Funny Girl à Marigny jusqu’au 7 mars 2020
Juste entre le chef d’œuvre absolu, la comédie musicale West Side Story, et Hair qui fera exploser les compteurs en 1967, Funny Girl voit le jour en 1964 sur scène au Winter Garden Theatre à New York, puis en 1968 au cinéma. Mixant théâtre burlesque, romance, humour et claquettes, Funny Girl plonge dans les coulisses de Broadway.
Au tout début du 20èmesiècle, les Folies Bergère à Paris et ses emblématiques revues inspirent très largement les Ziegfeld Follies qui vont marquer les grandes heures du Théâtre de Broadway. Entre Paulette Goddard et Louise Brooks, Fanny Brice fut une de ses vedettes en créant le personnage de Baby Snooks. Cinquante ans plus tard, Fanny Brice se réincarne en Barbra Streisand dans la comédie musicale biographique Funny Girl. Comme Fanny Brice, Barbra Streisand est la petite juive de Brooklyn qui va triompher à Broadway. Pour ce rôle, Streisand décroche un Tony Award et enfin un Oscar, elle a seulement 22 ans, sa carrière est lancée.
Dans le New-York des années 20
Aujourd’hui pour la première fois, Funny Girl est à Paris. Jean-Luc Choplin, le Maestro comédie musicale de Paris, qui a su si magnifiquement transporter les plus belles pages de Broadway jusqu’au Théâtre du Châtelet (Singin’in the rain, Un Américain à Paris, The King and I….) ces dernières années, fait désormais vibrer les planches du Théâtre Marigny.
Une distribution talentueuse, truffée de fortes personnalités artistiques choisies par Stephen Crockett, la mesure des ingrédients dans la grande tradition du genre est scrupuleusement respectée par le metteur en scène et chorégraphe Stephen Mear. Les costumes de Peter McKintosh, sont d’une élégance folle et frôlent la perfection historique sous les lumières de Tim Mitchell qui dardent leurs rayons pour faire briller les artistes. Les décors, signés aussi par McKintosh, sont plutôt simples, certains diront même dépouillés, mais l’exactitude de leurs déplacements produisent de formidables leviers à l’imagination. Enfin, la partition musicale dirigée par James McKeonne ne perd pas une note et est tout à son aise sous la parfaite voûte acoustique de Marigny.
Un petit brin de femme au tempérament de feu et à la voix d'or
Pour réadapter Funny Girl, il fallait être gonflé à bloc. Depuis Barbra Streisand, personne ne s’y était risqué. Tout le livret repose sur le rôle phare de Fanny, elle ne quitte jamais la scène. La perle rare est Christina Bianco, connue outre Atlantique pour ses talents d’imitatrice. Avec sa voix protéiforme, un véritable talent de comédienne et un sourire éclatant, la jeune artiste semble tout aussi farouchement volontaire que Fanny Brice et Barbra Streisand réunies. Drôle et sensible, elle n’imite en rien celle qui l’a précédée et déploie un registre de jeu joyeux et spontané. Sa performance vocale, aussi très remarquable, époustouflante même, est juste, précise et nuancée, elle enchaîne airs et dialogues avec une fluidité déconcertante.
Funny Girl est une Super Girl !
Même si Barbra Streisand demeure la Funny Girl des années 60, Christina Bianco est bien la Funny Girl des années 2000. Et puis, ce rôle de Fanny Brice incarne presque un porte-drapeau féministe, qui tient à s’exprimer surtout lorsqu’il s’agit de s’extirper des clichés et des pièges tendus, un cadeau pour Christina Bianco qu'elle sait magnifiquement bien rendre à son public ! L’esthétisme de cette production de Funny Girl, désuète juste comme il faut, a un charme ravageur, tout en s’inscrivant, par son propos et sa lecture, dans une contemporanéité toute à fait inattendue…
Laurence Caron