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"Le professeur" à La Scala

Capture d’écran 2025-10-13 à 10.48.30.pngOctobre 2020. Cinq ans après l’assassinat de douze personnes, dont huit membres de la rédaction de Charlie Hebdo par les frères Kouachi, le professeur d’Histoire et de Géographie Samuel Paty  donne un cours d'Enseignement Moral et Civique sur la liberté d’expression en l’illustrant par la parution de deux caricatures de Mahomet parues dans le journal satirique. Les caricatures présentées lors du cours sont des documents issus de la plateforme eduscol qui propose des parcours pédagogiques scénarisés en ligne aux élèves. Intelligent et délicat, le professeur invite les élèves sensibles à sortir de la classe, ou à détourner les yeux, si la présentation des caricatures heurte leur sensibilité.

Dix jours plus tard, le 16 octobre 2020, à la sortie de son collège d'Eragny-sur-Oise, Samuel Paty est décapité par un islamiste radical âgé de 18 ans.

Capture d’écran 2025-10-13 à 08.08.13.pngEn 2024, l’autrice Emilie Frèche relate sous la forme d’une pièce de théâtre, ces dix jours qui ont précédés l’assassinat de Samuel Paty (édition Albin Michel). Enquêtant au plus près de l’environnement du professeur, au collège et auprès de sa famille, Emilie Frèche restitue en partie le cours donné à cette classe de 4ème, les conversations en salle des professeurs, les entretiens dans le bureau de la Proviseure jusqu’à l’intimité de l’appartement de Samuel Paty. Le rythme est soutenu, le texte est serré. Le compte à rebours est lancé, tragiquement immuable. La scénarisation des évènements recrée une réalité effrayante, le public est suspendu au moindre mot. Sur la scène nue de la Scala, éclairée avec raffinement par François Thouret et mise en scène très sobrement par Muriel Mayette-Holtz, Carole Bouquet précise incarne plusieurs personnages. La comédienne est seule en scène, comme l’a été le professeur Paty. Seul. Car, alors qu’il n’a fait que son travail, Samuel Paty se retrouve au banc des accusés. Une accusation de discrimination par une élève, qui n’avait même pas assistée à son cours, engendrant une ignoble fatwa numérique d’islamistes locaux (et au-delà). Victime de cette rumeur malfaisante et nauséabonde, Samuel Paty ne semble pas avoir été écouté, compris et considéré par une partie du corps enseignant. Une solitude glaçante, effroyable. Au point tel qu’il a été demandé au professeur, par l’intermédiaire d’un référent missionné sur le thème de la « laïcité » et dépêché par l’Éducation Nationale, de s’excuser auprès de ses élèves et parents… s’excuser de les avoir « froissés ».

L’assassinat de Samuel Paty demeure une incommensurable tragédie, suintante de cruauté, d’ignorance et de lâcheté. Deux ans après, l’écrivain Salman Rushdie est blessé par 15 coups de couteau ; l’année suivante, au sein même d’un lycée d’Arras, le professeur Dominique Bernard est assassiné, son assaillant radicalisé cherchait « un prof d’histoire ».

On peut s’interroger sur les répercussions de cette menace sur les établissements scolaires ou ailleurs... La peur nourrit-elle le risque de censure et d’autocensure au détriment du savoir et des libertés ? Cette régression est terrifiante. A cet instant, la culture - l’écriture, et précisément le théâtre - sont à préserver/défendre de toutes nos forces. A la mémoire de Samuel Paty, « Le professeur », proposé à la Scala jusqu’au 14 décembre, est indispensable.  

Laurence Caron

NB : Je vous encourage à visionner la plaidoirie de Richard Malka, dans le documentaire réalisé par Isabelle Cottenceau : "Dieu peut se défendre tout seul" sur canal+ .

Lien permanent Catégories : EN FAMILLE, SCENES 0 commentaire Imprimer

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