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"Juste la fin du monde" au Théâtre de l'Atelier

Jean-Luc Lagarce,theatre de l'atelier,Éditions Les Solitaires Intempestifs,Johanny Bert,Astrid Bayiha,Céleste Brunnquell,Vincent Dedienne,Christiane Millet,Loïc Riewer,Kahina Abderrahmani,Élise Cornille,Lucie Grunstein,Grégoire Faucheux,Guillaume Bongiraud,Marc De Frutos,Robin Laporte,Amélie Madeline,Alma Bousquet,Irène Vignaud,juste la fin du mondeL’auteur Jean-Luc Lagarce meurt à 38 ans, le 30 septembre 1995. Bernard-Marie Koltès et Copi l’ont précédé, fauchés eux aussi par le sida, leurs œuvres dramaturgiques demeurent, avec pour point commun une écriture radicale, moderne et fulgurante muée par une éminente sensibilité qui flirte avec la mort, avec humour ou cynisme. « Juste la fin du monde » de Lagarce est une de ces préciosités choisie pour ce début 2025 au sein de la passionnante programmation du Théâtre de l’Atelier. Un évènement attendu, on trépignait d’impatience…

Ce soir-là, la salle est comble, c’est le public parisien habituel mais un peu plus jeune qu’ailleurs affichant une branchitude assumée. Pour « Juste la fin du monde », le metteur en scène marionnettiste Johanny Bert tire les ficelles. D’entrée un décors flottant, un ciel d’objets banals issus du quotidien qui soulevés dans les airs deviennent beaux et poétiques, l’instant s’annonce inoubliable.

Pourtant, tout dérape. L’arrivée sur scène de Vincent Dedienne qui campe le personnage principal de la pièce est immédiatement catapultée par le beau visage au sourire triste du regretté Gaspard Ulliel. J’avais pourtant promis de ne pas y penser. L’adaptation cinématographique de la pièce, réalisée en 2016 par Xavier Dolan, vient se superposer à la pièce sans que je puisse m’en détacher. Malgré moi, je suis envahie par ces repères cinématographiques, j’ai tellement aimé ce film ! L’adolescente en perdition de Lea Seydoux, la colère brutale de Vincent Cassel, l’état d’asphyxie de Nathalie Baye et la passivité maladroite de Marion Cotillard… quel délice cela a été. Maintenant c’est un combat, je me concentre de toutes mes forces pour ranger le film et enfin découvrir la pièce, il est hors de question que l’un déteigne sur l’autre. Mais, sur scène, la trop grande attention portée à la scénographie et cette marionnette qui se ballade (le père ? ) sans qu’on comprenne vraiment pourquoi ont fait sans doute oublier la direction des comédiens et comédiennes... Impliquées, Astrid Bayiha et Christiane Millet s'engagent dans un jeu sincère mais l'ensemble de la troupe déborde de mots sans savoir quoi faire d’eux. Comme les objets de décors, eux aussi flottent.

Ce qui est intriguant et fascinant dans l’écriture de Jean-Luc Lagarce, bien plus que les situations qu’il explore, est ce langage, cette juxtaposition savante de mots, essentiellement des verbes conjugués, une sorte de partition contemporaine sur l’incapacité de dialoguer. Cet étonnant discours est une partie de carte qui jongle avec toutes sortes de temps afin qu’ils demeurent intemporels, éternels. D’abord les personnages reprennent les propos qu’ils viennent de citer, inlassablement, de façon névrotique presque, comme pour insister, ancrer leurs dires en les faisant passer de la pensée au réel, peut-être tout simplement pour mieux comprendre, mieux se comprendre. C’est un exercice difficile, sur scène les comédiens s’y confrontent avec endurance en bons élèves mais les tirades se précipitent, il manque les silences, les respirations, ces espaces de vie nécessaires pour faire naître les émotions. Et puis, ces non-dits forment la colonne vertébrale de la pièce, vous savez, ces infâmes et perverses petites traces douloureuses que l’on frotte comme une tâche sur un vêtement sale sans parvenir à la faire disparaitre, ces expériences de vie déçues, avortées, ces ombres méchantes qui transforment le cocon familial en enfer. Un enfer certes, celui dont on ne peut se passer, dont on voudrait s’échapper pour toujours, et où on retourne souvent.

jean-luc lagarce,theatre de l'atelier,Éditions les solitaires intempestifs,johanny bert,astrid bayiha,céleste brunnquell,vincent dedienne,christiane millet,loïc riewer,kahina abderrahmani,Élise cornille,lucie grunstein,grégoire faucheux,guillaume bongiraud,marc de frutos,robin laporte,amélie madeline,alma bousquet,irène vignaud,juste la fin du mondeBref, le style de Jean-Luc Lagarce est un régal, l'auteur est complexe et mystérieux, je me promets d’aller chercher, lire, voir, tout ce qu’il a pu écrire. On ira donc voir "Il ne m'est jamais rien arrivé", à 19h sur cette même scène de l'Atelier, Vincent Dedienne s'immerge dans Le journal de Jean-Luc Lagarce, un très prochain rendez-vous.

Laurence Caron

Lien permanent Catégories : LETTRES, ONDES & IMAGES, SCENES 0 commentaire Imprimer

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