"En attendant Godot" à La Scala jusqu'au 8 avril (mardi, 07 février 2023)

alain françon,samuel beckett,eric berger,guillaume lévêque,andré marcon,gilles privat,antoine heuillet,la scala,en attendant godotEn 1996, c'est une claque ! Pierre Arditi est Vladimir, Marcel Maréchal est Estragon, Robert Hirsch est Pozzo, Jean-Michel Dupuis est Lucky, tous réunis sous la houlette de Patrice Kerbrat au Théâtre du Rond-Point des Champs-Élysées. Samuel Beckett a bondi d’entre les pages de mes lectures, plus vivant que jamais, la mise en scène et les interprétations données par chacun des comédiens restent figées dans ma mémoire pour cette production, impossible à dépasser...

Cependant, depuis la semaine dernière sur le bord du boulevard de Strasbourg, la Scala affiche En attendant Godot.  Beckett reste irrésistible, et puis une mise en scène d’Alain Françon, une des vedettes du théâtre français, ne peut qu’éveiller l’interêt. En attendant Godot à La Scalacréé en juin dernier aux Nuits de Fourvièrepromet d’être un événement.

Je sens encore les frissons qui irradiaient autour de Dominique Valadié dans l’intensité de son jeu dans Qui a peur de Virginia Woolf ? (2016), l'air du Théâtre de l'Oeuvre avait changé, magique, la mise en scène était signée Alain Françon… En fait, depuis plus de cinquante ans, le metteur en scène, plusieurs fois récompensé par ses pairs, multiplie les succès à un rythme soutenu.
En amoureux respectueux des auteurs, Alain Françon fait revivre la pièce emblématique en dessinant le cadre et le jeux de ses interprètes avec une très attentive fidélité aux didascalies souhaitées par Beckett. Le goût commun de l'auteur et du metteur en scène pour l'abstraction se rencontrent à la perfection, l'art est dans le détail et ce sens de la précision ultime offre un sentiment de grande liberté qui laisse s’envoler l’imagination des spectateurs.

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Ce sont de très adroits funambules, Gilles Privat et André Marcon s'expriment comme le ferait un couple de danseur dans le pas de deux d’un ballet poétique. Dans cet environnement froid et inhospitalier, imaginé sur un sol gelé et emmené vers un horizon sombre, les comédiens occupent l’espace tout entier, ils glissent, ils font se rencontrer la chaleur de leur échanges et l’humour de leur propos pour questionner l’invisible avec cette perspicacité, souvent d’une cruelle ironie, typique au registre de Beckett. En deux actes, la complicité de jeux de Gilles Privat et André Marcon, tendre, émouvante et drôle, reflète admirablement cette humanité dont Beckett révèle les profondeurs par des situations tout à fait anecdotiques pour ne pas dire banales. Réinventant ces personnages si attachants, les deux compères s’harmonisent à la perfection, ils sont rejoints par la prestation, presque dansée, elle aussi, et aussi poétique, d’Eric Berger dans le rôle de Lucky. La pièce a été écrite en français en 1948 (Éditions de Minuit, 1952), comme pour « Fin de partie » - un succès prolongé actuellement au Théâtre de l’Atelier – l'œuvre n’a évidemment pas pris une ride, elle est même d’une modernité tout à fait radicale. En fait, il n’y a qu’une vérité : Samuel Beckett demeure un génie ! Hâtez-vous d’aller à sa rencontre !

Laurence Caron

 © photo : Jean-Louis Fernandez


alain françon,samuel beckett,eric berger,guillaume lévêque,andré marcon,gilles privat,antoine heuillet,la scala,en attendant godotA lire :
Alain Françon, la voie des textes d’Odile Quirot,
éditions Actes Sud - collection le Temps du Théâtre.

20:11 Écrit par CARON | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alain françon, samuel beckett, eric berger, guillaume lévêque, andré marcon, gilles privat, antoine heuillet, la scala, en attendant godot | |  Facebook | | |  Imprimer | | Pin it! |