haute volée, leur énergie et leur jeunesse ont pleinement de quoi éclater. Les tableaux regroupés en trois actes s’enchaînent, courts et précis. Solos et pas-de-deux, guidés par la voix froide et détachée de Marina Hands, contrastent avec l’émotion de la danse qui glisse sur l’air comme au sol avec une infinie fluidité. Cette même fluidité, incomparable jusqu’alors dans le langage chorégraphique, fait déferler les 36 danseurs en vagues savamment liées à moins que cela soit des nuages de feuilles soulevées par le vent. théâtre des champs-elysées,angelin preljocaj,franz schubert,thomas tatzl,james vaughan,constance guisset,eric soyer,danse contemporaine,productions internationales albert sarfati,transcendansesL’individu naît du collectif, ou bien l’inverse, la confrontation des individus évoque un vocabulaire social qui interroge. Dans une ambiance volontairement dépouillée, la mise en lumière de Tom Visser infuse un subtile mix clair-obscur révélant des mouvements qui ont une (apparente) spontanéité particulière au travail de Crystal Pite. Jusqu’au tableau final, radicalement et délicieusement pop : propulsés entre des pans de décors fantastiques, les interprètes transformés en sortes de lucioles extraordinaires, rehaussés d'antennes styliformes ou pattes ravisseuses, grâce aux costumes de Nancy Bryant, avancent en rang serrés autour de Takeru Coste complètement déchainé. C’est une apothéose bestiale comme des essaims d’insectes puissamment attirés par la lumière. L’enthousiasme est à son paroxysme. Pour une fois, même si les stars du Ballet de l’Opéra ont merveilleusement bien défendu leurs parties comme Marion Barbeau, Alice Renavand, Marc Moreau et Hugo Marchand, il n’est ici pas question de comparer les exploits des artistes, le public de Garnier dévale le grand escalier de marbre en un joyeux vacarme, subjugué par les mille feux d'un spectacle total.

    Angelin Preljocaj, le poète

    Il est l'invité de Transcendanses au Théâtre des Champs-Elysées, une programmation pointue dont les rendez-vous sont désormais bien inscrits dans les agendas des amateurs de danse.  De la profondeur d’un bleu nuit jusqu’à des dégradés orangés passant du jaune au rose, Angelin Preljocaj déploie les couleurs du crépuscule pour parcourir son Winterreise voyage d’hiver composé de 24 Lieder écrit par Franz Schubert, juste un an avant sa mort sur les poèmes de Wilhelm Müller.théâtre des champs-elysées,angelin preljocaj,franz schubert,thomas tatzl,james vaughan,constance guisset,eric soyer,danse contemporaine,productions internationales albert sarfati,transcendanses
    Parce qu’il est définitivement un grand traducteur de la mélancolie, Preljocaj traite d’un romantisme dont la profondeur vertigineuse aboutit en un drame mais qui, étonnement, ne devient jamais tragique. Son élégance n’a d’égal que sa sincérité et sa compagnie le lui rend bien, les six couples de danseurs dessinent une chorégraphie d’une grande délicatesse, toujours aussi exacte et terriblement bien réglée. Le sens de Preljocaj pour la virtuosité s’épanouit pleinement, il épouse par ses intentions chorégraphiques le phrasé impeccable du baryton-basse Thomas Tatzl, accompagné au piano forte par James Vaughan.

    Tandis que les danseurs foulent un sol neigeux dont ils se jouent en faisant scintiller les cristaux tout autour d’eux, l’éclairage soigné d’Eric Soyer sublime les corps des danseurs sous des douches de pluie luminescente, crée des décors à géométrie variable ou se matérialise en matières soyeuses, précieuses. En conservant les codes de sa danse, dont les fans se délecteront, Preljocaj revient à une danse plus classique, plus douce. Des déplacements tourmentés, de corps enchevêtrés ou tendus comme des arcs, à l’immobilisation remarquable, sortes de statues célestes (d’une photogénie somptueuse), Preljocaj fouille l’obscurité pour en révéler une lumière qui ne semble pas prête de s’éteindre !

    ...est-ce déjà l'aube ?

    Une incroyable théâtralité, voilà en un mot de quoi décrire le renouveau de ces danses. La chorégraphie contemporaine n’est plus seulement une démonstration de genre dont les mouvements s’intellectualisent et se débattent (dans tous les sens du terme). A l’instar de la danse classique son aînée, la danse contemporaine raconte de vraies histoires, parfois même des fresques, aventures humaines, parfois spirituelles ou célestes, souvent animales ou planétaires. Ces atmosphères crépusculaires invitent au dépassement du réel tout en formant de solides passerelles vers autre chose, comme des introductions fortes et inspirées à ce que présage l’avenir. Des changements s’opèrent, cette époque est passionnante…

    Laurence Caron

    Winterreise voyage d'hiver Ballet Préljocaj  (photo Jean-Claude Carbonne)
    Théâtre des Champs-Elysées - Angelin Preljocaj | chorégraphie et costumes - Franz Schubert | musique -  Thomas Tatzl | baryton-basse - James Vaughan | piano - Constance Guisset | scénographie - Eric Soyer | lumières

    Body and Soul Crystal Pite - Opéra de Paris

    Musique : Owen Belton, Frédéric Chopin, Teddy Geiger - Voix : Marina Hands - scénographie : Jay Gower Taylor - costumes : Nancy Bryant - Lumières : Tom Visser - Danseurs : Léonore Baulac, Alice Renavand, Marion Barbeau, Héloïse Bourdon, Hannah O'Neill, Silvia Saint-Martin, Hugo Marchand, François Alu, Marc Moreau.