Le 23 janvier 2016, bouleversée, assommée, les yeux plein de larmes, je découvre Andréa Bescond dans « Les chatouilles ou la danse de la colère », à l’époque la comédienne ne dit pas encore qu’il s’agit de sa propre histoire… Le Petit Montparnasse est décidément un lieu de spectacle pas tout à fait comme les autres. La pièce londonienne archi successfull, « Prima Facie » de Suzie Miller -interprétée par Jodie Comer (récompensée entre autres par un Tony Award), créée en 2019 à Sydney, puis produite à Londres et Broadway - est du même acabit, d’une intensité extrême. Ce moment de théâtre foudroyant, quasi révolutionnaire, traduit par Dominique Hollier et Séverine Mageois, est interprété par la comédienne Elodie Navarre dans une mise en scène de Géraldine Martineau. Notre monde change, il est temps. Ce qui brûlait l’âme, déchirait le cœur et torturait le corps, est en train de s’éveiller, les murmures sont devenus confidences puis aveux pour enfin prendre la forme de dénonciations et d’accusations.
elodie navarre
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"Prima facie" au Petit Montparnasse
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"Les Cartes du Pouvoir" au Théâtre Hébertot
Beau Willimon est connu pour être l’auteur de la (so terrific) série américaine « House of cards ». Il a le chic pour trifouiller la vie politique américaine, avec toute ses particularités (so great), croustillantes à souhait, entre conflits d’intérêts, adroites manipulations et coucheries savantes. Après avoir participé à quelques campagnes électorales dont celle d’Hillary Clinton en 2000, Beau Willimon écrit "Farragut North"; la pièce adaptée en français est pour la première fois au Théatre Hébertot sous le titre : « Les Cartes du Pouvoir ».
La politique rend enragée, mais pas seulement, le pouvoir, la réussite, la pression exercée, et cela dans n’importe quel univers professionnel, chacun en prend pour son grade. Dans un grincement de dents incessant, les scrupules sont mis au placard, très très consciencieusement l’intégrité est piétinée. Beau Willimon montre le côté le plus obscur d'une élection américaine mais aussi le plus excitant. Aux antipodes des « Hommes de bonne volonté »*, les hommes sont machiavéliques et despotes. Pour cette pièce, les rôles des femmes sont un peu à regretter, relégués à celui de la journaliste politique « prête à tout » et à celui de la stagiaire, elle aussi, « prête à tout » ; mais il s’agit d’une comédie réaliste, alors…l’injustice bat son plein et n’est pas sans rappeler l’actualité que l’on nous sert ces jours-ci.
Tenter une analyse de jeu des comédiens est inutile, la distribution est parfaite. Pour l’occasion, Thierry Frémont a un peu l’allure d'un Sean Penn, il fait figure de locomotive et dans sa lancée ses camarades sont transportés dans un véritable esprit de troupe. Raphaël Personnaz se distingue par un rôle de « jeune premier » tourmenté dans lequel il se jette. Elodie Navarre, Roxane Duran, Julien Personnaz, Francis Lombrail (excellent !), Jeoffrey Bourdenet et Adel Djemai font front et ne désarment à aucun instant. Le toujours très talentueux Ladislas Chollat orchestre l’ensemble avec raffinement : l’esthétisme des décors, l’enchaînement des pages musicales, l’éclairage dosé et le jeux précis des comédiens cadencent les scènes, rien n’est laissé au hasard. L’espace est épousé à la façon d’un plateau de cinéma et le spectateur suit les déplacements des comédiens du point de vue du siège du réalisateur.
Comme pour un ballet réussi, la technique est oubliée, les planches ont fondu sous les pas des comédiens, les murs du théâtre se sont évanouis et les spectateurs sont devenus invisibles écrasés dans leurs fauteuils rouges. Il n’y a plus rien de matériel, il y a juste une histoire partagée, convaincante, tant et si bien que l’on aimerait retourner, dès le lendemain, au Théâtre Hébertot pour savoir s’il y a une suite (une saison 2 ?...).
Laurence Caron-Spokojny
* Jules Romains
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Bienvenue dans le monde merveilleux de Sunderland...
British à souhait : un brin rock'n roll, ambiance "Full Monty" (le film de Peter Cattaneo -1997) dans une Grande-Bretagne nostalgique à la jeunesse desabusée par un chômage abusif...
Perchées sur leurs talons, bijoux pacotilles tape à l’oeil, cigarette pendue aux lèvres, pull court et mèches rebelles, aguicheuses pour se défendre : Sally et sa meilleure amie sont abandonnées par leur famille, par la société, par la vie, les deux jeunes femmes se débattent.
Dehors, il pleut et le moral de la ville varie en fonction des exploits ou des déboires de son équipe de football.