Acosta Danza à Chaillot jusqu'au 18 mars
La danse est très certainement née d’une manifestation des sentiments, une trajectoire des émotions s’est extériorisée jusqu’à s’exprimer en mouvements : quand on est heureux, on danse, n’est-ce pas ? Cet adage, parfois oublié dans les arcanes de la danse et de ses initiés, est assurément celui de la compagnie de Carlos Acosta.
Cuba. L’ile caribéenne écrasée par le soleil subit une histoire politico-sociale plus que mouvementée, cependant la musique et la danse ont toujours fait acte de résistance. Avec ses cabarets et ses grands orchestres, des styles musicaux puissants se sont créés et se sont répandus sur toute la planète, comme le Son, la Rumba, le Bolero, le Mambo, le Cha Cha Cha. Seulement, cette créativité s’est mise en sommeil dès 1959 lors de l'arrivée au pouvoir de Fidel Castro. Les cabarets de la Havane ont fermé, l’industrie touristique s’est éteinte et de nombreux artistes ont fui vers les États-Unis. Pour autant, la musique ne s’est pas complètement tue et la danse, même si elle s’est faite à pas feutrés, est resté dans les jambes, les hanches, les bras et les épaules. Avec les artistes, la danse et la musique ont voyagé, elles se sont enrichies d’influences portoricaines et d'intentions jazz et rock venues du fin fond des boîtes Newyorkaises jusqu’aux années 1990. Enfin, sur le territoire, malgré la chape de plomb posée sur la culture cubaine, la culture populaire a poursuivi son chemin, elle s’est étoffée et la salsa est née.
Le danseur et chorégraphe Carlos Acosta, enfant de la Havane, a été remarqué en 1990 lors du Prix de Lausanne, ce fut le coup d’envoi d’une brillante carrière menée à travers le monde : English National Ballet, le Ballet national de Cuba, le Houston Ballet, l’American Ballet Theatre,… Il a signé des chorégraphies pour le Royal Ballet de Londres dont il a également été membre permanent et promu Principal Guest Artist en 2003.
Depuis 2016, Carlos Acosta ne voyage plus seul, il a fondé Acosta Danza, des danseurs cubains formés aux rudiments de la danse classiques auxquels le chorégraphe infuse une technique contemporaine intiment liée à une danse cubaine, la recette est étonnante, gracieuse, profonde et dynamique. De la dualité de cette histoire cubaine, à la fois compliquée et passionnée, la compagnie Acosta Danza y puise une énergie hors du commun.
Ils sont jeunes, ils sont beaux et ils sont déterminés à danser jusqu’au bout de la nuit !
C’est à Chaillot, au Théâtre National de la Danse, que la compagnie cubaine fait une halte dans le cadre de sa tournée internationale. De jeunes chorégraphes offrent pour l’occasion des écritures contemporaines.
On remarque les chorégraphe cubains. Raul Reinoso et sa pièce « Liberto » qui propose une très beau récit mêlant tradition, poésie et ésotérisme. Puis, « De Punta a Cabo », signé Alexis Fernàndez (Maca) et Yaday Ponce, transporte les interprètes et le public sur le Malecon de La Havane, la célèbre avenue du bord de mer, une véritable fresque cubaine, bourrée de charme et si vivifiante.
La chorégraphe ibérique Maria Rovira dessine un solo « Improranta » d’une sensualité athlétique, féline, dont l’incroyable danseuse Zeleidy Crespo en fait une interprétation exceptionnelle. Enfin, le Suédois Pontus Lidberg affiche un style néo-classique dont les envolées jazzy font penser à la virtuosité de Balanchine, son « Paysage, Soudain, la nuit » est une sorte d’acte blanc, un hommage à l’esthétisme cubain extrêmement soigné, du sur-mesure pour la compagnie.
100% Cuban est 100% réussi !
Sur des musiques afro cubaines orchestrées par un savoir-faire électro qui prend tout son sens, ce melting pot de techniques qui passe de la rumba aux pointes révèle une maîtrise et un travail sensationnel de la part des danseurs de Carlos Acosta. La précision, avec laquelle les déplacements sont réglés, est très impressionnante, et - cerise sur le gâteau -Acosta Danza déploie une fougue et une joie de vivre/danser terriblement communicative.
Laurence Caron