Après les glaces des océans, Géraldine Danon brûle les planches du Dejazet jusqu'au 28 février
Ces dernières années, Géraldine Danon est une comédienne bien trop rare sur les planches de nos théâtres. Son cœur est ailleurs, en marin averti elle trace sa route d’un pôle à l’autre. Aux côtés de son mari, le navigateur Philippe Poupon, l’ancienne directrice de théâtre (ciné théâtre 13), et productrice, est aussi écrivain et réalisatrice, toujours très inspirée lorsqu’il s’agit d’océans. Témoin infaillible des expéditions familiales autour du globe (Une fleur dans les glaces, Le continent inconnu, Sur la route des pôles… ), Géraldine Danon a la très grande chance de vivre ses passions et elle sait user de son talent pour nous les faire partager.
Ce soir là, Géraldine Danon est sur la scène du Dejazet dans la peau d’ Edith Stein :
En août 1942, réfugiée au carmel d’Echt en Hollande, la philosophe Edith Stein, entrée au carmel de Cologne sous le nom de Soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix, est arrêtée et emmenée en déportation. Avant de quitter le carmel, alors qu’elle se prépare à partir, elle rembobine le fil de sa vie et convoque les personnages qui l’ont construite.
Le Théâtre Dejazet est un magnifique théâtre, repère théâtral historique du boulevard du crime, il fut le décor naturel du chef d’œuvre de Marcel Carné «Les enfants du Paradis». L’espace offert pour ce récit sur la vie d’Edith Stein semble bien grand, les derniers rangs peinent à entendre les comédiens, mais dès les premiers mots, le silence se fait, la concentration du public est totale.
Une succession de tableaux avec de subtils arrêts sur image, tout en clair-obscur à la façon des peintres hollandais, est proposé selon une mise en scène de Marylin Alasset, juste, précise. Avec pour effroyable toile de fond la montée du nazisme, la plume de Maryse Wolinski plonge dans l’intimité d’Edith Stein pour s’interroger notamment sur la condition féminine de l’époque. Edith Stein délaisse peu à peu ses préoccupations hautement intellectuelles pour des considérations spirituelles : la jeune femme juive, passée par une phase d’athéisme, découvre les écrits de Thérèse d’Avila et choisit d’entrer au carmel… elle sera canonisée par Jean-Paul II en 1998.
Le questionnement philosophique, la quête de spiritualité, l’attachement aux origines, la shoah, la condition féminine, la guerre et ses ravages, rien n’est épargné. Pour mener à bien ce sombre propos, Géraldine Danon, très bien entourée par l'épatante France Darry, Catherine Zavlav et Sébastien Finck, offre une performance remarquable. La comédienne s’empare de son personnage ; elle affirme une très belle présence et nous régale par sa parfaite maîtrise du texte, sa diction est impeccable (et c’est suffisamment rare pour le faire remarquer), elle raisonne de passion et de puissance avec constance. Pleinement dans son rôle, elle bouffe l’atmosphère, s’approprie une vie qui n’est pas la sienne, et, traverse les différentes époques et âges de la vie d’Edith Stein avec aisance et naturel. Le ton est donné, Géraldine Danon est souveraine, lumineuse.
Laurence Caron-Spokojny
….Géraldine Danon s’apprête à réaliser son premier long métrage et produit le prochain film de Sylvie Ohayon (Les Bourgeoises)... il est aussi possible de l’écouter : les samedis dans l’émission de Régis Picart sur France Info et les dimanches dans l’émission de Jacky Gallois sur Europe1.
La Passion d’Edith S., Maryse Wolinski, Seuil, 222 p., 17,50 € - en librairie le 6 février.
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