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L'Opposition Mitterand vs Rocard au Théâtre de l'Atelier

georges naudy,eric civanyan,philippe magnan,cyrille eldin,theatre de l’atelier,l’opposition mitterrand vs rocardLe 19 octobre 1980, Michel Rocard annonce sa candidature à l'investiture du Parti socialiste pour l'élection présidentielle de 1981. Le moment est bien choisi, il a cinquante ans et des idées nouvelles plein la tête. Seulement il n’est pas seul, la course à l’échalote a commencé pour la Présidentielle de 1981. François Mitterrand, celui même qu’il a soutenu dans la campagne de 1974, l’oblige à récidiver le 8 novembre. Mitterrand a 74 ans, battu par le général de Gaulle en 1965 et en 1974 par Valéry Giscard d’Estaing, le premier secrétaire du Parti socialiste s’interdit de louper la marche vers la Présidentielle, c’est maintenant ou jamais. Mitterrand et Rocard doivent se parler. Jacques Attali, l’éminence grise de tous les instants, est à l’initiative de la rencontre.

L’entretien entre les deux hommes a donc réellement eu lieu en revanche les échanges, dans ce huis-clos de la rue de Bièvres, ont été imaginés par Georges Naudy.

Inspiré par des personnages politiques hauts en couleurs et piochant dans les interviews, discours, écrits et témoignages rapportés, l’auteur tisse un dialogue tiré au cordeau. Loin du délire caricatural - mais plutôt sous la forme d’une mise à mort programmée dont on connaît la victime - la scène politique de l'époque parait riche d'un vocabulaire militant ou engagé mué par des personnalités aux parcours différents (cf. « 1988 Le Débat Mitterrand-Chirac » réinterprété par Jacques Weber et François Morel en 2017 sur cette même scène) : toutes les formes d'affrontements et de contradictions couvrent le devant de la scène médiatique. 

Ainsi, en cette fin de matinée, piaffant d’enthousiasme et fermement décidé à occuper le clocher, Michel Rocard se présente au domicile de François Mitterrand. De ses épaules voutées prolongées par des mains qui se nouent au rythme de sa réflexion, Philippe Magnan est un Mitterrand terriblement convaincant, jusqu’à ses battements de cils incessants qui rythment un esprit en mouvement, et cette façon si particulière de déstabiliser jusqu’au doute son adversaire. Face à lui, Cyrille Eldin est Michel Rocard, le comédien est peut-être moins assuré dans sa maîtrise de l’art dramatique que ne l’est Philippe Magnan déjà exercé au rôle ; cependant, cette très sensible différence installe un décalage qui insuffle une formidable sincérité au dialogue. Les écarts de poids entre les deux animaux politiques sont perceptibles.  Tandis que Mitterrand se vautre dans un cynisme endémique, Rocard tente l’attaque avec un pragmatisme éclairé. Parfaitement rompus, les deux comédiens décochent leurs répliques comme des flèches trempées de venin, le rythme est impeccable et les propos passionnants. Les rangs des spectateurs du Théâtre de l'Atelier se secouent de fous rires ou de mouvements de têtes indignés ou entendus, pour la plupart le souvenir de l’élection de 81 n’est pas si loin.

La rencontre glisse vers un règlement de comptes à O.K. Corral, beaucoup de choses doivent-être dites. Michel Rocard, impulsif et valeureux, puise dans les ressources que lui dicte sa jeunesse, il invoque un monde en mutation, des changements à opérer, une évolution salutaire. A l'opposé, dans l'angle d’une imposante bibliothèque, voulue par Edouard Laug, et qui s’élance certainement vers des cieux totalement inaccessibles au commun des mortels - en jugerait son propriétaire-  François Mitterrand attend que sa proie se fatigue.

Ecrasé, terrassé, sans être parvenu à tuer le père, Rocard déclare forfait. Le jeune premier du parti socialiste aurait pu avoir un tout autre destin et même très certainement devenir Président de la République si la force tranquille de François Mitterrand ne s’y était pas férocement opposée.

A aller applaudir assurément, pour un bon shoot revival années 80, attention addiction probable.

Laurence Caron

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