Nuit d'Octobre au Théâtre Gérard Philipe jusqu'au 26 novembre (lundi, 20 novembre 2023)
Louise Vignaud et Myriam Boudenia ont écrit ensemble « Nuit d’Octobre ». Puis, les planches du Théâtre Gérard Philipe qui demeurent vibrantes d’engagements comme le nom illustre auxquelles elles rendent hommage, une vérité qui se pare de fiction pour mieux se faire entendre et comprendre, et enfin une troupe de comédiens enthousiastes ont fait le reste.
« Il est conseillé de la façon la plus pressante aux travailleurs algériens de s'abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne, et plus particulièrement entre 20 h 30 et 5 h 30 du matin ». Préfecture de Police de Paris, mai 1961.
Du 17 octobre 1961 on ne sait pas grand-chose, les manuels scolaires de ma génération ont peu (pour ainsi dire pas) effleuré cette sombre partie de l’Histoire de France, gommant presque la conquête coloniale des deux derniers siècles. Pourtant cela s’est passé en plein cœur de Paris, dans la rue et effroyablement sur les ponts de la Seine. Cette nuit-là, les Algériens parqués dans les bidonvilles de banlieue se sont donnés rendez-vous pour manifester contre l’épouvantable et raciste couvre-feu décrété par le préfet de Paris Maurice Papon qui officie sous De Gaulle. La manifestation se veut pacifique, ce n’est pas l’avis de Papon, il fait charger la Police, c'est un défoulement sauvage, une nuit d’horreur, de meurtres et de viols.
Il faudra attendre plus de vingt ans pour que la tragédie soit dévoilée lors du « procès Papon » qui a pour objet de révéler en partie la responsabilité de ce dernier dans la déportation des Juifs pendant le régime de Vichy ; celui qui a été jusqu’aux fonctions les plus hautes de l’État - de 1978 à 1981 - il est ministre du Budget dans la troisième gouvernement de Raymond Barre - est enfin condamné pour Crimes contre l’Humanité.
Le temps n’éloigne pas vraiment les faits et surtout n’efface rien. A l’heure où la France, par extension l’Occident, se complait à moraliser le reste du monde, la pièce voulue par Louise Vignaud laisse un goût amer qui noie les yeux et soulève le cœur. Il est impossible de ne pas créer des liens avec l’actualité qui occupe nos médias et d’interroger le silence : « Comment vivre ensemble ? » ou « Comment répondre à la violence ? ». On en restera là, ici-bas. La seule réponse connue est que la culture, et notamment le théâtre, est un formidable vecteur de réunion et de vérité. Louise Vignaud et toute sa troupe y participent grandement et avec beaucoup talent, du jeu des comédiens sincères et émouvants jusqu'aux décors extrêmement bien choisis, la pièce est immanquable, indispensable à notre époque. Cette époque qui semble avoir parfois quelques difficultés à se souvenir.
Laurence Caron
21:41 Écrit par CARON | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louise vignaud, myriam boudenia, louise vignaud, irène vignaud, orane duclos, emily cauwet-lafont, julie-lola lanteri, judith scotto, simon alopé, lina alsayeb, magali bonat, mohamed brikat, pauline coffre, yasmine hadj ali, brahim koutari, clément morinière, sven narbonne, lounès tazaïrt, charlotte villalonga, theatre gérard philipe, tgp, theatre | | Facebook | | | Imprimer |