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La Pastorale jusqu’au 19 décembre au Théâtre National de Chaillot

thierry malandain,ludwig van beethoven,jorge gallardo,françois menou,ballet biarritz,chaillot,thÉÂtre national de la danse,nijinsky,bejartQuadrillé de barres métalliques, le décor graphique de la scène de Chaillot revendique une nouvelle fois toute sa contemporanéité. Ici, la danse avance, vigilante aux mouvances de l’art de la chorégraphie sans jamais ignorer la création made in France, bien au contraire. Thierry Malandain fait partie de ce formidable élan, il vient d’ailleurs d’être nommé à l’Académie des Beaux-Arts, section chorégraphique, aux côtés de Blanca Li et Angelin Prejlocaj. En 2017, le ballet Noé avait reçu le prix de la « meilleure compagnie » par l’Association professionnelle de la critique de théâtre, de musique et de danse. A cette époque La Messa di Gloria de Rossini avait guidé l’inspiration du chorégraphe, pour cette fois Beethoven est le grand inspirateur,  la Symphonie n°6 en fa majeur, opus 68, dite La Pastorale, composée entre 1805 et 1808, est l’occasion de fêter le 250ème anniversaire de la naissance de l’inventeur du romantisme.

Avant son retour à la Gare du Midi de Biarritz, les 28 et 29 décembre prochains, et la création mondiale à l’Opéra de Bonn le 23 décembre, La Pastorale est en avant-premières exceptionnelles à Chaillot. Les vingt-deux danseurs du Ballet de Biarritz se sont frayés un chemin, dans un Paris pollué, vrombissant et klaxonnant, pour montrer toute l’expressivité esthétique de la nature.

« Aujourd’hui, la nature n’est plus seulement synonyme de rêverie…, elle est devenue une urgence » Thierry Malandain.

Collés ou noués, sortes de chrysalides extirpées d’un maillage aux reflets froids, les danseurs de Malandain sont athlétiques, les jambes et les coups de pieds s’enroulent comme des rubans et se tendent comme des arcs pendant que Beethoven couvre Chaillot d’un ciel orageux, sombre et menaçant. Le Ballet de Biarritz se décline en solo, duo, trio et groupes dans un rythme soutenu, aucune hésitation, aucune errance, l’intention du chorégraphe est forte et ses danseurs lui rendent à force égale. Les jeunes interprètes racontent une danse rigoureuse, la discipline de la danse classique ne lâche rien et dessine une chorégraphie d’une grande précision. Une attention toute particulière est donnée par les lumières de François Menou, les tableaux se suivent comme des clichés photographiques. Les costumes signés Jorge Gallardo accentuent cet effet esthétique soigné et sophistiqué.

Puis, une transformation s’opère, radicale, les carrés dessinés par les barres d’acier montent dans les cintres, le jour se lève ou les nuages se dissipent, une clarté éblouissante comme un matin de printemps illumine le plateau. Les danseurs abandonnent au sol de lourds costumes aux basques baroques, débarrassés de leurs cocons, ultimes mues, une métamorphose magique et mystique s’opère. Il s’enchaîne une danse qui semble être échappée de la gravure d’un vase étrusque, une joyeuse danse de Ménades et rondes dionysiaques tournoyantes. Il y a une confusion entre les filles et les garçons, fondus dans d’aériennes tuniques de voiles, le ballet célèbre autant la nature que la jeunesse.

Ce changement de saison se révèle être une nouvelle naissance, les interprètes apparaissent tout à fait dépouillés en justaucorps de chair. C’est une sculpture ciselée ou un modelage de terre cuite qui s’anime, toujours sur un rythme effréné, épousant la musique et faisant mine de s’abandonner définitivement à la toute puissante nature.

Le jeune danseur Hugo Layer bouleverse par la délicatesse de sa danse, ce sont des mains qui s’élancent comme les ailes graciles d’un papillon qui se déploient pour la première fois ou bien des bras qui s’envolent comme poussés par un vent tourbillonnant. Toute cette fragilité de la vie ressentie et suspendue aux étapes d’une transformation s’oppose aux énergiques Frederik Deberdt et Arnaud Mahouy qui forment un duo fantastique.

Évidement Nijinsky veille au grain, le Prélude à l’Après-midi d’un Faune ou Le Sacre du Printemps ne sont pas loin et on retrouve avec gourmandise ces visages qui se tournent de profil, ces déplacements latéraux et ces rythmes marqués. Maurice Béjart aussi n’est pas en reste, en 1964 il avait fait naître, ce qu’il désignait comme un « concert-dansé », un ballet éponyme créé sur la Neuvième Symphonie de Beethoven. Des inspirations que l’on traduit ici comme des hommages à ceux qui ont été à l’origine de la danse contemporaine d’aujourd’hui et pour laquelle Thierry Malandain inscrit à son tour sa marque.

Les 17, 18 et 19 décembre, ce sont les trois prochaines dates à Chaillot pour un ballet qui n’a pas fini de faire parler de lui ; à pieds, à deux ou trois roues, voici un spectacle qui mérite de traverser Paris, une récompense largement à la mesure de vos efforts !

Laurence Caron

Lien permanent Catégories : EN FAMILLE, SCENES 0 commentaire Imprimer

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