« On n'est pas là pour disparaître » au Théâtre14 jusqu'au 18 février (samedi, 28 janvier 2023)

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Il ne s’explique pas, il ne s’excuse pas, il ne se souvient pas.

L’expertise psychiatrique  conclue que l’homme âgé de 72 ans est atteint de la maladie d’Alzheimer. Il a eu une crise de démence violente, un symptôme rare.

Selon l'OMS, 139 millions de personnes dans le monde seront atteintes pas la maladie de A. à l'horizon 2050. Alors que l'art-thérapie est entré dans les parcours de soins pour améliorer la vie des malades, les auteurs et artistes eux aussi se sont appropriés le sujet (comme par exemple les films : Still Alice, The father, ...) pour faire rayonner autrement leur lecture de la maladie, une nouvelle preuve du formidable pouvoir de résilience de la nature humaine.

  

Les phrases de l’autrice Olivia Rosenthal s’installent au Théâtre14 sur un vaste écran, une sorte d’horizon sombre où les mots viennent se plaquer, des empreintes impossibles à effacer. Il est important de connaître son adversaire pour pouvoir l’affronter, pourtant ce parti pris artistique semble un tout petit peu long, sa contemporanéité est intéressante mais trop didactique, ou pas… Les gens connaissent-ils la maladie d’Alzheimer ? Il faut peut-être tout expliquer, froidement, à la façon d’une publication médicale. Puis, la voix de Marina Hands et des images vidéo nous tirent d’affaire, on entre dans une dimension plus artistique, plus spectaculaire, c’est ce que l’on vient chercher dans ces lieux. Enfin, avec l’étrangeté de son physique, à la fois puissant et délicat, seul, Yuming Hey a adopté la posture d’un arbre aux racines solidement attachées pour résister aux temps qui passent, tremblements de la terre et autres tempêtes, avec majesté son buste s’anime et ses bras dansent autour de lui tandis que ces mains s’envolent comme des feuilles. Tout en modulant sa voix avec virtuosité, Yuming Hey, ovni dramaturge, danseur et mime, à la sincérité percutante, est multi-personnages, il donne vie à ces vies dévastées, bourreau innocent, témoin incapable et victime anéantie. Vite, on comprend que cette immobilité apparente est causée par un piège. Privé de son libre arbitre, de ses choix, l'humain se détache de l'être, il est un animal sans défense, pris dans un piège à loup. Car il y a de la sauvagerie, celle de la maladie, démoniaque, avançant dans  son œuvre funeste, sans appel jusqu’à en oublier de respirer...

Le moment est éprouvant, et pour qui connaît cette maladie la torture est proche. Pourtant «On n'est pas là pour disparaître» a la générosité de nous souffler à l’oreille que nous ne sommes pas seuls dans la bataille, le véritable ennemi n’est pas la maladie mais l’isolement, le pire des fléaux d’une cruauté sans failles. Car il s’agit ici de dépasser sa propre petite personne pour rejoindre l’universel, au théâtre, plus que jamais vivant. Le jeu, si profond et si créatif, de Yuming Hey soutenu par la mise en scène de Mathieu Touzé, si ingénieuse et si juste, créent une alchimie mystérieuse qui, au-delà du bouleversement qu’elle produit, offre une sorte de compréhension, un lucide apaisement. C'est un spectacle d’une beauté surprenante, une expérience qui renforce ! Merci les artistes !

Laurence Caron

(c) Christophe Raynaud de Lage

13:26 Écrit par CARON | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hélène thil, renaud lagier, loris lallouette, collectif rêve concret, théâtre de sartrouville et des yvelines-cdn, théâtre 14, on n’est pas là pour disparaître, Éditions gallimard, yuming hey, olivia rosenthal, alois alzheimer, rebecca meyer, justine emard, theatre, theatre14, marina hands | |  Facebook | | |  Imprimer | | Pin it! |