Après L’Or du Rhin, La Walkyrie, est le deuxième imposant chapitre de l’épopée Wagnérienne présentée par l’Opéra national de Paris.
Le livret de La Walkyrie, imprégné de cette mythologie dont il ne faut pas perdre une miette tant le propos est dense avec ces histoires de famille compliquée, ces dieux cavaleurs, ces enfants incestueux, ces trahisons et vengeances incessantes et cette obsession à n’importe quel prix du bon lignage (qui rappelle toujours un truc dérangeant chez Wagner), tient bien éveillé. La soirée commence à 18h30 pour se clore à 23h30, il y a de longs entractes qui permettent de reprendre son souffle.
L’endurante et puissante œuvre romantique allemande est un régal tant la direction de Pablo Heras-Casado et les pupitres de l’Orchestre de l’Opéra sont concernés par la brillance de ce monument musical. A cela s’ajoute une distribution de haute volée avec, on le remarquera tout de suite, Stanislas de Barbeyrac. Formé au Conservatoire de Bordeaux puis à l’Atelier de lyrique de l’Opéra national de Paris, sa carrière suit une progression intelligente sur les plus grandes scènes européennes jusqu’aux USA. A Bastille, il assure le rôle de Siegmund avec voix ! Comme du velours, profonde, au phrasé impeccable et nuancé, l’hymne au printemps est notamment d’une beauté renversante. A sa performance vocale s’ajoute une véritable présence et un sens de la dramaturgie - qui donne bon espoir sur les nouvelles générations de chanteurs lyriques et leur maitrise de l’art dramatique – en comédien accompli, le beau ténor, du haut de ses (seulement) 41 ans, est un Siegmund qui restera dans les grandes pages de l’Opéra, à noter par ailleurs qu’il est le premier français à chanter Siegmund depuis Georges Thill… Dès le deuxième acte, le baryton Christopher Maltman assure génialement le rôle de Wotan par sa forte présence scénique et une grande qualité vocale, à lui seul il bouffe littéralement l’espace de Bastille. Enfin, les rôles féminins sont également admirablement bien distribués, Elza van den Heever (Sieglinde) et Tamara Wilson (Brünnhilde) ont de superbes voix renforcées par leurs talents de comédiennes – c’est tout à leur honneur d’ailleurs tant elles ne sont pas mises en valeur par la mise en scène qui de l’horreur pour l’une (costumes bariolés de sang) au grotesque pour l’autre (à califourchon sur un cheval bâton) …
A ce propos, il se dit couramment que les propositions scéniques de Calixto Bieito sont controversées… Pour La Walkyrie à Bastille, j’en comprends la raison. Le metteur en scène de théâtre et d’opéra espagnol ouvre le premier acte sur un décors impressionnant, une sorte de structure d’acier qui fait courir l’imagination vers des possibilités ludiques. C’est d’abord un univers guerrier, pauvre et douloureux, une sorte de transposition apocalyptique façon Tchernobyl qui pourrait sembler intéressante. Seulement, cet intérêt ne dure pas. Aux affres de la guerre et à la colère des dieux, Wagner fait se succéder l’amour et le printemps, pourtant cette magie ne se produit pas (visuellement) sur la scène de Bastille. Pour exemple, du sac de couchage enveloppant les héroïques interprètes au premier acte jusqu’aux néons et les câbles électriques du royaume des cieux du second acte qui ringardisent définitivement l’ensemble, il reste une impression de « déjà vu » très agaçante en ces lieux et déplorablement triste. Donc on en restera là pour ce qui est de la mise en scène, on fermera les yeux, juste pour écouter.
Laurence Caron