"Palace sur scène" au Théâtre de Paris jusqu'au 5 janvier 2020
Impossible de ne pas se souvenir de Philippe Khorsand en directeur du Palace, de Valérie Benguigui en soubrette espiègle, des brèves de comptoir de Jean Carmet, du standardiste Darry Cowl, de (la toute jeune découverte de l’époque) Valérie Lemercier en Lady Palace, du shadok inégalé Claude Piéplu et ses clefs d’or, d’un Marcel Philippot râleur à souhait, de François Morel, Renée Saint-Cyr, Laurent Spielvogel, Eva Darlan ou bien encore Jacqueline Maillant entre autres grandes figures de la scène, et des invités d’un soir comme Alain Delon, Tony Curtis, Pierre Arditi, Annie Girardot et compagnie. Un casting incroyable pour assurer un show délirant totalement incongru qui fut diffusé pour la première fois sur Canal +, en 1988. Pour nourrir ces talents, les très fines plumes et crayons de Topor, Wolinski, Gébé, Rollin, Gourio et Willem étaient au boulot. Un succès, triomphalement porté par Jean-Michel Ribes, devenu culte par sa transformation en série publicitaire pour assurance, multi-diffusée depuis plus de quinze ans sur un grand nombre de chaînes de télévision.
Passer du petit écran à la scène est un exercice de haute voltige, quand le premier réclame d’être condensé et précis l’autre impose un rythme qui ne supporte aucun écart. La scène est une loupe grossissante doublée d’une oreille plus qu’attentive. Les deux brillants complices, Jean-Marie Gourio et Jean-Michel Ribes, se sont attelés à la tâche. Le rendez-vous est donné au Théâtre de Paris.
Quand le rideau se lève sur un décor en tout point identique à celui connu à la télévision, un frisson de bonheur semble parcourir les rangs des spectateurs, ils sont comme rassurés. Le Palace n’a pas bougé, le hall d’entrée et son escalier exagérément monumental, outil idéal pour camper le show à la façon d’une revue des années 30. Délicieusement déraisonnables les sketchs se suivent et les fans retrouvent les personnages récurrents comme Lady Palace, les répliques cultes telles : « Je l'aurai un jour, je l'aurai! » ou « Appelez-moi le directeur ! », les histoires invraisemblables et les géniales et si drôles blagues comme celle des œufs brouillés réconciliés…
Brodé comme une gentille opérette, l’ensemble a un charme désuet. Gwendal Marimoutou est un talentueux groom, le jeune artiste qui est aujourd’hui de toute les comédies musicales parisiennes, exerce un marathon chanté et dansé tout en passant les plats entre chaque scènette, entouré par des danseuses au tempérament de comédiennes. La musique enregistrée souffre d’une sonorisation peu délicate, cela étonne dans une salle de spectacle qui a partagé les grandes heures du théâtre musical. Heureusement le visuel couvre le sonore, les effets et étoffes des costumes et défilés de robes sont une réussite. La troupe de comédiens se démène, quelques interactions se créent avec le public quand des fous rire impossibles à contenir montent de la salle. Mais, le Palace prend l’eau, sans métaphore.
L’écriture acérée des sketches et la géniale verve irrévérencieuse viennent tout à coup se faire bousculer par une mise à jour malvenue, des allusions sur les sans-papiers et migrants souhaitent actualiser le propos. Les sketches s’éternisent... Épaté par les prestations d’une troupe de comédiens plutôt efficace là où l'équilibre semblait le plus difficile à tenir en comparaison de la distribution d'origine, le public est paumé, entre étonnement et déception. Ce Palace est encore charmant mais a perdu de son éclat…
Laurence Caron