Barbara, Un jardin de Silence à La Scala
L’éclairage est savant, impossible de ne pas penser aux scènes sur lesquelles Barbara a régné, de l’Olympia au Théâtre du Châtelet. Une marque indélébile. Le plateau, chaleureux et baroque, est couvert de bouquets de fleurs. L’univers créé par Thomas Jolly est magique, l’atmosphère est d'une intimité troublante. On sent bien que le moment va être exceptionnel.
Ce sont des apparitions fugaces, son allure, les accents de sa voix, Barbara chante et laisse s’échapper quelques confidences. Dissimulée derrière ses lunettes noires, celle qui rêvait d’être pianiste a une prédilection pour la chanson populaire, notamment celle des années 30. La reprise de "Elle vendait des p'tits gâteaux" de Vincent Scotto par L. est un instant formidable ! Puis la chanteuse devient auteur-compositrice, elle évoque surtout les méandres de l’âme et de l’amour.
Barbara est incarnée par Raphaële Lannadère, enfin pas tout à fait.... Raphaële Lanadière est d'abord "L.", une interprète géniale, à aucun moment il ne s’agit d’imitation mais plutôt d’une très sensible et très juste interprétation. Le musicien Babx accompagne attentivement, presque amoureusement, Barbara ou L.. Tour de passe-passe, on ne sait plus, qui est qui Entre chansons, extraits d’interviews et lectures de textes, cet hommage rendu à Barbara fait apparaître l’artiste et la femme avec pudeur, dans une très grande élégance.
L'insoutenable légèreté de l'Etre...
Le metteur en scène et comédien, Thomas Jolly, est un trublion déchaîné dont les ardeurs humoristiques secouent les rangs des spectateurs de fous rires auxquels ici personne ne s’attendaient. « Un jardin de silence » est aussi une charge bien sentie au questionnement redondant, quasi surréaliste et toujours d’actualité, des journalistes à l’égard des artistes.
De Barbara j'avais retenue qu'elle nourrissait une véritable passion pour le jardinage, cela je ne pouvais que le noter, une façon familière de calmer les angoisses et de faire taire les fantômes, un autre « jardin de silence ». Ce soir là, on croit voir les bouquets de lys refermer leurs corolles, les projecteurs s’éteignent, personne ne veut quitter Barbara. A regret, le public retrouve le boulevard de Strasbourg, comme orphelin. Il y a cette drôle d’impression qui flotte, celle laissée par les belles histoires qui semblent toujours trop courtes. Mais que chacun se rassure, sa plus belle histoire d’amour c’est nous...
Laurence Caron