Au delà des hautes herbes de ses jardins, quelques tribus Cheyenne, Sioux, Blackfoot, Apache, Comanche, Arapaho ou Pawnee ont envahi le Musée du Quai Branly.
Les grandes plaines d’Amérique du nord grondent sous une charge de bisons, alors qu’au milieu d’un rassemblement de tipis un pow wow bat son plein de chants et de danses. Au loin des nuages de fumée s’échappent, une mère persuade un fils de ne pas se rendre à la guerre, des tribus se sont réunies en conseils, un calumet se partage, on entend les cents qui accompagnent une danse du soleil, un chaman évoque les esprits pour la prochaine chasse aux bisons...
Les indiens des plaines de l’Est sont repoussés par la Conquête de l’Ouest aux confins des Plaines du Nord et de l’Ouest, les guerres intertribales sont terribles mais pas autant que cette Amérique qui avance et qui détruit tout sur son passage. C’est la fin d’une civilisation. Après la variole et les massacres, les enfants sont arrachés à leurs parents pour être «reformatés», le nomadisme est fauché par le placement des peuples dans des réserves, les traditions spirituelles, familiales et culturelles sont interdites.
Pourtant, le cœur du peuple de ces Indiens des Plaines palpite, il parvient à se faire entendre autrement, et une voix forte : l’Art. Après avoir imprégné, malgré lui, l’histoire du cinéma américain, la culture indienne déploie son grand raffinement dans une démonstration ancestrale et contemporaine. Les objets de culte et les vêtements cérémoniels rivalisent de beauté. Cheveux longs, crêtes ou tresses ornent des coiffes et couronnes somptueuses. Mises en scène par Jean-Michel Wilmotte, les broderies de perles de verre ou de plumes teintes n’ont rien à envier à la Haute Couture d’aujourd’hui, ce serait même l’inverse. Des constructions géométriques aux tracés délicats et aux teintes choisies sur des peaux de bisons tannées, selon des techniques anciennes, côtoient des sculptures de bois ou de coquillages aux lignes résolument contemporaines qu’elles soient issues du 16ème ou du 20ème siècle.
La production artistique du peuple indien demeure une source d’inspiration inépuisable. Les artistes contemporains manifestent plus que jamais une forte dimension identitaire et le courant s’impose autant dans les Musées que dans les Galeries d’Art les plus en vogue.
"Indien des plaines" a la possibilité d’être lue à travers différents prismes, l’exposition est riche, autant didactique que divertissante, et est vraiment accessible à tous. Le facteur commun à ces différentes lectures est la beauté ahurissante de tout cet art réuni entre les murs du Quai Branly, et, le message de ce peuple magnifique est puissant, malgré les ravages qu’il a subi, il résiste. Au début du 20ème siècle, seulement 250 000 indiens ont survécu, aujourd’hui ils sont plus de 4 millions sur le territoire américain.
Laurence Caron-Spokojny