Robert Hirsch est un chorégraphe de l'Humanité (samedi, 18 janvier 2014)

laurence caron-spokojny,théâtre hébertot,robert hirsch,isabelle gélinas,ladislas chollat,bernard yerles,eric boucher,marie parouty,noémie elbaz- Mais il ne doit pas vraiment avoir la maladie d’Alzheimer pour arriver à se souvenir d’un si long texte ? » : tout est dit. Cette phrase incroyablement naïve citée par ma voisine de rang, hier soir au Théâtre Hébertot, donne la mesure du talent du plus grand acteur français, aujourd’hui inégalé, celui de Robert Hirsch, et définit aussi la juste et raffinée écriture de Florian Zeller (déjà sa septième pièce écrite). 

Robert Hirsch est en grande forme !

 

De sa toute puissante générosité, Robert Hirsch, clown absolu, incarne non pas Le Père mais tous les pères à la fois. Sa voracité est intacte, passé 88 ans, l’acteur distille mimes, grimaces, entre apartés savants et danses sautillantes, pour donner vie à ce personnage qui lui ressemble pourtant si peu, et dont s'échappe plus de cinquante ans de carrière. 

Sur la scène du Théâtre Hébertot, une lutte est engagée, l’implacable injustice de la fin de vie et le despotisme de la maladie se sont abattus sur cette Humanité qui se défend à coups d’humour et d’amour. L’intention de Florian Zeller absorbe tout entière ses comédiens, elle les précipite dans les délires et les souvenirs du Père : les scènes se juxtaposent, se confondent en un ballet angoissant, savamment rythmé par la mise en scène de Ladislas Chollat. Le jeune metteur en scène marque par de très précis levés et tombés de rideau, le voile noir qui habille peu à peu la mémoire lacunaire du Père. 
Le Père vieillit, péniblement, Alzheimer et ses spectres d’ombres qui grignotent sa mémoire tentent de l’engloutir définitivement, l’homme se débat et son entourage y assiste accablé et incapable.
Lorsque Le Père est rattrapé par ses souvenirs et ses cruels instants de lucidité, il défoule alors ses sarcasmes sur sa fille aînée, dévouée et aimante, dépassée, elle aussi, par une situation compliquée qui reste sans solution pour la plupart d’entre nous. Devons-nous garder auprès de nous nos parents vieillissants ou bien les confier à des institutions ? La question reste en suspens, sans véritable réponse idéale : le travail, la situation géographique, les moyens financiers et d’autres contraintes bien matérialistes viennent s’en mêler pour faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. 

Isabelle Gélinas est remarquable, Bernard Yerles, Eric Boucher, Marie Parouty et Noémie Elbaz offrent un jeu parfait et sensible. Ces comédiens sont de bien belles personnes, ils portent une attention tout particulière, sensible et admirative, au maître des lieux, Robert Hirsch. 
Le comédien n’a pas quitté son masque à deux visages, il glisse avec grâce entre le tragique et le burlesque, il est de ceux dont on ne sait jamais s’il va nous faire rire ou bien pleurer, si ce n’est les deux à la fois… Oscillant entre un jeu dépouillé à l’extrême, bouleversant à vous arracher un ruisseau de larmes incontrôlable, et sa grande hâte de trop en faire, Robert Hirsch est magistral, léger comme un enfant joyeux et débordant de tout ce qu’il a encore à nous montrer. 

Robert Hirsch est au sommet de son art, comme il l’a toujours été. 

Laurence Caron-Spokojny

11:37 Écrit par CARON | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théâtre hébertot, robert hirsch, isabelle gélinas, ladislas chollat, bernard yerles, eric boucher, marie parouty, noémie elbaz, florian zeller | |  Facebook | | |  Imprimer | | Pin it! |