Saül au Théâtre du Châtelet jusqu'au 31 janvier (jeudi, 30 janvier 2020)

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Saül est un drame biblique inspiré du livre de Samuel, il a été composé en 1739 par Haendel sur une livret de Charles Jennens et produit la même année au King’s Theatre de Londres. Cet oratorio de Haendel, maître du genre, est à l’origine une production du Festival de Glyndebourne (2015), objet d’une création d’un esthétisme foudroyant, Saül est aujourd’hui sur la scène du Théâtre du Châtelet.

La perspective de la très profonde scène du Châtelet est démultipliée par une inclinaison vertigineuse du plateau, les interprètes glissent sur une terre sombre et mouvante. La sobriété de cette matière brute est contrastée par les costumes de Katrin Lea Tag, tous d’un blanc immaculé, et ponctués d’étoffes colorées. De doux rayons dorés, projetés par Joachim Klein, viennent sublimer l’atmosphère avant que le chatoiement mystérieux d’un éclairage à la bougie fasse craindre des départs de feu. Enfin, les coiffures et maquillages des artistes, chœur, solistes et danseurs, font penser à l’extravagance fellinienne qui illustre si bien l’univers baroque. L’ensemble est d’une beauté ravageuse.

La partition, passionnément tenue par Laurence Cummings, est parsemée de commentaires et de cris des chanteurs, comme pour traduire au mieux les sentiments déployés. Cette liberté révèle parfois du tragique, parfois de la drôlerie et finit toujours par offrir un supplément d’âme (soul - en anglais), un vent de folie qui rappelle étrangement les cascades de rire de l’Amadeus de Milos Forman. Car c’est à un exercice cinématographique que l’œuvre scénique semble s’approcher ; les trois actes se découpent en trois tableaux, une fresque qui évolue et s’assombrit au fur et à mesure de la montée des angoisses du roi Saül. Torturé et enfin terrassé par la jalousie extrême provoquée par les exploits de David, son futur successeur, Saül s’isole peu à peu du monde enfermé par ses tourments…

Joyeusement décalée, la chorégraphie signée Otto Pichler pour six danseurs a de quoi amuser l’assistance et souligne avec dérision cette folle atmosphère. L’exceptionnel chœur, rassemblé pour l’occasion par la production de Glyndebournene lâche à aucun instant la tension dramatique et il est soutenu très brillamment par l’orchestre Les talens Lyriques.

Les solistes se prêtent aux inventions scéniques avec grâce. Ils ne diminuent à aucun moment l’énergie qu’ils doivent destiner à leur art au profit du jeu, l’équilibre est parfait. Entourés par d’admirables artistes lyriques comme le ténor John Graham-Hall qui compose une formidable sorcière, le baryton britannique Christopher Purves est un Saül ardent, complétement déchainé, il occupe la scène avec le très sensible contre-ténor Christopher Ainslie dans le rôle de David. Désormais la dimension théâtrale de ce Saül créée par Barrie Kosky va difficilement pouvoir se concevoir autrement.

Laurence Caron

Photo Patrick-Berger

14:35 Écrit par CARON | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christopher purves, john graham-hall, benjamin hulett, stuart jackson, daniel mullaney, karina gauvin, anna devin, christopher ainslie, laurence cummings, barrie kosky, donna stirrup, otto pichler, merry holden, katrin lea tag, joachim klein, david manion, andreas zimmermann, stéphane petitjean, bernad robertson, theatre du chatelet, komische oper, festival de glyndebourne, talens lyriques | |  Facebook | | |  Imprimer | | Pin it! |