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Tartuffe, jusqu'au 25 mars - Ateliers Berthier

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Créé en 2014, Tartuffe avait remplacé Comme il vous plaira de Shakespeare que devait monter, un autre génie, Patrice Chéreau. Puis dans le corps bétonné des Ateliers Berthier, la reprise de Tartuffe a pris la place de la création d’Othello, entreprise trop ardue, Luc Bondy était bien trop malade pour s’y atteler.

Le 28 novembre dernier, Luc Bondy quittait ce monde sans pour autant éteindre la lumière de son talent.  

Sur le vaste plateau de Berthier, les décors impressionnants de Richard Peduzzy prennent forment, vivants et élégants ; si le bon goût devait se définir par un décor, il serait ainsi : un damier dansant, de noir et de blanc, dont de soyeux velours dorés et rouges réchauffent les angles graphiques. L’époque comme la situation géographique sont indéfinissables, cet écrin accueille à la perfection les contours de l’œuvre, l’écriture de Molière traverse le temps et l’espace sans heurts. L'ensemble est éclairé par la lumière, toujours très naturelle, de Dominique Bruguière.

Le talent d’un metteur en scène est à mon sens celui de mettre en valeur ses comédiens, non pas de les cacher ou de les faire souffrir sous de lourdes et tortueuses mises en scène au profit d’un obscur parti pris. Ici, dans l'oeil de Luc Bondy, les comédiens s’expriment librement, déliés de la présence du public, délivrés du fardeau de l’auteur, même si tout ceci n’est qu’apparences, Luc Bondy dirait alors : « Il faut voir pour croire, mais il ne faut pas toujours croire tout ce qu’on voit. Surtout au Théâtre… ». On peut deviner le calibrage exacte et mesuré du moindre détail qui propulse les comédiens au sommet de leur art, aucun n’est épargné, grands ou petits rôles, tous sont portés à la même hauteur et avec la même force. 

Si drôle et si touchante, Chantal Neuwirth est la Dorine la plus parfaite qui soit, elle manie la langue de Molière avec un sens du rythme époustouflant. Samuel Labarthe, en comédien exceptionnel qu’il demeure, campe un Orgon aux travers profondément humains, et touche droit sa cible ! Elmire, interprétée par Audrey Fleurot, est tout en intelligence et en beauté - secrète, belle éthérée ou explosive, tonitruante - la comédienne déploie un registre des plus raffiné. Tous formidables, Christiane Cohendy, Victoire Du Bois, Laurent Grévill, Yannick Landrein, Pierre Yvon, Fred Ulysse, Sylvain Levitte, jusqu'aux rôles muets de Yasmine Nadifi et Nathalie Kousnetzoff… puis, il y a Micha Lescot, il est LE Tartuffe. Un dégoulinant et très ambigu Tartuffe, totalement décomplexé et insolemment extravagant. Le comédien crée un personnage stylisé, à la fois vampire funambulesque, reptile contorsionniste ou charognard du désert. Les effets du jeu de Micha Lescot sont saisissants d’inventivité et parsemés de drôleries. Mille petites intentions excentriques soulignent les déambulations de ce Tartuffe, pas du tout fréquentable...

Le propos originel qui porte sur la très hypocrite bigoterie religieuse est un peu laissé de côté, ce qui, par les temps qui court, est de bon augure ; pour cette fois, Luc Bondy aimante nos sentiments aux gesticulations douloureuses de cette famille, si malmenée, et c’est avec bonheur que nous entrons dans la danse pour nous coller au mouvement. 

J’ai pleuré, non pas de peine car l’ensemble est si drôle, mais d’émotion. Je ne me souviens pas quand ai-je été éblouie à ce point ?!

Laurence Caron-Spokojny

Lien permanent Catégories : EN FAMILLE, SCENES 0 commentaire Imprimer

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