Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

"Prima facie" au Petit Montparnasse

elodie navarre,petit montparnasse,cequiestremarquable,suzie miller,dominique hollier,séverine magois,géraldine martineau,salma bordes,vanessa coquet,nieves salzmann,antoine reibre,sylvain dieuaide,prima facieLe 23 janvier 2016, bouleversée, assommée, les yeux plein de larmes, je découvre Andréa Bescond dans « Les chatouilles ou la danse de la colère », à l’époque la comédienne ne dit pas encore qu’il s’agit de sa propre histoire… Le Petit Montparnasse est décidément un lieu de spectacle pas tout à fait comme les autres. La pièce londonienne archi successfull, « Prima Facie » de Suzie Miller -interprétée par Jodie Comer (récompensée entre autres par un Tony Award), créée en 2019 à Sydney, puis produite à Londres et Broadway - est du même acabit, d’une intensité extrême. Ce moment de théâtre foudroyant, quasi révolutionnaire, traduit par Dominique Hollier et Séverine Mageois, est interprété par la comédienne Elodie Navarre dans une mise en scène de Géraldine Martineau. Notre monde change, il est temps. Ce qui brûlait l’âme, déchirait le cœur et torturait le corps, est en train de s’éveiller, les murmures sont devenus confidences puis aveux pour enfin prendre la forme de dénonciations et d’accusations.

"Tessa est avocate, sa spécialité est de défendre des hommes accusés de viols, d’agressions sexuelles. Malgré ses origines ouvrières, Tessa est en pleine ascension : elle donne la meilleure version de ses clients en pointant les failles ou les contradictions des victimes. Jusqu’au jour où sa vie va basculer…".

Dans un système où les lois sont établies par les hommes depuis la nuit des temps, il demeure difficile (voir parfois impossible) pour nos sociétés de comprendre les crimes commis sur les femmes, encore plus quand ils sont d’ordre sexuel.  Comment dénoncer un viol commis sur une femme dans un monde perclus de certitudes ? Anciennement pénaliste, l’auteure Suzie Miller s’est chargée du dossier avec force et conviction, les rouages de la machine judiciaire sont démontés un à un avec une lucidité désarmante. Il s’agit du seul crime où la victime est soupçonnée coupable, voir clouée au pilori. Cet état de fait est épouvantable, affreux, abominable, à tel point qu’il est difficilement explicable. La comédienne Elodie Navarre est toutes les femmes, tour à tour, elle endosse comme une armure, forte et puissante, la sobre robe d’avocate, pour ensuite être terrassée malgré elle par un système judiciaire d’une ignorance crasse. Le consentement est une donnée nouvelle, peut-être la plus grande découverte de ce début de siècle dans l’histoire de l’Humanité. A l’heure où notre civilisation a découvert que les animaux -eux aussi- souffrent, n’est-il pas enfin temps de constater que les femmes ont le droit de dire « non » à l’acte sexuel, quel qu’il soit ? Dans une mise en scène de Géraldine Martineau, sociétaire de la Comédie Française, extrêmement adroite où chacun des éléments et déplacements semblent mués par l’évidence, Elodie Navarre propose un jeu sincère, aucun de ces mots et des émotions qu’elle fait naître n’échappent au public. Le temps est suspendu, malgré le propre intérêt de chacun pour un sujet si sensible qu’est le viol, on ne peut s’avouer que désemparé, désarmé, abasourdi par tant de cruauté, tant d'injustice. Du commissariat et son interrogatoire, en passant par l’examen médical jusqu’à cette salle de tribunal, la violence se répète, se répercute, sans obstacle, sans fin. Cette ignorance paraît volontaire, comme inscrite dans la pierre.

Donc nous disions : notre monde change... tout cela est en train de voler en éclat et « Prima Facie »  de Suzie Miller y participe. La culture n’est jamais en reste du temps qui passe et c’est par le prisme du théâtre que souvent les choses deviennent compréhensibles pour -on l’espère-  le plus grand nombre. Un long-métrage britannique est prévu sur grand écran ; mais en attendant, cette pièce est absolument à capter pour être retransmise à une heure de grande écoute sur une chaine nationale, « Prima Facie » doit-être vue partout et par tous.

Laurence Caron 

Lien permanent Catégories : LETTRES, ONDES & IMAGES, SCENES 0 commentaire Imprimer

Écrire un commentaire

Optionnel