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Shaman & Shadoc ou l'imposture des rats, au Théâtre Essaïon jusqu'au 13 mai

julie allainmat,céline legendre- herda,theatre essaion,pierre margot,xavier béa,guillaume orsatC’est là où tout se passe, c’est là où tout commence…  
Le centre de Paris peut s’enorgueillir de frontons célèbres comme c’est le cas pour la façade du Théâtre du Châtelet ou du Théâtre de la Ville, et aussi de lieux de création plus confidentiels... Le Café de la Gare par exemple, juste derrière le Centre Georges Pompidou aux portes du Marais, abrite en son sein un foisonnement théâtral dont, malgré vents et marées depuis Mai 68, la réputation n’est plus à faire. Et puis, tout proche, dans la minuscule rue Pierre au Lard, le Théâtre Essaïon a l’âme plus discrète mais toute aussi volontaire.

L’escalier est profond pour descendre dans le ventre de Paris, des caves (en)voûtées accueillent les artistes et leurs publics, l’ambiance est très particulière. Comme dans un club de jazz réservé aux initiés, il y a deux salles au Théâtre Essaïon, ce sont des territoires privilégiés dédiés aux auteurs et aux artistes. La programmation théâtrale est riche et toujours de qualité, truffée de petites trouvailles, de merveilles (Fureur en 2014), de révélations, et le jeune public autant que les amateurs de spectacles musicaux ne sont pas oubliés. Remarquable aussi, le prix des places à la portée de tous (à surligner au feutre fluo ;-) ).

Depuis le 9 mars et jusqu’au 13 mai, les jeudis, vendredis et samedis, à 21h30, le comédien Pierre Margot révèle son talent d’auteur en projetant sur les planches sa première pièce « Shaman & Shadoc ou l’imposture des rats ». Shaman est Guillaume Orsat, un rôle sur mesure..

julie allainmat,céline legendre- herda,theatre essaion,pierre margot,xavier béa,guillaume orsat(°photo David Krüger)

La petite pièce deviendra grande 
De l’histoire, je ne dirai rien. Il est toujours moyen de se nourrir des résumés de la pièce qui s’éparpillent au fil des articles de la presse spécialisée autant que sur les sites internet de billetterie. Je défends l’idée qu’il faudrait ne rien savoir d’une œuvre avant de la découvrir : arriver tout neuf. La surprise a un goût irrésistible, lorsque la saveur mêle des parfums que l’on reconnaît à d’autres totalement inédits, la délectation est suprême ! C’est le cas pour « Shaman & Shadoc ou l’imposture des rats ». 
Le texte claque, rien d’inutile, pas de fioritures prétentieuses ou aventureuses, tout se dit, soufflé par maintes références et souvent en paraboles. De cette hauteur, les comédiens abordent un jeu radical, sans concession, imprégnés tout entier de leurs personnages, il y a une envie d’aller à l’essentiel, de viser juste. 
Dans « En attendant Godot » de Beckett, il y a ce même pessimisme désespéré sur la nature humaine qui parvient par d’adroits stratagèmes à exprimer son grand amour pour l’Humanité. Ou bien aussi comme dans les dialogues d’Audiard, il y a cette facilité apparente du rythme et de la métaphore, cette gravité que l’on fait paraître dérisoire rien qu’avec des mots. L’influence poétique de Roland Dubillard semble aussi bien veiller au grain afin de moudre l’ensemble dans une parfaite cohérence de l’Absurde. Des références aussi en musique en font un texte qui respire, une leçon d’humanisme qui s’évertue à se jouer du tragique autant que de la comédie sans que l’un fasse de l’ombre à l’autre…

A beau texte, grands comédiens !
Pour se faire, Manhattan Shaman et Victor Shadoc doivent leurs vies respectives aux comédiens Guillaume Orsat pour Shaman et Pierre Margot pour Shadoc (en alternance avec Xavier Béja). 
Guillaume Orsat est gigantesque. Quel qualificatif faut-il utiliser pour un comédien qui impose un jeu aussi fort, aussi juste ? Guillaume Orsat aborde son interprétation de Shaman avec raffinement, son jeu pourrait se comparer à l’énergie et à cet absolu abandon maîtrisé d’un Depardieu, d’un Weber ou Maréchal - en plus jeune et en plus mince ;-). Pierre Margot lui est un Shadoc émouvant, dont la profondeur et la pudeur du jeu a cette sorte d’élégance qui ne parvient pas à masquer la reconnaissance de l’auteur pour son comédien : comme Pierre Margot n’a de cesse de le répéter : « ce rôle, je l’ai écrit pour lui (Guillaume Orsat )»…
Et puis, il y a cette réconciliation ultime avec le Théâtre, celui qui se passe de sous-titres parce que les comédiens façonnent leurs textes avec grâce autant que les techniques du phrasé et de la syntaxe, ce théâtre chic dont on ne se lasse jamais et qui n’est pas si répandu sur les multiples scènes parisiennes, plus ou moins grandes, privées ou subventionnées… Enfin, Céline Legendre- Herda (en alternance avec Julie Allainmat) offre de fraîches échappées entre les scènes, un parti pris amusant, peut-être pour éviter à l’auteur et à ses comédiens de trop sombrer dans la pénombre des âmes sensibles…

Assister à une représentation de « Shaman & Shadoc ou l’imposture des rats » est être témoin de la naissance d’une œuvre. Un phénomène à ne pas manquer !  

Laurence Caron

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Commentaires

  • Pour sa première pièce « Shaman & Shadoc ou l’imposture des rats » le comédien Pierre Margot réussit un coup de maître. Il y a de la profondeur de Kafka et de « Faust » dans ce texte magnifique. Les comédiens sont parfaits avec une diction dont on a perdu l’habitude. Guillaume Orsat, magistral, m'a fait penser à Michel Simon! La mise en scène de l’auteur est diablement efficace. La touche finale avant l’extinction des projecteurs est sublime… Bref pendant un instant, lorsqu’on quitte le théâtre, on trouve beau tout ce qui vous entoure, même si l’on rentre en métro le vendredi soir! Bref, si vous appréciez la belle écriture, si vous aimez les acteurs et le théâtre… Courrez à l’Essaïon !

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