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L'infaillible beauté du mouvement dessiné par Angelin Preljocaj dans «Retour à Berratham » au Théâtre National de Chaillot

Angelin Preljocaj,Laurent Mauvignier,Retour à Berratham,Emma Gustafsson,Niels Schneider,Laurent Cazanave,Cécile Giovansili-Vissière,théâtre national de chaillot,Adel Abdessemed,Cette année, la création d’Angelin Preljocaj «Retour à Berratham» a été présentée dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes du Festival d'Avignon. À son tour, le Théâtre National de Chaillot invite, jusqu’au 23 octobre, l‘œuvre tripartite du chorégraphe Angelin Preljocaj, de l’écrivain Laurent Mauvignier et du plasticien Adel Abdessemed.

« L’histoire débute là où une pièce de guerre se terminerait », écrit Laurent Mauvignier. Aux yeux d’Angelin Preljocaj, il s’agit surtout d’une quête, celle de ce jeune homme qui revient à Berratham à la recherche de celle qu’il aime, Katja. Il ne reconnaît plus rien. Et en cherchant Katja, il se retourne sur son enfance, son passé. 

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Les sentiments palpitent, s’enchaînent et se déchaînent, à très grande vitesse en temps de guerre, les Hommes se retranchent dans leurs instincts les plus vils ou bien ils s’approchent du sublime. Le sujet est hélas à conjuguer au passé, au présent, mais aussi au futur. Les Hommes n’ont pas fini d’en découdre, et les grands artistes sont là pour nous faire partager leur regard sur le monde. «Retour à Berratham» est dans cette veine, une tragédie que l’on souhaiterait uniquement contemporaine…

La première collaboration entre l’écrivain Laurent Mauvignier et le chorégraphe Angelin Preljocaj date de 2012  (« Ce que j’appelle oubli »). Laurent Mauvignier est un habitué du genre, le drame, la guerre, rien ne l’effraie et il aime à disséquer par des phrases longues, torturées et sincères, les dégâts humains. Sur le même propos, Angelin Preljocaj bien qu’il soit né en France, semble se faire l’écho, dans une grande partie de sa création, des atrocités de la guerre, une sorte de résilience en somme, certainement liée à l’histoire subie par le peuple albanais dont sa famille est issue.

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Sur le fond noir et lumineux de Cécile Giovansili-Vissière, le plasticien Adel Abdessemed enveloppe danseurs et comédiens dans une scénographie graphique aux lignes métallique, à la fois cages d’acier, barrières glissantes et hautes frontières. Le propos est d’une violence extrême dans sa représentation plastique autant que par ses mots. Les mots dénués de fioritures de Laurent Mauvignier, ce sont Laurent Cazanave et Niels Schneider qui les appuient et les timbrent par leurs voix fortes et articulées, et, l’intense Emma Gustafsson, habituée du Ballet Preljocaj, saisie son auditoire par son accent froid et sonore.
Il s’agit donc de Théâtre ? ! Pas tout à fait, une œuvre contemporaine certes mais qui renoue aussi avec une tradition du spectacle, plus ancienne, celle de la tragédie antique. Angelin Preljocaj tisse un lien savant entre les arts. Parfois, le spectateur bousculé, s’égare, troublé par trop de perceptions, trop de phrases peut-être, il y a tellement de choses à voir, à écouter, à ressentir. Ce bouleversement désordonné semble être nécessaire comme un fait exprès souhaité par Preljocaj, on accepte de lui faire confiance.

Car, malgré le propos très sombre, le chorégraphe fascine par sa proposition toujours poétique et aérienne du mouvement. Les fantômes malveillants n'assombrissent en rien l'esthétisme du chorégraphe et c’est heureux ! Les caractères beaux, forts et variés du Ballet Preljocaj glissent avec ce naturel si particulier sur le plateau de la Salle Jean Vilar, c'est une interprétation sensible, les danseurs sont exceptionnels. La chorégraphie de Preljocaj reste musicale et patiemment renouvelée : des pas de deux déliés d’une grâce incomparable et des groupes symphoniques, terriblement envahissants, ou poignants comme ce chœur de femmes qui dessine d’un même élan une sorte de dignité tragique.   

Les dommages collatéraux des guerres et les affres de cette Humanité qui hésite encore à effacer ses frontières physiques, sociales ou morales, tout cela est dit en une seule œuvre. La charge est lourde. Mais rien, absolument rien, ne distrait le chorégraphe, peut-être même malgré lui, Angelin Preljocaj représente toujours ce qu’il y a de plus beau dans notre monde.

Laurence Caron-Spokojny

Crédits :
© Jörg Letz - www.joerg-letz.com
© Adel Abdessemed, ADAGP Paris - Retour, 2015 - 184 x 130 cm - Pierre noire sur papier
© JC Carbonne

Lien permanent Catégories : SCENES 0 commentaire Imprimer

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