La Damnation de Faust d'Hector Berlioz à L'Opéra Bastille (vendredi, 04 décembre 2015)

Déjà, la soirée a mal commencé. Après l’avoir écouté plus que de raison, je pensais voir enfin Jonas Kaufmann lors de cette répétition générale de La Damnation de Faust à l’Opéra Bastille, or c’est le ténor Bryan Hymel qui est distribué ce soir-là. Tant pis pour mes amours déçus, l’opéra commence et s’empare de son public pour le projeter la veille d’un ultime voyage sur mars pendant que, le cosmologiste et physicien, Stephen Hawking promulgue ses recommandations philosophiques… Jusque-là tout va bien, la juxtaposition des univers est séduisante, la musique d’Hector Berlioz mérite grandement un ailleurs aussi lointain.

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Pourtant, il semble que la destination rêvée va être très difficile à atteindre. Le propos tenu par le metteur en scène Alvis Hermanis a beaucoup de mal à transporter le public, même les interprètes ne semblent pas bien comprendre dans quelle galère ils se sont embarqués ! Un mur d’images vidéos dont le choix hasardeux écrase des décors, qui parfois tournent sur eux-mêmes (effet gravitationnel ?), et des machines, ersatz de maquettes martiennes échappées de la cité des sciences de la Villette, traversent l’espace scénique…

Mon intérêt esthétique, ma soif du genre et mon grand intérêt pour toutes formes de mises en scènes sont épuisés ! J’abandonne la raison du pourquoi du comment, pour chercher coûte que coûte à me nourrir de cet opéra, à m’enivrer des mouvements scéniques et musicaux. Là, la déception est aussi grande que les 250 millions de kilomètres qui me séparent de la planète Mars. Il y a tant de monde sur scène : de jeunes danseurs s’escriment très maladroitement dans une chorégraphie inaboutie signée Alla Sigalova, pour venir se cogner au remarquable Chœur de l’Opéra de Paris rejoint par l'intrépide Maîtrise des Hauts de Seine. L’Orchestre de l’Opéra de Paris se concentre sur sa partition flamboyante et ignore le mépris dont il est victime, Philippe Jordan est dans un autre système solaire bien décidé à ne pas rejoindre Mars, en tout cas pas de cette façon, on ne saurait lui reprocher.

Quant à l’essence même de ce qu’est un Opéra, c’est-à-dire les voix : Bryan Hymel est un Faust bien effacé, Bryn Terfel est un Méphistophélès qui ferait mieux de raccrocher ses vieilles cornes de démon, Edwin Crossley-Mercer est un Brander dont la fameuse 'chanson du rat' est bien hachée et bien essoufflée, quant à Sophie Koch, elle est une Marguerite incompréhensible : le phrasé est trop appuyé, jamais articulé, enfin les sur-titrages se dévorent des yeux pour comprendre un texte pourtant interprété en français… Rescapé  enfin : un instant profond et d'une grâce infinie proposé par Dominique Mercy, le danseur et digne successeur de Pina Bausch, arrive comme une récompense à ma patience, ces minutes sont bouleversantes et trop vites passées.

Les mille inventions et intentions artistiques d’un metteur en scène attendu par le public parisien, la distribution prestigieuse et la débauche de moyens dont se pare ce Faust laissent une impression brouillonne, un brouillon bien raturé. C’est dommage et tout à fait déraisonnable, pour ne pas dire impardonnable, pour une telle institution !

Laurence Caron-Spokojny                                                                             

08:58 Écrit par CARON | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sophie koch, edwin crossley-mercer, bryn terfel, maîtrise des hauts de seine, alla sigalova, hector berlioz, opéra bastille, jonas kaufmann, bryan hymel, stephen hawking, philippe jordan, alvis hermanis, maîtrise des hauts-de-seine | |  Facebook | | |  Imprimer | | Pin it! |