Fureur au Théâtre de l'Essaïon : une rage terriblement drôle ! (mardi, 18 février 2014)

fureur,theatre essaion,victor haïm,stéphanie wurtz,benjamin bollenLa musique classique est un art qui s'approche du divin, et ceux qui tendent à la maîtriser peuvent parfois se considérer comme des sortes de divinités… 
C’est le cas pour le  Maestro crée par Victor Haïm, formidablement interprété par Benjamin Bollen et astucieusement mis en scène par Stéphanie WURTZ, les lundis soirs sous la voûte (céleste pour cette fois) du Théâtre Essaion.

Les musiciens d’orchestre sont un genre d’artistes à part… La formation en orchestre leur permet de faire corps afin de défendre leurs droits, dans un théâtre, ou bien face à un chef d’orchestre trop exigeant. Ce soir là, le chef d’orchestre a dépassé les bornes, et ses musiciens, syndiqués pour la plupart, ont décidé de le virer, le vote s’est prononcé à l’unanimité sauf une voix.

 

Le Maestro mégalomane donne sa dernière répétition avec son orchestre ; soulevé par sa colère, aiguisé par son extrême niveau d’exigence et emporté par la vision absolue, presque inatteignable, de son œuvre, le chef est en pleine fureur. Et cette fureur le (très grand) talent de Benjamin Bollen s’en empare avec une gourmandise féroce, le jeune comédien a compris autant la part d’ombre que la part de flamboyance du personnage créé par Victor Haïm. Avec  un jeu adroit, comme projeté (sans filet) passionnément dans son rôle, Benjamin Bollen ratisse un large répertoire ; ses mimiques inspirées par Louis De Funès rendent un hommage touchant au grand acteur,  mais son jeu ne s’arrête pas là, il ne baisse la garde à aucun moment. Fondu par sa passion de la musique, le personnage se débat : la musique, les musiciens, sa mère et lui-même sont des ennemis intimes impitoyables. Le ton est burlesque et raffiné mais le propos est rageusement dramatique, tenu par une tension incroyable qui ne faillit à aucun moment pendant 90 minutes. La perruque mozartienne, aux cheveux aussi blanc qu’Herbert Von Karajan, et le teint livide du travailleur acharné de la musique, ajoutent à l’extravagance du personnage.

L’intelligence du texte raisonne d’autant plus que le Maestro s’adresse à l’ensemble du public comme à ses propres musiciens, l’idée est simple et efficace : le public est plié de rire ! Le premier violon à sa gauche est un bouc émissaire silencieux alors que le premier violoncelliste sur sa droite ricane… Et la musique se fait, très délicieusement diffusée, ce qui est rare dès qu’il s’agit d’une enregistrement, et en mesure, n’en déplaise au chef, par un arrangement de lumières savantes qui fait totalement oublier l’étroitesse de l’espace.

Ce spectacle s’adresse à tous, mais si vous aimez la musique classique et si en plus vous connaissez un peu l’envers du décor, vous allez passer un instant savoureux… totalement inoubliable !

Laurence Caron

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10:38 Écrit par CARON | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fureur, theatre essaion, victor haïm, stéphanie wurtz, benjamin bollen | |  Facebook | | |  Imprimer | | Pin it! |