Petit éloge de la nuit, jusqu'au 30 juin à La Scala - Paris
Celui qui a fait de son prénom un nom a l’air heureux, ses quatre-vingt cinq ans l’ont auréolé d’une tignasse blanche qui lui donne un air de grand sage. Pourtant le grand blond, dès qu’il se déplace, est tel qu’il a toujours été, souple et malicieux. Pierre Richard entre sur la scène de La Scala, comme un cheval de course habitué à franchir des obstacles, il parcourt la vaste estrade de long en large avec l’impatience du boxeur sur le ring qui ne craint pas les coups. Le public trépigne, attend le moindre sautillement de l’acteur pour éclater de rire, pourtant il n’en est rien, l’intention de « Petit éloge de la nuit » est autre…
La démarche est alerte, la voix est claire et de longues mains de pianiste virevoltent tout autour de lui. Jusqu’au 30 juin, le comédien a choisi d’éclairer la nuit par les mots d’Ingrid Astier, Robert Desnos, Milan Kundera, Henri Michaux, Pablo Neruda, Jules Barbey d’Aurevilly, Charles Baudelaire, Guy de Maupassant et Edgar Alan Poe ; des choix judicieux par la variété des styles et des univers.
Avec simplicité et ce naturel déconcertant si particulier aux grands acteurs, Pierre Richard se glisse entre les mots pour les faire siens et s’approprier les pensées des auteurs. Comme à son habitude parfois il semble vouloir aller trop vite, pour cette raison, certainement, la mise en scène élégante de Gérald Garutti le rappelle à l’ordre et pose le temps, pour prolonger la nuit en perspectives oniriques par des projections vidéos et par la création musicale de Laurent Petitgand. Pendant un peu plus d’une heure, la nuit s’étend, s’étend jusqu’à la plus brillante des étoiles, Marie-Agnès Gillot, apparition inattendue, drapée, intense, telle la beauté fantasmée d’un corps céleste.
« Petit Eloge de la nuit » est un délice de poésie, d’humour et d’amour.
Georges Duhamel a dit « L’humour est la politesse du désespoir », à moins que cela soit Boris Vian ou un autre… quoiqu’il en soit nous savons que les personnalités comiques prennent grand soin à camoufler leurs âmes profondes et sensibles, Pierre Richard a fait le pari de nous en montrer une partie, c’est une réussite !
Laurence Caron