Créée il y a plus de dix ans et récompensée par le Molière du meilleur spectacle comique en 2017, la pièce « Bigre » reprend au Théâtre de l’Atelier jusqu’au 4 janvier. Le metteur en scène Pierre Guillois et ses co-auteurs - et excellents comédiens - Agathe L’Huillier et Olivier Martin-Salvan, parlent de nous, de vous et des autres. C’est un quotidien banal qui, porté sous les projecteurs et grâce aux talents de ses auteurs et interprètes, se transforme en une fresque humoristique et poétique.
Sans un mot ou presque, les petits ennuis et les petits bonheurs des jours et des nuits sont théâtralisés avec une délicatesse émouvante ou bien au contraire dans un esprit potache. La vie s’échafaude de bric et de broc par des jeux de mimes tendres et grimaçants, rythmée par de très ingénieux effets visuels et sonores inattendus et des cascades hilarantes. Et puis, il y a la solitude contre laquelle il faut lutter pour ne pas s’y trouver piégé, et l’amour, aussi petit que grand, aussi heureux que malheureux. L’exiguïté des petites chambres mansardées, dans lesquelles se déroule la pièce, concentre les sentiments, le propos comme le moindre détail sont essentiels pour chacune des intentions dramatiques. Ce sont des tranches de vies maladroites et touchantes qui avancent tant bien que mal dans un genre de conte absurde -en apparence - si proche du réel. Des petites histoires de vies si fragiles s’entremêlent pour n’en former qu’une grande, une sorte de miroir de l’Humanité toute entière vu par un trou de serrure.
Avec nostalgie, je pense aux spectacles découverts, il y a des lustres, comme les catalans Tricicle (Théatre de la Ville) ou les Frères Taloches (Théâtre Trévise), dans cette lignée «Bigre» explore encore autre chose. Le metteur en scène Pierre Guillois saute facilement du one-man show, au spectacle de rue ou à l’opéra, il faut ajouter à son parcours artistique le don particulier de magicien.
Laurence Caron