"Tutu" au Théâtre Libre (lundi, 10 novembre 2025)

La compagnie de danse barcelonaise, Chicos Mambo, fondée  par Philippe Lafeuille, n’est pas tout à fait comme les autres, ils sont six danseurs à interroger la danse, la danse sous toutes ses formes et dans tous ses états. Le spectacle « Tutu » date déjà de 2014, après avoir séduit un très large public il poursuit sa conquête sur tous les continents, et à Paris au Théâtre Libre jusqu’au 11 janvier.  

La danse classique et ses hautes exigences artistiques et physiques, la danse contemporaine qui n’a de cesse de se renouveler ou de s’égarer, les danses de salon ou sportives, toutes les danses sont réunies là, interprétées uniquement par des hommes glissés dans d’emblématiques tutus ou pantalons superposant des couches de tulle. Un tour de passe-passe qui n’est plus très nouveau (voir Swan Lake qui a déjà 30 ans) ; il paraît même que des danseurs de l’Opéra national de Paris ont pour tradition (lors de galas en tournée, hors institution) d’échanger leurs rôles, tutus et pourpoints, pour un dernier pas-de-deux devant un public en délire.  

« Tutu » demeure un show divertissant qui égratignent çà et là des sujets comme la célébrité, les délires créatifs parfois fous des chorégraphes ou une société ignorante sur la fonction même de l’artiste (- et sinon, tu fais quoi comme métier ?) jusqu’au plus intime questionnement (- elle sait ta mère que tu es danseur ?). Les danseurs de Chicos Mambo affichent une énergie sans faille et font partager avec générosité leur bonheur de la scène. Pendant que le public s’esclaffe, je songe à la difficulté de ce métier, la compétition acharnée, le travail quotidien du corps, les rencontres chanceuses ou pas, les auditions,… Mon esprit s’échappe un peu alors que les tableaux s’enchaînent à grande vitesse, j’ai le sentiment que le show mériterait d’être un peu resserré, un peu reprécisé. Cependant, la véritable force de « Tutu », au-delà de la performance dansée, est sa particularité très intéressante à s’adresser à tous les publics. Cette lecture différenciée du spectacle dépasse l’exploit tandis que les propositions des danseurs, drolatiques et presque clownesques, révèlent un travail sérieux et considérable. Lors du Sacre du Printemps, mes voisins de rang  ne décèlent certainement pas la signature chorégraphique de Nijinski parodiée par des bébés en couches culottes, et pourtant les rires fusent et tous écarquillent les yeux avec bonheur. De même pour l’Adage à la Rose de La Belle au bois dormant, soupçonnent-ils à quel point cette variation est difficile à danser ? Alors que Pina Baush en prend pour son grade, le burlesque emporte tout sur son passage jusqu’aux petits cygnes facétieux d’un Lac qu’ici tous reconnaitront. C’est une recette parfaite, le rire réclame un travail extrêmement sérieux, un pari réussi qui continue de séduire.

Laurence Caron

photo : Michel Cavalca

17:14 Écrit par CARON | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : theatre libre, ce qui est remarquable, chicos mambo, philippe lafeuille | |  Facebook | | |  Imprimer | | Pin it! |