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"Trissotin ou les femmes savantes" à La Scala jusqu'au 10 mai

mâcha makeïeff,theatre nationale de la criée,trissotin ou les femmes savantes,philippe manoury,richard peduzzy,molière,la scala,Vincent Winterhalter,Marie-Armelle Deguy,Arthur Igual,Philippe Fenwick,Caroline Espargilière,Vanessa Fonte,Geoffroy Rondeau,Jeanne-Marie Levy,Anna Steiger,Ivan Ludlow,Pascal Ternisien,Karyll Elgrichi,Louise Rebillaud,Arthur Deschamps,Valentin JohnerLe long du boulevard de Strasbourg, les élucubrations d’Edouard Baer s’affichent au fronton du Théâtre Antoine, l’Archipel joue la carte du one-man show et le Comedia invite Lambert Wilson pour incarner le Misanthrope ; fraîchement ouverte, la nouvelle salle, La Scala, n’a rien à envier à ses voisines.

La Scala est loin du café-concert du début du 20ème siècle qui a soutenu les revues menées par Mistinguett ou les pièces de Vaudeville tenues par Raimu ou Pauline Carton. Après des années obscures, passant d’une salle multiplexe dédiée au cinéma porno, puis à un lieu d’un tout autre culte pour finalement rester dans l’abandon, la Scala a été rachetée par les producteurs Mélanie et Frédéric Biess. Il s’offre alors une salle modulable et confortable, pensée et conçue par Philippe Manoury pour le son, et par Richard Peduzzy pour la géographie du lieu, une salle de spectacles à la hauteur de ses concepteurs. On découvre alors une programmation ambitieuse, touche-à-tout des arts, qui commence à fissurer la haute muraille dressée entre le théâtre privé et public pour le plus grand bonheur de la création artistique et de son public ! 

Ce printemps s’annonce coloré avec la production de Macha Makeïeff « Trissotin ou les femmes savantes » du Théâtre National de la Criée et poursuit l’heureuse tendance de La Scala de mêler art dramatique, musique et art plastique.

De cette mise en scène réalisée par Macha Makeïeff en 2015, Molière lui-même l’aurait sans aucun doute fantasmée ainsi s’il s’était frotté à la culture pop des années 70. Acidulée par de splendides costumes, excentrique par des éléments de décors qui jouent un surréalisme baroque, et profonde avec un sujet qui transperce les rapports familiaux tout en révélant les désirs de la femme, la mise en scène de Macha Makeïeff est extrêmement réjouissante !

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Des personnages dans la veine des Deschiens font leur apparition tout droits sortis de la série culte de Canal+, ils ont pourtant déjà plus de vingt-cinq ans et n’ont pas pris une ride. Et puis l'âme inspirante de Jacques Tati infuse une atmosphère légère et burlesque, rien d’étonnant à cela quand on sait que Macha Makeïeff fut en 2009 commissaire et scénographe de l’exposition « Jacques Tati, deux temps trois mouvements » (Cinémathèque française). Subversive, Macha Makeïeff ne l’est peut-être pas tant en choisissant de donner à Trissotin une allure de drag-queen, Louis XIV avait lancé la mode en parant les hommes de perruques longues et en les chaussant de talons hauts ornés de pierres précieuses, rubans et dentelles. De cette œuvre universelle, Macha Makaïeff s’en régale, elle réunit une troupe de comédiens absolument formidables qui en plus de maîtriser l’art du récit, sa musique et son rythme, si particuliers à l’écriture de Molière, sont des personnalités bien trempées aux jeux précis, teintés d’humour, de diableries élégantes et aux talents raffinés dont le chant lyrique pour certains. Un délice. 

Trissotin n’est pas si éloigné de Tartuffe, à la différence qu’il ne s’agit plus de dévotion religieuse mais littéraire, et l’escroc semble bien moins malin que son pair créé presque dix ans plus tôt. Aucun vice n’échappe à Molière, et ce qu’il s’attache à peindre dépasse son époque pour s’étendre à la nature humaine toute entière. Après avoir malmené en 1662, la condition féminine qui n’existait jusqu’alors que par le prisme du mariage dans « L’Ecole des Femmes », Molière continue de bousculer la bourgeoisie, le pouvoir, la Cour et ses hypocrites convenances, son regard critique et acerbe demeure intemporel. La contemporanéité de Molière, peut-être malgré lui, atteint son apogée pour sa dernière pièce (il meurt un an plus tard après l’avoir écrite). 

La créatrice du spectacle creuse et furète les cinq actes en vers, jusqu’à en abuser Molière lui-même, en dénonçant quelque peu la misogynie de l’époque, Macha Makeïeff parvient à repousser l’auteur dans ses derniers retranchements, tel est pris qui croyait prendre. Les révoltes de ces femmes, appliquées à dépasser les hommes par un savoir puissant et désordonné, font basculer le rire en une émotion touchante, même un peu grave. Nous touchons la substantifique moelle, le ridicule a souvent le charme de dissimuler une vérité vraie tout en prenant soin de ne blesser personne.

Une grande réussite. A voir absolument par tous ! 

Laurence Caron

lumières : Jean Bellorini assisté d’Olivier Tisseyre
son : Xavier Jacquot
coiffures et maquillage : Cécile Kretschmar assistée de Judith Scotto
arrangements musicaux : Macha Makeïeff, Jean Bellorini

assistants à la mise en scène : Gaëlle Hermant, Camille de la Guillonnière
assistante à la scénographie et accessoires : Margot Clavières
construction d’accessoires : Patrice Ynesta

assistante aux costumes : Claudine Crauland
régisseur général : André Neri
iconographe : Guillaume Cassar
diction  : Valérie Bezançon
fabrication du décor : Atelier Mekane

Avec Vincent Winterhalter, Marie-Armelle Deguy, Arthur Igual & Philippe Fenwick, Caroline Espargilière, Vanessa Fonte, Geoffroy Rondeau, Jeanne-Marie Levy & Anna Steiger, Ivan Ludlow, Pascal Ternisien, Karyll Elgrichi & Louise Rebillaud, Arthur Deschamps, Valentin Johner.

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