Nederlands Dans Theater /NDT 2 - Ekman / Goecke / Leon & Lightfoot au Théâtre National de Chaillot (dimanche, 19 mai 2019)

jiri kilian,nederlands dans theater ndt 2,ekman,goecke,leon & lightfoot,théâtre national de chaillot,danse contemporaineD’abord il y a Alexander Ekman. Après avoir transformé le Théâtre des Champs-Elysées en un Lac des Cygnes profond de 20 cm d’eau en 2014 (« Swan lake »), le chorégraphe suédois a été définitivement adopté, en faisant jouer les danseurs de l’Opéra de Paris dans une marée de petites balles vertes dans la fosse du Palais Garnier en décembre 2017 avec « Play ». Le microcosme hype de la danse contemporaine éclairée avait été conquis, pourtant «Play» avait révélé une chorégraphie peut-être trop minimaliste (pour ne pas dire simpliste) comparé aux prouesses techniques et d’interprétation dont est capable le Ballet de l’Opéra de Paris… Pour « Fit », sur la scène de Chaillot l’histoire est tout à fait différente. Tout prend sens, la façon de décortiquer le mouvement, cet humour élégant, cet enthousiasmant sens ludique de la mise en scène et cet esthétisme ravageur, jusqu’à ces costumes fondus sous d’élégantes vestes noir soutenues par des jupons de tulles pour un ensemble non genré.

Les danseurs du NDT2 sont une pâte malléable à souhait pour Ekman. Le tableau tient en moins de trente minutes et fait entrer dix-huit danseurs. Selon Ekman « FIT » est un « puzzle » qu’on emporte avec soi dans des volutes de fumées blanches pour y penser encore longtemps après.  

Moins lumineuse mais tout aussi éclairée, la proposition « Wir sagen uns dunkles » de Marco Goecke fait se côtoyer Schubert et Placebo avec une évidence nouée par une chorégraphie exigeante, hachée, rapide, les très jeunes danseurs sont connectés. Scintillantes sur le flottement des pantalons de costumes, les fines lumières de Udo Haberland creusent les muscles et les articulations pour en dessiner un alphabet savant issu d’un langage des sentiments.  « Aujourd’hui, mes sentiments appartiennent plus que jamais aux danseurs » dit le chorégraphe allemand, on veut bien le croire. Toute la complexité de ce ballet plonge au cœur de l’intime. 

Cette soirée chorégraphique qui peint la couleur des sentiments atteint le comble du romantisme avec Sol León et Paul Lightfoot. Le couple anglo-espagnol était déjà là au NDT il y a trente ans, à l‘époque où Jiri Kylian tenait les rênes. A sa suite, ils ont entretenu le plus fidèlement possible l’héritage de Kylian en maintenant la compagnie au plus haut niveau de la danse contemporaine. 

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« Signing off » n’a rien à envier aux plus grand pas de deux du ballet classique, les couples se soudent si bien, les jambes glissent le long des bras (à moins que cela soit l’inverse) dans une sensualité qui entre en résonance avec les accents tragiques de la musique de Philip Glass. Tout est en virtusosité. Malgré l’immobilité résignée du spectateur tenu entre les accoudoirs de son fauteuil, le cœur s’accélère, le souffle se suspend, comme pour mieux ressentir, voir et entendre. Le fond du décor tendu d’étoffe noir avance, il voudrait transformer le réel, happer ce qui est pour l’emmener vers un ailleurs. Magique… 

Les très jeunes danseurs du Nederlands Dans Theater "2", le corps de ballet qui prépare les recrues à intégrer la NTD 1, ont le talent de resituer l’œil du spectateur là où il doit être. Tout est exactitude. La justesse d’interprétation et l’exigence inouïe du mouvement en font certainement une des plus belles compagnies au monde. 

 Laurence Caron

Photo "Signing Off" de  Sol Leon et Paul Lightfoot  crédit photo : Rai Rezvani.

Jusqu'au 19 mai 2019.

 

19:22 Écrit par CARON | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : jiri kilian, nederlands dans theater ndt 2, ekman, goecke, leon & lightfoot, théâtre national de chaillot, danse contemporaine | |  Facebook | | |  Imprimer | | Pin it! |