Quatre ballets de Jiří Kylián, jusqu’au 31 décembre à l’Opéra Garnier
Néoclassique. C’est le terme utilisé pour définir la danse du chorégraphe tchèque Jiří Kylián, pourtant ce qualificatif semble réducteur pour décrire le don particulier du Maître à réduire l’espace entre le rêve et la réalité. Créant le succès de l’une des plus grandes compagnies de danse contemporaine du monde, le Nederlands Dans Theater à la Haye - pendant plus de vingt ans - Jiří Kylián a conservé un attachement particulier à la France, à nouveau sur la scène de l’Opéra Garnier, il démontre, à 76 ans, une éternelle jeunesse grâce à l’incontestable renouvellement de son génie créatif.
Dans ce nouveau programme, le Ballet de l’Opéra de Paris est au meilleur de sa forme, les quatre pièces chorégraphiques choisis sont à la hauteur de la grande Maison et offrent aux danseurs l’espace d’expression nécessaire à leur travail et à leurs talents. Lumières soignées, costumes élégants, théâtralisation du récit, effets de décors spectaculaires, justesse de la création et des choix musicaux, la sophistication est extrême, aucun détail n’échappe à la vison de l’artiste, comme pour cette danse qui dessine chacune des intentions avec une vertigineuse délicatesse.
Pour une fois, on ne fera pas la moue en découvrant que le musique est enregistrée, inscrite dans son ADN elle demeure essentielle pour Kylián, et les danseurs de l’Opéra de Paris s’y accordent avec virtuosité. Une vague de beauté submerge Garnier, l’émotion est palpable, des soupirs d’émerveillement se font entendre, tout cela n’avait pas été ressenti ici depuis longtemps…
John Cage et Anton Webern se côtoient sans nullement se gêner dans Stepping Stones déjà entrée au répertoire du Ballet en 2001, puis ce sont trois pièces qui entrent au répertoire : la poétique Petite Mort (création en 1991), la puissante Gods and Dogs (création en 2008), et l’hilarante et adorable Sechs Tänze (création en 1991). Pour ce programme bien construit et joyeux, les distributions des danseurs bougent, cela a peu d’importance, la compagnie de l’Opéra est merveilleuse dans son entier ; pourtant, ce soir-là, on s’arrêtera sur la grâce d’Hannah O’Neill dans Stepping Stones et à l’apparition quasi surnaturelle de Bleuenn Battistoni dans Petite Mort, et puis à l’ensemble des garçons du corps de ballet qui – désolée pour la distinction de genre – affiche une danse puissante et d’une extrême précision. Bref, loin du bruit et de la fureur de notre monde, soyez assurés que la féerie des fêtes de fin d’année a commencé, et c’est à Garnier que les artistes se chargent de la faire partager.
photo / Stepping Stones de Jiří Kylián (saison 23/24) - Hannah O'Neill, Hugo Marchand© Ann Ray / OnP