Dialogues (TranscenDanses) au Théâtre des Champs-Elysées, jusqu'au 5 décembre 2021 (jeudi, 02 décembre 2021)
Depuis 2014, les Productions Internationales Albert Sarfati proposent au public du Théâtre des Champs-Élysées le meilleur de la danse dans toute sa diversité. Sur la scène qui a accueilli pour la première fois Joséphine Baker en 1925, entre les bronzes et fresque de Bourdelle et sous la majestueuse coupole de Maurice Denis, un public averti ou totalement néophyte a rendez-vous chaque année avec les compagnies de danse et les danseurs du monde entier. Des œuvres entrées au grand répertoire de la danse jusqu’à d’autres inédites, la programmation choisie de TranscenDanses « défend toutes les danses d’hier, d’aujourd’hui et certainement de demain ».
Ce début décembre, le Théâtre des Champs-Élysées annonce sur son site internet « Une soirée danse de rêve avec le « gratin » des chorégraphes »… : la promesse est tenue !
1h30 de pur concentré artistique, un panorama à 360°, cette soirée de gala ouvre avec la chorégraphe berlinoise Sasha Waltz qui offre un extrait d’ « Impromptus », crée en 2004. Sur la partition éponyme de Schubert, le romantisme est fouillé, un corps à corps sentimental à souhait dans une atmosphère abstraite et minimaliste répondant aux codes du néoclassicisme. Avant tout, Sasha Waltz développe une danse esthétique.
A sa suite, la canadienne Emma Portner - connue par de-là les océans pour avoir créé la chorégraphie de la tournée mondiale du chanteur pop Justin Bieber ou bien encore ses collaborations avec Apple, Netflix ou le Guggenheim Museum - s’est éloignée des sunlights pour s’isoler dans la profondeur de la création scénique. Sa pièce « Islands » est une grande réussite, une chorégraphie à géométrie variable. Deux danseuses unies dans un même costume déploient un jeu articulé qui fait oublier les corps au profit d’une architecture infiniment sensuelle, un pas de deux original qui n'en forme qu'un...
Puis, le Maître absolu de la danse, qui a franchi le passage du 21ème siècle avec des œuvres gravées dans le marbre dont entre autres son bouleversant Giselle (créé en 1982), Mats Ek propose sa version du drame shakespearien « Juliet et Roméo » (créé en 2013). Délaissant Prokofiev pour Tchaïkovski et faisant de Juliette une véritable héroïne, surpuissante de par sa détermination, Mats Ek empli l’espace entier de la scène d’émotions. Ce sont des déplacement en diagonales qui glissent comme sur de la glace, intenses et délicats, le chorégraphe suédois à ce don pour faire fondre le cœur, faire naître les sourires ou laisser couler les larmes. Ici la matière elle-même semble s’être dissipée, le couple d’artistes interprètes invoque l’amour : une inclinaison de la nuque va suffire à intimer un sentiment protecteur, chaleureux, un bras qui se baisse va invoquer un abandon total et vertigineux… Le génie de Mats Ek a arrêté le temps.
Après un bref changement de plateau, Crystal Pite profite que le public soit liquide pour le fragmenter et le bousculer en rythmes, saccadés, détachés à l’extrême, avec « Animation » une création d’une infinie délicatesse. La chorégraphe ciselle le mouvement, les danseurs sont précis, leur technicité sophistiquée fait oublier les corps, les efface presque, seul le mouvement compte, comme celui qui donne vie à un pantin de bois ou automate savant.
Le tableau suivant laisse apparaitre le fond de la scène du Théâtre des Champs-Élysées, les costumes rouge et noir signent tout de suite les créations du tchèque Jiří Kylián. Le chorégraphe est un maître des horloges avec 14’20’’, extrait de 27’52” (créé en 2002 à l’occasion du 25e anniversaire du NDT II). D’une poésie charnelle dans son intention par ces peaux unies, considérées à égalité par la demie nudité des torses des danseurs. Les mélodies de Gustav Mahler sont recomposées avec des accents électro dont la chorégraphie suit intensément les variations, comme nées ensemble.
Enfin, pour clôturer cet étourdissant spectacle - riche de créativité autant par les signatures chorégraphiques que par ces interprètes aux technicités magistrales, et tous terriblement investis dans les histoires et les sentiments qu’ils racontent - Ohad Naharin, celui qui mène la très courue Batsheva Dance Company, propose une version toute personnelle du Boléro (créé en 1983). Un exercice difficile et risqué tellement les comparaisons chorégraphiques sont nombreuses, le chorégraphe virtuose s’attache au thème répétitif de la musique de Ravel moulinée par le compositeur japonais Isao Tomita. Dans une apparente décontraction, un naturel qui caractérise l’œuvre du chorégraphe, les infatigables bras des deux danseuses énergiques battent l’air comme des balanciers et révèlent ce vocabulaire musical, si obsédant, si enivrant.
Peu de dates, 2, 3 et 4 décembre (c’est à regretter) - concluent cette tournée européenne (Stockholm, Saint-Pétersbourg, Moscou et Oslo) – à noter que le prochain rendez-vous est fixé par TranscenDanses en janvier 2022 avec le génial Angelin Preljocaj et son Voyage d’hiver de Schubert…
Laurence Caron
> Photo Erik Berg "Juliet & Romeo" 2021
17:25 Écrit par CARON | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : danse contemporaine, productions internationales albert sarfati, théâtre des champs-elysées, norwegian national opera & ballet, dansens hus de stockholm, sasha waltz, emma portner, mats ek, crystal pite, jirí kylián, ohad naharin, christine birkle, martin hauk, claudia de serpa soares, gyung moo kim, paul vidar sævarang, martin dauchez, whitney jensen, samantha, ballet national de norvège, magdalena forsberg, mariko kida, johnny mcmillan, staastballett berlin, owen belton, eric chad, nancy bryant, gregory lau, renée sigouin, kidd pivot company, joke visser, kees tjebbes, samantha lynch, douwe dekkers, lucas lima, alla eizenberg, maayan shienfeld, rani lebzelter, franz schubert, forest swords, piotr ilitch tchaïkovski, dirk haubrich, mahler | | Facebook | | | Imprimer |