"Le grand sot" de Marion Motin, à la Scala jusqu'au 16 décembre
Soir de première, la salle est comble, le public semble déjà enthousiaste. Le plateau dépouillé de ses artifices n'a jamais paru aussi grand. Alexis Sequera, comédien-danseur, accueille le public, il apostrophe gentiment les spectateurs, un brin cynique, parfois insolent, ses interventions déboussolent un peu, tous sont venus voir de la danse et pas autre chose, le public français a des codes bien établis. Notre hôte monte sur une chaise très haute, une structure tubulaire de piscine, pour annoncer le thème du show: « une compétition de natation ». Soit. En matière de danse, on en a vu d’autres, on s’attend à tout et si possible à encore plus. La musique de Ravel et son Boléro (culte) entame ses premières notes, difficile de ne pas frémir, le choix est drôlement gonflé ! Et pourtant, les froncements de sourcils s’effacent, le rire et l’étonnement emportent la partie, c’est une réussite.
« Le grand sot » a franchi Paris, de la Villette (en 2021) jusqu’à La Scala aujourd’hui, Marion Motin a trouvé ici un espace qui lui convient. Pourtant, sa récente création pour le Ballet de l’Opéra de Paris s’était avérée un peu maigrichonne, malgré les effets souhaités et la majesté du corps de Ballet, la sauce n’avait pas pris... A chacun son univers, c’est bien différent à La Scala. Toujours à l’écoute du monde et de ceux qui le font, la salle parisienne drapée de son beau bleu profond a la très bonne idée de ponctuer sa programmation de pièces chorégraphiques en convoquant des artistes inscrits dans l’air du temps (récemment, le somptueux Portrait de Mehdi Kerkouche qui revient en février 2024). C’est le cas de Marion Motin, elle nous prouve à quel point le spectacle est capable de montrer le meilleur de nous-même. Parce que ses danseurs nous ressemblent, ils sont de toutes sortes avec pour point commun une énergie dans leur danse et un réel sens de la comédie. Les mouvements brefs, d’une apparente simplicité -inspirés du hip-hop mais ça on le savait déjà- s’inscrivent dans une géométrie finalement très complexe, les déplacements du groupe sont si puissants qu’ils en deviennent lyriques. Les huit artistes affichent de fortes personnalités tout en se fondant à l’unisson dans l’écriture chorégraphique de Marion Motin. On reconnaît la signature de la chorégraphe sur plusieurs attitudes et intentions, c’est une empreinte forte qui laisse songeur d’ailleurs, la conquête de la danse de Marion Motin -inscritent sur les scènes pop-rock, clips ou films- est allée vite, très vite. En 2015, sur le clip de « Christine and The Queens », cela a été une évidence qui a certainement contribué au succès de la chanteuse, comme cette même année pour la chorégraphie de la comédie musicale « Résiste » au Palais des Sports où les danseurs ont redonné vie à la musique de Michel Berger. Depuis, Marion Motin continue à être au générique des plus grands. En fait, il faut se souvenir de la découverte du clip « Thriller » de Mickael Jackson, retenir cette excitation communicative et cette théâtralité, car il y a un peu de ça dans « Le grand sot ».