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  • Lawrence d'Arabie au Théâtre du Gymnase prolongé jusqu'au 22 mai

    théâtre du gymnase,eric bouvron,kevin garnichat,alexandre blazy,matias chebel,stefan godin,slimane kacioui,yoann parize,julien saada,ludovic thievon,lawrence d'arabieEn 1916, l'accord Sykes-Picot divise les territoires ottomans entre la France et le Royaume-Uni. L'écrivain Thomas Edward Lawrence, officier de liaison auprès des forces arabes, s'engage dans la révolte arabe (1916-1918) contre l'occupant Turc, l'Empire Ottoman. Fin stratège, Lawrence dessine le projet d'un empire arabe sous influence britannique. De ce périple dans la péninsule arabique, Thomas Edward Lawrence livre un récit autobiographique Les Sept Piliers de la sagesse.

    Quarante années ce sont écoulées, les aventures historiques de Lawrence enthousiasment David Lean, le réalisateur britannique vient de réaliser Le Pont de la rivière Kwaï. En 1962 sur grand écran, Peter O'Toole est à jamais Lawrence d'Arabie, le film chef d'oeuvre épique est sept fois oscarisé, notamment récompensé comme meilleur film et meilleur réalisateur. L'histoire ne s'arrête pas là. Jusqu'au 8 mai, au Théâtre du Gymnase, Eric Bouvron emporte à sa suite une troupe de comédiens décidés à faire glisser le sable du désert jusqu'au coeur de Paris...

    Un "Lawrence d'Arabie" infiniment créatif !

    Les comédiens, constamment présents sur scène, se partagent les rôles qu'ils soient féminins ou masculins et à tous les âges, ils n'hésitent pas non plus à figurer des avions ou même des animaux... Vêtus de costumes sombres et armés de rares accessoires, ils inventent des décors, de Londres aux trottoirs de Paris en passant par l'immensité du désert saharien. L'humidité de la pluie des capitales vient transpercer les os et s'oppose à la chaleur démoniaque, à l'absence d'eau, née du vent du désert qui embrume et fait divaguer les esprits jusqu'à la violence... C'est un fait, notre imagination est piégée, manipulée, projetée un siècle plutôt, l'ensemble de ces procédés renoue avec la tradition du spectacle pur, extrêmement inventif, faisant fi de moyens artificiels, sur la scène du Gymnase on joue pour de vrai.

    Drôle et riche d'enseignement

    Le jeune comédien Kevin Garnichat est un formidable Lawrence d'Arabie, l'ombre de Peter O'Toole veille sur lui avec une grande bienveillance. Il est une étoile montante, deux fois sur grand écran actuellement dans le film En corps de Cédric Klapish et dans Notre-Dame Brûle de Jean-Jacques Annaud ; il est à suivre avec la plus grande attention.
    La fantaisie et l'énergie de ces artistes, entourés par trois musiciens à cordes, une chanteuse, un violoniste et un violoncelliste, créent une atmosphère légère souvent drôle pour rappeler un pan de l'histoire dont l'écho interroge très nettement notre époque. 

    On ne peut que souhaiter une avalanche de Molières le 30 mai prochain, sur la scène des Folies Bergères (20h30- France 3), de toutes mes récentes virées dans les théâtres parisiens ce Lawrence d'Arabie est certainement le spectacle le plus méritant ! 

    Laurence Caron

     

     

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  • ”Respire” à La Piccola Scala, jusqu’au 8 octobre 2022

    éditions koinè,sophie maurer,panchika velez,romane bohringer,bruno ralle,lucas jimenez,baloo productions,mia koumpan,la scala,la piccola scalaDans un couloir d’hôpital, une mère attend, une nuit durant. Elle espère, désespère, espère de nouveau que son enfant née quelques heures auparavant parviendra à respirer seule. Derrière la vitre qui les sépare, la mère parle à sa fille, pour tenter comme elle peut de l’attirer vers le monde des vivants. Une nuit durant, dans un couloir d’hôpital, une mère attend et vacille entre la rage et la supplique, en animal doutant de ses forces.
    Respire Sophie Maurer (éditions Koinè, 2020).

     

    J’aurais aimé avoir Romane Bohringer comme meilleure amie ! Je l’ai déjà dit ici-bas (J’avais un beau ballon rouge, Théâtre de l’atelier, novembre 2015). On ne peut qu’aimer Romane Bohringer. Fragile et puissante, appliquée et brouillonne, sophistiquée et sauvage, Romane Bohringer peut tout incarner, à condition que ses personnages aient un tempérament bien trempé. Puisant de tout son être dans des forces astrales ou telluriques qui nous échappent - à nous, humbles spectateurs - la comédienne impressionne par sa qualité de jeu tout en nuances et d’une infinie sincérité.

    Dans une mise en scène inventive de Panchika Velez, aux ombres et images projetées, sur la musique poétique de Bruno Ralle, le combat d’une femme, d’une mère, de l’amour, somme toute d’une vie, se donne dans les profondeurs du Théâtre de la Scala. C’est un lieu secret auquel on accède par des méandres souterrains d’un bleu ténébreux. Pendant que le public bavard s’installe sur les bancs de la Piccola Scala, Romane Bohringer est à découvert, trépignante, elle est un taureau dans l'arène. Le noir se fait, le public se tait. L’auteur Sophie Maurer, dramaturge, romancière et scénariste, a-t-elle pensé tout de suite à Romane Bohringer pour interpréter « Respire »? C’est la question que l’on peut se poser tant le texte semble naître d’entre les lèvres, les mains, les yeux et les entrailles de la comédienne. Quelques terrains mouvants d’ailleurs, comme le rapport de cette mère avec sa propre mère, déploient une énergie sombre, écho d'un désespoir pudique et terriblement troublant. La facilité n’a pas sa place, tout est ardu, rocailleux et même violent. Dépassant les frontières de sang et de chair, la mise en abîme de cette mère, qui appelle de toutes ses forces le souffle libre de son enfant, use d'un langage universel. Ne serait-ce finalement qu’un prétexte pour décrire la vision apocalyptique, et bien réelle, des changements de société que nous traversons, presque la fin d’un monde? Une dégringolade dangereusement rapide dans laquelle nous cherchons tous à quoi nous raccrocher... Sophie Maurer n’épargne rien, ni personne.

    La lucidité est faite femme autant que le courage, c’est la ligne de programmation du théâtre de La Scala pour cette entrée de saison, après Carole Bouquet (actuellement dans "Bérénice"), Ruthy Scetbon ("Perte" dès le 20 septembre), Alexandra Pizzagali ("C’est dans la tête", depuis le 17 septembre) et bientôt Ariane Ascaride ("Gisèle Halimi, une farouche liberté", dès le 11 octobre), Romane Bohringer fait figure de porte-drapeau. Assurément, il ne faut ne rien manquer, il y a urgence.

    Laurence Caron

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  • Room with a view, (La) Horde et Rone au Théâtre du Châtelet du 5 au 14 mars

    RONE---ROOM-WITH-A-VIEW_4349215258834524711.jpgVeille de première. Il y a un sacré remue-ménage au Châtelet, un public bavard se presse devant les portes de la salle. C’est un soir de répétition, l’ultime, la générale celle où amis, familles, personnels artistiques et partenaires du spectacle sont invités. Des jeunes gens s’agitent, terriblement jeunes. « Il faut patienter », annonce un ouvreur, « Il y a encore des réglages » confit-il à une de ses collègues en levant les yeux au ciel.

    Un peu plus tôt, Le Figaro a révélé ce qui semble inquiéter les mines de l’équipe de production que l’on aperçoit cavaler sur la moquette rouge des couloirs entre la salle et les coulisses. Le Châtelet fait du bruit, trop de bruit, les voisins se sont plaint. Erwan Castex dit Rone a branché ses machines sur les enceintes du Châtelet pour diffuser son prochain album (sortie attendue le 24 avril) accordé à la création éponyme Room with a view, spectacle chorégraphique du Ballet National de Marseille dessiné par (La) Horde, Chimère a trois têtes radicalement multimédia-tique.

    Ce soir là, le ressenti du son va donc être mesuré, on nomme cela «une étude d’émergences». Les infrabasses des sons électro gênent le quartier, notamment les pensionnaires de l’Hôtel du coin de la rue, même s’il est difficile de croire que le calme soit le but recherché en s’établissant proche d'une des places les plus embouteillées de Paris. Il est donc question de diminuer l’intensité des basslines et les fréquences intersidérales de Rone. Sacrilège possible. Polémique à coup sûr. Le lieu révèle encore un esprit de chasse gardée qu'il n'a pourtant jamais souhaité être en alternant spectacles populaires, classiques ou avant-gardistes. Mais le (snobisme) parisien aime se vautrer dans la critique, ça fait causer.

    Sur proposition d’Anne Hidalgo, le duo Mackenzie-Prevost tire les ficelles depuis la réouverture du Châtelet. L’objectif fixé est de rajeunir le public. Une obsession récurrente infusée par les politiques culturelles depuis la nuit des temps, plus élégamment d’autres évoquent un potentiel renouvellement du public. Avec l’ombre menaçante de mes très proches cinquante piges, je m’interroge un temps sur la catégorie dans laquelle les chefs du marketing culturel rangeraient mes sneakers… Impatiente de découvrir la création associative de Rone et (La) Horde, je me cale dans un fauteuil au rebord boisé et clouté que j’affectionne tant. Dans cette salle de spectacle où je suis presque née, je me sens mieux qu’à la maison - bien mieux que trente ans plus tôt quand je tentais, à cette même place, de comprendre les compositions dodécaphoniques de Pierre Boulez… aux origines de l’électro.

    Le spectacle commence dès l’entrée du public. La scène s’ouvre sur un espace blanc, une impressionnante construction graphique volontairement usée, dégradée, est déjà occupée par quelques très énergiques danseurs. Rone est aux platines, plutôt aux machines, le dj virtuose goupille les jacks, triture les fiches et fait glisser les faders. L’établi du bricolo acoustique d’où pendouillent d’impressionnants imbroglios de câbles n’a certes pas le brillant des bois anciens et des cuivres dorés des orchestres habituellement invités en ces lieux. Pourtant, hypnotisé, le public ne bronche pas, c’est à peine s’il ose marquer le rythme d’un mouvement de la tête tellement le propos est intense. Voyage initiatique, pamphlet révolutionnaire ou expérience sensorielle, c’est comme il vous plaira, le fait est que le spectacle est génial !   

    La fresque parait se détacher en deux actes. Le premier illustre un monde décadent qui s'écroule et part en vrille, et le deuxième est un cri révolutionnaire. Entre les deux, une averse de poissons tombées du ciel place le curseur de l’alerte écologique au plus haut. Cette allusion à ce phénomène à la fois biblique et météorologique - rarement scientifiquement traduit - est souvent fantasmé mais a le mérite d’être explicite. Le spectacle du monde bascule. Entre violences et excès de tous genres, une destruction radicale est programmée. Le propos est contestataire, la vision est réaliste. Je pense aux images télévisées retransmettant les premières destructions des barres HLM de la cité des 4000 à La Courneuve, à une époque où les artistes qui composent le collectif de (La) Horde n’étaient peut-être pas nés ou encore des bébés…

    Il n’ y a pas de répit pour les braves, l’attention est tenue, la scène est un formidable terrain de réflexion, tout fonctionne. Le Ballet National de Marseille se déchaîne dans une chorégraphie créative, différente, née du déplacement plus que du mouvement, narrative et précise. (La)Horde pioche dans les arts du cirque et plus précisément ceux de l’acrobatie pour apporter une force et un rendu extrêmement spectaculaire. La musique de Rone s’immisce dans le moindre interstice, en sons sourds, envolées oniriques et rythmes impeccablement contagieux. Room with a view est désormais addictive, une sorte de transe envoûtante. Une immense sincérité rayonne, les artistes aux tempéraments bien trempés partagent une perception du monde qui se lit comme une invitation à danser autour d’un feu dans une tribu lointaine.

    Dans un même élan, une standing ovation fait basculer les fauteuils. Puis, chacun s’extirpe, heureux, à regrets même, la fête était belle, tous secoués par l’émotion mais éveillés par un enthousiasme nouveau. Si le monde d’aujourd’hui est entre les mains de cette génération, il n’y peut-être pas tant de souci à se faire. Ces artistes là ont une parfaite écoute du monde.

    Laurence Caron

    Photos : DA-Alice-Gavin_PH-Boris-Camaca

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  • ”Mary Said What She Said” à l’Espace Cardin jusqu’au 14 mai

    robert wilson,isabelle huppert,darryl pinckney,ludovico einaudi,jacques reynaud,charles,annick lavallÉe-benny,xavier baron,pascale paume,fani sarantari,nick sagar,sylvie cailler,jocelyne milazzo,fabrice scott,theatre de la ville,espace pierre cardin,mary said what she saidIsabelle Huppert et Bob Wilson ont déjà offert au monde Quartet de Heiner Müller en 2006 et Orlando d'après Virginia Woolf en 1993, au Théâtre de l'Odéon. A contrario du titre, la pièce "Mary Said What She Said" de Darryl Pinckney est en français, initialement créée à l'Espace Pierre Cardin par le Théâtre de la Ville en 2019, la pièce se joue en ces lieux jusqu'au 14 mai.

    Huppert-Wilson, un duo explosif, puissant et radical. 
    Réunir l’actrice française la plus charismatique et le metteur en scène américain le plus emblématique du renouveau plastique et scénique depuis les années 60 promet une expérience étonnante, bouleversante, assurément remuante. 

    La scène de l’Espace Cardin s’ouvre sur un horizon infini, lumineux, chez Bob Wilson le noir est toujours un peu bleu et la lumière est stellaire, la signature du metteur en scène est précise, reconnaissable entre toutes. Cintrée dans une robe mordorée de Jacques Reynaud (réalisée par l‘Atelier Caraco), la silhouette fine d’Isabelle Huppert se détache en contre-jour comme dans un théâtre d’ombres. Le Théâtre Nô marque aussi son passage dans l'inspiration du Maître tant les déplacements de la comédienne sont essentiels et mesurés. L’auteur américain Darryl Pinckney confrontent ses mots à la musique du compositeur italien Ludovico Einaudi en un duel étourdissant dont Huppert et Wilson se jouent avec maestria usant des lois de l’attraction avec une maitrise inouïe. Le duo d’artistes emporte avec lui le public dans son entier, totalement soumis à l’aura de la reine Mary Stuart, et hypnotisé par les lumières qui vibrent et invitent vers des paysages lointains et irréels.
    Magnifiée par la beauté d’Isabelle Huppert, les sourcils levés haut au dessus d'un regard clair et vif, pommettes saillantes et bouche rouge, Mary Stuart est là ou plutôt son esprit, son fantôme, dans cet espace l’abstraction est maîtresse d’œuvre. La voix d’Isabelle Huppert se module, se précipite, se jette, se crie ou se souffle avec la virtuosité d’un instrument précieux et rare. Ce sont 86 paragraphes divisés en trois parties qui se délient dans l’antichambre de la mort, Mary Stuart est condamnée a être exécutée à la hache par la reine d’Angleterre Elisabeth 1ère, sa cousine… Tout raisonne chez l'actrice pour servir le rôle de la reine d’Ecosse et de France - peut-être ce sont les personnages qu’elle a traversé et dont elle se nourrit avec l’appétit d‘une ogresse, ils semblent avoir été convoqués. Le moment est subliment fou et subtilement intelligent. La chorégraphie millimétrée, souvent répétitive, anime les bras et les mains de la comédienne, ses mouvements de tête volontaires et ses épaules affaissées sous le poids des épreuves ajoutent à la dramaturgie un langage puissant et esthétique toujours aussi chic. Wilson offre un espace de jeu à Isabelle Huppert qui dépasse le cadre scénique, une dimension nouvelle a été franchie au moment où le rideau de l’Espace Cardin s’est levé. Tout cela relève de la magie, les géants artistiques poussent leur art jusqu’aux frontières les plus extrêmes. Alors, certain diront peut-être que le volume de la musique est trop fort, les partis-pris de diction exagérés, la mise en scène envahissante,... Évidemment, Isabelle Huppert pourrait être assise sur un tabouret et lire le texte de Darryl Pinckney – ou même le bottin - à livre ouvert - et cela demeurait génial ! Seulement la proposition de Robert Wilson est d’aller bien plus loin, dans un au-delà où l’art révèle des mondes invisibles. Démoniaque, l'idée consiste sans nul doute à ressusciter Mary Stuart, la reine semble en effet avoir pris possession de la comédienne… Au bout d’une heure trente de spectacle en apnée, la réaction est immédiate, le public se lève d’un bond c’est une standing ovation ; chacun quitte les très confortables fauteuils de l’Espace Pierre Cardin avec le sentiment ultime d’avoir vécu un moment exceptionnel, et l’envie irrésistible de se (re)plonger entre les lignes du Mary Stuart de Stefan Zweig.

    Laurence Caron

    (c) photographie : Lucie Jansch

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  • ”Le mystère Sunny” au Théâtre Montparnasse, jusqu'au 3 décembre 2023

    Alors que la milliardaire, Sunny von Bülow est toujours dans le coma (elle décèdera en 2008 après avoir passé 28 ans dans le coma), en 1990, Nicholas Kazan et Barbet Scroeder signent le film « Le Mystère von Bülow » (« Reversal of Fortune ») dans lequel Jeremy Irons interprète Claus von Bülow (Oscar du meilleur acteur), tandis que  Glenn Close joue sa femme Sunny. Cette histoire tragique et sulfureuse est inspirée d’un fait réel.

    Dix ans plus tôt, le procès de Claus von Bülow a défrayé la chronique. Ted Turner vient de lancer la chaîne d’information américaine CNN et le procès von Bülow est un sujet à part entière, il déchaine les passions et participe très certainement au succès de CNN. Le milliardaire new-yorkais est accusé du meurtre de sa femme, condamné puis acquitté en appel grâce à l’avocat Alan Dershowitz.  Bien qu’ardent défenseur de von Bülow et remportant la victoire au barreau de New-York, le jeune professeur de droit à Harvard demeurera persuadé de la culpabilité de son client… 

    L’auteur Alain Teulié - qui nous a tant régalé la saison dernière avec « Le Manteau de Janis » dans la petite salle du Montparnasse - a imaginé une rencontre entre von Bülow et Alan Dershowitz, dix ans après le procès.

    L'heure des aveux... ou pas

    De l’intrigue et des coups de théâtre dont Alain Teulié est particulièrement friand, je ne dis rien, il faut se rendre au Théâtre Montparnasse pour apprécier. En revanche, difficile de ne pas laisser échapper quelques louanges sur la présence souveraine et le jeu ultra précis de Patrick Chesnais ! Le comédien entre en scène, là où il a toujours été chez lui, élégant et racé, sa haute stature et son regard voilé par une sorte de pudeur timide lui font dominer l’espace. Dans un décors de Jean Haas et des costumes de Jean-Daniel Vuillermoz, sophistiqués jusque dans les moindres détails, le comédien Nicolas Briançon, dans le rôle de l’avocat Alan Dershowitz, ne se laisse nullement impressionner par l’immense comédien qui lui fait face, une astucieuse joute verbale démarre sur les chapeaux de roues, le duo fonctionne à merveille. Le jeune avocat aux attitudes assez caricaturale vient s’opposer à la personnalité complexe de von Bülow. Patrick Chesnais propose un von Bülow un brin excentrique, le mégalomane séducteur semble se jouer de la vie avec une légèreté assumée tentant de camoufler toutes formes de sincérité. Dominique Guillo signe une mise en scène classique, un huis clos dans les règles de l’art d’un bon boulevard qui sait guider la fantastique énergie des comédiens. Alain Teulié se délecte à percer le mystère de l’affaire, même s’il semble manquer d’éléments probants, comme certainement ce fut le cas lors du procès, le jeu des deux protagonistes apporte ici toute la richesse du propos laissant aux spectateurs le soin d’établir son propre verdict… Alors ? Coupable ou non coupable ?

    LC.

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  • « Bollywood Superstars : histoire d’un cinéma indien » au Musée du Quai Branly, jusqu'au 14 janvier 2024.

    « Avatar », un mot qui semble appartenir à un univers moderne et numérique est en fait un mot issu du sanskrit, un des langages les plus anciens du monde, il désigne une des métamorphoses ou incarnations sur Terre du dieu Vishnou… C’est fou ce que l’on peut paraître ignare à découvrir l’exposition « Bollywood Superstars : histoire d’un cinéma indien » du Musée du Quai Branly.

    L’exposition arrive du Louvre Abu Dhabi où elle a été présentée jusqu’en juin  2023, la lumière qui est faite sur le 7ème art indien fourmille de richesses aussi insoupçonnées que surprenantes car somme toute, l’Inde est lointaine et mystérieuse.

     

    La portée sociétale et économique du cinéma indien est totalement incomparable avec celles que nous connaissons en Occident, de l’Europe aux États-Unis, nos productions n’arrivent pas à la cheville de l’industrie cinématographique indienne (plus de 2000 films par an). Débutant par les théâtres d’ombres, les spectacles de lanternes magiques et de conteurs itinérants, jusqu’au cinéma muet des années 20, la scénographie du Quai Branly transporte le visiteur dans un voyage extraordinaire portant ses pas jusqu’aux danses effrénées des derniers blockbusters du cinéma indien. Ici, il est permis de danser, cela est même recommandé par d’amusantes projections vidéos qui permettent aux visiteurs de s’immerger totalement au sein des récits chorégraphiques. L’Inde fascine, championne toutes catégories de la résilience grâce au prisme de la culture populaire, on voudrait en savoir encore plus sur le langage gracieux des signes des mains, ces codes ancestraux qui permettent au plus démunis des peuples de communiquer par-delà les castes et les conventions sociales. Dans ces costumes et décors délirants, il y a aussi les regards fixes de ces acteurs, cette expressivité puissante née du divin qui impressionne la pellicule par son intensité. Véritables dieux vivants, on a bien compris que Brad et Matt ont de bien pâles figures à leurs côtés, les stars du moments sont adulées au plus haut telles des figures mythologiques aux pouvoirs extraordinaires. On en sort en dansant, avec l’envie d’orner ses bras de bracelets scintillants, de vite chercher comment visionner un bon blockbuster indien, une exposition à voir absolument, pour tous.

    LC.

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  • ”Le pianiste aux 50 doigts”, Pascal Amoyel est jusqu'au 17 décembre 2023 au Théâtre Montparnasse

    Chaque jour, je le constate. Fréquemment, j'apprends même à des personnes -pourtant de milieux très privilégiés- que "la musique est un métier" qu'il est possible d'en vivre, que les études sont ardues et longues... Cette affirmation laisse toujours un air dubitatif à mon interlocuteur, c'est un peu désespérant. La France n’est pas un pays pour la musique, il y a un vide intersidéral dans l'éducation, par conséquent les musiciens et les compositeurs y sont plutôt mal logés et rarement mis à l’honneur. A vous, public, de lever ce voile obscur en découvrant vite le spectacle de Pascal Amoyel. Entre ces lignes, nous l'avions déjà vivement applaudi lors de son spectacle au Ranelagh en 2019 "Looking for Beethoven". L'artiste est complet, pianiste, compositeur, comédien, il a eu ses Premiers Prix de Piano et de Musique de chambre au Conservatoire national de musique de Paris, il est Lauréat de la Fondation Menuhin et de la Fondation Cziffra, Premier Prix du Concours International des Jeunes Pianistes de Paris, et récompensé par les Victoire de la musique, Grand Prix de disque de Varsovie, Gramophone, Cannes Classical Awards, ffff de Télérama, Diapason d’Or de l’année, «Choc» du Monde de la Musique, 10 de Classica, Grand Prix annuel de la critique allemande … et j’en passe et des meilleures. Je vous laisse googliser et stalker, la liste de son palmarès est trop longue pour y figurer ici. Car, quand on a la chance d’avoir un artiste français qui sache sortir des grandes salles de concert et du carcan feutré de la musique classique, une camisole historique pour laquelle la révolution française n’a rien changé remontant certainement aux temps où l’Église et les rois en étaient les principaux mécènes, il ne faut surtout pas le louper ! 

    Son spectacle, « Le pianiste aux cinquante doigts » présenté au Théâtre Montparnasse est un régal, un moment de grâce qui éveille (ou élève) l’oreille, l’humour, la tendresse et l’amour. Oui, car pour bien faire il faut d’abord aimer et c’est de cet amour immodéré pour la musique, salvatrice même aux pires périodes de la vie, dont il est question.

    Pascal Amoyel a choisi de nous raconter György Cziffra, certainement un des plus grands pianistes du XXème siècle, disparu il y a trente ans, et dont la vie fut vie aussi héroïque que tragique. Pascal Amoyel a eu la chance d’être son disciple, et, toujours par le prisme de la musique, il lui rend hommage en partageant la plus tendre enfance du virtuose jusqu’à son premier grand récital. Partant des bidonvilles de Budapest, Franz Liszt, Robert Schumann, Frédéric Chopin, Aram Katchatourian, Olivier Greif, George Gershwin ou encore Duke Ellington deviennent familiers. Avec Pascal Amoyel, la musique ne supporte pas les frontières et n’est déterminée par aucun genre, elle est universelle, elle tient même un rôle profondément humaniste, le grand artiste est d’ailleurs très engagé en faveur des Droits de l’Homme et notamment du handicap chez les enfants. Seul en scène avec un piano pour unique décor, Pascal Amoyel offre une exceptionnelle musique tout en l’intégrant à un spectacle terriblement vivant. De par ses interprétations et improvisations, la musique et l’histoire qui nous sont racontées sont indissociables l’une de l’autre même si, il faut l’avouer, l’humble et timide comédien qui se présente au début du spectacle est vite remplacé par le génial et brillant virtuose ! C’est d’ailleurs cette acrobatie artistique qui m’a le plus impressionnée, ce dédoublement de personnages que réalise Pascal Amoyel est proche de la magie, son jeu entre les parties vouées aux personnages, à qui il redonne vie, et sa si impressionnante qualité d’interprétation de la musique donne le vertige.  En effet, entre les accoudoirs des fauteuils du Théâtre Montparnasse, il est difficile de ne pas se sentir ridiculement petit face à tant de génie(s) et pourtant… Pascal Amoyel parvient à nous emmener avec lui, avec eux, près d’une heure trente d'intimité - en apparence très simplement et avec beaucoup de spontanéité - avec les plus grands artistes et les plus grandes œuvres pianistiques. Génial ! Merci l’artiste ! 

    Laurence Caron

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  • Marion Motin /​Xie Xin /​Nicolas Paul /Crystal Pite à Garnier, jusqu'au 12 octobre 2023

    Soir de Gala à L’Opéra de Paris

    C’est toujours un moment émouvant et unique - même si l’Orchestre Pasdeloup confond le défilé du Ballet de l’Opéra national de Paris avec un spectacle de majorettes -  la connivence entre la joie des artistes et l’enthousiasme du public, le chic des tutus blanc et la magnificence des lieux nous indiquent qu’il s’agit bien de la soirée d’ouverture de la saison de l’Opéra de Paris.

    On passera sur les trois premières créations entrées au répertoire ce soir-là ; rien de neuf ni exaltant en matière chorégraphique, des créations très ou trop inspirées de "déjà vu" même si le dynamisme de The Last call de Marion Motin apporte un peu de vent frais, ce n’est qu’une brise, insuffisante à mon sens pour atteindre la hauteur et la dimension artistique et technique du Ballet de l’Opéra de Paris.

    Cependant à l’Opéra de Paris, la magie opère toujours ! The season’s canon, ballet de Crystal Pite désormais culte, signe la soirée et efface d’un trait d’éventuelles attentes avortées. La compagnie est à la fête, plus de cinquante danseurs occupent le plateau pour former une matière protéiforme, terriblement vivante, un essaim fantastique d’une beauté époustouflante. Trente-cinq minutes de pur bonheur. Donner vie aux saisons est un passage obligé pour les artistes, de la peinture à la musique, ainsi la puissante chorégraphie de Crystal Pite dans The season’s canon est éminemment tellurique comme celles construites avant elle par ses aînés Maurice Béjart, Pina Bausch jusqu'à Vaslav Nijinski, impossible de ne pas avoir des frissons en repensant aux versions tant aimées du Sacre du Printemps. Sur des décors et des cascades de lumières réalisés par Jay Gower Taylor et Tom Visser dans un espace d’expression infiniment grand, on rêverait presque qu’un beau jour le vidéaste Bill Viola mette lui aussi la main à la pâte… Ici tout est intense, les danseurs se révèlent dans toute leur splendeur de chairs et de forces jusqu’à la musique de Vivaldi génialement remuée et réarticulée avec maestria par le compositeur Max Richter. The season’s canon est une réussite et un succès ininterrompu depuis sa création et son entrée au répertoire de l’Opéra national de Paris en 2016, à voir ou à revoir absolument !

    LC.

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  • ”Stéréo” jusqu'au 22 octobre à La Villette

    La danse, le théâtre et la musique se rencontrent difficilement, un enseignement artistique très exigeant et donc trop catégorisé, un public en quête de repères culturels et des salles de spectacles peu adaptées participent peut-être à ce manque de liens entre ces arts. L'artiste français Philippe Découflé s’est toujours moqué de la complexité de cet environnement culturel très français, pendant la décennie géniale des années 80 pour la danse contemporaine (et pas seulement) il a peut-être été un peu regardé de haut par ses contemporains, pourtant il a été le seul à rendre cet art du mouvement accessible à tous. D’ailleurs un savoureux parfum de cette période se dégage de son nouveau spectacle « Stéréo » à La Villette, un groupe live (ultra bon), chant, guitare, basse, batterie, rock-pop, et souvent punk, s’illustre avec une troupe de sept talentueux danseurs. Ce spectacle entre en résonance avec le « Portrait » du plus jeune Mehdi Kerkouche, cette recherche de mixité des genres qu’elle soit physique, ethnique, sociale ou autres, portée par la voix des arts n’est pas nouvelle, Maître incontesté de cette filiation, il y a plus longtemps, Maurice Béjart en son époque avait déjà préparé le terrain.

    Les exploits circassiens et l’extravagance des costumes font parties de la marque de fabrique de Découflé et participent à repousser les frontières de la scène pour toujours plus de magie. C’est la particularité de ce créateur de shows - toujours joyeux - il paraît un peu à l’étroit sur une scène et semble plus à son aise lors de grands évènements là ou sa créativité peut pleinement s’exprimer. Au sein du collectif, Découflé est attentif à l’individualité artistique de ses interprètes, choisis avec un instinct curieux et précis, il aime à cultiver les différences, ce qui paraît hors propos ou ce que l’on pourrait qualifier de « moche » devient toujours beau. S‘il faut pinailler, on admet que « Stéréo » souffre parfois de quelques longueurs dans sa première partie, pourtant il est impossible de ne pas être enchanté par l’enthousiasme de cette parfaite unité artistique. L’instant est toujours aussi ébouriffant et remuant, un spectacle total.

    LC

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  • Nuit d'Octobre au Théâtre Gérard Philipe jusqu'au 26 novembre

    Louise Vignaud et Myriam Boudenia ont écrit ensemble « Nuit d’Octobre ». Puis, les planches du Théâtre Gérard Philipe qui demeurent vibrantes d’engagements comme le nom illustre auxquelles elles rendent hommage, une vérité qui se pare de fiction pour mieux se faire entendre et comprendre, et enfin une troupe de comédiens enthousiastes ont fait le reste.

    « Il est conseillé de la façon la plus pressante aux travailleurs algériens de s'abstenir de circuler la nuit dans les rues de Paris et de la banlieue parisienne, et plus particulièrement entre 20 h 30 et 5 h 30 du matin ». Préfecture de Police de Paris, mai 1961.

    Du 17 octobre 1961 on ne sait pas grand-chose, les manuels scolaires de ma génération ont peu (pour ainsi dire pas) effleuré cette sombre partie de l’Histoire de France, gommant presque la conquête coloniale des deux derniers siècles. Pourtant cela s’est passé en plein cœur de Paris, dans la rue et effroyablement sur les ponts de la Seine. Cette nuit-là, les Algériens parqués dans les bidonvilles de banlieue se sont donnés rendez-vous pour manifester contre l’épouvantable et raciste couvre-feu décrété par le préfet de Paris Maurice Papon qui officie sous De Gaulle. La manifestation se veut pacifique, ce n’est pas l’avis de Papon, il fait charger la Police, c'est un défoulement sauvage, une nuit d’horreur, de meurtres et de viols.

    Il faudra attendre plus de vingt ans pour que la tragédie soit dévoilée lors du « procès Papon » qui a pour objet de révéler en partie la responsabilité de ce dernier dans la déportation des Juifs pendant le régime de Vichy ; celui qui a été jusqu’aux fonctions les plus hautes de l’État - de 1978 à 1981 - il est ministre du Budget dans la troisième gouvernement de Raymond Barre - est enfin condamné pour Crimes contre l’Humanité.

    Le temps n’éloigne pas vraiment les faits et surtout n’efface rien. A l’heure où la France, par extension l’Occident, se complait à moraliser le reste du monde, la pièce voulue par Louise Vignaud laisse un goût amer qui noie les yeux et soulève le cœur. Il est impossible de ne pas créer des liens avec l’actualité qui occupe nos médias et d’interroger le silence : « Comment vivre ensemble ? » ou « Comment répondre à la violence ? ». On en restera là, ici-bas. La seule réponse connue est que la culture, et notamment le théâtre, est un formidable vecteur de réunion et de vérité. Louise Vignaud et toute sa troupe y participent grandement et avec beaucoup talent, du jeu des comédiens sincères et émouvants jusqu'aux décors extrêmement bien choisis, la pièce est immanquable, indispensable à notre époque. Cette époque qui semble avoir parfois quelques difficultés à se souvenir. 

    Laurence Caron

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  • Eldorado 1528 jusqu'au 10 décembre au Petit Montparnasse

    Alexis Moncorgé joue. Il joue avec l’abandon dont seuls les enfants sont capables. Il joue « pour de vrai », il fait « comme si il était », à la perfection. Au Petit Montparnasse, Caroline Darnay dirige les pas du comédien dans une mise en scène extrêmement vivante, Denis Korensky l’éclaire même la nuit ou sur un océan déchainé, et Romain Trouillet crée une musique imagée tout autour de lui, tout autour de nous. La scène s’oublie, le public s’oublie, le spectacle est cinématographique, totalement immersif. Partons en 1528, un conquistador est prêt à en découdre avec les indiens du nouveau monde… Eldorado 1528 est jusqu’au 17 novembre au Petit Montparnasse, assurément un spectacle à ne pas manquer !

    Arborant fièrement les couleurs de l’Espagne et prétextant diffuser la parole divine, les conquistadors explorent les régions de mondes inconnus, des peuples indigènes sont décimés tandis que les richesses locales et les terres se partagent entre les grands d’Espagne qui est à cette époque la plus grande puissance d’Europe.

    Il y a des planches de bois juxtaposées, notre héros paraît les avoir assemblées dans l'instant pour inventer la proue d’un galion. Interprète et aussi auteur du texte, Alexis Moncorgé s’est inspiré de la vie de l’explorateur espagnol Álvar Núñez Cabeza de Vaca. Avide d’or et d’argent, Alvar a transformé malgré lui son aventure de l’autre côté de l’océan, pendant huit ans, en une quête ésotérique et humaniste. C’est une heure trente intense, le comédien se rue sur les planches comme sur un ring. Son propos est à la fois écologique et humaniste, il donne une leçon de vie - celle que nous devons composer tous ensemble -  en pastichant la conquête des territoires muée par l’orgueil ravageur des civilisations dites avancées… Avec brio, humour et émotions, et sans avoir l‘air, le message est éminemment politique et philosophique mais surtout poétique.

    Le récent film Les Trois mousquetaires aurait bien fait d’en prendre de la graine, le panache, la passion et fougue qui habitent Alexis Moncorgé en incarnant tour à tour chacun de ses personnages a le charme des films de cape et d’épée et la grandeur d’une fresque épique. Heureux et humble, un peu comme un petit garçon qui vient saluer son public à la fin du spectacle qu'il a conçu dans le grenier de la maison familiale, Alexis Moncorgé a la sincérité et la simplicité des grands. Récompensé par un Molière en 2016 pour son rôle dans Amok (la nouvelle de Zweig qu’il avait lui-même adapté), il est très probable que l'édition de 2024 le consacre à nouveau.

    LC

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  • « On n'est pas là pour disparaître » au Théâtre14 jusqu'au 18 février

    hélène thil,renaud lagier,loris lallouette,collectif rêve concret,théâtre de sartrouville et des yvelines-cdn,théâtre 14,on n’est pas là pour disparaître,Éditions gallimard,yuming hey,olivia rosenthal,alois alzheimer,rebecca meyer,justine emard,theatre,theatre14,marina handsC’est vraiment arrivé. Monsieur T. a tenté d’assassiner sa femme de cinq coups de couteau.

    Il ne s’explique pas, il ne s’excuse pas, il ne se souvient pas.

    L’expertise psychiatrique  conclue que l’homme âgé de 72 ans est atteint de la maladie d’Alzheimer. Il a eu une crise de démence violente, un symptôme rare.

    Selon l'OMS, 139 millions de personnes dans le monde seront atteintes pas la maladie de A. à l'horizon 2050. Alors que l'art-thérapie est entré dans les parcours de soins pour améliorer la vie des malades, les auteurs et artistes eux aussi se sont appropriés le sujet (comme par exemple les films : Still Alice, The father, ...) pour faire rayonner autrement leur lecture de la maladie, une nouvelle preuve du formidable pouvoir de résilience de la nature humaine.

      

    Les phrases de l’autrice Olivia Rosenthal s’installent au Théâtre14 sur un vaste écran, une sorte d’horizon sombre où les mots viennent se plaquer, des empreintes impossibles à effacer. Il est important de connaître son adversaire pour pouvoir l’affronter, pourtant ce parti pris artistique semble un tout petit peu long, sa contemporanéité est intéressante mais trop didactique, ou pas… Les gens connaissent-ils la maladie d’Alzheimer ? Il faut peut-être tout expliquer, froidement, à la façon d’une publication médicale. Puis, la voix de Marina Hands et des images vidéo nous tirent d’affaire, on entre dans une dimension plus artistique, plus spectaculaire, c’est ce que l’on vient chercher dans ces lieux. Enfin, avec l’étrangeté de son physique, à la fois puissant et délicat, seul, Yuming Hey a adopté la posture d’un arbre aux racines solidement attachées pour résister aux temps qui passent, tremblements de la terre et autres tempêtes, avec majesté son buste s’anime et ses bras dansent autour de lui tandis que ces mains s’envolent comme des feuilles. Tout en modulant sa voix avec virtuosité, Yuming Hey, ovni dramaturge, danseur et mime, à la sincérité percutante, est multi-personnages, il donne vie à ces vies dévastées, bourreau innocent, témoin incapable et victime anéantie. Vite, on comprend que cette immobilité apparente est causée par un piège. Privé de son libre arbitre, de ses choix, l'humain se détache de l'être, il est un animal sans défense, pris dans un piège à loup. Car il y a de la sauvagerie, celle de la maladie, démoniaque, avançant dans  son œuvre funeste, sans appel jusqu’à en oublier de respirer...

    Le moment est éprouvant, et pour qui connaît cette maladie la torture est proche. Pourtant «On n'est pas là pour disparaître» a la générosité de nous souffler à l’oreille que nous ne sommes pas seuls dans la bataille, le véritable ennemi n’est pas la maladie mais l’isolement, le pire des fléaux d’une cruauté sans failles. Car il s’agit ici de dépasser sa propre petite personne pour rejoindre l’universel, au théâtre, plus que jamais vivant. Le jeu, si profond et si créatif, de Yuming Hey soutenu par la mise en scène de Mathieu Touzé, si ingénieuse et si juste, créent une alchimie mystérieuse qui, au-delà du bouleversement qu’elle produit, offre une sorte de compréhension, un lucide apaisement. C'est un spectacle d’une beauté surprenante, une expérience qui renforce ! Merci les artistes !

    Laurence Caron

    (c) Christophe Raynaud de Lage

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  • ”Camus – Casarès, une géographie amoureuse” à la Piccola Scala jusqu'au 29 janvier

    jean-marie galey,teresa ovidio,elisabeth chailloux,franck thévenon,thomas gauder,sophie mayer,la piccola scala,maria casarès,albert camus,les justes,correspondances,theatre,cie châteaux en espagne,théâtre de la balance,beaubourg productionsL’accident de voiture qui arrache Albert Camus à la vie, le 4 janvier 1960, ne le sépare pas pour autant du monde. Son œuvre radicale, infatigablement révoltée et profondément humaniste cousue de poèmes, essais, pièces de théâtre, nouvelles, films et romans, occupe les programmes scolaires et bibliothèques jusqu’aux personnalités politique qui s’en inspirent tour à tour sans hésiter à s’en disputer allègrement l'héritage depuis plus de 60 ans. Mais, ce que l’on connaît peut-être un peu moins du Nobélisé, c’est l’amoureux qu’il fut. A 47 ans, la veille de sa mort, Albert Camus a trois femmes dans sa vie : Francine sa femme, pour laquelle il s’accusera toujours d’être la cause de la dépression dont elle souffre, MI sa plus récente maîtresse, mannequin chez Jacques Fath, et la comédienne Maria Casarès dit « l’unique », un amour ressuscité en 2017 grâce au recueil «  Correspondances 1944-1959 » (Gallimard, collection Blanche), sous l’impulsion d’une autre femme essentielle, Catherine la fille d’Albert Camus, qui consacre sa vie encore aujourd’hui à l’œuvre de son père.

    Plus je vieillis et plus je trouve qu’on ne peut vivre qu’avec les êtres qui vous libèrent, qui vous aiment d’une affection aussi légère à porter que forte à éprouver. Albert Camus

    Jean-Marie Galey,Teresa Ovidio,Elisabeth Chailloux,Franck Thévenon,Thomas Gauder,Sophie Mayer,la piccola scala,maria casarès,albert camus,les justes,correspondances,theatre,Cie Châteaux en Espagne,Théâtre de la Balance,Beaubourg ProductionsMises en vie sur les planches de la Piccola Scala en ce début d’année 2023, "Camus – Casarès, une géographie amoureuse" reprend ces correspondances, à la fois tendres, bienveillantes et enflammées parcourant une période de l’histoire particulièrement tumultueuse. Le colonialisme dénoncé par Camus, et, ses prises de position nourries par son adoration pour son pays natal l’Algérie, se heurtent à la Guerre froide qui rôde. Le communisme goûte ses instants de gloire, chacun en prend sa part jusqu’aux artistes comme Gérard Philipe ou bien Jean Vilar dont l’anecdote d’un déjeuner avec Camus, raconté dans la pièce, est particulièrement savoureuse. Sautant d’un continent à l’autre, l’un pour des conférences et entretiens savants et l’autre pour la création d’œuvres théâtrales ou cinématographiques, Camus et Casarès, s'écrivent en des échanges dansants qu’il s’agisse de questions politiques, sociales, culturelles ou des petits tracas du quotidien. Outre l’intérêt commun de Camus et Casarès pour le camp républicain espagnol, la tragédienne et l’écrivain partagent leur points de vue et expériences sur la naissance des œuvres théâtrales de Camus. Dès 1944 dans « Le Malentendu » au Théâtre des Mathurins, Maria Casarès crée le rôle de Martha, puis c’est celui de Dora dans « Les Justes » (avec Serge Reggiani et Michel Bouquet, mise en scène de Paul Oettly) au Théâtre Hébertot en 1949. Le propos est passionnant…

    Après leur succès en Avignon, Teresa Ovidio et Jean-Marie Galey reprennent les rôles du couple mythique. Passionnée et un peu sauvage, Teresa Ovidio use de son accent rythmé et chaleureux pour faire revivre Maria Casarès ; ce fameux accent qui justement avait recalé Maria Casarès lorsqu’elle s’était présentée pour la première fois au concours d’entrée du Conservatoire National d’Art Dramatique. Dans un genre plus mesuré mais dont les mots sont tout aussi brûlants, Jean-Marie Galey incarne un Albert Camus résolu mais torturé par les remords pour sa femme Francine. Les deux comédiens s’oublient dans leurs personnages, les mots ne se délient pas en encre et papier, ils sont des images en noir et blanc, l’intimité de leurs sentiments s’entremêlent à une actualité vibrante, de l’Algérie au midi de la France, en passant par Avignon jusqu’à Paris. L’écriture contrastée des deux légendes transpercent le cœur, ce sont des flèches dont les pointes sont élégamment aiguisées, jamais ici les échanges ne manquent de respect, il y a comme une admiration commune, peut-être une démonstration idéale de ce que peut-être le véritable amour.

    Laurence Caron

    Photo : Frédéric Buira

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  • L’augmentation au Théâtre14 jusqu’au 21 janvier

    Georges Perec,Anne-Laure Liégeois,Olivier Dutilloy, Anne Girouard,theatre 14,l’augmentation,Production Le Festin "L’Augmentation" fut au départ écrite pour une fiction radiophonique puis jouée au théâtre dans une mise en scène de Marcel Cuvelier en février 1970. Obtenir un rendez-vous avec son supérieur hiérarchique pour lui réclamer une augmentation va au-delà de l’anecdote une fois qu’elle est passée par l’esprit de Georges Perec. Si ce n’est pas du cirque c’est un drame Shakespearien, et quand le rire ne vous empêche pas de reprendre votre respiration une sourde torture s’installe, sournoise. Car, c’est une chance pour vous, si le propos exploré par l’auteur ne vous interpelle pas sur un moment de votre vie. Dans l’écriture de Georges Perec il y a le monde dans son entier, une caricature de la sphère sociale et économique et en particulier du travail, dans une grande justesse avec des portraits de caractères d’une lucidité glaçante.
    Se jouant de la contrainte de la répétition, Georges Perec a la plume finement aiguisée, l’auteur se créé des ornières pour mieux sauter de côté, les difficultés semblent stimuler son imagination littéraire. Orphelin dès l’âge de sept ans, son père est tué en 1940 et sa mère est déportée trois ans plus tard, Perec est un familier du drame, le monde lui apparaît très nettement, tel qu’il est, très tôt. Pour « L’Augmentation », la géniale perspicacité de l’auteur, ce don pour observer le monde est élégamment assaisonnée d’un humour décapant et infiniment cynique.

    georges perec,anne-laure liégeois,olivier dutilloy,anne girouard,theatre 14,l’augmentation,production le festin C'est dingue ! Au Théâtre14, "L'Augmentation" réunit un duo de comédiens redoutablement efficace, gonflés à bloc ! Vous reconnaitrez tout de suite Anne Girouard, elle est au petit écran la reine Guenièvre de Kaamelott, à ses côtés Olivier Dutilloy s’engage dans un jeux d’une intensité qui sert admirablement Georges Perec. Les comédiens ne s’épargnent aucune difficulté, c’est de la haute voltige, infiniment technique, impossible de ne pas penser à la somme de travail nécessaire pour apprendre cette foison de mots qui s’entrechoquent, dans un sens ou dans un autre, sans autre logique que celle de l’intelligence d’un auteur qui se joue des mots avec une maestria unique. A la fois clowns et tragédiens, les deux comédiens s’entendent à merveille, ils jouent vraiment ensemble et accueillent le public au sein de cette complicité avec une grande générosité. La radicalité de leur jeu est à la hauteur de l’écriture fantasque de Georges Perec. Et puis, cette affaire est rondement menée par la prolifique metteuse en scène Anne-Laure Liégeois, elle donne vie à tout ce qu’elle touche. Les mots de Perec viennent cogner l’espace entier du Théâtre14, les corps des comédiens se soulèvent, leurs voix ne vacillent jamais, tout est astucieusement détaillé, comme une dentelle fine découpée au laser qui ne souffre d’aucune erreur. Du grand, très grand théâtre, à voir absolument dans le très chaleureux et sympathique lieu de créations théâtrales du 14 ème arrondissement, le Théâtre14.

     Laurence Caron

    Photo : Christophe Raynaud de Lage

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  • Beaver Dam Company – Edouard Hue, à la Scala jusqu'au 28 janvier

    edouard hue,jonathan soucasse,alfredo gottardi,eli hooker,jaewon jung,lou landré,tilouna morel,rafaël sauzet,angélique spiliopoulos,yurié tsugawa,mauricio zuñiga,sigolène pétey,david kretonic,diane segui,hugo roux,laetitia gex,la scala,all i need,shever Comme deux feuilles soulevées par le vent, deux corps se dispersent d’une façon qui semble aléatoire, puis fusionnent, pour s’éloigner à nouveau et encore s’entrechoquer, se rassembler. Les dos se courbent comme les boucles d’une écriture tracée à la plume, les pieds se rentrent pour protéger l’intime et les mains se cassent pour mieux attraper l’autre, les épaules et les genoux se déboitent, les cages thoraciques se font tambours… "Shiver" est un frisson, le titre est d’une grande justesse pour décrire ce pas de deux amoureux aux abandons poétiques et au romantisme absolu, impossible de ne pas penser aux envolées lyriques du chef de file Angelin Preljocaj… Sauf que chez Edouard Hue le néo-classicisme est éloigné, ici tout est résolument contemporain. Et d’ailleurs, ce moment de danse proposé par La Scala donne envie de revendiquer haut et fort : enfin du neuf !

     

    Le chorégraphe Édouard Hue avance à la vitesse de la lumière. Du haut de sa petite trentaine, ses chorégraphies, propulsées par sa compagnie franco-suisse Beaver Dam Company, commencent à se faire sacrément remarquer. Éveillé à la danse sur les bancs du conservatoire d’Annecy, il est entré au Ballet Junior de Genève, puis il n’a pas attendu de permission pour prendre le large et multiplier ses rencontres  notamment à Londres à la Hofesh Shechter Company (Uprising et Political Mother), avec Damien Jalet (Gravity Fatigue) ou Olivier Dubois (Tragédie et Prêt à Baiser) au Centre chorégraphique national de Roubaix. Ses interprétations en tant que danseur le stimulent, il travaille avec James Wilton, Marine Besnard, József Trefeli et Giuseppe Bucci, naturellement il devient chorégraphe et fonde sa compagnie en 2014 pour enchainer à un rythme d’une création par an. Le jeune chorégraphe se balade déjà dans le monde entier ; en 2021 en France, Brigitte Lefèvre inscrit « All I need » au programme du Festival de Cannes, puis la pièce est programmée à La Scala, c'est aujourd'hui. L'événement est vécu comme un privilège avant qu'Edouard Hue ne soit happé par de plus grands plateaux.

    « All I need » vient juste après « Shiver ». La première pièce a créé une magie dans la salle, comme si le public avait assisté en catimini à un spectacle trop personnel pour être montré. Dans cette atmosphère particulière, « All I need » découvre des danseurs choisis pour leurs personnalités fortes et différentes, comme  Maurice Béjart ou Pina Bausch l’ont influé il y a plus d’un demi-siècle. Ce sont des interprètes puissants et riches de propositions. On a bien compris que le travail chorégraphique d’Edouard Hue implique le corps tout entier et même au-delà. Les danseurs sont aussi des comédiens, l’un ne va pas sans l’autre logiquement, mais pour cette fois la tragi-comédie paraît autant assumée que la danse. Cette danse-théâtre permet de faire contribuer toutes les ressources des artistes, tous très talentueux.

    L’instant est politique, la fresque est une critique acerbe, méritée et d’une actualité brûlante. Pour supporter cette page sombre, Edouard Hue use d’un humour enfantin et nous l’en remercions. Cet humour est perçu comme une politesse élégante mais aussi comme un signe d’espoir, nécessaire. Dans l’impulsion créative de cette jeunesse sans concession, il y a incontestablement un phénomène générationnel, comme pour les créations de (La) Horde avec le Ballet national de Marseille, il se passe quelque chose d’important, un reflet du monde mué par une lucidité terriblement aiguisée. C'est à voir, immédiatement.

    Laurence Caron

    Photo : David Kretonic

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  • Bérénice à La Scala : prolongé jusqu'au 19 février !

    jean racine,muriel mayette-holtz,carole bouquet,frédéric de goldfiem,jacky ido,augustin bouchacourt,Ève pereur,rudy sabounghi,cyril giroux,françois thouret,la scala,bérénice19/09/2022.

    Rome. Portés par un puissant amour, Titus et Bérénice sont à l’aube de leur mariage. Mais, la mort du père de Titus, Vespasien, vient contrarier ce projet. Contraint par son devoir de nouvel empereur face au peuple de Rome, Titus va devoir sacrifier son destin amoureux.

    Muriel Mayette-Holtz a déjà mis en scène Bérénice à la Comédie-Française en 2011, pour cette fois, à La Scala, la directrice du Théâtre de Nice* orchestre le chef d'oeuvre de Racine avec Carole Bouquet dans le rôle-titre, entourée par Frédéric de Goldfiem (Titus), Jacky Ido (Antiochus), Augustin Bouchacourt et Eve Pereur.

    Pour souligner l’intemporalité de la tragédie de Jean Racine, écrite en 1670, l'action se déroule dans un décor et des costumes contemporains de Rudy Sabounghi. Les couleurs, ces roses, ocres et orangés font penser au modernisme radical et romantique de la Villa Malaparte. La terre d’Italie baignée par les nuances de bleu de la Méditerranée semble faire prendre vie à la femme peinte par Edward Hopper en 1952 dans Morning sun (Etats Unis), dans une architecture inspirée par Western Motel du même peintre (1957) et ses lignes de fuites, des diagonales sévères qui plaquent la lumière du jour comme insensibles aux affres du cœur. Cet esthétisme réaliste et raffiné laisse aux alexandrins l’espace entier de la Scala pour se faire entendre. Les voix des comédiens ont été renforcées par un ingénieux système de sonorisation qui ne laisse échapper aucun souffle. Le procédé est surprenant, beaucoup apprécieront, cependant comme pour le passage de l’argentique au numérique en photographie, le grain s’est quelque peu perdu… Pourtant, quand il s’agit de Carole Bouquet, aucun artifice n’est nécessaire, sa présence, sa diction impeccable et sa façon d’habiter les lieux offrent déjà toute la majesté possible à la reine de Palestine. Bérénice n’est pas une étrangère pour Carole Bouquet, elle s'est glissée dans la peau de l'héroïne sous la direction de Jean-Daniel Verhaeghe dans un téléfilm (avec Gérard Depardieu et Jacques Weber) en 2000 puis avec Lambert-Wilson aux Bouffes du Nord en 2008 . 

    Dans sa mise en scène, Muriel Mayette-Holtz s’empare de cette passion, ce renoncement à l'amour, de ses aspérités, en choisissant d’éloigner, presque gommer, les contours contextuels et notamment la sphère politique dans laquelle les personnages évoluent. L'ensemble s'appuie sur un maillage intéressant grâce à la musique de Cyril Giroux qui rythme les destins des personnages, accompagnant, son après son, la violence de la tragédie.

    Ce soir de première, la magie opère. Les comédiens sont tous exceptionnels, leurs jeux sont humblement effacés, savamment retenus, tout et tous sont au service de la langue de Racine. Le chant de ces vers, construits de mots simples, décrit si justement la complexité des sentiments. Forcément, nous avons toutes été un peu Bérénice à un moment de nos vies et nous le serons encore, c’est à souhaiter. Mais, avoir le sentiment de rejoindre Carole Bouquet sur scène, cette impression de lui ressembler juste un tout petit peu, quelques secondes, est un sacré cadeau !

    Je sors de la Scala, émue aux larmes mais le cœur vaillant et gonflé à bloc. Bérénice est une ode à l’intelligence et au courage des femmes, un élan salvateur par les temps qui courent…  

    Laurence Caron

    * Création en mai 2022 à la Cuisine, nouvelle salle éphémère du Théâtre national de Nice.

    Photo : Sophie Boulet.

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  • « Gisèle Halimi, une farouche liberté » à La Piccola Scala, jusqu'au 6 avril

    Gisèle Halimi,Annick Cojean,Léna Paugam,Philippine Pierre-Brossolette,Léna Paugam, Ariane Ascaride, Mégane Arnaud,Clara Georges Sartorio,Félix Mirabel,Katell Paugam,Alexis Beyer,la piccola scala,la scala20/10/2022

    Le 28 juillet 2020, au lendemain de son 93e anniversaire, l’avocate Gisèle Halimi quitte une vie exemplaire nourrie de révoltes et d’engagements. Peu de temps avant sa disparition, Annick Cojean, grand reporter au Monde, a recueilli ses propos dans un livre qui paraît cette même année « Gisèle Halimi, une farouche liberté » chez Grasset. Adaptés et portés sur la scène de la Piccola Scala, ces entretiens révèlent la vie et les combats d’une femme hors du commun, une femme qui a changé le monde.

    « Ne jamais considérer, pour les femmes, que ce qu'elles ont est définitif. » Gisèle Halimi

    L’Afrique des années 30. En Tunisie, une jeune adolescente entame une grève de la faim pour exprimer l’injustice qu’elle ressent : Non ! Elle ne veut plus servir ses frères et son père sous prétexte qu’elle est née « fille ». Il n’y a rien d’enfantin, le combat commence et ne fera que s’amplifier. Déterminée à devenir avocate, elle lit tout, elle est la première de sa classe, et plus tard, travaille la nuit à Paris pour payer ses études. Déçue par la politique vers laquelle elle tente un écart, Gisèle Halimi se donne corps et âme à la défense des droits des femmes. Jeune mère divorcée, elle élève seule deux petits enfants tout en parvenant à bousculer les codes établis par une société au patriarcat aliénant et mortifère. Perspicace et d’une extrême lucidité sur l’époque qu’elle traverse, elle crée des réseaux afin que chacune de ses batailles ne soient pas vaines, emportant avec elle les médias, elle parvient à éveiller l’opinion. En 1972, c’est le procès de Bobigny, terriblement empathique, pour sa jeune cliente de 16 ans - violée et dénoncée à la police par son violeur pour avoir avorté - Gisèle Halimi n’hésite pas à clamer au tribunal : "J’ai avorté. Je le dis. Messieurs, je suis une avocate qui a transgressé la loi.Puis, vêtue de son armure de drap noir, comme un costume de super-héroïne, elle défend deux femmes violées dans les calanques, c’est « Le procès du viol » à Aix-en-Provence en 1978.

    « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque » René Char.

    « Gisèle Halimi, une farouche liberté »  publié chez Grasset a rencontré un vif succès depuis sa sortie, la plume sensible, dévouée et passionnée d’Annick Cojean se place au plus près du réel et se met entièrement au service de son sujet. Un sujet que la journaliste connaît bien tant ces enquêtes, documentaires, récits et témoignages ont exploré les conditions de vie et les droits des femmes dans nos société contemporaines ici ou ailleurs.

    Et puis, il y a Ariane Ascaride… Il fallait que ce soit elle. Avec Philippine Pierre-Brossolette, les deux comédiennes se distribuent le rôle de l’avocate. Cette idée de complicité pour un rôle apporte une certaine douceur, un rythme qui permet à l’assistance de reprendre son souffle tant le discours est chargé en cris d’alarme et évènements bouleversants.

    Car Ariane Ascaride, artiste engagée, est mordante quand il le faut. Comme Gisèle Halimi, elle aussi, est remontée du sud, elle aussi, est très attentive au combat des femmes, déterminée depuis toujours, et flamboyante comme devait l’être son personnage au barreau. Sa prestation est sans égal ! La comédienne subjugue par son naturel. La chaleur du soleil de Tunisie réchauffe nos joues, les rebellions de l’adolescente vont vibrer les murs tandis qu’on dévore avec elle tous les livres rencontrés, on court effectuer les nombreuses inscriptions dans les universités parisiennes pour tout réussir, et puis plus tard il faut déposer les enfants à l’école, engloutir les repas, raconter une histoire, la culpabilité d’une part, l’indignation de l’autre, et ces hommes qui décident de tout, ces condamnations infondées, ces défenses acharnées,… Quand la petite salle de la Scala ne reflète pas les flots de la Mer Méditerranée, les gradins de spectateurs se fondent en bancs des tribunaux et la scène en prétoire. De la même façon, la mise en scène de Léna Paugam invente des espaces insoupçonnés et éloigne les limites de l’espace scénique, La Piccola Scala serait presque à rebaptiser La "Grande" Scala.

    Ainsi Ariane Ascaride hypnotise son auditoire, elle est aussi convaincante que son personnage, elle fait vibrer chaque millimètre de son être, sa technique de jeu relève de la magie. Terrassés, liquéfiés, les spectateurs, après avoir eu les poils dressés sur toute la surface de leur peau pendant plus d’une heure, se lèvent d’un bond en une standing ovation. C’est l’adoration, on ne sait pas pour qui, pour quoi, ou pour tout à la fois : pour la formidable interprétation d’Ariane Ascaride, pour l’équilibre savant cousu entre les deux comédiennes, pour l’héroïne Gisèle Halimi, pour ce combat féministe qui ne fait que commencer… ?

    Gisèle Halimi dit qu’elle a tout fait pour qu’aucune femme ne ressemble à sa propre mère ; au final, nous aimerions toute ressembler à Gisèle Halimi.

    Le livre est à dévorer si ce n’est pas déjà fait et la pièce est une expérience merveilleuse, à voir absolument, c’est un devoir.

    Laurence Caron

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  • ”Quand je serai grande je serai Patrick Swayze” au Rond-Point des Champs-Elysées jusqu'au 19 février

    Ayant beaucoup soupé des one-man/woman show de tout poil et autres stand-up, j’avais fait la promesse de ne pas récidiver, cette fois-ci je fais une entorse à mon règlement, le titre du spectacle Quand je serai grande je serai Patrick Swayze sonne comme une invitation personnelle, un message subliminal... j'y cours ! Ma crainte, toujours dans un seul en scène, est le point de vue nombriliste de l’hôte, l’artiste se prélasse de l’effet miroir de sa narration sur le spectateur qui se réjouit de se sentir moins seul. Un peu comme chez certains auteurs, à qui on n’ose pas le dire d’ailleurs, le récit de la vie, sans compter les névroses qui s’y rattachent, n’a souvent d’intérêt (thérapeutique) que pour la personne qui raconte…  Sauf ! Sauf quand le conte prend un caractère universel et c’est exactement ce que Chloé Oliveres a brillamment et généreusement réussi à faire.  

    En 2022, au Théâtre des Béliers en Avignon, le public a été charmé par ce premier spectacle en solo de Chloé Oliveres. Et, parce qu'on ne laisse pas Chloé dans un coin, la voici d'un seul élan propulsée sur les planches du Rond-Point jusqu'au 19 février. Chloé Oliveres est une habituée de ces planches depuis 10 ans, notamment avec Les Filles de Simone, un collectif qu’elle a fondé avec Tiphaine Gentilleau et Claire Fretel. De l’enfant extravertie devenue une adolescente complexée jusqu’à la crise de la quarantaine, le cliché semble d’une banalité crasse, pourtant Chloé Oliveres parabole son autofiction en une formidable aventure truffée de références générationnelles, forcément attachantes, jusqu’à transformer l’anecdote en un plaidoyer politique. La môme des eighties tient à se faire voir et entendre par tout son corps qu’elle bouge comme s’il s’agissait d’une solo de danse contemporaine. L’intensité est délicatement dosée, tout comme la mise en scène de Papy, le prolifique découvreur de talents Alain Degois, qui lui offre l’espace entier de la salle Roland Topor, une liberté que l’on soupçonne millimétrée. Il y a une vraie montée en puissance de l’écriture, subtile, ses confidences émeuvent, ses exagérations amusent, la comédienne vise juste avec une intelligence chic, je refuse de la comparer à aucun/e autre artiste du moment. Dans une énergie folle, l’humour de Chloé  Oliveres vient ponctuer un flux de constats alarmants presque des révoltes, une façon élégante d’appuyer là où ça fait un peu mal ou de révéler ce qui est caché…

    Enfin, il est tout à fait possible d’être à la fois une princesse et aussi une féministe, Chloé nous le dit en tissant de très habiles liens oniriques entre le symbole et le mouvement, car après tout il s’agit d’un spectacle, ici le rêve ne nous quitte pas. Merci Chloé !

    Laurence Caron

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  • THE ONE DOLLAR STORY, Les Plateaux Sauvages, jusqu'au 17 février

    roland auzet,fabrice melquiot,sophie desmarais,pascale bussières,victor pavel,cédric delorme-bouchard,pierre laniel,bernard grenon,sophie el assaad,valery drapeau,sandy caron,geoffrey dugas,act opus,compagnie roland auzet,le groupe de la veillée,montréal,le théâtre,scène nationale de saint nazaire,les plateaux sauvages,the one dollar storyRaconter l’histoire de « The one dollar story »  - actuellement sur la scène des Plateaux Sauvages jusqu’au 17 février - serait un peu comme dévoiler la fin d’un roman à succès… Alors, comme l’auteur de la pièce a lui-même promis d’en extraire un roman, il y a deux solutions : allez aux Plateaux Sauvages ou attendre la sortie du roman. Je vous conseille la première solution, comme l’on fait Dennis Hopper et Peter Fonda sur leurs choppers dans le film Easy rider, il faut rencontrer ces hippies des années 70, partir loin, parcourir la majesté de ces grands espaces américains, goûter à ces ambiances psychédéliques, là où la beauté et le sordide voisinent.

    Pour commencer le voyage vers de lointaines contrées, la comédienne Sophie Desmarais hypnotise le public avant de le soumettre complètement avec sa douce voix où perce un adorable et léger accent québécois. Ses yeux lui bouffent le visage, comme les héros des dessins animés japonais, de par leur taille et l’intensité qu’ils dégagent. Jodie vient de naître, un personnage rageur, frondeur et douloureux. Rapidement, la frêle jeune femme a piégé l’attention de tous, elle est une guerrière, il est impossible de quitter ce petit corps qui se débat. Éprise de liberté autant que de vérité, Jodie, enfant des années 80, entame un road trip au cours duquel elle va bousculer les thèmes qui n’ont de cesse de tarauder nos sociétés contemporaines : la fin de vie, la sexualité, le genre, la maladie, la drogue, la quête des origines, la maternité et la paternité, le statut de la femme, … Volontiers, on fait des centaines de kilomètres en car ou bien on dîne sur des tables en Formica sur des parkings de plages aux abords bétonnés.  Le mouvement hippie est en marche, pétri d’ivresses et d’excès en tout genre, de ses années qu’elle n’a pas connues, Jodie, la petite princesse malheureuse en baskets et blouson de sky, s’en dépêtre en allant y débusquer les secrets, les raisons et enfin le sens de son existence. Fantasmant et fouillant les années qui ont précédées sa naissance, Jodie enquête, accuse, condamne, aime et déteste, toutes et tous y passent, chacun en prend pour son grade. Allen Ginsberg est maître en la demeure (mainte fois cité en référence au cours de la pièce), l’auteur Fabrice Melquiot  s’en inspire et explore le style avec délice. L’écriture intarissable se délie, crue et puissante, sans détours. Ainsi, il est possible de mêler des tirades hautes et fortes à la façon d’Edmond Rostand et son Cyrano, à d’autres confidences, sortes de pensées soufflées, entre l’anecdote et la révolte comme le ferait Virginie Despentes. Le monologue se déverse, un torrent, un trop-plein sans fin. Pour ce soir de première, le son du micro de la comédienne n’est peut-être pas très bien réglé, pas assez fort, on se doute que les choses s'arrangeront plus tard, comme pour notre héroïne, on se répète que tout finira bien ; alors, on s’accroche aux mots, on s’accroche à elle comme à une planche qui flotte après un naufrage, on ne lâche rien.

    Roland Auzet a créé une mise en scène où la jeune femme n’a de cesse de se cogner aux parois comme un insecte pris au piège d’une lanterne restée allumée tard dans la nuit. Seul, un grand frigo semble rappeler la société de consommation des années qui suivront en contradiction totale avec les soleils couchants imaginés des années 70. Sophie Desmarais est tendue comme un arc, elle décoche ses flèches, elle a décidé de comprendre cette vie-là peut-être pour en commencer une nouvelle… La Beat génération est à la fête, Leonard Cohen, William Blake, William Burroughs et pas loin aussi Jack Kerouac forment des vœux sincères pour un avenir meilleur. La Contre-culture américaine fait table rase, elle obscurcie tout sur son passage comme un tempête de sable en plein désert, un monde nouveau est convoqué, plus clairvoyant... Est-il là ? Est-ce qu’on l’espère encore ?

    Créé en avril 2022 au Théâtre Prospero de Montréal, « The One dollar story » est une sorte de conte moderne, l’histoire d’un dommage collatéral, un de ceux que les révolutions laissent dans leur sillage. En attendant que le roman voit le jour, il faut aller aux Plateaux Sauvages pour partager ces vies qui se montrent, se laisser envelopper par le texte, assister à une performance inédite, artistique et esthétique, une expérience rare, un genre de théâtre immersif. Surprenant, vibrant et immanquable !

    Laurence Caron

    Photos © Pauline Le Goff

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  • Le Prix Jeune Création 2011

    Le Prix Jeune Création (1er prix) a été décerné à Claudia Imbert pour son œuvre Le cercle, 2011, vidéo - projection en boucle sur 3 écrans disposés en U.
    Dans le cadre de l’atelier de recherche Arte.

     

    Le prix Boesner (2ème prix) a été remis à Christophe Sarlin pour son installation de 3 œuvres : Degré d’existence relative - Offshore Process/EPFL -D’autres viendront après nous - 2011.
    Œuvres réalisées avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication/DRAC Languedoc-Roussillon et en partenariat avec ECAL.

    Le jury, présidé par Jean de Loisy, Président du Palais de Tokyo, était composé de :
    José-Manuel Gonçalvès, Directeur du CENTQUATRE
    Kamel Mennour, galeriste
    Jens Emil Sennewald, critique d’art, critique littéraire, journaliste indépendant, co-fondateur de café au lit
    Cédric Schönwald, critique d’art
    Tatiana Trouvé, artiste
    Nathalie Viot, conseillère art contemporain, Direction des affaires culturelles, Ville de Paris.

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  • La Jeune Création 2011 est au CENTQUATRE

    Dimanche, 11h du matin, nous entrons dans le 19ème arrondissement, quel bonheur de traverser Paris en 15 minutes ! Décidément, je ne comprendrais jamais ces parisiens, qui s'agrippent à leurs oreillers, alors que s'offre à eux la plus belle ville du monde sans personne dans les rues, le dimanche matin.
    centquatre,art contemporain,jeune création 2011
    Le CentQuatre est un lieu sympa. L'espace est lumineux et aéré, la décoration est sobre et fait la part belle à l'architecture magnifique de ces 2500 m2. 
    Ironie du sort, ce lieu ne fut pas toujours un espace de création, mais plutôt un espace funeste... 
    L'histoire du lieu est inédite : "En 1905, est créé le service municipal des pompes funèbres (SMPF), vécu comme un progrès des idées républicaines. Ce monopole municipal de la pompe funèbre a pris fin avec la loi Sueur du 8 janvier 1993. Sur le site de la rue d’Aubervilliers, l’activité a décliné progressivement jusqu’au départ du dernier employé en 1997. Durant les années de pleine activité, 27 000 corbillards partaient chaque année du SMPF, 1 400 personnes y travaillaient, dont une quarantaine de femmes. Les Pompes funèbres employaient aussi bien des menuisiers et des ébénistes que des carrossiers, des mécaniciens, des couturières, des peintres ou des maçons. Les fonctions étaient très codifiées : bureau d’exécution des convois, régleur, porteur… Sur le site se trouvaient donc des bureaux, des écuries, un service d’état civil, des ateliers, une cantine, un coiffeur, un cireur, des logements pour les employés d’astreinte, des entrepôts pour les mâts et les tentures, etc. ..."
     
    centquatre,exposition,art contemporain,jeune création 2011Claire Larfouilloux, Applique # , 2009. Pastel. 49,5 x 35 x 20 cm.
     
    Deux grandes salles sont dédiées aux premiers pas des jeunes artistes : peintures, sculptures, photos, dessins, vidéos, installations et performances.
     
    centquatre,exposition,art contemporain,jeune création 2011
    253 km E, 2011 Tirage numérique Lucia Barbagallo
     
    Ici, chacun trouve matière à s'émouvoir, s'étonner, s'énerver ou encore mieux s'émerveiller. La proposition artistique est variée, sobrement et justement commentée, pas toujours bien éclairée (lorsqu'il s'agit des peintures notamment), mais elle est résolument  moderne, pure, sans prétention, réduite à sa fonction, l'art du vivant. 
     
    centquatre,exposition,art contemporain,jeune création 2011
    Luc Barrovecchio
     
    A l'initiative d'un partenariat entre le CentQuatre et l'Association Jeune Création, l'événement s'installe sur la durée et donne à voir, depuis 2009, un panorama exhaustif de la création artistique contemporaine.
     
    centquatre,exposition,art contemporain,jeune création 2011
    Il y a des vides à combler (Jesus Alberto Benitez), des images à écouter (Olivier Lemort), des monochromes qui résistent aux tentations multicolores (Michael Jourdet), des accumulations géométriques mystiques (Eva Taulois), des critiques sévères à l'égard du monde (Leila Wilis), rien, personne n'est épargné aux yeux de ces jeunes talents.
     
    Mais il y a aussi du vent dans les arbres (Samuel Buckermann), du caramel qui prend vie (Jonas Etter), des photos qui vous kidnappent (Lucia Barbagallo), et des messages humoristiques (Luc Barrovecchio) qui révèlent ici une universalité.
    Tout est sens.
     
    centquatre,exposition,art contemporain,jeune création 2011Bref, un régal !
    Les enfants furetent d'une installation à l'autre, jamais avides de commentaires, ils se concentrent une bonne heure à l'atelier art plastique, heureux d'y créer des collages savants, ils argumentent ensuite très sérieusement le message délivré par leurs oeuvres plastiques...
     
    centquatre,exposition,art contemporain,jeune création 2011La manifestation, dont le vernissage hier soir fut un succès, se déroule jusqu'au 13 novembre 2011.
    Il est donc primordial de s'y rendre. Au CentQuatre une longue succession de rendez-vous nous y attend...
     
    Laurence Caron-Spokojny
     
     
     
    Du 6 au 13 novembre 2011 de 12h à 20h (ouverture à 11h les samedi et dimanche)
    Nocturnes les 11 et 12 novembre jusqu’à 23h30 - Fermé le lundi 7 novembre
    Entrée : 5 euros
    www.jeunecreation.org
    Entrée au 5 rue Curial - 75019 Paris 
    Métros :  Riquet, Stalingrad, Crimée
     
     

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  • Les Echos-Liés à Bobino

    Voici des artistes remarquables : les Echos-Liés. Ces danseurs contrarient les lois de l'équilibre et ils contrarient aussi les règles du show classique. Déraisonnablement, sans argumenter, je commencerai par vous dire qu'ils sont formidables !

    échos-liés,bobinoLe spectacle est sans prétention aucune, les artistes sont là pour vous faire partager leur immense joie d'être sur scène et vous montrer ce qu'ils savent faire : de la performance athlétique et de l'humour, mais pas seulement. C'est un univers à part entière, il s’appuie sans complexe sur la culture du quotidien pour livrer un message subtile.  

    échos-liés,bobinoLes spectacles de rues ont toujours un goût de défiance qui est fort appréciable. Quand il n'y a pas de scène, il faut redoubler d'efforts pour être remarqué. Les artistes  des Echos-liés se sont d'abord escrimés dans la rue et on comprend alors aisément d'où provient leur belle énergie. C’est d’ailleurs le nom de leur spectacle «Energie positive».
    Les enfants, presque debout sur leurs sièges, hurlent de rire, encouragent leurs nouvelles idoles, quant aux adultes il se laissent très facilement entraîner, l’idée est bien de se divertir. Un spectacle de divertissement, un vrai, à croire que nous en avions oublié les codes...

    échos-liés,bobinoLa performance physique ne freine aucunement leur créativité artistique, bien au contraire, l'une entraîne l'autre.
    Il y a là une belle matière qui mériterait presque d’être façonnée par un chorégraphe, un arrangeur sonore, un auteur de sketchs... Impossible de ne pas y penser. Et en même temps, l’authenticité de ces artistes est telle qu’il serait peut-être dommage de vouloir les changer, il faut juste qu’ils continuent encore et encore, et pour cela il faut se rendre à Bobino pour les applaudir...

    Laurence Caron-Spokojny

    jusqu'au 2 janvier 2012, du mardi au samedi à 19h

    Bobino  14-20 rue de la Gaité Paris 14ème

     

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  • Cendrillon à Hollywood

    S'il y a bien une époque qui reflète un grand esthétisme, ce sont les années 30.  L’architecture stylisée des villes, les voitures aux formes arrondies, les costumes aux lignes parfaites, le tombé irréprochable des robes, c’est dans cet univers à la fois graphique et fluide que Rudolph Noureev a choisi de projeter sa Cendrillon en 1986 à l’Opéra de Paris.

    Sortie de Garnier pour gagner les planches de Bastille, la production 2011 n’a pas pris une ride. Les fantastiques décors de Petrika Ionesco s’inscrivent dans la tradition «opéra-tesque» et s’installent confortablement dans les cintres et sur le plateau de Bastille. La proposition de Hanae Morie, (véritable icône de liberté au Japon, pour avoir été la première femme a accéder au podium des grands couturiers) pour les costumes, est raffinée, les tissus délicats se succèdent.

    Serguei Prokofiev enveloppe somptueusement le ballet dans une partition visionnaire, déjà si moderne. Tandis que Groucho Marx et Fred Astaire viennent soutenir l’oeuvre de Charles Perrault, l’auteur apprécierait les fantasques studios de Hollywood. Cette Cendrillon rêve d’être une star du grand écran, et, c’est un producteur de cinéma qui la propulse sous les feux des projecteurs, sous l’oeil bienveillant de king-kong (en vrai !).

    Karl Paquette est d’une grande élégance dans son rôle de producteur, les deux soeurs Mélanie Hurel et Ludmila Pagliero nous rendent leur plaisir de danser très contagieux, Stéphane Phavorin livre un exercice de style dans le rôle de la marâtre assez exceptionnel, Christophe Duquenne est le professeur rêvé, enfin ils sont tous magnifiques, les tableaux des saisons, l’ensemble du corps de ballet, comme nous, semble s’amuser ! 

    Et puis la star... Irrésistible, si vulnérable à l’écart des projecteurs, et, si majestueuse sous les feux de la rampe, Agnès Letestu est bouleversante. Cela on le savait déjà. L’Etoile a ce «je ne sais quoi» d’incroyablement magique, une jambe s’échappe, un bras s’arrondit et tout est poésie. D’une grande exigence, l’artiste se donne entièrement avec une classe incomparable, il y a une sorte d’aristocratie dans son interprétation du rôle. Parfaite maîtresse du geste, elle fait naître l’émotion. La véritable émotion, celle qui vous ruine le mascara, non pas par tristesse, mais par dévotion.

    C’est beau, il n’y a rien d’autre à écrire d’ailleurs : c'est beau.

    Laurence Caron-Spokojny

    Nb / sortie en famille : le spectacle dure presque 3 heures avec deux entractes, les enfants (7 et 10 ans) sont restés attentifs, totalement pris par le déroulement de l'histoire.

     Du 25 novembre au 30 décembre Opéra de Paris - Bastille

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  • Duel, le 11 décembre à 15h, Salle Gaveau

    Voici des musiciens classiques qui usent très savamment du burlesque pour se faire voir et se faire entendre.

    Laurent Cirade et Paul Staïcu en scène

    La définition pourrait s'arrêter là, seulement Duel offre une lecture beaucoup plus sophistiquée. D'abord, il est question de maîtrise, celle de l'instrument, celle d'un art, celle d'une traduction de la musique. Pour ce faire, il est question de travail, un travail long, ancien, envahissant.
    Une fois la technique maîtrisée, l'interprétation dépasse tout, encore et toujours le musicien se replie sur son instrument pour tenter d'en sortir un langage commun. Une harmonie entre un objet de bois précieux et un Homme, quelle idée extravagante, l'art est véritablement une drôle d'invention humaine !

    Puis les années passent, l'homme grandit, vieillit un peu, l'instrument devient de plus en plus précis mais reste toujours aussi exigeant. Alors, la musique dévoile sa véritable personnalité, libre, elle se fait Art. Cet Art a besoin de public, il se façonne, tente de séduire et c'est enfin la rencontre : parfaite. C'est le cas pour Laurent Cirade, le violoncelliste, et, Paul Staïcu, le pianiste.

    Affiche de Duel Opus 2 qui donne une représentation exceptionnelle à la salle Gaveau

    Voici autre chose. Une idée artistique. Un hommage au travail, le dur, le pas marrant. Le travail usé, seul, sur un tabouret d'instrumentiste, fondu sur son instrument avec pour seule compagne une pile de partitions annotées. Les artistes, propulsés par leur art, sont extirpés de leur solitude, ils s'expriment alors, tout à fait maîtres.
    Le spectacle fait rire son public, tous les publics, c'est certain, les ingrédients sont tous là très justement dosés. De la performance et de la délicatesse, un grand raffinement en somme, une transmission impeccable, et surtout, du divertissement, celui qui anime et qui éveille notre plus grande joie et qui procure un bien être épatant.

    Ainsi, Laurent Cirade et Paul Staïcu nous livrent des années de travail et d'émotions dans un déferlement d'inventions, inédites et très très inspirées.
    Reservez vos places sans attendre.
     

    Laurence Caron-Spokojny


    Pour suivre Duel...

    Agnés Boury, metteur en scène du spectacle a écrit un texte irrésistible sur le spectacle : 

    Affublés d’un piano et d’un violoncelle, puis d’une pince monseigneur, bientôt d’une chaise longue et d’un barbecue, deux êtres improbables surgissent de nulle part. Soumis à des métamorphoses effrénées, ils font une irruption violente dans notre histoire musicale. Drolatiques, délicats, poignants, ils explosent tous les stéréotypes musicaux, du classique de meilleure facture aux mièvres mélodies de supermarché. Grâce à leur talent imperturbable, ils se mettent dans des situations désespérantes et par une virevolte insoupçonnée emprison- nent finalement le public dans le vertige de leurs délires poétiques et humoristiques.

    Première tragédie musicale jamais créée, Duel est sans doute la plus belle illustration de ce que Desnos disait du burlesque : « la forme la plus déconcertante du lyrisme ». Gymnopédie pour cauchemar cannibale, ballade pour midinette abandonnée, concerto pour carte bleue, toccata pour séquestration, rap pour déprime sociale, menuet pour sadisme militaire, chant tzigane pour nostalgie scoute, scatt pour stentor beuglant… Mais quel est donc l’illustre philosophe qui a cru sage d’affirmer que la musique adoucissait les mœurs ? Deux musiciens exceptionnels se livrent à d’hilarants règlements de compte et arrivent à vous en convaincre irrévocablement. Pour tous.  
    Agnès Boury, Metteur en scène.

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  • Suresnes Cité Danse : Happy Hip Hop party !

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    Quand une salle de spectacle porte le nom de Jean Vilar, il faut s’attendre à découvrir un lieu qui témoigne de l’idée de rendre toutes formes de performances, créations ou diffusions artistiques, accessibles au plus grand nombre. Avec «Suresnes Cité Danse» qui célèbre ici ses vingts ans de bons et loyaux services, Olivier Meyer, instigateur de l’évènement et maître des lieux, a relevé et tenu le pari.

    La soirée anniversaire du jeudi 12 janvier 2012 présentait un florilège de ce qui se fait de mieux en matière de Hip-Hop. Avouons le, le terrain était neutre, réceptif, sain et à l'affût de la moindre découverte : en matière de Hip-Hop je ne connaissais rien... Ce temps imparfait est justement utilisé, je ne connaissais rien mais aujourd'hui je sais, je sais qu’il existe un univers autre, un affluent tortueux trace ses lignes près du large fleuve de la création chorégraphique contemporaine. Ces dernières années, par petites touches, j'ai approché les programmations de Suresnes et de la MC 93 de Bobigny, des rencontres étonnantes comme celle de Découflé, je savais que loin des ballets contemporains ou classiques du très renommé Opéra de Paris, et des créations des centres chorégraphiques des somptueux Mats Ek, Pejlocaj ou Pina Baush, et encore plus loin de la descente aux enfers des comédies musicales du Palais des Sports où des chorégraphes pitoyables célébrés par les biens vulgaires chaînes de télévisions en particulier une, je savais que, quelque part, il y avait autre chose...

    Lydie Alberto, Céline Lefèvre, B-Boy Junior, Farid Berki, Amala Dianor, Doug Elkins, Fish, Mehdi Ouachek et Storm sont apparus pour délier sur scène une déferlante de mouvements, de performances physiques et des tas d’histoires à raconter, soutenus par les chorégraphies de Kader Attou, Sylvain Groud, Sébastien Lefrançois, Mourad Merzouki et José Montalvo. 

    suresnes cité danse,laurence caron-spokojny,hip-hop,danseLa deuxième partie, plus attendue mais pas du tout convenue, orchestrée par le formidable inventeur de grâce José Montalvo, accueille les 30 chanteurs du jeune Choeur de Paris et les danseurs Lara Carvalho, Farrah Elmaskini, Julia Flot, Alfréda Nabo, Abdoulaye Barry, Simhamed Benhalima, Kevin Mischel, Nabil Ouelhadj : un mélange des genres fluide tenu par une exigence artistique égale.

    Farid Berki, Monica Casadei, Blanca Li, Jérémie Bélingard, Sylvain Groud, Abou Lagraa, Laura Scozzi, Pierre Rigal, Robyn Orlin et Angelin Preljocaj sont invités pour la suite de ces découvertes. Je vous invite à découvrir la programmation dans son intégralité sur le site du Théâtre de Suresnes.

    Ici, la rue raisonne et s'épanouie sur les murs comme dans un tableau de Jean-Michel Basquiat. La danse s'esquisse comme un coup de pinceau et la vidéo vient comme un collage donner une épaisseur indispensable à la sénographie. Une forme d’art urbain «authentique», même si je n’aime pas utiliser ce qualificatif d’ «authentique», cela peut sous entendre que l’art peut ne pas l’être : ce qui paraît  absurde. Alors tout simplement il s’agit d’art, à sa place, tout à son aise, avec une très haute qualité technique et artistique, et, en tout point avec le pouvoir de divertir.

    Laurence Caron-Spokojny

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  • Jean-Louis Aubert, Roc Eclair, hier soir à Bercy

    Au temps du "top50" et des 45 tours, il était difficile de distinguer le bon du mauvais, les radios faisaient la loi et même la télévision diffusaient encore des émissions de "variétés" (étymologie historique). L'idée était d'envahir l'espace sonore à coups de "tubes" sur la déferlante des radios libres. TELEPHONE a fait partie de ces groupes de rock français, il a fait l'unanimité. Aujourd'hui, deux compères caracolent encore en tête des hit-parades (expression historique, aussi), Louis Bertignac et Jean-Louis Aubert. 

    A Bercy, ce soir là, le public est désarmant, il y a des ados, leurs parents et je soupçonne quelques jeunes grands parents ou pas loin: tout le monde saute, tout le monde chante, qui oserait avouer ne pas connaître les paroles d'un des airs du mythique groupe TELEPHONE ? Personne. TELEPHONE appartient à une génération, c'était un phénomène, et on comprend mieux pourquoi aujourd'hui.

    Jean-Louis Aubert trace sa route, auteur et compositeur, il avance, amoureux des mots, dévoué au rockn’roll. Son répertoire s’est enrichi, son interprétation aussi. Jean-Louis Aubert est un poète et ses intentions sont belles. Il y a quelque chose de Barbara dans le phrasé, quand il s’applique à rouler les «r». Une forme de tradition française de la chanson, un héritage respectueux du langage, un territoire commun à Aragon, Brel ou Gainsbourg. Quant au son, les rifs des guitares, l’omniprésence des percussions et un trio de cuivre brillant portent à merveille les textes sans que l’on ne perde une goûte de la suite de l’histoire... Il s’agit en effet d’une histoire, un peu engagée, un peu orientée. Une éternelle adolescence, celle que seuls les grands artistes cultivent, soutenue par une voie claire, un ton emporté. Le public se régale, et on chante... Certains préfèrent sortirent les briquets plutôt que leur téléphone, mais nous ne nous trompons pas, il n’y a pas de nostalgie ici, pas de mièvrerie, plutôt une suite, construite sur une base décisive.


    Comme il est content Jean-Louis d’être face à son public et comme il sait bien le faire ressentir. En fait, Bercy raisonne de bonheur, un bonheur partagé, l’artiste et le public ont peine à se séparer. Alors évidemment au troisième rappel, on aimerait bien deviner la silhouette élégante de Louis Bertignac à ses côtés, histoire de ... en fait rien du tout, chacun est à sa place et c’est parfait ainsi.
    Très peu d’interprètes peuvent se vanter d’avoir poursuivi une vraie carrière après avoir connu le succès au sein d’un groupe. Enfin si, il y a Sting (Police) et Jean-Louis Aubert...

    © LCS

    Déjà culte : le titre "Les Lepidoptères" à apprendre par coeur avec les enfants, ou encore "Chasseur de nuage".

    . La nouvelle édition de "Roc Eclair": un coffret 3 CD comprenant Roc'Eclair + Hiver + 5 titres live

    Site de Jean-Louis Aubert  

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  • La Cenerentola à Garnier

    Hier soir, c'était la fête à Garnier. 

    Les couleurs infinies des mezzo-sopranos virevoltaient tandis que les élégants barytons et basses rivalisaient avec le ténor. Tout était parfait. 

    Gioacchini Rossini semait des notes légères et ravissantes, le bel canto remplissait l'air, bouffait l'oxygène, pour nous soûler de bonheur, dans une béatitude oubliée car trop rarement ressentie.
    Enfin un véritable Opéra-Bouffe avec des chanteurs, sachant chanter et jouer la comédie, et admirablement bien chorégraphiés dans les pas de la mise en scène musicale de feu Jean- Pierre Ponelle (qui signe aussi les costumes et décors).
    Karine Deshayes est une très romantique et très bouleversante Cendrillon entourée de (l'excellent) Dandini de Riccardo Novaro, l'Alidoro d'Alex Esposito, le Don Magnifico (vraiment magnifico) de Carlos Chausson et les deux soeurs de Cendrillon Jeannette Fischer et Anna Wall, sous la baguette délicate de Bruno Campanella. La prestation très raffinée, autant en voix qu'en jeux, du Choeur de l'Opéra de Paris est savoureuse.

    Un travail savant concentré sur l'oeuvre musicale, et vraisemblablement sur la véritable intention du compositeur, un respect total et inspiré, livre ici une oeuvre somptueuse de l'opéra, le vrai, le grand, celui qui devrait être connu et accessible à tous. 
    © LCS

    La Cenerentola sera diffusée sur France Musique 
    en direct le samedi 17 décembre 2011 à 19h30

    /réalisation de la mise en scène : Grischa Asagaroff,
    lumières : Michael Bauer.

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  • Mummenschanz : le nouveau spectacle 2015 au Théâtre Antoine du 3 au 12 juillet 2015

    mummenschanz,théâtre antoineAprès leur succès au Casino de Paris en 2013, les MUMMENSCHANZ sont de retour avec un nouveau spectacle au Théâtre Antoine à Paris du 3 au 12 juillet 2015.

    La troupe revient avec une série de numéros inédits en France, l’occasion de découvrir ou de redécouvrir leur monde imaginaire fait d’étranges personnages qui racontent 1million d’histoires en silence.
    Unique en son genre, les MUMMENSCHANZ ont marqué et marquent toujours le paysage théâtral en choisissant le silence comme langage.
    Avec un peu de carton et de pâte à modeler, quelques rouleaux de papier hygiénique ou de petits tubes sonores, les MUMMENSCHANZ donnent vie à des univers entiers, emplis de petites et de grandes histoires narrées par d’étranges figures colorées, futuristes, étonnantes…

    Depuis sa création, la troupe des MUMMENSCHANZ a “semé ses pépites de rire sur toute la planète”.

    Un spectacle culte, inclassable et unique à savourer aussi en famille !

    Lire l'article sur leur dernier spectacle au Casino de Paris

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  • Des stars à l'affiche du Théâtre Hébertot dans ”Victor” d'Henri Bernstein

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     En 1950, Victor (Grégory GADEBOIS) sort de prison. Il a accepté de purger une peine en lieu et place de son ami Marc (Eric Cantona), héros de guerre, désormais homme d'affaires brillant et indélicat, par amour pour Françoise (Caroline Silhol), la femme de Marc.
    L'amitié virile, le grand amour, l'argent brûlant vont précipiter ce trio charismatique dans une ronde à perdre haleine, orchestrée 
par le dramaturge français Henri Bernstein (1876-1953) au sein de cette France de l'après-guerre vivante et meurtrie. 
     

    Lancer une pièce à la rentrée est toujours un pari risqué. Juste accosté de leurs vacances estivales, le public concentré sur ses activités s’octroie souvent sa première sortie comme un événement marquant, une récompense aux tâches accomplies liées à cette période mouvementée qui prononce aussi un choix évident pour les lieux de création, ou salles plus obscures de la culture, au détriment des terrasses ensoleillées devenues, déjà, un souvenir. Après ces semaines passées loin des théâtres, l'attente est grande.

    « Victor » s’inscrit à l’affiche du Théâtre Hébertot. Les colonnes Morris se parent d’une photo signée Harcourt délicieusement vintage, elle représente les visages des trois rôles principaux. Un d’entre eux, Éric Cantona bat le rappel auprès des médias avec toujours autant de brio et on l’aperçoit aussi bien dans la presse people que dans celle plus élitiste dédiée au Théâtre.

    Aux côtés du footballeur « King Éric », désormais acteur mais aussi peintre, photographe et collectionneur à ses heures, Grégory Gadebois est espéré avec la plus grande attention. C’est une des rançons du succès, peut-être la plus chère à payer, enchaîner un rôle après avoir été le lumineux « Charlie » dans « Des fleurs pour Algernon », pièce pour laquelle le comédien de la Comédie Française a tutoyé les anges, ceux de Marlon Brando ou de Louis Jouvet. Massivement présent et d’une justesse désarmante, Grégory Gadebois est intense et subtil, alliage d’honnêteté et de tendresse avec toujours ce je-ne-sais-quoi de naïveté dont seul le comédien a le secret. L’espace lui semble parfois insuffisant, à moins que cela soit le texte qui se bouscule. Mon ressenti est totalement déformé par l’émotion toujours présente de son interprétation magistrale de « Charlie », c’était dans cette même salle en 2014, « Charlie » habite encore les lieux. Pour suite, j’imaginais autre chose, peut-être un des vagabonds dans « En attendant Godot » (Beckett)…
    Eric Cantona quant à lui est bien plus proche du mafieu que de l’homme d’affaires. Mégalomane, tonitruant, il apparaît en costume croisé et borsalino et tout ce qui l’entoure lui siet à ravir. Caroline Silhol campe une Ava Gardner version blonde, belle évaporée, chic, l'éternel féminin virevolte autour de ses deux compagnons de scène avec assurance. 

    C’est une affiche de stars pour démarrer la saison du Théâtre Hébertot et elle dissimule aussi des pépites : Serge Biavan et Marion Malenfant. En effet, leurs visages ne sont pas sur l’affiche mais ils sont terriblement présents sur scène. Marion Malenfant, jeune pensionnaire de la Comédie Française (la Marilyn Monroe de « Norma Jeane ») est délurée ou bien tendre, juste ce qu’il faut. Quant à Serge Biavan, il offre une interprétation élégante dont l’exact repect du texte et l’articulation maîtrisée tranchent avec le jeu plus rude de ses compagnons masculins.

    Enfin, la mise en scène classique de Rachida Brakni se ponctue de décors rafinés aux déplacements dansants sur les accents jazzy de « Nature Boy » l’air sensible de Nate King Cole, le charme agit. Un rendez-vous théâtral à la saveur douce amère dont la date est à inscrire sur la todo list de la rentrée.

    Laurence Caron-Spokojny

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  • Une histoire commence...

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