Hen au Théatre de l’Atelier jusqu’au 27 mai
"Une recherche sous forme de laboratoires sur les questions d’identités et de genre confrontée à une recherche sur les origines d’un théâtre de marionnettes subversif", c’est ainsi que Johanny Bert annonce son « cabaret marionnettique » « Hen* » au Théâtre de l’Atelier. Un sujet que l’on aimerait obsolète pour lequel nos sociétés contemporaines n’ont de cesse de se prendre les pieds dans le tapis. Johanny Bert attise le feu sous des questions douloureuses, souvent d’une grande violence, par la voix plurielle d’une marionnette extravagante. Hen a l'allure punk, un peu queer, souvent trash, parfois drama-queen, peut-être trans, radicalement diva, on devine érotomane, ou rien de tout ça ou un peu de chacun de nous en somme, forcément quelque part, de mousse et de bois. Deux brillants musiciens, le percussionniste Cyrille Frogeret et le violoncelliste Guillaume Bongiraud, créent un univers sonore live extrêmement original pour accompagner les chansons interprétées très justement par Johanny Bert et très adroitement écrites. Pour donner vie à la marionnette qui réalise une véritable performance de transformistes, tant ses changements de costumes sont rapides, Lucile Beaune rejoint Johanny Bert, il faut être au moins deux pour la manipulation invisible souvent dansée et parfois acrobatique de Hen.
Et Hen prend vie… Dans une ambiance un peu eighties, jamais poupée de chiffons n’a semblé si en chairs, on sent presque le tambourinement du rythme cardiaque et le sang se précipiter dans les veines au rythme des émotions qui traversent l’être articulé, et qui nous traversent. Car s’il est question de témoigner, révéler et dénoncer même, le spectacle continue en plumes et paillettes, en cuir et dentelles, musiques et effets magiques. La révolte, souvent provocatrice pour mieux se faire entendre et pour mieux se faire comprendre, use de l’humour à en perdre haleine et flirte avec une poésie infiniment tendre à faire fondre les cœurs les plus durs, on l’espère. Pourtant à la puissance du sujet défendu et à l’importance du message politique, l’impression qui demeure est celle d’un spectacle total où musiques, costumes, lumières et créations plastiques créent un univers fantastique. Pour rejoindre l’universel, il est recommandé de se débarrasser des étiquettes. Ainsi, avant tout, la créature chimérique Hen livre une véritable leçon de tolérance et des pistes nécessaires pour atteindre la liberté. Un spectacle à voir vite, un remède indispensable - hélas toujours d'actualité - avant le 27 mai.
Laurence Caron
* HEN a reçu le Prix Spécial du Syndicat National de la Critique 2019.