La déclaration d’amour de Philippe Besson au Théâtre : « Un Tango au bord de la mer » au Petit-Montparnasse.
La première page d’amour écrite par Philippe Besson pour le Théâtre réunit deux hommes : ils se sont aimés, peut-être s’aimeront-ils encore ? Au creux de la nuit, au bar d’un palace, au bord d’une mer inconnue, leurs vies se croisent à nouveau.
Les murs noirs du théâtre se sont évanouis pour laisser s’ériger l'architecture d’un hôtel de luxe (pour moi ce sera celui de Mort à Venise, mais vous avez le choix), le beau et le commun, l’amour et la passion, les regrets et les remords partagent une bouteille de vodka. Lui (Jean-Pierre Bouvier) a cinquante ans, il est un auteur célèbre, esthète, l’Autre (Frédéric Nyssen) a trente ans, il est un insouciant, insolent.
L’amour unit les êtres et les révèle au monde, c’est en tout cas ce que Philippe Besson semble croire. Les questions existentielles de l’écrivain percent le fil des dialogues, sans même que l’on s’en aperçoive des aveux essentiels, parfois graves, sont dits. Sans concession mais avec une pudeur extrêmement mesurée, l’amour est raconté comme un prétexte au récit d'une vie.
Les comédiens jouent en rythme, les dialogues et apartés se partagent très harmonieusement le champ des sentiments. Débordant d’humanité, Jean-Pierre Bouvier crée le personnage de l’Auteur avec de très exactes intentions de jeu, tendre ou drôle, tragique ou fantasque, toute une vie vécue. Philippe Besson a réussi son pari, pour sa première pièce de théâtre, ses lignes ont pris vie, elles ne tressautent plus uniquement dans le reflet des pupilles de ses lecteurs, elles bougent pour de vrai, elles sont vivantes. Le texte s’est emparé très subtilement de ces deux hommes, à moins que cela soit l’inverse. Le duo de comédiens Bouvier/Nyssen est exemplaire, à la hauteur du texte. Car il y a l’Autre, Frédéric Nyssen pour qui il est si simple de faire ressentir l’instant alors qu’il est si difficile de faire durer l’amour. Ces vies s’étirent entre comédie sociale et tragédie amoureuse, rien n’épargne les deux hommes. La sincérité est l’arme absolue de Philippe Besson. Doux et bienveillant, mais aussi lucide et parfois amer, 'Besson-dramaturge' a le don le triturer le meilleur et le pire.
La mise en scène de Patrice Kerbrat enveloppe la scène et ses personnages avec la force de l’évidence. Les jeux de lumière isolent très intelligemment les apartés des comédiens alors que les déplacements donnent de francs élans aux soupirs contrariés, aux inflexions retenues et aux déclarations enflammées.
Le propos de la pièce est intemporel et universel, il s’agit bien d’une histoire d’amour. Pourtant, même si on voudrait que l’homosexualité ne soit pas un sujet, il faut avouer que cette pièce est aujourd’hui d’actualité, elle est une réponse à la bêtise. Résolument contemporaine, «Un Tango au bord de la mer» au Théâtre du Petit-Montparnasse est une œuvre nécessaire pour cette première partie de siècle en mal d’amour.
Laurence Caron-Spokojny
Commentaires
pour mémo : petite coquille à la 1ère ligne :
"réunit" au lieu de "réunie"