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  • Le quai de Ouistreham jusqu’au 14 mars 2020, au Théâtre 14

    cie la résolue,florence aubenas,emmanuel carrère,theatre 14,magali bonnat,louise vignaud,juliette binoche,le quai de ouistrehamLe nom de l'auteure de la pièce, « Le Quai de Ouistreham » qui se joue actuellement au Théâtre 14, n’est étranger à personne. La journaliste Florence Aubenas a couvert le Procès d’Outreau pour le journal Libération en 2004, elle avait fait part de ses doutes sur la réelle culpabilité des prévenus. L’année suivante, à chaque entrée du journal télévisé pendant plusieurs mois, le nom de Florence Aubenas a été répété, le sien et celui de son fixeur Hussein Hanoun al-Saadi. Otage en Irak pour 157 jours de détention, elle a été enlevée alors qu’elle était en reportage sur les réfugiés de Falloujah.

    cie la résolue,florence aubenas,emmanuel carrère,theatre 14,magali bonnat,louise vignaud,juliette binoche,le quai de ouistrehamQuatre ans plus tard, en 2009, Florence Aubenas quitte pour quelques mois le microcosme ouaté des rédactions des grands journaux pour réaliser un reportage en totale immersion au cœur de « la crise ». Elle choisit la ville de Caen, elle loue un meublé, fait l’acquisition d’une voiture d’occasion qu’elle nomme « son tracteur », et se met en quête d’un travail. A cette époque où Pôle emploi s’apelle encore l’ANPE, elle se présente avec un bac littéraire en poche, déclare être divorcée et ne pas avoir travaillé pendant vingt ans, son ex-mari subvenant à ses besoins pendant toutes ces années. Cette expérience durera près de six mois et sera l’origine d’un succès littéraire paru en 2010 aux éditions de l’Olivier. Transformé en cinq épisodes radiophoniques sur France Culture, le récit est projeté sur les planches, dans une mise en scène de Louise Vignaud au Théâtre des Clochards Célestes à Lyon en 2018, et aujourd'hui au Théâtre 14 à Paris jusqu’au 14 mars 2020.  

    Son objectif est d'obtenir un CDI, elle dit qu’elle s’arrêtera juste avant la signature du contrat, pour ne pas risquer d’occuper un emploi utile à une autre. Quand Florence Aubenas se glisse dans le personnage qu’elle a créé, la journaliste choisi d’enquêter dans les conditions du réel par le prisme de l’expérience. Florence Aubenas accumule les petits boulots avant de décrocher un emploi de technicienne de surface sur les ferries entre Caen et Portsmouth. L’auteure-actrice brosse les visages de ces héroïnes qui travaillent avant le lever du soleil ou juste après qu’il se soit couché. De ses os et de ses muscles rompus aux rudes taches du ménage, de la longueur disproportionnée des transports, de la fatigue psychologique et ce manque de reconnaissance assaisonné d'un salaire minable jusqu’à la fierté du travail bien fait, tout s’imprime dans la chair de l’auteure avant qu’il soit recraché sur le papier. A l’ANPE et à l'agence d’interim, elle a été prévenue, cette profession exigera bientôt « une formation très spécifique », elle a de « la chance » car son profil est « à haut risque » (celui de ne jamais trouver du travail)…

    A aucun moment, la journaliste-enquêtrice ne verse dans le misérabilisme. Pas de pathos. Juste la vérité. C’est une succession de portraits de femmes transcendées par la précarité de l’emploi et sublimées par la pénibilité de leur travail. Débusquant la crasse, soulevant la poussière, frottant les tâches et ramassant les détritus de ceux qui les dédaignent - ceux qu’elles ne jugent même pas - ces femmes et ces quelques hommes (il y en a peu pour ce travail), dépassent leur dégout pour attacher beaucoup d’importance au bon accomplissement de leur mission. Elles se challengent, s’encouragent, se défient parfois et se soutiennent toujours. La journaliste s’applique à se tenir au plus près de la réalité en adoptant un style d’une grande sobriété, pourtant ce dépouillement de toutes méthodes fictionnelles n’empêche pas l’expression d’une magnifique humanité, souvent tendre.

    Sur scène, la comédienne Magali Bonnat interprète le rôle de Florence Aubenas et à la fois toute une galerie de personnages attachants rencontrés au cours de cette expérience. Son jeu est tenu, essentiel et sec, comme la plume de l’auteure. Dans un espace presque vide, la comédienne déplace sa fine stature entre une chaise et un tableau blanc, les deux éléments semblent entretenir un dialogue de sourd. La chaise semble incarner une solitude infinie, comme abandonnée au bord d'une route. Le paperboard, illisible, support insensé, énonce la vie telle qu’elle doit être : indiquant des directions à prendre pour ceux qui ne savent plus où aller, soulignant par deux fois des injonctions pour ceux qui ne savent plus quoi penser, et encerclant des mots pour ceux qui ne savent plus quoi dire… Au rythme de l’avancée du récit, le corps de la comédienne, d’abord conquérant, décidé à en découdre avec « la crise », semble se courber peu à peu, très légèrement, un corps accablé dont les membres paraissent se dessécher. Ce changement d’attitude est délicat, extrêmement mesuré, on devine la fine perception de la metteure en scène Louise Vignaud.

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    Cet admirable théâtre-politique est donc né de trois femmes. Des femmes qui ne s’embarrassent pas de jugements sans retenus en d’improbables tribunaux pour délier la parole de celles qui n’ont pas droit au chapitre. Militantes peut-être sans le savoir mais certainement conscientes que leurs métiers et leurs talents sont de formidables vecteurs de transmission, elles permettent de faire entendre ces voix ignorées avec un exceptionnel souci de justesse. A la croisée de l’enquête journalistique et de l’œuvre artistique, « Le Quai de Ouistreham » au Théâtre 14 est un moment rare de dignité et d’humanité, plus que nécessaire.

    Une adaptation cinématographique éponyme signée Emmanuel Carrère est attendue cette année, avec Juliette Binoche dans le rôle-titre, et une pléiade de comédiens non-professionnels. A suivre.

    Laurence Caron

    Photo  Rémi Blasquez

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  • ”Huis clos” au Théâtre de l'Atelier jusqu'au 18 mars

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    Huis clos écrit par Jean-Paul Sartre en 1943 est une claque, née de l’existentialisme sartrien, qui atteint sa cible avec une exactitude bouleversante et une puissance indiscutable, raisons pour lesquelles cette pièce est celle la plus jouée de toute l’œuvre théâtrale de Sartre.

    « Vivre les yeux ouverts » Sous une lumière crue et implacable, Inès, Estelle et Garcin, sont enfermés dans un espace triangulaire scindé par des parois abruptes, les bords semblent tranchants… enfin, rien de tel en vérité, c’est l'effet que j'ai conservé en mémoire. Pour découvrir les éléments du décor, principalement trois canapés démodés et ordinaires, des bâches de plastique froissé sont soulevées, de celles qu’on utilise pour abriter le bois de la pluie ou pour déplacer un corps. L’imagination galope et l’attention saisit avec avidité et une infinie concentration chacun des mots projetés par la pensée philosophique de Sartre. Au centre, une porte rouge évoque un ailleurs, inconnu. Aucune échappatoire possible, pas de livre, pas de nuit, pas de miroir, même les paupières des protagonistes aux destins violents ne peuvent se fermer. Les trois êtres se révèlent monstres, somme toute des monstres terriblement humains.

    Parce que « L’enfer, c’est les autres » Les regards et voix du trio, à tour de rôle, deviennent bourreaux, juges, accusateurs, à moins qu’ils soient les échos de consciences... Enfin, comprenons-nous bien, il n’y a rien de compliqué, l’intelligence de Sartre est d’une clarté et d’une lucidité fulgurante. En l’occurrence, ce Huis clos est si bien interprété et si bien mis en scène que tout transparait, clair comme de l’eau de roche. A cet effet, Jean-Louis Benoît, le metteur en scène a formidablement bien saisi la dimension intemporelle et le tranchant radical de la pensée de Sartre. Il fait vivre ces personnages avec un naturel déconcertant et il a le chic pour valoriser ses interprètes autant que le texte. Un texte dont Marianne Basler, Mathilde Charbonneaux et Maxime d’Aboville livrent une version infiniment respectueuse, aucun mot, aucune virgule, aucun silence n’échappent à la vigilance du public, conquis et passionné, totalement abandonné à son sort.

    La porte rouge ne sera pas franchie, par personne, même quand il sera possible de l’ouvrir : à jamais les personnages (mais peut-être aussi le public) sont coincés en enfer, parce qu’au final il est quand même mieux de demeurer ensemble. Ce Pandémonium dont Sartre se délecte, il le décrit sans feu, ni tortures physiques, bien ironiquement d’ailleurs, presque avec humour, il prend un malin plaisir à noter la température élevée de l’atmosphère... La vérité et la liberté sont bien embarrassantes, elles nous apprennent l’importance de l’autre sans qui peu de choses sont possibles. A un moment de notre histoire où apprendre à vivre ensemble n’a jamais été aussi difficile, Huis clos au Théâtre de l’Atelier marque un arrêt indispensable !

    Laurence Caron

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  • Planet [wanderer] au Théâtre National de la Danse, jusqu’au 30 septembre

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    Comme son titre l’évoque, il est question de planète, la Terre et les matières minérales qui la composent, palpables, le quartz, l’argile ou le calcaire. Les entrailles de cette Terre dont nous nous extirpons pour naître, et dans laquelle on nous enterre ou bien on y mêle nos cendres pour disparaître. Une terre sombre et brillante, douce et rugueuse, créatrice et destructrice, inspirante et expirante. L’esthétique créatif du plasticien Kohei Nawa et la puissante chorégraphie de Damien Jalet se fondent en un seul et même désir. Énergique, radical, il est question de spectacle véritable comme on en voit peu. La formidable musique de Tim Hecker, électronique et humaine, infuse un liant qui va de soi entre visible et invisible. Les corps se tordent, se plient, chahutés par les caprices du temps celui du ciel ou des horloges.


     

    Les interprètes athlétiques, sculpturaux, ne se laissent pas impressionner, ces hommes et femmes du genre humain pourraient aussi incarner des dieux et déesses de l’Olympe. La performance est impressionnante, les artistes révèlent une danse intense qui fait oublier totalement les contraintes anguleuses du corps pour rejoindre les courbes naturelles et élémentaires de la nature. Qu’il s’agisse du déferlement des vagues ou de la course des nuages, la vie s’inscrit dans un mouvement constant. Notre galaxie navigue à plus de 2 millions de kilomètres par heure, une vitesse et une force qui puisent très certainement ses ressources dans les mêmes origines que l’art, c’est en tout cas ce qui est prouvé ce soir-là à Chaillot.

    Il est aujourd’hui temps de retrouver la définition même du spectacle : un monde qui va au-delà, la vie en somme mais en mieux. Un moment où il ne faut pas chercher à percer les mystères, mais où il est recommandé d’éveiller les sens, afin, à coup sûr, d’inscrire dans tout son corps et dans ce qui l’anime, un souvenir pour la vie. Cette création mondiale est un événement immanquable, installée jusqu'au 30 septembre à Chaillot, puis en tournée.

    Laurence Caron

    En tournée : Amsterdam, International Theater Amsterdam 7 et 8 octobre 2021  ; Rouen, Opéra de Rouen Normandie 13 octobre 2021 ; Sankt Pölten, Festspielhaus St. Pölten 4 décembre 2021 -; Cannes, Palais des Festivals et des Congrès 11 décembre 2021 ; Rennes, Théâtre National de Bretagne 12 au 15 janvier 2022; Taipei, National Performing Arts Center - National Theater and Concert 25 au 27 mars 2022 ; Kyoto, ROHM Theatre 28 et 29 avril 2022  ; Tokyo, Tokyo Metropolitan Theatre 4 au 6 mai 2022  ; Hong Kong, Kwai Tsaing Theatre 27 et 28 mai 2022.

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  • Hen au Théatre de l’Atelier jusqu’au 27 mai

    marionnette,Theatre de l’atelier,Hen,Johanny Bert,Cyrille Frogeret,Guillaume Bongiraud,Lucile Beaune,Prunella Rivière,Laurent Madiot,Alexis Morel,Yumma Ornelle,Pierre Notte,Marie Nimier, Gwendoline Soublin,Brigitte Fontaine,Cécile Vitrant,Eduardo Felix,Laurent Huet,Anne Fischer,Olivia Burton,Gilles Richard,Pétronille Salomé,Carole Vigné,Lune Forestier,Solène Legrand,Marie Oudot,Faustine Lancel,Fabrice Coudert,Eui-Suk Cho,le petit bureau"Une recherche sous forme de laboratoires sur les questions d’identités et de genre confrontée à une recherche sur les origines d’un théâtre de marionnettes subversif", c’est ainsi que Johanny Bert annonce son « cabaret marionnettique » « Hen* » au Théâtre de l’Atelier. Un sujet que l’on aimerait obsolète pour lequel nos sociétés contemporaines n’ont de cesse de se prendre les pieds dans le tapis. Johanny Bert attise le feu sous des questions douloureuses, souvent d’une grande violence, par la voix plurielle d’une marionnette extravagante. Hen a l'allure punk, un peu queer, souvent trash, parfois drama-queen, peut-être trans, radicalement diva, on devine érotomane, ou rien de tout ça ou un peu de chacun de nous en somme, forcément quelque part, de mousse et de bois. Deux brillants musiciens, le percussionniste Cyrille Frogeret et le violoncelliste Guillaume Bongiraud, créent un univers sonore live extrêmement original pour accompagner les chansons interprétées très justement par Johanny Bert et très adroitement écrites. Pour donner vie à la marionnette qui réalise une véritable performance de  transformistes, tant ses changements de costumes sont rapides, Lucile Beaune rejoint Johanny Bert, il faut être au moins deux pour la manipulation invisible souvent dansée et parfois acrobatique de Hen.

    Et Hen prend vie… Dans une ambiance un peu eighties, jamais poupée de chiffons n’a semblé si en chairs, on sent presque le tambourinement du rythme cardiaque et le sang se précipiter dans les veines au rythme des émotions qui traversent l’être articulé, et qui nous traversent. Car s’il est question de témoigner, révéler et dénoncer même, le spectacle continue en plumes et paillettes, en cuir et dentelles, musiques et effets magiques. La révolte, souvent provocatrice pour mieux se faire entendre et pour mieux se faire comprendre, use de l’humour à en perdre haleine et flirte avec une poésie infiniment tendre à faire fondre les cœurs les plus durs, on l’espère. Pourtant à la puissance du sujet défendu et à l’importance du message politique, l’impression qui demeure est celle d’un spectacle total où musiques, costumes, lumières et créations plastiques créent un univers fantastique. Pour rejoindre l’universel, il est recommandé de se débarrasser des étiquettes. Ainsi, avant tout, la créature chimérique Hen livre une véritable leçon de tolérance et des pistes nécessaires pour atteindre la liberté. Un spectacle à voir vite, un remède indispensable - hélas toujours d'actualité - avant le 27 mai.

    Laurence Caron

    * HEN a reçu le Prix Spécial du Syndicat National de la Critique 2019.

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  • Portrait de Mehdi Kerkouche jusqu'au 5 novembre à la Scala Paris

    Lors de cette satané crise de la COVID-19 en 2020, les artistes ont cherché des moyens d’expression, combler le vide laissé par la fermeture des salles de spectacle a été une question de survie, essentielle. Parmi eux, le chorégraphe Mehdi Kerkouche avec ses vidéos « On danse chez vous » a réuni 70 danseurs pour le plus grand plaisir des abonnés aux réseaux sociaux, tout en destinant  son action au soutien du personnel soignant. Artiste fermement ancré dans son époque, Mehdi Kerkouche passe du cinéma à la publicité, fait des allers et retours entre la mode et la musique (Angèle, Christine and The Queens, ...), enseigne la vision de son art du mouvement, va jusqu'à créer une pièce chorégraphique  (« Et si ») pour le Ballet de l’opéra national de Paris,  et lance sa compagnie de danse EMKA en 2017. Désormais installé au Centre Chorégraphique de Créteil et du Val-de-Marne, l’objectif à la fois artistique et sociale de Kerkouche est d’ouvrir la danse au plus grand nombre et de créer des interactions entre les genres.

     

    La danse, langage universel et ouverture au monde

    Jusqu’au 5 novembre 2023, dans la toujours très innovante Scala, la création 2023 de Kerkouche offre à neuf danseur.se.s de donner vie à « Portrait ». Un « Portrait » de famille, celle que l’on ne choisit pas, celle qui rassemble ou éloigne, celle que l’on fuit ou qui étouffe, enfin celle que l’on aime ou que l’on craint.

    Sous la douceur du regard d’Amy Swanson, successeuse d'une centaine de chorégraphies d’Isadora Duncan, l’instant est intense, aussi poétique qu’extrêmement énergisant. La mixologie des générations et des genres est une évidence, un paysage naturel dont on ne pourra plus jamais se passer. Dans un élan commun, la musique synthétique de Lucie Antunes accueille des intentions hip hop, envolées contemporaines, déhanchés Streets-jazz, acrobaties ou tours vertigineux à la façon des derviches tourneurs. Le groupe d’un gris changeant et lumineux, aux déplacements savamment mesurés dans un cadre imaginaire, n’efface à aucun moment les individualités, l’humain est au centre du sujet fouillé par Kerkouche. A La Scala ce soir-là, la scène apparaît comme un espace de transmission, la danse dessine des émotions, des relations humaines, des fusions évidemment artistiques mais aussi sociales et spirituelles. La chanson nostalgique d’Elton John (Curtains) émeut toujours autant avant de laisser la place à un final où la joie de danser de EMKA est si contagieuse qu’il est impossible d’y résister, le public semble hésiter à quitter le noir de la salle pour rejoindre les artistes sur scène. Et pourquoi pas ? N’est-il pas, plus que jamais, le temps de rappeler que We are Family *?

    LC

    • We Are Family -  Siester Sledge, 1979 USA.
    • Photo Julien Benhamou.
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  • Ex-traits de Femmes par Anna Kessler au Théatre14 jusqu'au 30 septembre 2023

    Avant de lire quoique ce soit, je préfère voir et entendre, avec toujours le secret espoir d’être surprise. Il y a des théâtres pour lesquels on se trompe rarement ou les programmations sont justes, respirant l’air du temps, parfois audacieuses, et où un niveau de qualité demeure, c’est le cas du Théâtre 14. Anne Kessler ouvre la saison, le théâtre de la Porte de Vanves peut se vanter d’avoir fait venir une Sociétaire de la Comédie française jusqu’à lui.

    Anne Kessler est seule en scène, enfin pas tout à fait, elle a invité sur les planches Armande, Arsinoé, Célimène, Elvire, et autres figures féminines créées par Molière. Étonnement, Anne Kessler n’a joué aucune de ces femmes au cours de sa carrière, elle les aborde donc avec une fraicheur incontestable et une précision de jeu endémique à ceux et celles issus de l’illustre maison de la place Colette. Artiste complète, Anne Kessler fait aussi la mise en scène, ce n'est pas son coup d’essai, je me souviens parfaitement Des fleurs pour Algernon au Théâtre Hébertot, ce fut un moment de grâce incomparable… Pour « Ex-traits de femmes » qu’elle présente avec une simplicité presque enfantine, la comédienne s’est composée un écrin à l’aide de ses dessins projetés en fond de décor, de fleurs parsemées, d’un costume aérien et d’accessoires choisis. L’ensemble est un ravissement, poétique, drôle et souvent incisif, une ode à la féminité et au génie de Molière décidément increvable et moderne à jamais. Anne Kessler est une acrobate, elle virevolte d’un rôle à l’autre avec une parfaite aisance, ajoutant à son jeu des inventions malicieuses, elle a le génie du clown et la passion de la tragédienne. Ces « Ex-traits de femmes » ont le parfum d’un été sans fin, en une heure de temps, les femmes de Molière sont brossées là avec la même vivacité que le coup de crayon des esquisses réalisées par Anne Kessler, on en voudrait encore, encore et encore !

    LC

    (Crédit photo Christophe Raynaud de Lage)

    Conception, interprétation et animation graphique Anne Kessler, de la Comédie-Française - jusqu'au 30 septembre, Mardi, mercredi et vendredi à 20h Jeudi à 19h, Samedi à 16h

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  • Quatre ballets de Jiří Kylián, jusqu’au 31 décembre à l’Opéra Garnier

    Néoclassique. C’est le terme utilisé pour définir la danse du chorégraphe tchèque Jiří Kylián, pourtant ce qualificatif semble réducteur pour décrire le don particulier du Maître à réduire l’espace entre le rêve et la réalité. Créant le succès de l’une des plus grandes compagnies de danse contemporaine du monde, le Nederlands Dans Theater à la Haye - pendant plus de vingt ans - Jiří Kylián a conservé un attachement particulier à la France, à nouveau sur la scène de l’Opéra Garnier, il démontre, à 76 ans, une éternelle jeunesse grâce à l’incontestable renouvellement de son génie créatif.

    Dans ce nouveau programme, le Ballet de l’Opéra de Paris est au meilleur de sa forme, les quatre pièces chorégraphiques choisis sont à la hauteur de la grande Maison et offrent aux danseurs l’espace d’expression nécessaire à leur travail et à leurs talents. Lumières soignées, costumes élégants, théâtralisation du récit, effets de décors spectaculaires, justesse de la création et des choix musicaux, la sophistication est extrême, aucun détail n’échappe à la vison de l’artiste, comme pour cette danse qui dessine chacune des intentions avec une vertigineuse délicatesse.

    Pour une fois, on ne fera pas la moue en découvrant que le musique est enregistrée, inscrite dans son ADN elle demeure essentielle pour Kylián, et les danseurs de l’Opéra de Paris s’y accordent avec virtuosité. Une vague de beauté submerge Garnier, l’émotion est palpable, des soupirs d’émerveillement se font entendre, tout cela n’avait pas été ressenti ici depuis longtemps…

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    John Cage et Anton Webern se côtoient sans nullement se gêner dans Stepping Stones déjà entrée au répertoire du Ballet en 2001, puis ce sont trois pièces qui entrent au répertoire : la poétique Petite Mort (création en 1991), la puissante Gods and Dogs (création en 2008), et l’hilarante et adorable Sechs Tänze (création en 1991). Pour ce programme bien construit et joyeux, les distributions des danseurs bougent, cela a peu d’importance, la compagnie de l’Opéra est merveilleuse dans son entier ; pourtant, ce soir-là, on s’arrêtera sur la grâce d’Hannah O’Neill dans Stepping Stones et à l’apparition quasi surnaturelle de Bleuenn Battistoni dans Petite Mort, et puis à l’ensemble des garçons du corps de ballet qui – désolée pour la distinction de genre – affiche une danse puissante et d’une extrême précision. Bref, loin du bruit et de la fureur de notre monde, soyez assurés que la féerie des fêtes de fin d’année a commencé, et c’est à Garnier que les artistes se chargent de la faire partager.

    photo / Stepping Stones de Jiří Kylián (saison 23/24) - Hannah O'Neill, Hugo Marchand© Ann Ray / OnP

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  • ”Le grand sot” de Marion Motin, à la Scala jusqu'au 16 décembre

    Soir de première, la salle est comble, le public semble déjà enthousiaste. Le plateau dépouillé de ses artifices n'a jamais paru aussi grand. Alexis Sequera, comédien-danseur, accueille le public, il apostrophe gentiment les spectateurs, un brin cynique, parfois insolent, ses interventions déboussolent un peu, tous sont venus voir de la danse et pas autre chose, le public français a des codes bien établis. Notre hôte monte sur une chaise très haute, une structure tubulaire de piscine, pour annoncer le thème du show: « une compétition de natation ». Soit. En matière de danse, on en a vu d’autres, on s’attend à tout et si possible à encore plus. La musique de Ravel et son Boléro (culte) entame ses premières notes, difficile de ne pas frémir, le choix est drôlement gonflé ! Et pourtant, les froncements de sourcils s’effacent, le rire et l’étonnement emportent la partie, c’est une réussite. 

    « Le grand sot » a franchi Paris, de la Villette (en 2021) jusqu’à La Scala aujourd’hui, Marion Motin a trouvé ici un espace qui lui convient. Pourtant, sa récente création pour le Ballet de l’Opéra de Paris s’était avérée un peu maigrichonne, malgré les effets souhaités et la majesté du corps de Ballet, la sauce n’avait pas pris... A chacun son univers, c’est bien différent à La Scala. Toujours à l’écoute du monde et de ceux qui le font, la salle parisienne drapée de son beau bleu profond a la très bonne idée de ponctuer sa programmation de pièces chorégraphiques en convoquant des artistes inscrits dans l’air du temps (récemment, le somptueux Portrait de Mehdi Kerkouche qui revient en février 2024). C’est le cas de Marion Motin, elle nous prouve à quel point le spectacle est capable de montrer le meilleur de nous-même. Parce que ses danseurs nous ressemblent, ils sont de toutes sortes avec pour point commun une énergie dans leur danse et un réel sens de la comédie. Les mouvements brefs, d’une apparente simplicité -inspirés du hip-hop mais ça on le savait déjà- s’inscrivent dans une géométrie finalement très complexe, les déplacements du groupe sont si puissants qu’ils en deviennent lyriques. Les huit artistes affichent de fortes personnalités tout en se fondant à l’unisson dans l’écriture chorégraphique de Marion Motin. On reconnaît la signature de la chorégraphe sur plusieurs attitudes et intentions, c’est une empreinte forte qui laisse songeur d’ailleurs, la conquête de la danse de Marion Motin -inscritent sur les scènes pop-rock, clips ou films- est allée vite, très vite. En 2015, sur le clip de « Christine and The Queens », cela a été une évidence qui a certainement contribué au succès de la chanteuse, comme cette même année pour la chorégraphie de la comédie musicale « Résiste » au Palais des Sports où les danseurs ont redonné vie à la musique de Michel Berger. Depuis, Marion Motin continue à être au générique des plus grands. En fait, il faut se souvenir de la découverte du clip « Thriller » de Mickael Jackson, retenir cette excitation communicative et cette théâtralité, car il y a un peu de ça dans « Le grand sot ».

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  • « L ‘audience est ouverte » au Théâtre de la Michodière, jusqu’au 14 avril

    Antoine LE COINTE,Aurélien BIANCO,Caroline GRASTILLEUR,Thomas HARDMEIER,Pascale Louange,l'audience est ouverte,theatre de la michodiere,eric théobald,richard berryLa fameuse éloquence des maîtres du barreau ! Ce mélange de passion et de compassion, ce sens de la critique aiguisé et cette capacité de jugement au service du droit, transforment souvent une audience en un véritable spectacle. Inspiré, combatif et engagé, Richard Berry a choisi de faire revivre quatre plaidoiries marquantes de l’histoire du XXe siècle, des thèmes qui s’inscrivent encore très fortement dans l’actualité de ce premier quart du 21ème siècle. « L‘audience est ouverte » au Théâtre de la Michodière, jusqu’au 14 avril et bientôt en tournée, est un seul en scène mais pas uniquement, Richard Berry est accompagné par une ingénieuse illustration d’images issues d’archives, des choix intelligents mis en scène par Eric Théobald.

    L’Affaire Dreyfus ouvre le spectacle, impossible de ne pas commencer par rappeler l'évènement qui a bouleversé la société française lors de son saut du 19ème au 20ème  siècle. Le capitaine et polytechnicien Alfred Dreyfus est accusé d’avoir livré aux Allemands des documents secrets, il est condamné au bagne à perpétuité pour trahison. Scandalisé, le 13 janvier 1898, Émile Zola publie, en une de l’Aurore, une lettre ouverte au Président Félix Faure. Titré « J’Accuse ! », l’article cite ceux qui ont comploté contre Dreyfus. La fureur de l’écrivain créé un bruit assourdissant, la France se divise, l’ignominie de l’antisémitisme se montre… Aussitôt une plainte pour diffamation envers l’autorité publique est déposée, Maître Fernand Labori (interprété par Richard Berry) prend la défense de Zola dont l’acte dit-il est «  révolutionnaire » !

    Autre affaire dont le retentissement se faire encore (et aussi) entendre, puisque le projet de loi sur la fin de vie sera débattue dès le 27 mai prochain au Parlement, Richard Berry est Maître Dupin, avocat du docteur Bonnemaison. C’était il y a dix ans aux Assises de Pau, l’accusé encourt la prison à perpétuité. En 2011, il a administré du curare à sept personnes âgées au Centre hospitalier de Bayonne. Maître Dupin invoque l’humanité dont a fait preuve le docteur Bonnemaison et fait valoir la loi Claeys-Leonetti qui renforce le droit d’accès aux soins palliatifs. Le débat est poignant, sans contexte Bonnemaison fait figure de héros…

    Le 27 janvier 1998, lors du concours international de plaidoiries, le texte de Félix Molteni éveille la réflexion. Le délit de solidarité vise à condamner les passeurs et trafiquants d’êtres humains, ou comment la loi - croyant bien faire - engage des poursuites contre ceux qui sont venus en aide à des personnes étrangères en situation irrégulière en France. Sincère, souvent drôle car le moment et le lieu le permettent, Félix Molteni par la voix de Richard Berry défriche un terrain sensible, là où la loi perd tout son sens et va jusqu’à écraser ce dont notre monde n’a jamais eu autant besoin : l’altruisme et ce nouvel apprentissage tant nécessaire à la survie de notre espèce "le vivre ensemble".

    « Je revendique à cette barre d’être l’Avocat de la Défense, de l’Histoire et de la Mémoire, de la Vérité, de l’Avenir » Maître Jakubowicz.

    1987, à la cour d’Assises du Rhône, c’est le procès de Klaus Barbie, dans la salle des pas perdus du palais de justice de Lyon, parmi les 39 avocats de la partie civile, Maître Jakubowicz participe à faire accuser le nazi pour ses crimes contre l’humanité. Richard Berry redonne corps et voix à Maitre Jakubowicz dans ce moment historique d’une intensité remarquable. Parmi les faits abominables dont Klaus Barbie est responsable, il y a la rafle des enfants d’Izieu, le 6 avril 1944. Ce jour-là, 44 enfants juifs, réfugiés dans une colonie de vacances dans l’Ain, sont déportés et exterminés à Auschwitz… 
    Le public au théâtre n’est pas toujours très discipliné, il y en a toujours un qui oublie d’éteindre son portable, se dandine sur son fauteuil pour y trouver la meilleure place, hésite à garder son manteau ou à le retirer, un autre très agaçant dépiaute le papier d’un chewing-gum et celui d’à côté pianote sur le carton du programme du spectacle, tandis qu’on perçoit les toux étouffées de ceux qui ont eu du mal à soigner les sales rhumes de cet hiver trop doux. Pourtant, au moment où Richard Berry endosse la robe noire de Maître Jakubowicz, plus personne ne respire. Les trois plaidoiries précédentes ont suffi pour aplatir au fond de leur fauteuil les plus dissipés, le moment qui arrive est extrêmement douloureux. La colère est la même, toujours aussi neuve et le choc est d’une violence toujours aussi inouïe même quand on connaît déjà bien l’Histoire. Les regards des victimes rescapées, le maintien de leurs épaules droites et dignes, les voix claires qui s’élèvent dans le silence, ces questionnements qui resteront sans réponses, les images des archives du procès tirent les larmes, tant de cruauté et tant d’horreur.

    Comme Richard Caillat, le directeur du Théâtre de la Michodière, le dit «  on ne sort pas indemne ». Entouré par une équipe de talents, de la scénographie à la lumière, la prestation de Richard Berry est formidable, son jeu sobre, juste, au phrasé impeccable et vibrant de passion, cependant j’ai du mal à joindre mes mains pour démarrer les applaudissements. Bouleversée. Et puis tout ce mélange, perplexe, contrariée, les questions sur la justice, les droits de l’Homme, l’antisémitisme, l’égalité,… d’infinis sujets maltraités, parfois oubliés et si difficiles. Notre monde est abreuvé d’exemples assez médiocres, heureusement un spectacle comme « L’audience est ouverte » nous rappelle qu’il y a aussi des esprits brillants et passionnés qui mettent leur intelligence au service du bien, une oxygénation de l'intellect plus que nécessaire pour traverser l'époque que nous partageons.
    A voir absolument par tous.

    Laurence Caron

    Mise en scène : Eric Théobald
    Scénographie : Antoine LE COINTE
    Sound Designer : Aurélien BIANCO
    Mapping Vidéo : Caroline GRASTILLEUR
    Lumières : Thomas HARDMEIER
    Voix Off : Pascale Louange

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  • « 1925-1935, une décennie bouleversante. La photographie au service de la modernité » à Montbéliard jusqu’au 16 septembr

    Château des ducs de Wurtembergmontbéliard,1925-1935, une décennie bouleversante,Delphine Desveaux,Sylvain Besson,

    cd photo. Jean Moral Séance de prise de vues sur le pont du paquebot Normandie pour Harper's Bazaar, 1935 Planche contact © Brigitte Moral-Planté / Collection Nicéphore Niépce

    Au pays des bons vins, du Comté, de la saucisse et des authentiques Marchés de Noël, l’enceinte du Château des ducs de Wurtemberg abrite de délicates expositions artistiques.
    Sur un espace de 500 m², 150 tirages photographiques originaux et la découverte de documents d’époque, revues et magazines historiques, issus des Collections Roger-Viollet et du musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône, jalonnent une décennie de bouleversements sociaux, politiques et artistiques.

    montbéliard

     cd.photo. Voilà n°106, 1er avril 1933 Héliogravure Collection musée Nicéphore Niépce

    Les dates 1925-1935 servent de marqueur, un tournant dans l’histoire de la photographie, une accélération pétaradante entre l’exigence de la photo noir et blanc, ses ambiances claires et obscures, et la spontanéité de l’instantané, entre lamés et paillettes, et aussi parce qu’un compte rond cela fait tout de suite très « art déco ».

     "… tout ce qui travaille au développement de la culture travaille aussi contre la guerre." Lettre de Sigmund Freud à Albert Einstein, Vienne 1932. 

    A Paris en 1925, l’Exposition Internationale des Arts décoratifs et industriels modernes donne le ton. L’époque sera esthétisante ou ne sera pas. Le mouvement démarré avant la Première Guerre et inspiré des arts (cubisme) inscrit ces années un peu folles dans une ère ou l’image est au centre des préoccupations, dans la rue, les transports, la mode, les habitations. A leur tour, la presse écrite et le traitement de l’information se transforment et se cristallisent autour de l’image.

    montbéliard

    cd photo. VU n°226 Boris Lipnitzki 13 juillet 1932 Héliogravure Collection musée Nicéphore Niépce

    De nouvelles techniques apparaissent, dont notamment l'héliogravure (procédé de transfert d'une image sur une plaque de cuivre grâce à une gélatine photosensible) qui permet au fondateur de Vu, Lucien Vogel, d’attirer des photographes comme Brassaï, Man Ray, ou Robert Capa.

    Le premier numéro de Vu voit le jour le 21 mars 1928. A cette époque les premières agences de photographes se créent, elles ont pour vocation de faire connaître, de vendre et de défendre (droits d’auteurs) le travail des photographes. Le grand format du magazine Vu (et d’autres titres comme Voilà et Regards) offre des possibilités de compositions novatrices qui révolutionnent l’esthétisme et ouvrent sur un tout nouvel univers visuel. 

    La photographie s’impose jusqu’à minimiser le texte. Parfois les lignes n’apparaissent que comme des éléments référentiels, comme de petites légendes de l’image notamment sur les premières de couverture des magazines. 

    Vu préfigure le magazine Life lorsque ce dernier sera racheté en 1936 par Henry Luce de l’autre côté de l’Atlantique, il inscrit définitivement le photo - journalisme comme un médium à part entière.

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    cd.photo. Boris Lipnitzki Joséphine Baker, et Georges-Henri Rivière, ethnographe français, au musée ethnographique du Trocadéro.Paris, 1933 Négatif souple au gélatino-bromure d’argent Collections Roger-Viollet / BHVP

     

    La scénographie de l’exposition offre de nombreux clichés notamment ceux de la photographe engagée Germaine Krull et ses thèmes récurrents : l’architecture contemporaine, le nu féminin, les vues urbaines, l’automobile, la vie sociale, la femme et la condition féminine.

    "D’un seul déclic, l’objectif enregistre le monde à l’extérieur, et le photographe à l’intérieur." Germaine Krull.

    Très remarquable aussi, le violoniste Boris Lipnitzki devenu photographe décrit le monde des arts et de la culture, et ses personnalités de l’époque, avec la justesse et la rigueur des ombres portées. Le concept des « people » est né. Comme un poisson dans l’eau, Lipnitzki tisse des relations amicales avec le tout-Paris, et au delà.

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    cd.photo. Serge Lifar (1905-1986) dans Bacchus et Ariane, Opéra de Paris, 22 mai 1931. Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent. Coll. Roger-Viollet / BHVP.

    Tous se pressent au studio Lipnitzki pour s’immortaliser sur papier argentique : Paul Poiret, Coco Chanel, Madeleine Vionnet, Elsa Schiaparelli, Louis Jouvet, Joséphine Baker, Serge Lifar, Antonin Artaud… A sa mort en 1971, le studio Lipnitzki laisse un trésor de près d’un million d’images qui témoignent de la moitié d’un siècle.

    montbéliard

    Jean Moral - Bal Tabarin Années 1930 Tirage sur papier au gélatino-bromure d'argent Collection musée Nicéphore Niépce 

    Pendant que l’audacieux couturier Paul Poiret, dit "le magnifique", habille tout ce qui brille et se déplace avec une ribambelle de jolies demoiselles, Jean Moral décape l’univers de la mode en photographiant les mannequins dans la rue. Dans Harper’s Bazar, Jean Moral illustre le nouvel idéal féminin et devient un des pionniers de la photographie de mode sur le plan international.

    Après la Première Guerre et juste avant la Dépression, il faut faire vite. Du Front Populaire aux Ballets de Diaghilev, de la ceinture de bananes de Joséphine Baker aux smokings et robes à tailles hautes, des bals populaires et bidonvilles aux lignes épurées du paquebot Le Normandie, rien n’échappe à la vigilance patrons de presse qui n’hésitent pas d’ailleurs à envoyer leurs photographes par grappes afin d’être certains de ne pas rater le meilleur. 

    "La mode se démode, le style jamais." Coco Chanel

    A deux heures de Paris, à Montbéliard, le voyage ne s’arrête pas là, il se poursuit dans le temps. « 1925-1935, une décennie bouleversante » est une exposition qui remue, la traversée émouvante d’une belle époque créative, intense, dans laquelle les formes d’inspiration sont multiples. La source est intarissable et résolument indémodable. 

    Laurence Caron

    Sous la houlette des brillantissimes Delphine Desveauxdirectrice des Collections Roger-Viollet à la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, et de Sylvain Besson,directeur des Collections du Musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône.

     

    Agenda, à noter aussi : 

    château des ducs de wurtembergmontbéliard,1925-1935,une décennie bouleversante,delphine desveaux,sylvain bessonLouis Beurnier (1860-1917). Chroniques et héritages d’une personnalité de la Belle Époque. Jusqu’au 30 décembre 2018au Musée d’art et d’histoire Hôtel Beurnier Rossel

    Louis BEURNIER, Lettre à ses parents (aux lignes entrecroisées) datée du 20 décembre 1893. Fonds Beurnier, 1917. Archives municipales de Montbéliard. 
    Cette année, la Ville de Montbéliard commémore les cent ans de l’acceptation officielle du legs du Dr Louis Beurnier, à l’origine de la création du musée d’art et d’histoire. Initialement imaginée comme un hommage biographique, cette exposition a pris, au fil des recherches, une dimension inattendue. Outre les biens mobiliers et immobiliers dont l’hôtel Beurnier-Rossel reste le fleuron, l’héritage de Louis Beurnier comporte une abondante correspondance échangée pendant trente-deux ans avec ses parents, demeurés à Montbéliard, tandis que lui prospère à Paris. Au-delà des aspects strictement intimes, les lettres révèlent un homme au cœur des bouleversements politiques et des mutations sociales et culturelles que connaît toute l’Europe au 19e siècle.
    Commissariat associé :  Flora Beaumann (Archives municipales), Hélène Grimaud (Musées) et  André Bouvard (Société d’émulation de Montbéliard.)

     

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    Dans la pénombre d'un intérieur, une jeune femme apparait, saisie par la lumière d'une chandelle. Délaissant fuseau et rouet, les gestes en suspens, elle se détourne vers une porte entrebâillée... Plus loin dans les salles se profilent la tour du château en flamme, un canal au clair de lune, le beau Narcisse se mirant dans une fontaine ou un ruisseau en sous-bois aux teintes lumineuses. Paysages, scènes de genre, sujet mythologique et scènes religieuses se révèlent par les jeux d’une lumière changeante, naturelle ou artificielle, symbolique ou divine. Rayons, clair-obscur, effets d’ombres ou de reflets se déclinent à travers une sélection de peintures, estampes, photographies, livres et objets du 17e au 20e siècle, issus des collections des Musées de Montbéliard. Ce nouvel accrochage annuel met ainsi en regard des œuvres de Charles Weisser, Marcel Ordinaire, René Duvillier et David Hockney, des imprimés Deckherr ou encore des plaques de verre d’Étienne Oehmichen.

     Informations : Office du Tourisme de Montbéliard.

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  • TranscenDanses présente « Up and down » par le Ballet Eifman de Saint-Pétersbourg au Théâtre des Champs-Elysées jusqu’au

    boris eifman,théâtre des champs-elysées,up and down,ballet de saint-pétersbourgUn Russe à Paris

    Depuis près de vingt ans, les américains sont fous d’Eifman, en 2004, le New York City Ballet lui commande une œuvre en hommage à Balanchine : «Musagète».  Comme un écho à ce rêve américain, à Paris, le « Up and down » de Boris Eifman est une fresque scintillante, et aussi un drame exacerbé par un romantisme dont la culture Russe n’est pas si éloignée…
    En 2013, Boris Eifman racontait déjà une histoire, celle de «Rodin et son Eternelle Idole», c’était au Théâtre des Champs-Elysées. Ces jours-ci, et entre ces mêmes murs, le chorégraphe Russe propose une adaptation libre du chef-d’oeuvre de l’auteur américain F. Scott Fitzgerald « Tendre est la nuit » (1934).

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  • ”Quintessence”, Alexis Gruss et les Farfadets à Paris (Porte de Passy) jusqu'au 19 février 2017 et en tournée dans toute

    anzh_alexisgrussquintessence--1.jpgEn attendant de découvrir les impressions du blog sur le nouveau spectacle du Cirque Alexis Gruss "Quintessence", je vous propose de retrouver la magie du précédent spectacle entre ces lignes : 

    PÉGASE ET ICARE,
    LE CIRQUE ALEXIS GRUSS 

     

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  • Madame Bovary au Théâtre de Poche-Montparnasse, à 19h du mardi au samedi et le dimanche à 17h30

    paul emond,,sandrine molaro,gilles-vincent kapps,félix kysyl,paul granier,david talbot,madame bovary,gustave flaubert,Cette petite bourgeoisie de province et son ennui caractéristique, Gustave Flaubert en connaît bien les travers pour l’avoir vécu auprès de ses parents alors que son père était chirurgien à l’Hôpital de Rouen. Ce louable ennui a fait naître un des plus grands romans du XIXe siècle, « Madame Bovary », aujourd’hui adapté en version scénique au Poche-Montparnasse.

    Ce spectacle est un délice, doux et amer à la fois : un gâteau au chocolat sucré cerné d’amandes croquantes roulées dans du pur cacao, fourni de zestes d’oranges et de citrons… parfait pour cet hiver !

     

    Loin d’être une simple lecture, des extraits du chef-d’œuvre littéraire sont habilement choisis afin de conserver le relief puissant de la plume de Flaubert. L’auteur, Paul Emond, articule l’écrit sur une trame composée de grotesque et de tragique, il ne s’éloigne jamais de l’oscillation de départ souhaitée par Flaubert qui verse dans le romantisme ou bien dans le réalisme. Ainsi, sans jamais changer d’orientation mais en insufflant un tempo nécessaire aux jeux des comédiens et à la mise en lumières de l’espace scénique, «Madame Bovary» prend vie. Et, elle est la comédienne Sandrine Molaro, parfaite. Elle a juste ce qu’il faut de folie et d’humanité, « juste ce qu’il faut » c’est-à-dire qu’il ne faut surtout pas qu’elle en fasse de trop, ni qu’elle en fasse moins, son interprétation est un véritable exercice d’équilibriste. À ses côtés, des artistes tout à fait formidables se partagent les rôles du roman : Gilles-Vincent Kapps, Félix Kysyl (ou Paul Granier, en alternance) et David Talbot. Ils jouent et ils chantent, troubadours ou tragédiens, les interprètes sont aussi d’attentifs conteurs à la compréhension et au respect des lignes créées par Flaubert. Les intentions de jeu et les vives successions des scènes permettent à l’esprit de changer de point de vue, tour à tour, attendri, ému ou surpris à rire, les spectateurs se régalent (du gâteau).

    Bref, cette « Madame Bovary » du Poche-Montparnasse nous laisse une raison de la jalouser : la provinciale fantasque n’a pas pris une ride ! Au-delà des problématiques et des quelques acquis issus des "mouvements féministes", les affres qui maltraitent Emma Bovary révèlent une critique à jamais contemporaine. Cette société du XIXe siècle a peut-être évolué pour atteindre le XXIe siècle, mais pas la nature humaine… Je vous laisse juge.

    Laurence Caron-Spokojny

    nb :  A voir aussi au Poche-Montparnasse, "Les Voisins" de Michel Vinaver

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  • Le choix toujours très juste de la Galerie Laurent Godin : MICHAEL PATTERSON-CARVER ”Let Them Sell Candy” du 29 novembr

    galerie laurent godin,michael patterson-carver

    Michael Patterson-Carver, Joanie and Lisa, 2013 (détail)

    Né à Chicago en 1958, Michael Patterson-Carver est un artiste autodidacte, qui a commencé par montrer ses dessins dans la rue. Durant son enfance, il est profondément marqué par des manifestations liées au Mouvement des Droits Civiques, et ces souvenirs influenceront plus tard aussi bien son engagement politique que sa démarche artistique.

    D'apparence naïve, ses dessins portent un regard franc et direct sur l'actualité, et dépeignent des protestations et des mises en scène de la vie politique internationale dans une approche à la fois comique, ironique, et profondément humaine. Les sujets abordés retracent l'activisme de l'artiste pour des causes aussi diverses que la protection de l'environnement, l'injustice sociale ou la lutte contre la corruption.

    Son travail a récemment été exposé à : The Museum of Everything, Paris (2012), Atlanta Contemporary Art Center (2011) ; Sorry We're Closed, Bruxelles (2011), Biennale de Belleville (2010). En 2008, il est nommé lauréat de « Altoids Award » et expose au New Museum de New York.

    Galerie Laurent Godin 5, rue du grenier Saint-Lazare 75003 Paris 

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  • L'invitation au voyage de Rémi Larrousse : ”ALTER EGO” au Théâtre le Funambule, jusqu'au 26 janvier 2014, samedi et dima

    Le Théâtre est une histoire d’amour qui ne cesse de se renouveler, entre les artistes et le public et bien en amont entre des théâtres et des artistes. Il faut beaucoup d’amour, de fougue, d’espoir et de passion, pour ouvrir la scène d’un théâtre à des artistes, surtout depuis que l’ère des mécènes de l’Antiquité n’est plus, un certain goût du risque en somme !

    De l’amour donc et qui dure depuis 23 ans pour le Théâtre Le Funambule, la petite salle Montmartroise assume une programmation «coups de cœur» où  «… le théâtre contemporain, où le divertissement côtoie les pièces littéraires, où la fantaisie peut se marier au drame, où la parole ne fait pas obstacle au visuel ». Et cette fois-ci, le cœur de la scène du Funambule s’est ouvert à Rémi Larrousse. Le jeune artiste a déjà éprouvé son art (« Le script ») plus de 150 fois entre Paris (Théâtre Trévise) et Avignon.

    image.pngLorsqu’un comédien découvre une marionnette ancienne lui ressemblant étrangement, il comprend que cet objet lui était destiné. Il va alors explorer avec les spectateurs les étonnants pouvoirs qu'elle donne à celui qui la manipule : virtuosité soudaine, prédictions de l'avenir, lecture de pensée, calculs prodigieux. Mais à qui appartenait-elle ? Quel est le secret qu'elle cache lorsque son cœur se met à battre ? Nous embarquons dans ce voyage qui nous fera voir le monde de manière un peu moins rationnelle.

    A la fois prestidigitateur, conteur et mentaliste, Rémi Larrousse est un équilibriste, inspiré par le théâtre forain, il abolit définitivement les codes qui conditionnent trop souvent les disciplines artistiques.
    Entouré par Benjamin Boudou (mise en scène et co-écriture) et Sarah Bazennerye (décors), ce saltimbanque savant met en scène un mode inventif de jeu avec le public et additionne les évènements merveilleux sur un ton très proche de la commedia dell’arte.

    Habile magicien, mais pas seulement, Rémi Larrousse emmène son public dans un voyage sentimental et poétique, un voyage que l’on souhaiterait sans fin. On peut alors observer, lorsque le spectacle prend fin, enfants et adultes s’avançant d’un pas aérien vers la sortie, silencieux, ils flottent, peut-être ont-ils appris à voler...
    Merci de tout coeur Rémi Larrousse, je vous souhaite un très long voyage.
     

    Laurence Caron-Spokojny

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  • Aujourd'hui dans les librairies, ”Les droits de l'Enfant” selon Actes Sud : l’enfant est une personne, il a droit au res

     

    9782330024314.jpg"Qu’en est-il aujourd’hui ? Les promesses ont-elles été tenues ? Les enfants sont-ils mieux protégés ? Une chose est sûre : la CIDE a permis une prise de conscience et un changement de regard sur les enfants. Et de nombreuses avancées ont eu lieu : vous allez le constater en lisant les pages de ce livre. Mais le chemin à parcourir est encore long. Des droits sont bafoués de façon inacceptable. En France et dans le monde, nombre d’enfants sont toujours confrontés à la misère, à la guerre, à la maladie, à la malnutrition, à la maltraitance ou sont exploités au travail. L’UNICEF (Fonds des Nations unies pour l’enfance), avec d’autres organisations internationales et associations, travaille sans relâche pour améliorer la vie des enfants et faire respecter leurs droits, dans de nombreux pays, sans oublier la France. C’est avec l’UNICEF et en bénéficiant de son expérience que nous avons conçu et écrit ce livre qui a pour vocation d’établir un bilan sans concession du respect des droits de l’enfant dans le monde." 

     

    En partenariat avec l'Unicef, à l'occasion du 25e anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfants, un bilan en demi-teinte sur les droits de l'enfant dans le monde, à travers des récits de vies d'enfants et des éléments documentaires.

    La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), texte fondateur, a été adoptée le 20 novembre 1989 par l’Assemblée générale des Nations unies. Ses 54 articles proclament clairement que l’enfant est une personne qui a droit au respect, à l’écoute et à l’attention. Le texte énonce des droits fondamentaux : alimentation, santé, éducation, protection, liberté d’expression… Les pays qui ont ratifié la Convention se sont engagés à l’appliquer et à la faire respecter sur leur territoire. Il y a 25 ans, la plupart des pays du monde ont accompli un geste historique, en s’engageant à mieux respecter les enfants et à améliorer leurs conditions de vie. En reconnaissant que ceux-ci avaient des droits spécifiques en raison de leur vulnérabilité, la communauté internationale a voulu mettre un terme à une période de plusieurs siècles durant laquelle leurs besoins étaient insuffisamment pris en compte.

    Journaliste spécialisé dans la presse enfants et adolescents, concepteur de projets éditoriaux pour la jeunesse, Gérard Dhôtel a dirigé jusqu’en 2010, la rédaction du Monde des ados. Il collabore aujourd’hui au Parisien Magazine et au groupe Disney Hachette. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages pour adolescents qui ont tous l’ambition de décrypter, de faire réfléchir. Il a publié deux ouvrages dans la collection “Ceux qui ont dit non” (Louise Michel et Victor Schoelcher) et a participé aux ouvrages collectifs Non à l’individualisme et Non à l’indifférence. Il est également l’auteur de La Révolution à petits pas ainsi que de Israël-Palestine : une terre pour deux

    Documentaire, dès 9 ans -  Format 18 x 23,5 cm - 64 pages - 15,50 € 

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  • Une très jolie promenade pour le week-end : Daniel Dewar et Grégory Gicquel s'installent dans les jardins de l'Hôtel Bir

    En 2013, Daniel Dewar et Grégory Gicquel étaient au Palais de Tokyo pour une exposition intitulée "Jus d'orange", ils sont dès demain dans les jardins du Musée Rodin, pour ceux qui savent passer entre les gouttes...  

    Daniel Dewar,Grégory Gicquel,musée rodinCe que le Musée Rodin nous dit :

    Poursuivant son dialogue avec l’art contemporain, le musée Rodin ouvre les jardins de l’hôtel Biron au duo d’artistes Dewar & Gicquel.

    Collaborant depuis leur rencontre en 1997 et lauréats ensemble du prix Marcel Duchamp 2012, ils explorent une voie très expérimentale entre érudition et amateurisme, relecture de l’histoire de l’art et mise en avant de savoir-faire artisanaux.

    Dix sculptures en béton de grandes dimensions ont été conçues et réalisées spécialement pour l’exposition. Modelées, moulées et assemblées par les artistes selon les techniques traditionnelles de la sculpture, ces œuvres sont autonomes bien que formant une unité. Elles représentent des fragments de corps nus, certains en ronde-bosse et d’autres plus architecturaux, corps d’athlètes ou de lutteurs dont la monumentalité n’exclut ni le port de vêtements familiers ni la présence plus incongrue d’éléments de salle de bains.

    S’inscrivant dans le contexte du musée et dans le fil d’une pratique déjà développée par les artistes autour de l’image et de la sculpture, une telle production renvoie à l’œuvre de Rodin, «un point de départ pour nous permettre de travailler une technique particulière, le moulage, comme étape majeure du processus sculptural»1. Mais à la différence de Rodin, Dewar & Gicquel, en plus d’assurer eux-mêmes chaque étape de la fabrication, détruisent les moules après usage afin de limiter leur production à un seul et unique tirage. Une façon bien à eux de se positionner aujourd’hui face à la question de la reproductibilité.

    Le titre de l’exposition et des œuvres sont à lire comme une référence au Salon de la Jeune Sculpture régulièrement organisé au musée Rodin de l’après-guerre aux années 60.

    L'entrée dans les jardins est à 2 euros.

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  • Le Grand Livre d'Annie Leibovitz édité par Taschen : un ouvrage de la plus grande portraitiste contemporaine, un livre f

    Annie Leibovitz,Quincy Jones,taschen,... Des clichés célèbres comme John Lennon et Yoko Ono enlacés dans une dernière étreinte côtoient des portraits rarement publiés, parfois même inédits. Ses photos sont à la fois intimes et iconiques. Souvent imitée mais jamais égalée, Leibovitz multiplie les genres dans un style qui n’appartient qu’à elle. Célèbre pour ses portraits de groupe, elle les présente pour la première fois dans un format qui permet de les apprécier à leur juste valeur, la confirmant comme le maître incontesté du genre.

    (Annie Leibovitz et Quincy Jones)
       

    Le recueil de Leibovitz s’ouvre sur l’image en noir et blanc de l’hélicoptère de Richard Nixon décollant de la Maison Blanche après sa démission en 1974, suivie du portrait officiel de la Reine Élisabeth II dans un salon du Palais de Buckingham en 2007. Au fil des pages, les portraits d’acteurs, danseurs, comédiens, musiciens, artistes, écrivains, journalistes, athlètes et hommes d’affaires dessinent l’album de famille de notre temps où performance et pouvoir résonnent en écho comme les thèmes récurrents. Un livre complémentaire contient un essai écrit par Annie LeibovitzGraydon CarterPaul Roth et Hans Ulrich Obrist, ainsi que des notes explicatives sur chacune des 250 photos.

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  • « J’ai des doutes » de et avec François Morel à La Scala jusqu'au 5 janvier, et en tournée dans toute la France.

    François Morel,la scala,Raymond Devos,Antoine Sahler,Romain Lemire,Alain Paradis,Camille Urvoy,Elisa Ingrassia,Madeleine Loiseau,Valentin Morel,Johanna Ehlert,Matthieu Siefridt,Denis Melchers,j’ai des doutesL’humour c’était lui, aux côtés de Desproges et Coluche, avant que les boxes numériques et paraboles ne succèdent aux antennes-râteau. A la radio aussi, le rythme particulier de sa voix était familier. Mon père finissait ses fins de phrases et ma grand-mère disait de lui qu’il était un génie. Plus tard, alors que je l’avais manqué sur scène, j’ai eu la chance de le rencontrer dans les coulisses du Théâtre Trévise. Ces quelques minutes se sont transformées en un souvenir unique, un trésor. Alors, si vous considérez qu’il est assez ordinaire de porter sa voiture en bandoulière ou de rire avec ses muscles fessiers, rendez vous à La Scala. Dans J’ai des doutes, le comédien François Morel rend un hommage formidable à Raymond Devos.

    - Être raisonnable en toutes circonstances ? Il faudrait être fou..  » 2

    François Morel et Raymond Devos sont des artistes complets, même si le premier déclare (très humblement) ne savoir jongler qu’avec des mots. Et puis, il sont généreux. Ce petit truc en plus, impalpable, des confidences muettes ou des regards qui semblent ne s’adresser qu’à vous…

    Raymond Devos a eu l’envie de se découvrir au public en observant d’abord le cirque ; le spectacle ultime, parfait, celui qui lie nombre de disciplines sans se soucier des étiquettes. Le clown génial a débuté dans des cabarets, ceux qui voisinaient avec les caves de jazz. Magistral autodidacte, poète des mots, acrobate de la langue française, il a aussi frotté son archet sur les dents de sa scie musicale, fait chanter sa trompette ou les touches du piano. Tout en s’inspirant de Marcel Aymé ou de Boris Vian, il a même été un équilibriste sur monocycle et un prestidigitateur, cela en tutoyant un autre Raymond, l’illustrateur ludique et surréaliste de la langue française du 20ème siècle, Raymond Queneau. Puis, ce fut les grandes scènes, les tournées et les plateaux de télévision, les programmateurs des émissions et des numéros spéciaux des grandes heures de la télévision français se sont disputés la vedette, irremplaçable.

    - Une fois rien, c'est rien ; deux fois rien, ce n'est pas beaucoup, mais pour trois fois rien, on peut déjà s’acheter quelque chose, et pour pas cher. »2

    La très astucieuse productrice Jeanine Roze a eu l’idée de ce spectacle. L’initiatrice des Concerts du dimanche matin au Théâtre des Champs-Elysées, qui fêtent leurs 45 ans d’existence cette année, a proposé à François Morel de s'immerger dans l'oeuvre de Raymond Devos. Sur le même principe, Jean Rochefort s’était lui attaché, admirablement bien, à  Fernand Raynaud (qui croisait aussi Erik Satie) dans le spectacle « Heureux » en 2004 avec la complicité musicale de Bruno Fontaine.

    De ce voyage en Absurdie, François Morel en connaît le tracé et toutes les étapes, il chante, il saute et danse avec aisance, une véritable performance dans laquelle l'élève rejoint le maître. Si j’étais un critique - versus sortie de la Comédie Française - j’affirmerais haut et fort : « Il y a du Molière-comédien dans le jeu de Morel ! ». Le héros du 3615 Code QUINENVEUTpour les jeunes qui n'en veut des emplois des Deschiens1 a, dans sa façon de mimer les personnages et de rythmer les situations, un véritable don pour l’invention dramatique. François Morel est au summum de son art, il ne craint pas les esquisses de la langue, quasi expérimentales, façonnées par Devos. Comme lui, il est un beau parleur au sens littéral du terme, il distille une langue savante et piquante et il sait se faire écouter et se faire comprendre de tous. D’ailleurs, ses chroniques du vendredi, Le billet de François Morel, sur France Inter battent des records de podcast.

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    Valsant de piano en piano, le musicien Antoine Sahler (en alternance avec Romain Lemire), camarade de scène de François Morel depuis plus de dix ans, construit délicatement quelques remparts musicaux pour cadrer la bête de scène. Les deux compères s’en donnent à cœur joie, le déchainement de tendresse et d’humour qui se déverse sur le plateau de La Scala secoue le public de rires ou laisse échapper de profonds soupirs. Car en effet, c’est bien du cœur dont il s’agit, celui dont la pulsion insuffle intelligence et créativité à l’esprit. La maîtrise exacte des techniques dramatiques et musicales, de la diction à l’improvisation, sont si largement dépassées qu’une atmosphère magique s’en dégage, mystique peut-être.

    Raymond Devos est là, pourtant c’est à peine s’il a été imité. De sa stature chaleureuse, il a glissé son bras sous celui de François Morel, puis, de son regard malin, il a invité le public à chanter Je hais les haies. C’est une apothéose, un spectacle qui laisse sens dessus-dessous 

    Laurence Caron 

    1. Série télévisée 1993/2002 créée sur Canal+.
    2. Citations Raymond Devos.

    Photo M_Toussaint.

     « C’est aujourd’hui que je vous aime » (Éditions du Sonneur) et « Je n’ai encore rien dit » (Éditions Denoël)de François Morel sont des lectures recommandées ainsi que toutes les vidéos et enregistrements existants, connus ou inconnus à ce jour, extraits d’émissions télévisées, radiodiffusés ou de spectacles, avec Raymond Devos.

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  • Maurice Béjart a offert à Jorge Donn et Freddie Mercury l’immortalité…sur scène ! « Le Presbytère n’a rien perdu de son

     

    maurice béjart,freddie mercury,le presbytère,jorge donn,versaceVous nous avez dit : « faites l’amour pas la guerre. » Nous avons fait l’amour, pourquoi l’amour nous fait-il la guerre ? Maurice Béjart.

    La question est posée. Le chorégraphe choisit de lever le voile, voile blanc tel un linceul, jeté sur ce fléau hypocrite, fourbe et impitoyable qui a marqué une trop longue époque (non révolue), dévasté des générations et emporté avec lui, de façon définitive, toute la candeur du miracle de l’amour. Jorge Donn, star de la danse, et, Freddie Mercury, star du rock. Idoles idolâtres dont les carrières sont fauchées en plein vol par la maladie, ils ont 45 ans chacun, seulement. En 1991, Jorge Donn quitte ce monde ; un an plus tard Freddie Mercury déclare être porteur du VIH, il décède le lendemain.

    Dans son chalet, au dessus du lac Leman, Maurice Béjart est frappé par la photo qui orne la pochette de l’album posthume de Freddie Mercury, il s’agit de la même vue du lac qui s’étend face à lui… 

    Le Maître du Ballet contemporain s’abreuve de vidéos, il se délecte autant de la musique (symphonique) de Queen que du jeu de scène (exceptionnel) de Freddie Mercury. Maurice Béjart détecte une  « correspondance » ou plutôt des « correspondances », c’est ainsi que le créateur sensible désigne l’impalpable, ces liens qui se tissent entre les êtres, les choses ou les univers. Symboliquement, Freddie Mercury et Jorge Donn sont réunis sur scène sans toutefois véritablement se rencontrer, pour un ballet, pas uniquement sur le Sida « mais sur les gens qui sont morts jeunes » (Maurice Béjart).

    Versace crée les costumes, ce sont des étoffes graphiques, sombres ou colorées, elles épousent les corps comme collées au plus prés de la peau. En 1996, le ballet au titre énigmatique* « Le Presbytère n’a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat » prend vie, une vie qui témoigne, une vie qui palpite, selon Maurice Béjart « ce ballet sur la jeunesse et l’espoir puisque, indécrottable optimiste, je crois aussi malgré tout que The show must go on, comme le chante Queen ».

    Le Béjart Ballet Lausanne est en forme !
    Fils spirituel et artistique, résolument fidèle au génie de Maurice Béjart, Gil Roman est à la hauteur de la mission qui lui a été confiée, la direction du Béjart Ballet Lausanne et de son répertoire sont tenus par des mains habiles, d’une grande intelligence artistique. La compagnie de Maurice Béjart semble épanouie, les danseurs sont toujours aussi puissants et les danseuses n’ont jamais été aussi belles et déterminées.
    De Mozart à Queen, la danse s’offre la liberté, celle de gommer les frontières et d’unir les Hommes, de dessiner l’amour et l’humour en un même trait. Le geste est là, indemne. Voir un ballet de Béjart aujourd’hui est comme une cure de Jouvence, un retour aux fondamentaux. L’évidence du geste est totalement détoxifiante, une renaissance cellulaire s’opère. Puis, l'émotion engloutie toutes formes de sens critique, le comble semble atteint lors du salut final lorsque Gil Roman entraîne avec lui ses danseurs dans une marche mesurée, une vague pure, forte… A pleurer de beauté, ce que j'ai fait.

    Là où on apprend que l’éternité n’est pas du domaine de la Science mais bien du domaine de l’Art…
    Plus fort que la maladie, et au delà même, plus fort que la mort, les merveilleux Jorge Donn et Freddie Mercury sont toujours là. Par les enregistrements et autres traces argentiques et magnétiques, les artistes poursuivent une sorte de survivance devenue numérique. Pour Jorge Donn et Freddie Mercury, Maurice Béjart crée autre chose, une sorte d’incarnation, je ne souhaite pas employer le terme de « réincarnation » tant la portée spirituelle du mot pourrait tenter à bien d’autre interprétations. Pour conclure, j'invoque une « correspondance », une citation du père de Maurice Béjart, le philosophe Gaston Berger : « Demain ne sera pas comme hier. Il sera nouveau et il dépendra de nous. Il est moins à découvrir qu'à inventer". 

    Laurence Caron

    *Le titre Le Presbytère n’a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat » est emprunté au mot de passe du personnage de Rouletabille dans Le Mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux.

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  • De l'Ultima Récital ”Best musical show, Molière nineteen ninety-nine” à Miss Carpenter ”Best actrice, Oscar nineteen six

     

    miss carpenter,marianne james,théâtre rive gauchePerformeuse avant-gardiste, de la pointe des cheveux jusqu’aux bouts des ongles, Marianne James crée, incarne. Schizophrène imperturbable, la diva invente et mesure ses déplacements magnifiés dans l’instant, elle est un spectacle à elle seule. Dans la même veine que « Le Quatuor », la cantatrice extravagante a su, avec son personnage de Maria Ulrika Von Glott, faire voler en éclats les frontières entre les genres artistiques, mêlant adroitement art lyrique et burlesque. Musicienne de jazz, et Premier Prix de chant du Conservatoire National de Musique de Paris, Marianne James triomphe sur scène (le cultissime "Ultima Récital", Molière du meilleur spectacle musical en 1999), anime et argumente avec brio des émissions de télévision, s’échappe un temps pour s'exprimer sur les planches des théâtres, interprète, chante, enregistre, elle s’éclate ; brillamment, la comédienne sait tout faire jusqu'au stylisme d'une ligne de vêtements. 

    Elle est aujourd’hui au Théâtre Rive Gauche, elle est Miss Carpenter.

    miss carpenter,marianne james,théâtre rive gaucheMiss Carpenter se voit toujours l'actrice belle et admirée qu'elle était au milieu du XXème siècle. Mais le temps et ses outrages - et surtout la crise et les huissiers - l'obligent un jour à sortir la Jaguar pour aller décrocher un rôle...
 Mais les auditions s'enchaînent au rythme des refus et des humiliations... Comment retrouvera-t-elle la flamme qu'elle dit avoir laissée à Hollywood ? Le succès sera-t-il à nouveau au rendez-vous ?

    Marianne James ne veut pas faire comme les autres, elle s’applique à échapper à toutes les formes d’étiquettes que l’on voudrait lui coller, elle a raison. Pourtant sa Miss Carpenter, sorte de caricature d’égérie gay, entre show girl et meneuse de revue, peine à exister ce soir là rue de la Gaité.


    Le Théâtre Rive Gauche est complet, le public est chaleureux et s’esclaffe aux moindres gestes de la diva. C’est fou comme on l’aime, et comme nous sommes tous heureux de la retrouver. L’artiste renoue avec un jeu de clown qu’elle manie avec aisance. Facétieuse et charmeuse, elle entraîne à sa suite trois compagnons talentueux, entre la comédie musicale et les grandes heures de l’opérette, Pablo Villafranca, Romain Lemire et Bastien Jacquemart se manifestent élégamment, il jouent, dansent et chantent ; le tableau paraît parfait.

    Mais Marianne James trépigne, l'espace scénique semble étriqué, les décors sans saveur ; je me rassure en constatant que personne ne semble s’en apercevoir. Quelques dérapages grossiers, inutiles, heurtent l’imaginaire, les costumes manquent d’allure, et l’histoire... Les clichés se succèdent alors qu'ils sont truffés de bonnes idées (la sonnerie du téléphone, le slogan des Oscars, le chien Marylin…) : ce n’est pas assez ou bien c’est trop.
    Entre cabaret comique et parodie, Marianne James nous émeut et nous faire rire malgré l'exigüité de l’écrin, elle est émouvante, passionnée, et, terriblement abandonnée par tout ce qui devrait la mettre en valeur. 
Le rythme des scènes marqué par un son disco (pas très original) porte le spectacle à son terme : déchaînement d’applaudissements. Tant mieux, les gens sont contents, ce public de « La Nouvelle Star » n’a certainement pas vu Marianne James sur la scène de la Pépinière Opéra (
    Ultima Récital), il y a presque 20 ans. En 1994, Marianne James m'a fait comprendre que sur scène tout était possible.

    Marianne James est une artiste nécessaire, indispensable à notre époque, à l’avenir il s’agirait d’en prendre soin. Laurence Caron-Spokojny

    De Marianne JAMES et Sébastien MARNIER - Mise en scène d’Éric-Emmanuel SCHMITT et  Steve SUISSA - Du mardi au samedi, en alternance, soit à 19h, soit à 21h, et matinée le dimanche à 17h30

    Pour "aimer" la page facebook de "Ce qui est remarquable", c'est par ici

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  • N’en doutez-plus, l’opéra est un art populaire, rendez-vous à la MC93 de Bobigny pour Don Giovanni

    don giovanni,christian schirm,opéra national de paris,atelier lyrique,mc93 bobigny,christophe perton,mozart,barbara creutz,tiago matos,armelle khourdoïan,elodie hache,andriy gnatiukIls sont beaux, ils sont jeunes, ils sont comédiens et ils ont de belles voix : il ne s’agit absolument pas du teaser de la prochaine comédie musicale du Palais des Sports mais de l’Atelier Lyrique de l’Opéra national de Paris ; pour sa septième production, « Don Giovanni » est présenté sur la scène de Bobigny. 

    don giovanni,christian schirm,opéra national de paris,atelier lyrique,mc93 bobigny,christophe perton,mozart,barbara creutz,tiago matos,armelle khourdoïan,elodie hache,andriy gnatiuk« L’

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  • WINTERREISE (Voyage d’hiver) d'Angelin Preljocaj au Théâtre des Champs Elysées, et Body and Soul de Crystal Pite à L'Opé

    productions internationales albert sarfati,transcendanses,théâtre des champs-elysées,angelin preljocaj,franz schubert,thomas tatzl,james vaughan,constance guisset,eric soyer,danse contemporaineEn 2019, Crystal Pite crée Body and Soul pour le Ballet de l’Opéra de Paris, cette même année Angelin Preljocaj imagine Winterreise Voyage d’hiver initialement pour le Ballet de La Scala de Milan puis avec sa compagnie lors du Montpellier Danse. En ce début d’année 2022, attendu avec ferveur, le premier est repris à l’Opéra Garnier jusqu’au 20 février tandis que le second vient de triompher pour quatre représentations exceptionnelles au Théâtre des Champs-Élysées.

    Winterreise voyage d'hiver Ballet Préljocaj  (photo Jean-Claude Carbonne)

    Le crépuscule des Dieux…

    Depuis le Planet Wanderer du duo Damien Jalet / Kohei Nawa à Chaillot en septembre 2021, Body and Soul et Winterreise voyage d'hiver sont les deux créations chorégraphiques immanquables de la saison, toutes trois ont en commun un esthétisme crépusculaire infiniment sophistiqué.

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    Ces derniers temps, il faut bien avouer que nous tournions un peu en rond à se demander si la danse contemporaine ne se répétait pas un peu… Puis, un miracle s’est produit, enfin plutôt trois. Après tout, au sens littéraire, le crépuscule désigne (cf.Larousse: ce qui décline, ce qui est proche de disparaître. J'interprète cela comme un passage, éclairé par une lumière à densité variable, dont les talents de ces Maîtres-ses de la chorégraphie indiquent la direction à prendre…  

    Crystal Pite, la magicienne

    Les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l'Opéra de Paris sont dans leur élément, leur formation de haute volée, leur énergie et leur jeunesse ont pleinement de quoi éclater. Les tableaux regroupés en trois actes s’enchaînent, courts et précis. Solos et pas-de-deux, guidés par la voix froide et détachée de Marina Hands, contrastent avec l’émotion de la danse qui glisse sur l’air comme au sol avec une infinie fluidité. Cette même fluidité, incomparable jusqu’alors dans le langage chorégraphique, fait déferler les 36 danseurs en vagues savamment liées à moins que cela soit des nuages de feuilles soulevées par le vent. théâtre des champs-elysées,angelin preljocaj,franz schubert,thomas tatzl,james vaughan,constance guisset,eric soyer,danse contemporaine,productions internationales albert sarfati,transcendansesL’individu naît du collectif, ou bien l’inverse, la confrontation des individus évoque un vocabulaire social qui interroge. Dans une ambiance volontairement dépouillée, la mise en lumière de Tom Visser infuse un subtile mix clair-obscur révélant des mouvements qui ont une (apparente) spontanéité particulière au travail de Crystal Pite. Jusqu’au tableau final, radicalement et délicieusement pop : propulsés entre des pans de décors fantastiques, les interprètes transformés en sortes de lucioles extraordinaires, rehaussés d'antennes styliformes ou pattes ravisseuses, grâce aux costumes de Nancy Bryant, avancent en rang serrés autour de Takeru Coste complètement déchainé. C’est une apothéose bestiale comme des essaims d’insectes puissamment attirés par la lumière. L’enthousiasme est à son paroxysme. Pour une fois, même si les stars du Ballet de l’Opéra ont merveilleusement bien défendu leurs parties comme Marion Barbeau, Alice Renavand, Marc Moreau et Hugo Marchand, il n’est ici pas question de comparer les exploits des artistes, le public de Garnier dévale le grand escalier de marbre en un joyeux vacarme, subjugué par les mille feux d'un spectacle total.

    Angelin Preljocaj, le poète

    Il est l'invité de Transcendanses au Théâtre des Champs-Elysées, une programmation pointue dont les rendez-vous sont désormais bien inscrits dans les agendas des amateurs de danse.  De la profondeur d’un bleu nuit jusqu’à des dégradés orangés passant du jaune au rose, Angelin Preljocaj déploie les couleurs du crépuscule pour parcourir son Winterreise voyage d’hiver composé de 24 Lieder écrit par Franz Schubert, juste un an avant sa mort sur les poèmes de Wilhelm Müller.théâtre des champs-elysées,angelin preljocaj,franz schubert,thomas tatzl,james vaughan,constance guisset,eric soyer,danse contemporaine,productions internationales albert sarfati,transcendanses
    Parce qu’il est définitivement un grand traducteur de la mélancolie, Preljocaj traite d’un romantisme dont la profondeur vertigineuse aboutit en un drame mais qui, étonnement, ne devient jamais tragique. Son élégance n’a d’égal que sa sincérité et sa compagnie le lui rend bien, les six couples de danseurs dessinent une chorégraphie d’une grande délicatesse, toujours aussi exacte et terriblement bien réglée. Le sens de Preljocaj pour la virtuosité s’épanouit pleinement, il épouse par ses intentions chorégraphiques le phrasé impeccable du baryton-basse Thomas Tatzl, accompagné au piano forte par James Vaughan.

    Tandis que les danseurs foulent un sol neigeux dont ils se jouent en faisant scintiller les cristaux tout autour d’eux, l’éclairage soigné d’Eric Soyer sublime les corps des danseurs sous des douches de pluie luminescente, crée des décors à géométrie variable ou se matérialise en matières soyeuses, précieuses. En conservant les codes de sa danse, dont les fans se délecteront, Preljocaj revient à une danse plus classique, plus douce. Des déplacements tourmentés, de corps enchevêtrés ou tendus comme des arcs, à l’immobilisation remarquable, sortes de statues célestes (d’une photogénie somptueuse), Preljocaj fouille l’obscurité pour en révéler une lumière qui ne semble pas prête de s’éteindre !

    ...est-ce déjà l'aube ?

    Une incroyable théâtralité, voilà en un mot de quoi décrire le renouveau de ces danses. La chorégraphie contemporaine n’est plus seulement une démonstration de genre dont les mouvements s’intellectualisent et se débattent (dans tous les sens du terme). A l’instar de la danse classique son aînée, la danse contemporaine raconte de vraies histoires, parfois même des fresques, aventures humaines, parfois spirituelles ou célestes, souvent animales ou planétaires. Ces atmosphères crépusculaires invitent au dépassement du réel tout en formant de solides passerelles vers autre chose, comme des introductions fortes et inspirées à ce que présage l’avenir. Des changements s’opèrent, cette époque est passionnante…

    Laurence Caron

    Winterreise voyage d'hiver Ballet Préljocaj  (photo Jean-Claude Carbonne)
    Théâtre des Champs-Elysées - Angelin Preljocaj | chorégraphie et costumes - Franz Schubert | musique -  Thomas Tatzl | baryton-basse - James Vaughan | piano - Constance Guisset | scénographie - Eric Soyer | lumières

    Body and Soul Crystal Pite - Opéra de Paris

    Musique : Owen Belton, Frédéric Chopin, Teddy Geiger - Voix : Marina Hands - scénographie : Jay Gower Taylor - costumes : Nancy Bryant - Lumières : Tom Visser - Danseurs : Léonore Baulac, Alice Renavand, Marion Barbeau, Héloïse Bourdon, Hannah O'Neill, Silvia Saint-Martin, Hugo Marchand, François Alu, Marc Moreau.

  • ”Une Histoire d'amour” à La Scala

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    Nous y sommes, avançant masqués pour la première fois, avec cette drôle d’impression : comme si nous observions la scène à la dérobée, le visage bâillonné. Pourtant Alexis Michalik et la troupe qu’il orchestre sont prêts à en découdre, nullement impressionnés par ce public aux sourires voilés. Les jeunes comédiens déboulent sur scène comme sur un billard tout en faisant valser les éléments du décor. La hâte de s’exprimer des artistes est palpable, elle a le charme maladroit d’un garçon timide qui tente de faire une déclaration d’amour. Et en effet, il s’agit d’amour, le pur, l’absolu, et à jamais désespéré. Bien ancré dans son époque, l’auteur à succès, aussi comédien pour cette fois, raconte cet amour passionné, si romantique, saupoudré de cynisme et de quelques confidences amères. Sans concession aucune et sur un ton apparemment léger, rien n’est épargné, ni personne, Michalik est un fin observateur, en état d’alerte.

    Sous les masques, la moiteur s’installe, chacun s’arrange avec la petite jungle qui infuse entre les lèvres et les narines. Les rires font vibrer les liens des masques le long des tempes ou parfois les yeux s’embuent de larmes, ceux qui portent des lunettes ont l’air de taupes égarées. Les émotions, sous les morceaux de toiles bleuâtres ou fleuries, ont du mal à se contenir, ce flot de bons sentiments n’est pas si simple à gérer : un grand amour doit-il toujours se terminer aussi mal ? La résilience est à la mode pourtant il n’est pas si aisé d’en appliquer les préceptes, cette pièce a la bonté de nous le rappeler.

    Entre la gravité du propos et les vannes faciles, tout s’enchaîne en dialogues rapides, modernes, avec cette simplicité feinte qui nourrit si bien « le style Michalik ». La pièce, récompensée par le Molière 2020 de la mise en scène (Théâtre privé), est montée comme si plusieurs épisodes d'une série étaient rassemblés en un éclair, le drame est rythmé par des changements vifs, coupés courts, où comédiens, éléments de décor et costumes sont traités avec la même profondeur de champ. Dans cette mise en scène précise, cadrée au millimètre près, les très énergiques comédiens jouent d’une façon quasi naturelle, très proche des techniques utilisées devant la caméra. Entre chaque tableau, le public semble cliquer en bas à droite sur « ignorer le générique », tant il est avide de découvrir la suite. La mécanique dramaturgique est redoutablement efficace.

    Pour ceux qui l’ont déjà vu on attendra une suite, opus 2 ou saison 2, ou bien un film, quant aux autres réservez vos places sans attendre, plus que jamais.  

    Laurence Caron

     

    A propos d'Alexis Michalik, info de toute dernière minute :  

    Report du spectacle LES PRODUCTEURS à septembre 2021 - Stage Entertainment, le théâtre de Paris, Acmé, Arts Live et Alexis Michalik ont pris la décision de reporter le lancement du spectacle Les producteurs à l’automne 2021. Le chef-d’œuvre de Mel Brooks, détenteur du record de Tony Awards, devait initialement être présenté pour la première fois sur scène en France en septembre 2020 au théâtre de Paris. Compte-tenu du contexte actuel de recrudescence de l’épidémie, et des contraintes sanitaires qui en découlent, les coproducteurs ont estimé qu’un spectacle d’une telle ampleur ne pouvait sereinement se monter dans les mois à venir. « Aussi difficile soit-elle, cette décision s’est imposée, déclarent les coproducteurs, il s’agit d’un spectacle ambitieux qui nécessite [pour Alexis Michalik, pour les artistes, les créatifs, les techniciens, et la salle] une certaine assurance quant aux conditions de sa production ; l’incertitude dans laquelle nous nous trouvons n’est pas compatible avec le travail et les moyens à engager ». La date de lancement sera précisée prochainement.

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  • DIVAS, d'Oum Kalthoum à Dalida, exposition à l'Institut du Monde Arabe

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    dalida,randa mirza,waël kodeih,lamia ziadé,shirin neshat,youssef nabil,oum kalthoum,warda al-djazaïria,asmahan,fayrouz,laila mourad,samia gamal,souad hosni,sabah,assia dagher,institut du monde arabe,orlando productions,tahiyya carioca,hind rostom,exposition,hoda chaaraoui circa,mounira al-mahdiyya,badia massabni,aziza amirDes années 20 jusqu’aux années 60/70, sur les scènes de spectacles ou transperçant l'écrin glamour des écrans cinématographiques, les regards souverains presque guerriers de ces actrices révèlent une image de la femme affranchie, nouvelle et conquérante, de l’Égypte au Liban, du Caire à Paris.  

    Des femmes créatrices de renouveaux politiques et sociaux

    A travers des documents - comme ces affiches et pochettes de disques cultes, ces couvertures de magazines au charme suranné inimitable (illustration, typographie, ..), ces images de films à la lumière soignée, ces objets intimes qui semblent avoir été déposés là sans un fait exprès, ces costumes de scène cousus de fils dorés, de perles et de pierres scintillantes, ces patchworks de tissus qui ondulent sur ces corps fiers, ces visages ourlés de charbonneux et flambant de rouges à lèvres carmins qui contrastent avec ces mèches de cheveux savamment bouclées à la brillantine - des carrières lumineuses et des destins incroyables, parfois tragiques, se dressent en quatre tableaux tendus de velours sombres pour mieux faire briller : le Caire des années 20, les grandes divas de la chanson, l’âge d’or des stars de « Hollywood sur le Nil » (Nilwood), puis des réinterprétations de ces Divas par des artistes contemporains (photographes, vidéastes, plasticiens, musiciens, …) bouclent l’exposition. Ces inspirations semblent infinies, d’une richesse inouïe, plus qu’un héritage il s’agit d’une source que l’on souhaite intarissable pour abreuver encore et encore les civilisations arabes d’aujourd’hui et de demain. Hormis les puissantes et chaleureuses voix de tête (au simple comme au figuré) de ces chanteuses engagées, libérant ainsi la parole des femmes vers un monde plus tolérant, cosmopolite et moderne, avec talent et parfois même espièglerie, le plus frappant est cet âge d’or du cinéma égyptien qui rappelle les grandes heures du cinéma italien (Cinecittà).

    Les portes drapeaux du « féminisme » d’aujourd’hui semblent bien pâles comparés à ces Divas qui ont fait évoluer radicalement les esprits du 20ème siècle, elles sont à admirer dans le parcours feutré de l’Institut du Monde Arabe, jusqu’au 26 septembre 2021.
    A ne pas manquer, pour tous, des arts de la scène jusqu’aux points de vue historiques et géopolitiques, une exposition nécessaire et passionnante.

     Laurence Caron

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  • Dialogues (TranscenDanses) au Théâtre des Champs-Elysées, jusqu'au 5 décembre 2021

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    Ce début décembre, le Théâtre des Champs-Élysées annonce sur son site internet « Une soirée danse de rêve avec le « gratin » des chorégraphes »… : la promesse est tenue !

    1h30 de pur concentré artistique, un panorama à 360°, cette soirée de gala ouvre avec la chorégraphe berlinoise Sasha Waltz qui offre un extrait d’ « Impromptus », crée en 2004. Sur la partition éponyme de Schubert, le romantisme est fouillé, un corps à corps sentimental à souhait dans une atmosphère abstraite et minimaliste répondant aux codes du néoclassicisme. Avant tout, Sasha Waltz développe une danse esthétique.

    A sa suite, la canadienne Emma Portner - connue par de-là les océans pour avoir créé la chorégraphie de la tournée mondiale du chanteur pop Justin Bieber ou bien encore ses collaborations avec Apple, Netflix ou le Guggenheim Museum - s’est éloignée des sunlights pour s’isoler dans la profondeur de la création scénique. Sa pièce « Islands » est une grande réussite, une chorégraphie à géométrie variable. Deux danseuses unies dans un même costume déploient un jeu articulé qui fait oublier les corps au profit d’une architecture infiniment sensuelle, un pas de deux original qui n'en forme qu'un...

    Puis, le Maître absolu de la danse, qui a franchi le passage du 21ème siècle avec des œuvres gravées dans le marbre dont entre autres son bouleversant Giselle (créé en 1982), Mats Ek propose sa version du drame shakespearien « Juliet et Roméo » (créé en 2013). Délaissant Prokofiev pour Tchaïkovski et faisant de Juliette une véritable héroïne, surpuissante de par sa détermination, Mats Ek empli l’espace entier de la scène d’émotions. Ce sont des déplacement en diagonales qui glissent comme sur de la glace, intenses et délicats, le chorégraphe suédois à ce don pour faire fondre le cœur, faire naître les sourires ou laisser couler les larmes. Ici la matière elle-même semble s’être dissipée, le couple d’artistes interprètes invoque l’amour : une inclinaison de la nuque va suffire à intimer un sentiment protecteur, chaleureux, un bras qui se baisse va invoquer un abandon total et vertigineux… Le génie de Mats Ek a arrêté le temps.

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    Après un bref changement de plateau, Crystal Pite profite que le public soit liquide pour le fragmenter et le bousculer en rythmes, saccadés, détachés à l’extrême, avec « Animation » une création d’une infinie délicatesse. La chorégraphe ciselle le mouvement, les danseurs sont précis, leur technicité sophistiquée fait oublier les corps, les efface presque, seul le mouvement compte, comme celui qui donne vie à un pantin de bois ou automate savant. 

    Le tableau suivant laisse apparaitre le fond de la scène du Théâtre des Champs-Élysées, les costumes rouge et noir signent tout de suite les créations du tchèque Jiří Kylián. Le chorégraphe est un maître des horloges avec 14’20’’, extrait de 27’52” (créé en 2002 à l’occasion du 25e anniversaire du NDT II). D’une poésie charnelle dans son intention par ces peaux unies, considérées à égalité par la demie nudité des torses des danseurs. Les mélodies de Gustav Mahler sont recomposées avec des accents électro dont la chorégraphie suit intensément les variations, comme nées ensemble.

    Enfin, pour clôturer cet étourdissant spectacle - riche de créativité autant par les signatures chorégraphiques que par ces interprètes aux technicités magistrales, et tous terriblement investis dans les histoires et les sentiments qu’ils racontent - Ohad Naharin, celui qui mène la très courue Batsheva Dance Company, propose une version toute personnelle du Boléro (créé en 1983). Un exercice difficile et risqué tellement les comparaisons chorégraphiques sont nombreuses, le chorégraphe virtuose s’attache au thème répétitif de la musique de Ravel moulinée par le compositeur japonais Isao Tomita. Dans une apparente décontraction, un naturel qui caractérise l’œuvre du chorégraphe,  les infatigables bras des deux danseuses énergiques battent l’air comme des balanciers et révèlent ce vocabulaire musical, si obsédant, si enivrant.

    Peu de dates, 2, 3 et 4 décembre (c’est à regretter) - concluent cette tournée européenne (Stockholm, Saint-Pétersbourg, Moscou et Oslo) – à noter que le prochain rendez-vous est fixé par TranscenDanses en janvier 2022 avec le génial Angelin Preljocaj et son Voyage d’hiver de Schubert…

    Laurence Caron

    > Photo Erik Berg "Juliet & Romeo" 2021

    Théâtre des Champs-Elysées.
    2 décembre 20h, 3 décembre 20h, 4 décembre 20h, 5 décembre 17h.
    Places de 15 à 110 €.

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  • Times Square au Théâtre Montparnasse

    thétare montparnasse,guillaume de tonquedec,camille aguilar,marc fayet,axel auriant,clément koch,josé paul,edouard laug,pauline gallot,ana belen palacios,laurent beal,didier brun,lÉonard,romain trouilletUn comédien talentueux, désormais dévoré par le trac, s’oublie dans l’alcool tandis que son frère, désabusé par une vie sans saveur, fantasme sur la carrière du premier. En traits d’union, une jeune femme et un jeune homme, dont les démarrages dans la vie ont été difficiles, tentent d’échapper à leurs sorts en s’inventant un nouveau monde. Le tableau semble tragique, pourtant ces ingrédients sont idéals pour faire de ce moment une comédie juste, joyeuse, douce et émouvante. Times square au Théâtre Montparnasse fait scintiller le savoir-faire du théâtre de boulevard moderne pour illuminer et réchauffer merveilleusement ce morne hiver parisien. Cerise sur le gâteau, la joie de jouer de la petite troupe est terriblement communicative, le public se love dans le confort des fauteuils de velours du Théâtre Montparnasse, abandonné et passionné...

    Comme un lion en cage, Matt Donovan est à l’étroit entre les murs de son loft, à sa porte la créativité et la fantaisie vibrent de partout dans ce célèbre quartier de New-York. Matt c’est Guillaume de Tonquédec, il a retrouvé le metteur en scène José Paul - applaudit à Hébertot dans C'est encore mieux l'après-midi en 2017 - avec lequel il a partagé le succès de La Garçonnière au Théâtre de Paris cette même année. C’est donc dans une mise en scène extrêmement vivante, savamment cousue avec ce dynamisme inspiré, très anglo-saxon, caractérisant le travail du metteur en scène, que Guillaume de Tonquédec livre une prestation exceptionnelle. Son texte, drôlement costaud, il le maîtrise au rasoir et l’interprète avec une modernité et un naturel qui rejoint parfaitement l’intention et le style de l’auteur Clément Koch (découvert entre ces lignes en 2011 au Petit Théâtre de Paris dans Sunderland). Celui qui a également souvent croisé la route de José Paul est le comédien Marc Fayet (aussi auteur et metteur en scène à d’autres heures) aborde un rôle difficile, car plus effacé et neutre, dont il parvient à nuancer les contours avec une infinie délicatesse. A l’opposé Camille Aguilar déploie une spontanéité et une énergie folle, à la hauteur de la volonté farouche de ses 26 printemps. Enfin, Axel Auriant, en funambule averti, se déplace vite, vole presque, toujours sur cette corde archi tendue et si sensible, son territoire d’interprétation est si particulier et définitivement touchant, le souvenir en 2017 de Une vie sur mesure au Tristan Bernard demeure inoubliable.

    L’art (dramatique) est au cœur des préoccupations de Times Square. Il s’agit en effet de remettre à sa juste place ce qui a fortement été raturé ces derniers temps, même parfois gommé. Le rappel est plus que jamais nécessaire et essentiel, pour le public autant que pour ces vies qui prennent chair sur la scène du Théâtre Montparnasse, le théâtre, plus largement l'art, a un pouvoir de vie et de guérison. 

    Laurence Caron

     

    Times Square a été captée par France Télévision en 2021.

    Mardi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi : 20h30 - Samedi à 17h, Dimanche à 15h30 - Relâches exceptionnels le 29 janvier à 20h30 et le 12 février à 17h & 20h30 - Durée du spectacle: 1h30
    Tarifs (au guichet) : Carré or:   60€ - 1° catégorie :   52€- 2° catégorie:  38€ - 3° catégorie :  20€

    - de 26 ans: 10 € - Réservations par téléphone ou par internet.

    Avec: Guillaume de TONQUEDEC, Camille AGUILAR, Marc FAYET et Axel AURIANT - Pièce de: Clément KOCH - Mise en scène: José PAUL - Scénographie: Edouard LAUG - Accessoires: Pauline GALLOT - Costumes: Ana BELEN PALACIOS - Lumières: Laurent BEAL assisté de: Didier BRUN - Vidéo: LÉONARD - Musique & son: Romain TROUILLET.

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  • ”Folle Illusion” à La Nouvelle Eve

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    Une fois dépassé les goulots embouteillés des grands boulevards qui se déversent sur la place de Clichy, les petites rues du 9ème arrondissement de Paris font les crâneuses avec leurs frontons de Théâtres qui affichent « complet » tandis que les terrasses débordent joyeusement sur les trottoirs. Rue Fontaine, La Nouvelle Eve « est l'un des plus anciens et des plus élégants théâtres de revue de Paris », c’est la promesse qui est faite. A l’entrée, un cerbère barre le passage avant de vérifier, avec un sourire aimable accompagné d’une petite blague, si le pass vaccinal de chacun est à jour ; dans ces salles de spectacles parisiennes, on ne rigole pas avec les restrictions sanitaires, l’addition est trop chère payée. Avant même de prendre place, les quelques 200 personnes du public de La Nouvelle Eve sont accueillies par des artistes poudrés aux regards pailletés, leurs boucles de cheveux brillantes et des cascades de strass couvrent des épaules robustes qui surplombent des robes ajustées au millimètre. Grandes, presque aériennes tant les talons des escarpins, de couleur or ou argent, sont d’une hauteur vertigineuse, ces divas de la nuit à la voix grave offrent des sourires généreux, des sourires pointés là sur vous, armes irrésistibles, pas de quartier il est ici question de s’amuser !

    Sophisticated Ladies

    La Divine Carolina, maîtresse de cérémonie, distribue les cartes avec humour. Avec une décontraction formidable, elle enchaîne les chansons à sketchs et, tout en valorisant les entrées sur scène de ses camarades, s’assure lors du spectacle de l’attention et de l’engagement joyeux du public. Sous un ciel étoilé limité par un horizon tendu de velours bleu nuit, Léona Winter est la vedette de la soirée, elle livre une performance dont beaucoup reconnaitront l'interprétation si bouleversante repérée dans le show télévisé The Voice (2019,TF1). A ses côtés, Icee Drag On rivalise en puissance vocale, championne elle aussi du petit écran, elle a été remarquée dans l’émission La France à un Incroyable Talent (M6). La célèbre reine de la nuit Golda Shower que l’on a croisé au cinéma dans le film Les Folies Fermières (2021), Jenny FTBN qui joue les ressemblances comme s'il s'agissait de tours de prestidigitation et enfin la sublime Franco Canadienne Gyzel Schatzi et sa beauté magnétique propulsent, grâce à la précision de leur art et leur inventivité, dans des mondes fantastiques !

    The show must go on!

    L’humour comme remède à la morosité ambiante rythme une mise en scène enlevée, signée Miguel-Ange Sarmiento, inscrite dans la pure tradition du cabaret et faisant référence aux codes des grandes revues. Les costumes et maquillages mettent en relief l’expressivité et la personnalité des êtres quasi surnaturels qui font le show, drag queens ou transformistes, nommez-les comme il vous plaira, abordent des mines et œillades complices avec le désir de vous transporter dans un ailleurs où la créativité n’a d’égal que la gaité et la liberté qu’il suggère… En ces temps chahutés où le politiquement correct fait la place belle à l’intolérance, Folle illusion est une leçon de générosité et de liberté plus que jamais nécessaire. Magique, terriblement divertissant et savoureusement drôle, le spectacle est total ! Réservez tout de suite, les places sont rares.

    Laurence Caron 

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  • Acosta Danza à Chaillot jusqu'au 18 mars

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    Cuba. L’ile caribéenne écrasée par le soleil subit une histoire politico-sociale plus que mouvementée, cependant la musique et la danse ont toujours fait acte de résistance. Avec ses cabarets et ses grands orchestres, des styles musicaux puissants se sont créés et se sont répandus sur toute la planète, comme le Son, la Rumba, le Bolero, le Mambo, le Cha Cha Cha. Seulement, cette créativité s’est mise en sommeil dès 1959 lors de l'arrivée au pouvoir de Fidel Castro. Les cabarets de la Havane ont fermé, l’industrie touristique s’est éteinte et de nombreux artistes ont fui vers les États-Unis. Pour autant, la musique ne s’est pas complètement tue et la danse, même si elle s’est faite à pas feutrés, est resté dans les jambes, les hanches, les bras et les épaules. Avec les artistes, la danse et la musique ont voyagé, elles se sont enrichies d’influences portoricaines et d'intentions jazz et rock venues du fin fond des boîtes Newyorkaises jusqu’aux années 1990. Enfin, sur le territoire, malgré la chape de plomb posée sur la culture cubaine, la culture populaire a poursuivi son chemin, elle s’est étoffée et la salsa est née.

    Le danseur et chorégraphe Carlos Acosta, enfant de la Havane, a été remarqué en 1990 lors du Prix de Lausanne, ce fut le coup d’envoi d’une brillante carrière menée à travers le monde : English National Ballet, le Ballet national de Cuba, le Houston Ballet, l’American Ballet Theatre,… Il a signé des chorégraphies pour le Royal Ballet de Londres dont il a également été membre permanent et promu Principal Guest Artist en 2003.

    Depuis 2016, Carlos Acosta ne voyage plus seul, il a fondé Acosta Danza, des danseurs cubains formés aux rudiments de la danse classiques auxquels le chorégraphe infuse une technique contemporaine intiment liée à une danse cubaine, la recette est étonnante, gracieuse, profonde et dynamique. De la dualité de cette histoire cubaine, à la fois compliquée et passionnée, la compagnie Acosta Danza y puise une énergie hors du commun.

    Ils sont jeunes, ils sont beaux et ils sont déterminés à danser jusqu’au bout de la nuit !

    C’est à Chaillot, au Théâtre National de la Danse, que la compagnie cubaine fait une halte dans le cadre de sa tournée internationale. De jeunes chorégraphes offrent pour l’occasion des écritures contemporaines.

    On remarque les chorégraphe cubains. Raul Reinoso et sa pièce « Liberto » qui propose une très beau récit mêlant tradition, poésie et ésotérisme. Puis, « De Punta a Cabo », signé Alexis Fernàndez (Maca) et Yaday Ponce, transporte les interprètes et le public sur le Malecon de La Havane, la célèbre avenue du bord de mer, une véritable fresque cubaine, bourrée de charme et si vivifiante.
    La chorégraphe ibérique Maria Rovira dessine un solo « Improranta » d’une sensualité athlétique, féline, dont l’incroyable danseuse Zeleidy Crespo en fait une interprétation exceptionnelle. Enfin, le Suédois Pontus Lidberg affiche un style néo-classique dont les envolées jazzy font penser à la virtuosité de Balanchine, son « Paysage, Soudain, la nuit » est une sorte d’acte blanc, un hommage à l’esthétisme cubain extrêmement soigné, du sur-mesure pour la compagnie.

    100% Cuban est 100% réussi !

    Sur des musiques afro cubaines orchestrées par un savoir-faire électro qui prend tout son sens, ce melting pot de techniques qui passe de la rumba aux pointes révèle une maîtrise et un travail sensationnel de la part des danseurs de Carlos Acosta. La précision, avec laquelle les déplacements sont réglés, est très impressionnante, et - cerise sur le gâteau -Acosta Danza déploie une fougue et une joie de vivre/danser terriblement communicative.

    Laurence Caron

    Photo : Zeleidy Crespo performs Impronta (Johan Persson)
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  • Le Principe d'incertitude au Théâtre Montparnasse

    simon stephens,louis-do de lencquesaing,laura smet,jean-pierre darroussin,theatre montparnasseA la gare de Saint Pancras, le regard de Georgie, une extravagante américaine de 40 ans, croise celui du très discret Alex, de 30 ans son ainé. Une curieuse rencontre entre ces deux personnages que tout oppose... 

    Magnétique. Il suffit à Laura Smet d’envoyer sa paire d’yeux bleus dans les projecteurs pour emmener tout et tous à sa suite, elle a un truc qui relève de l’instinct et qu’on n’explique pas. C’est sa toute première fois au théâtre. Est-ce que cela a réellement de l’importance pour celle dont le prénom a été chanté tant de fois sur les plus grandes scènes et applaudit par le plus grand public que l’on puisse imaginer ? Peut-être… pour excuser un certain ton monocorde de sa voix qui ne sait pas toujours comment se placer pour emplir le vaste Théâtre Montparnasse ou pour cette façon de jouer tendue qui menace de couper son souffle et qui s’apprête à libérer ce trac terrible, cette bête prête à bondir, à attaquer ? Peut-être… Pourtant, sans choisir la facilité, la comédienne s’est avalée une sacrée tartine de texte, un texte difficile pour lequel Jean-Pierre Darroussin réplique souvent par de longs et profonds silences dont lui seul a le secret. De sa magistrale tenue de jeu, Darroussin couve sa protégée, il la guide, la laissant s’accrocher à son implacable maitrise des situations et à son phénoménale talent  pour occuper l’espace tout entier. Ainsi inspirée, dans une sorte de pudeur fragile qu'elle balaye d'un sourire, Laura Smet transforme l'essai en une performance troublante.

    " Les voies du cœur sont impénétrables. Et elles aboutissent souvent à des attirances et à des accouplements étranges. Des extrêmes se rencontrent malgré les lois formelles de la géométrie...." Jean Noli.

    Dans une mise en scène de Louis-Do de Lencquesaing, le propos du « Principe d’incertitude », du Britannique Simon Stephens -en référence à la théorie quantique d’Heisenberg- dissèque la fragilité de l‘être, l’opération est précise comme pour chaque expérience tout est une question du point de vue, celui sur lequel on se place.

    Le désespoir qui assaille les deux protagonistes les verse dans un tourbillon d’émotions. Toute cette douleur est heureusement rythmée par quelques traits d’humour parfois cruel, pour tenir le coup. La vie en somme. A leur façon, si différentes et si particulières, les deux artistes sont d’une sincérité folle, les peaux de leurs personnages sont à vif. Les décors, costumes et effets sont oubliés, et d’ailleurs on se demande pourquoi avoir ajouté autant d’apparats, les interprétations proposées et la puissance du texte se suffisent à elles-mêmes. Les noms, ces "têtes d’affiches" de cette rentrée théâtrale, sont eux aussi oubliés, il n’y a plus que Georgie et Alex et on doit s’avouer vraiment très chanceux d’avoir été témoin de leurs vies.

    Laurence Caron

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