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  • Robert Hirsch est un chorégraphe de l'Humanité

    laurence caron-spokojny,théâtre hébertot,robert hirsch,isabelle gélinas,ladislas chollat,bernard yerles,eric boucher,marie parouty,noémie elbaz- Mais il ne doit pas vraiment avoir la maladie d’Alzheimer pour arriver à se souvenir d’un si long texte ? » : tout est dit. Cette phrase incroyablement naïve citée par ma voisine de rang, hier soir au Théâtre Hébertot, donne la mesure du talent du plus grand acteur français, aujourd’hui inégalé, celui de Robert Hirsch, et définit aussi la juste et raffinée écriture de Florian Zeller (déjà sa septième pièce écrite). 

    Robert Hirsch est en grande forme !

     

    De sa toute puissante générosité, Robert Hirsch, clown absolu, incarne non pas Le Père mais tous les pères à la fois. Sa voracité est intacte, passé 88 ans, l’acteur distille mimes, grimaces, entre apartés savants et danses sautillantes, pour donner vie à ce personnage qui lui ressemble pourtant si peu, et dont s'échappe plus de cinquante ans de carrière. 

    Sur la scène du Théâtre Hébertot, une lutte est engagée, l’implacable injustice de la fin de vie et le despotisme de la maladie se sont abattus sur cette Humanité qui se défend à coups d’humour et d’amour. L’intention de Florian Zeller absorbe tout entière ses comédiens, elle les précipite dans les délires et les souvenirs du Père : les scènes se juxtaposent, se confondent en un ballet angoissant, savamment rythmé par la mise en scène de Ladislas Chollat. Le jeune metteur en scène marque par de très précis levés et tombés de rideau, le voile noir qui habille peu à peu la mémoire lacunaire du Père. 
    Le Père vieillit, péniblement, Alzheimer et ses spectres d’ombres qui grignotent sa mémoire tentent de l’engloutir définitivement, l’homme se débat et son entourage y assiste accablé et incapable.
    Lorsque Le Père est rattrapé par ses souvenirs et ses cruels instants de lucidité, il défoule alors ses sarcasmes sur sa fille aînée, dévouée et aimante, dépassée, elle aussi, par une situation compliquée qui reste sans solution pour la plupart d’entre nous. Devons-nous garder auprès de nous nos parents vieillissants ou bien les confier à des institutions ? La question reste en suspens, sans véritable réponse idéale : le travail, la situation géographique, les moyens financiers et d’autres contraintes bien matérialistes viennent s’en mêler pour faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. 

    Isabelle Gélinas est remarquable, Bernard Yerles, Eric Boucher, Marie Parouty et Noémie Elbaz offrent un jeu parfait et sensible. Ces comédiens sont de bien belles personnes, ils portent une attention tout particulière, sensible et admirative, au maître des lieux, Robert Hirsch. 
    Le comédien n’a pas quitté son masque à deux visages, il glisse avec grâce entre le tragique et le burlesque, il est de ceux dont on ne sait jamais s’il va nous faire rire ou bien pleurer, si ce n’est les deux à la fois… Oscillant entre un jeu dépouillé à l’extrême, bouleversant à vous arracher un ruisseau de larmes incontrôlable, et sa grande hâte de trop en faire, Robert Hirsch est magistral, léger comme un enfant joyeux et débordant de tout ce qu’il a encore à nous montrer. 

    Robert Hirsch est au sommet de son art, comme il l’a toujours été. 

    Laurence Caron-Spokojny

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  • Fureur au Théâtre de l'Essaïon : une rage terriblement drôle !

    fureur,theatre essaion,victor haïm,stéphanie wurtz,benjamin bollenLa musique classique est un art qui s'approche du divin, et ceux qui tendent à la maîtriser peuvent parfois se considérer comme des sortes de divinités… 
    C’est le cas pour le  Maestro crée par Victor Haïm, formidablement interprété par Benjamin Bollen et astucieusement mis en scène par Stéphanie WURTZ, les lundis soirs sous la voûte (céleste pour cette fois) du Théâtre Essaion.

    Les musiciens d’orchestre sont un genre d’artistes à part… La formation en orchestre leur permet de faire corps afin de défendre leurs droits, dans un théâtre, ou bien face à un chef d’orchestre trop exigeant. Ce soir là, le chef d’orchestre a dépassé les bornes, et ses musiciens, syndiqués pour la plupart, ont décidé de le virer, le vote s’est prononcé à l’unanimité sauf une voix.

     

    Le Maestro mégalomane donne sa dernière répétition avec son orchestre ; soulevé par sa colère, aiguisé par son extrême niveau d’exigence et emporté par la vision absolue, presque inatteignable, de son œuvre, le chef est en pleine fureur. Et cette fureur le (très grand) talent de Benjamin Bollen s’en empare avec une gourmandise féroce, le jeune comédien a compris autant la part d’ombre que la part de flamboyance du personnage créé par Victor Haïm. Avec  un jeu adroit, comme projeté (sans filet) passionnément dans son rôle, Benjamin Bollen ratisse un large répertoire ; ses mimiques inspirées par Louis De Funès rendent un hommage touchant au grand acteur,  mais son jeu ne s’arrête pas là, il ne baisse la garde à aucun moment. Fondu par sa passion de la musique, le personnage se débat : la musique, les musiciens, sa mère et lui-même sont des ennemis intimes impitoyables. Le ton est burlesque et raffiné mais le propos est rageusement dramatique, tenu par une tension incroyable qui ne faillit à aucun moment pendant 90 minutes. La perruque mozartienne, aux cheveux aussi blanc qu’Herbert Von Karajan, et le teint livide du travailleur acharné de la musique, ajoutent à l’extravagance du personnage.

    L’intelligence du texte raisonne d’autant plus que le Maestro s’adresse à l’ensemble du public comme à ses propres musiciens, l’idée est simple et efficace : le public est plié de rire ! Le premier violon à sa gauche est un bouc émissaire silencieux alors que le premier violoncelliste sur sa droite ricane… Et la musique se fait, très délicieusement diffusée, ce qui est rare dès qu’il s’agit d’une enregistrement, et en mesure, n’en déplaise au chef, par un arrangement de lumières savantes qui fait totalement oublier l’étroitesse de l’espace.

    Ce spectacle s’adresse à tous, mais si vous aimez la musique classique et si en plus vous connaissez un peu l’envers du décor, vous allez passer un instant savoureux… totalement inoubliable !

    Laurence Caron

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  • La série Homeland sur Canal+, quand la fiction flirte de trop près avec la réalité

    homeland,claire danes,tv,canal+,damian lewisLa  64e cérémonie des Emmy Awards vient de récompenser la série Homeland mais aussi ses deux acteurs principaux, Claire Danes et Damian Lewis, pour les prix du meilleur acteur et de la meilleure actrice. 

    La série dramatique inspirée par le traumatisme post 11 septembre évite les travers, souvent très prononcés dans ce type de série, d'une sauce américaine un peu trop forte: les méchants (les terroristes) ne s'avèrent pas si méchants et les gentils (les américains) semblent parfois manquer de scrupules. 

    Sur un rythme enlevé, l'esprit est alerté, les acteurs charment et malgré quelques manques de partis pris de mise en scène, la fiction se noue à une réalité que nous souhaiterions éloigner. 
    Surtout ne zappez pas entre le journal télévisé et un épisode de Homeland, vous risqueriez de vous y perdre. Terrifiant.

    Laurence Caron-Spokojny

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  • Histoire de voir, show and Tell, à La Fondation Cartier

    Il faut se précipiter à la Fondation Cartier pour admirer l’exposition « Histoire de voir, show and Tell » avant le 21 octobre. Les artistes exposés proposent un étonnant voyage des contrées australes aux rives de l’Amazone, des plages caribéennes aux quartiers de Tokyo, le monde entier s’exprime.

    Le langage est vif, spontané, authentique. L’art redevient compréhensible (au cas où vous auriez perdu le fil, ce qui arrive lorsqu’il s’agit d’art contemporain), brut ou sophistiqué, il raconte une histoire, souvent des souffrances, des guerres ou bien des catastrophes naturelles, mais aussi des mariages, des naissances et des joies.
    Ces artistes dont on dit «qu’ils n’ont pas suivi de cursus artistiques classiques» touchent juste, le symbolisme des couleurs, les matériaux utilisés, la vélocité du tracé, il y a quelque chose qui relève de la musique (world music évidemment) dans ces expressions picturales et sculpturales.

    Juste avant d’arpenter les allées de la FIAC, je vous recommande vivement ce voyage à la rencontre des origines. Ces œuvres, dites « naïves », qui démontrent que l’art tout entier est uniquement l’expression de l’âme humaine, vous invitent à comprendre qu’il s’agit ici de réenchanter notre vision du monde, en toute simplicité... La fondation Cartier y est parvenue.

    Laurence Caron-Spokojny

    Première visite ici : Fondation Cartier

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  • Cabinet de curiosité : des Dinosaures rue du faubourg St.Honoré...

    Des spécimens rares et inédits de dinosaures, découverts récemment aux Etats-Unis et exposés tout l'été à l'Institut de paléontologie humaine, sont mis aux enchères chez Sotheby's à Paris le 13 octobre aux côtés de dizaines d'autres fossiles et cristaux.

    PARIS (AFP) - Des spécimens rares et inédits de dinosaures, découverts récemment aux Etats-Unis et exposés tout l'été à l'Institut de paléontologie humaine, sont mis aux enchères chez Sotheby's à Paris le 13 octobre aux côtés de dizaines d'autres fossiles et cristaux.

    Sotheby's,laurence caron

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Les lots, exposés à partir de vendredi chez Sotheby's, comptent trois invités de marque, dont un impressionnant Suuwassae emiliae de 11 mètres, espèce de diplodocus herbivore à long cou qui a vécu à la fin du jurassique (-147 millions d'années environ). Cet exemplaire, complet à 75%, n'est que le second à avoir été découvert au monde et est estimé entre 900.000 et 1,2 million d'euros.

    Amateurs et acheteurs pourront également admirer "Clover", un Ténontosaure de 6 mètres, vieux de 125 à 99 millions d'années, doté d'une grande gueule et d'une queue très puissante dont il se servait comme d'un fouet pour se défendre (estimation entre 600 et 700.000 euros).

    Fait extrêmement rare, ce spécimen est complet à 98% et n'a jamais été retouché, raison pour laquelle il est présenté dans sa gangue d'origine.

    La vedette de la vente consacrée à l'histoire naturelle reste un Prosaurolophus maximus de plus de 11 mètres qui a la particularité d'avoir été fossilisé avec sa peau "imprimée dans la pierre". Les exemplaires de ce type de "dinosaure momie" se comptent sur les doigts d'une main. Il est estimé entre 1,2 et 1,5 million d'euros.

    Quelque 25.000 visiteurs sont venus admirer ces stars préhistoriques à l'Institut de paléontologie humaine de Paris, exceptionnellement ouvert au public cet été. Un concours, organisé avec le magazine Sciences et Vie Découverte, a permis à près de 1.500 enfants de baptiser les deux dinosaures anonymes: le grand diplodocus s'appelle désormais "Ike" tandis que le "dinosaure momie" répond au nom de "Moï".

    La vente propose aussi des lots plus abordables comme ces trois oeufs de dinosaures découverts dans le sud de la France (8.000 à 10.000 euros), un groupe de trilobites fossiles (arthropodes marins du Paléozoïque, 6.000 à 8.000 euros), des papillons naturalisés, des cristaux ou des bois pétrifiés.

    A l'automne 2010, la première vente entièrement consacrée à l'histoire naturelle chez Sotheby's avait remporté un vif succès, avec un montant total de près de 2,8 millions d'euros, selon la maison de vente d'origine britannique.

    © 2011 AFP

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  • « Résiste » au Palais des Sports, la comédie musicale de France Gall et Bruck Dawit

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    En réponse à l’envie -irrésistible- de France Gall, l’habileté musicale de Bruck Dawit, et sous la houlette du producteur Thierry Suc, la comédie musicale «Résiste» illustre quelques compositions choisies de Michel Berger au Palais des Sports.

    Rallongé à grandes cuillerées d’eau de rose, le propos n’a pas grande importance : deux filles et leur père tiennent une boîte de nuit le Lola’s (impossible de ne pas penser au bar de Starmania), il y a des gentils et mauvais garçons (Ziggy ?), des péripéties peu palpitantes, une jeunesse qui se cherche (encore), et en filigrane une grand-mère (France Gall) qui raconte une histoire à sa petite fille… L’intérêt n’est pas là, même si pour tenir ce livret Laurent Hennequin (le père) fait preuve d’un charisme et d’un jeu tout à fait digne des scènes des meilleurs Théâtres. Le mérite de «Résiste» est surtout d’avoir évité les travers du biopic, un exercice souvent casse-gueule qui la plupart du temps égratigne l’image d’un artiste. Pour cette fois, l’intelligence est d’avoir confié les compositions de Michel Berger à de très jeunes chanteurs et danseurs. L’effet est saisissant !

    C’est une troupe joyeuse de jeunes artistes aux charmes ravageurs, la musique et la danse enivrent les spectateurs qui se lèvent tous d’un même élan dès les premières notes attaquées par l’orchestre qui joue en live (pour une fois !) sur scène. « La groupie du pianiste », « Débranche », « Musique », « Si maman si », « Il jouait du piano debout »… : c’est une déferlante de succès, de chansons sincères et vibrantes, dont on redécouvre l'intensité des paroles avec émotion. L’effervescence est à son comble, le public chante et danse, projeté pour un temps sur la piste de danse du Lola’s. Malgré l’acoustique à jamais déplorable de la salle du Palais des Sports, les arrangements et l’orchestration sont très à la hauteur du grand mélodiste. Les trois chanteuses, Léa Deleau, Elodie Martelet et Corentine Collier affichent des personnalités bien trempées aux côtés du très sensible, et très juste, Gwendal Marimoutou pour qui la route semble déjà toute tracée.

    Comme à son habitude, Ladislas Chollat enchaîne les inventions artistiques, ses projections vidéos enchantent la scène et lui donnent une profondeur rarement égalée dans cette salle, les décors s’animent comme les pages d’un livre, et les tableaux se succèdent, vite. La scène du Palais des Sports prend parfois les allures regrettées d’un show télévisé, comme ceux de Maritie et Gilbert Carpentier, ou bien rivalise avec les effets des concerts pop du Stade de France. Et puis, il y a la chorégraphie aux accents hip-hop de Marion Motin, elle ajoute à l’intemporalité absolue de la musique, les danseurs sont tous exceptionnels.

    En fait, il n’y a rien de « vintage », dans ce spectacle-là, même s’il s’agit d’un artiste qui nous a quitté il y a plus de 30 ans et dont la carrière a fortement résonné entre les années 70 et 80. L’effet « générationnel » attendu du spectacle est oublié, c’est un écrin neuf qui accueille l’œuvre de Michel Berger, archi-rythmée et terriblement vivante. 
    C’est bon, vraiment très très bon !

    Laurence Caron-Spokojny

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  • Reprise de Shaman & Shadoc dès le 23 mars au Lavoir Moderne Parisien

    theatre,lavoir moderne parisien,guillaume orsat,shaman & shadoc,pierre margotExcellente et détonante comédie existentielle et solitaire en deux acteurs, une ombre et quelques tableaux, découverte en 2017 au Théâtre Essaïon.

    La reprise est annoncée en mars au Lavoir Moderne Parisien.

    "Shaman et Shadoc sont sur un banc. Sale endroit pour une rencontre. Qui est qui ? Qui veut quoi ? Deux solitudes, une ombre, des rongeurs. Et puis ces fantômes qui remontent à la gorge. Une fable tragico-immobilière à déguster entre noix et comté."   

    Réservation ICI   Lire l'article 

     

     

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  • Quand la Maîtrise des Hauts-de-Seine se met en scène : Didon et Enée

    didon et énée,purcell,la belle hélène,offenbach,la maîtrise des hauts de seine,alix le saux,gaël darchen,david thénard,choeur unikantiCe n’est pas un hasard si la Maîtrise des Hauts-de-Seine a fait le choix de l’Opéra Baroque de Purcell Didon et Enée. C'est une œuvre à la fois lyrique, théâtrale et chorégraphique qui décloisonne les arts et a pour vocation d’inspirer la jeunesse.

    En 1689, Purcell a trente ans, il se glisse derrière le clavecin et confie sa composition aux élèves d’un pensionnat de jeunes filles du quartier de Chelsea à Londres. Plusieurs siècles plus tard au Théâtre de la Garenne Colombes, dans un quartier certes bien moins artistique -mais Chelsea aussi a changé- les jeunes pousses de la Maîtrise des Hauts-de-Seine réaniment Didon et rappellent Enée à la rescousse.  

    Après l'extravagante et lumineuse très Belle Hélène d’Offenbach (au Théâtre des Champs-Elysées en 2017) -dont Offenbach se serait régalé- mise en scène par Julien Girardet. David Thénard, le professeur d’art dramatique de la Maîtrise, ne perd pas de vue l’envie de divertir, ce qui devrait être l’usage -hélas souvent oublié- quand il s’agit des scènes d’Opéra. Assurément, le réalisateur Tim Burton apprécierait l’inventivité, ténébreuse et fantasque, savamment dosée par David Thénard, pour mettre en scène ce chef d’œuvre lyrique. Dans un dispositif scénique bourré d’ingéniosités, les jeunes interprètes ne quittent pas l’univers onirique dessiné par leur metteur en scène et ajoutent à leurs cordes des talents de comédiens dont l’adresse et la modernité feraient regagner leurs pénates prestigieuses à la plupart de leurs aînés... 

    La direction musicale de Gaël Darchen entraîne avec elle le très délicat Ensemble Instrumentale des Hauts-de-Seine, Choeur et solistes s’installent sur la musique sans aucune contrariété, l’harmonie est souveraine. Alix le Saux est Didon. La jeune mezzo-soprano a déjà pris son envol hors du nid, elle a déjà tout d’une grande et affiche un tempérament vif, passant d’Offenbach à Purcell sans sourciller, les couleurs de son timbre et son jeu révèlent un sens pour la fantaisie qui lui sied à merveille. Il est à regretter de ne pas connaître les noms des jeunes artistes qui l’accompagnent, la Maîtrise garde le mystère. Pourtant, il y a une révélation dont le nom se fera connaître à coup sûre : la jeune femme qui interprète le rôle de l’Enchanteresse est, ce que l’on appelle communément, une nature, un talent, un phénomène, autant par son sens du phrasé musical que par son jeu, une grande artiste ! Plus réservé, Enée est un jeune baryton, chic et décontracté, une carrière déjà, à suivre de près. Belinda, la seconde Dame de compagnie, un épatant et très juste marin, esprits, sorcières, et, le très virtuose Chœur de Chambre Unikanti sont formidables.
    Infiniment heureux de partager leur art, les jeunes artistes s’approprient la scène avec un naturel déconcertant, à croire qu’ils y sont nés ; c’est un peu le cas quand on sait que certains petits chanteurs entrent à la Maîtrise dès l’âge de cinq ans… Au sein d’un environnement artistique d’une rare qualité, c’est bien dans ce genre de «production maison» que la Maîtrise des Hauts-de-Seine trouve sa raison d’être, une sorte d’accomplissement, une récompense, et aussi l’émergence de nouveaux talents qui se devinent…

    Laurence Caron

    Après Orphée et Eurydice de Gluck en 2015, L'enfant et les sortilèges de Ravel en 2016, La Belle Hélène d'Offenbach en 2017, le Choeur de Chambre Unikanti inscrit à son répertoire Didon et Enée de Purcell : à découvrir avec la plus grande attention lors de la saison 2017/2018.

     

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  • « Traîne pas sous la pluie », Richard Bohringer au Théâtre de l’Atelier

    richard bohringer,romane bohringer,ne traine pas sous la pluie,j'avais un beau ballon rougeCréé en 2010 au Théâtre de l’Européen à Paris, Traîne pas trop sous la pluie est aujourd’hui sur la scène du Théâtre de l’Atelier pour 30 représentations exceptionnelles. 

    Foudroyé par la maladie alors qu’il jouait J’avais un beau ballon rouge avec sa fille Romane, Richard Bohringer est un rescapé. L’homme revient de loin, du fin fond des arrières salles des bistrots de la banlieue parisienne, des très obscurs faubourgs de Harlem et encore plus loin de sa vibrante et adorée Afrique. C’est tout cela qu’il nous raconte, avec ses  mots. Seul en scène.

    Sur une des piles des livres qui bordent mon lit, il y a toujours eu C’est beau une ville la nuit paru en 1988. Le livre mince se glisse parfois entre Lettre à un jeune poète de Rainer Maria Rilke ou à côté du Vieil homme et la mer d’Hemingway. J’aime ces livres courts, efficaces, directs. A mi-chemin entre Bukowski et Prévert, quand Richard Bohringer raconte une histoire, il slam, et quand il choisit la confidence, il fait des vers. Une pudeur timide, ou une retenue élégante, filtre le flot des mots et des sentiments sincères qui émanent de l’artiste. Sincérité, toujours plus de sincérité. Entre envolées lyriques, mots absurdes, ou métaphores crues, il y a les apartés du comédien, des respirations, souvent drôles, qui nous libèrent un rire bizarre secoué par des larmes. 

    Le public n’est pas séparé de l’artiste par le noir infranchissable, cette frontière artificielle qui sépare la scène du public. Richard Bohringer regarde son public droit dans les yeux, chacun à son tour, comme si ses mots bouleversants et ses images colorées ne suffisaient pas à étourdir son auditoire. Il en a vu le bougre et c’est à son tour de nous en faire voir. C’est un peu douloureux, un peu joyeux, on ne sait plus : vogue la galère ! 

    Richard Bohringer est un homme fleuve sur lequel il voyage, un voyage au long cours aux mille contes et rencontres : acteur, auteur, scénariste, réalisateur, chanteur, poète et citoyen du monde engagé, la vie s’étire. Elle ne lui a pourtant pas toujours fait de cadeau cette vie, mais il a su la vaincre. Il parle d’amour comme on jette de la peinture sur une toile, avec élan et concentration : sa femme, ses enfants et ses copains, de franches et formidables amitiés de celles que l’on envie, beaucoup ne sont plus là, mais ils demeurent des vrais, des originaux, des talentueux, des terribles…

    Allez le voir, allez l’écouter, il vous dira tout ça en beaucoup mieux… 

    Laurence Caron

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  • Noé, Malandain Ballet Biarritz au Théâtre National de Chaillot

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    Les Ballets de Biarritz sont à Paris. Depuis le 10 mai et jusqu’au 24 mai, Thierry Malandain présente la création « Noé ». En mélomane inspiré le chorégraphe accompagne son oeuvre par La Messa di Gloria de Rossini sur le plateau du Théâtre National de Chaillot jamais quitté par vingt-deux danseurs, archi talentueux, pendant près d’une heure trente. 

    ballet de biarritz,rossini,thierry malandain,theatre national de chaillot,Le très prolifique chorégraphe français est animé par tout ce qui est grand - Don Juan, Roméo et Juliette, Lucifer, Le Portrait de l’Enfante, Orphée et Eurydice, L’après-midi d’un faune - entre autres nombreuses créations depuis 1984, et particulièrement par ce qui est mythique notamment avec L’Envol d’Icare, une commande réalisée pour le Ballet de l’Opéra national de Paris, en 2006. 

    Un long banc occupe la profondeur de Chaillot, scène mythique aussi, résolument acquise à ce qu’il se fait de mieux en matière de danse contemporaine. Les danseurs y glissent d’un bout à l’autre dans une alchimie rythmée. Au sol un bleu pacifique et tout autour des vagues de perles bleues enveloppent des interprètes athlétiques et gracieux. Très heureusement, le mythe du déluge n’a pas l’intention de figurer un cortège d’animaux rescapés, Malandain emmène son propos bien au delà, il est question d’une « humanité en mouvement »...  

    Les amateurs se régalent. Malandain dresse un panorama à 360 du mouvement néo-classique. Il y a des poignets noués frappant le plat des cuisses qui rappellent les accents dramatiques de la démente Gisèle de Mats Ek, des ensembles frénétiques échappés du somptueux Sacre du Printemps de Pina Bausch, et des avancées qui se forment et respirent à l’unisson, au son de chants lyriques, comme dans la désormais très classique Neuvième de Béjart. Quelle époque ! La danse est un éternel recommencement comme la musique, toute l’Histoire de l’Art en somme.
    Rien de nouveau sous le soleil donc, sauf que, libérés de cette technicité inventive du 20ème siècle révélée sans contexte par l’impulsion créatrice de Ninjinski, les danseurs de Malandain apparaissent être des créateurs à leur tour et apportent une interprétation magnifique et radicalement contemporaine. L’enseignement atteint la perfection dont il faut prendre de la graine (d’Etoiles). Les personnalités se distinguent les unes des autres. C’est beau et vraiment intéressant même s’il est parfois difficile de capter son attention à la fois sur le mouvement et sur les voix enregistrées, le regard et l’ouïe se font une concurrence acharnée. 

    Noé de Malandain est assurément une anthologie du mouvement pour qui a soif d’exaltation chorégraphique. A apprécier.

    Laurence Caron

    (photo Olivier Houeix) 

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  • ”Simul, Histoire d'Hommes” de Redha Benteifour

    rheda benteifour

    Les sociétés, dans lesquelles nous évoluons, sont souvent porteuses de désillusions, servies par un individualisme forcené, et, bâillonnées par d’encombrants carcans. 

    L'art est toujours porteur de réconfort et a souvent une réponse à proposer : ainsi, ces mêmes sociétés décevantes ont le mérite de faire naître des artistes qui savent traduire ce désarroi ou exprimer des révoltes face à cette somme infinie d’indifférence. Pour cette fois, c’est le chorégraphe Redha Benteifour  qui est à l’origine de ce genre d’œuvre, sous le titre « Simul », interprétée par sa magnifique compagnie de danse.
    L’homme use de la chorégraphie comme d’une glaise épaisse et rugueuse, Redha malaxe la substance, il laisse volontairement émerger les aspérités, une sorte de vocabulaire en reliefs. Il y a des ensembles merveilleux, des enchaînements de virtuose, la rigueur sophistiquée d'une danse brute, presque primitive, une danse à corps et à cris.  

    Depuis trente ans, Redha Benteifour est un chorégraphe et metteur en scène, très connu et reconnu, pour ses créations et réalisations au cinéma, à la télévision, comédies musicales et clips musicaux, ou pour de grands évènements. Redha est avant tout un de nos très grands chorégraphes de danse contemporaine pure, de ceux qui transforment le chaos en poésie, de ceux qui éclairent suffisamment l’insignifiant pour qu’il devienne remarquable, et surtout, de ceux qui rendent notre monde forcément meilleur. 

    « Simul, Histoire d’Hommes » est ‘un bal de personnes en mal de vivre’ L’atmosphère urbaine aux angles bétonnés se révèle d’une grande poésie ; les danseurs délicats et puissants, uniquement des hommes, se distinguent par leurs histoires et leurs origines, différentes, colorées. Le dépouillement de la scène, et, de ses hommes qui semblent perdus, se modifie peu à peu, s’enrichit de sentiments et de mille rencontres : toute une humanité qui se déploie en 1h15 de spectacle. Il y a de la beauté et de la profondeur, un fort ressenti. 

    Le ballet « Simul » s’est produit pour deux représentations au Théâtre du Gymnase, les prochaines dates sont à suivre avec la plus grande attention !

    Laurence Caron

     

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  • ”Je m’appelle Erik Satie comme tout le monde » au Théâtre de La Contrescarpe

    elliot jenicot,anaïs yazit,laetitia gonzalbes,tim aknine,david enfrein,claire avias,suki,jennifer karen,axel krot,erik satie,theatre de la contrescarpeIl y a d’abord deux interprètes. Anaïs Yazit est une tragédienne géniale et un clown adorable, et l’inventif Elliot Jenicot dont les possibilités d’interprétation semblent infinies. Le compositeur Erik Satie hante les lieux et va jusqu'à prendre possession d'Elliot Jenicot. Entre extravagance et intériorité, le voyage est mouvementé et passionnant. 

    « Erik Satie vécut emmitouflé dans son ironie. » (Roland de Candé dans son Nouveau Dictionnaire de la musique). Le personnage d'Erik Satie transporte avec lui juste ce qu’il faut de poésie pure et de pitreries finement interprétées par Elliot Jenicot. Car pour parler d’un drame, il n’y a rien de mieux que l’humour. Erik Satie a transformé la perception de la musique, l’auteur et metteur en scène Laetitia Gonzalbes s’en inspire pour l’appliquer à la perception de la folie, un spectacle inclassable.

    elliot jenicot,anaïs yazit,laetitia gonzalbes,tim aknine,david enfrein,claire avias,suki,jennifer karen,axel krot,erik satie,theatre de la contrescarpeLe drame qui se joue évoque une douleur abyssale, de celle dont on ne se remet pas. Pourtant, l’auteur, à grands renforts d’amour et de musique, ne s’épanche pas en de dégoulinantes considérations, bien au contraire. Laetitia Gonzalbes touche l’essentiel en usant d'un humour particulier, celui des timides. Epaulée très artistiquement par Tim Aknine et David Enfrein, Laetitia Gonzalbes réunit un vocabulaire varié inspiré de la caricature (par les remarquables et très vivantes illustrations projetées de Suki), de la poésie, de la musique, de la danse ainsi que de la pantomime, pour créer un seul et unique langage. Une langue à part entière, tout entière vouée à créer de la beauté et à divertir tout en transmettant des sentiments justes. Un grand écart artistique, une parabole peut-être, sur la vie du compositeur qui fut obligé de travailler dans des cabarets pour gagner sa vie alors qu’il demeure un des plus grands compositeurs à la création radicalement révolutionnaire et visionnaire.

    elliot jenicot,anaïs yazit,laetitia gonzalbes,tim aknine,david enfrein,claire avias,suki,jennifer karen,axel krot,erik satie,theatre de la contrescarpePour soupirer de tendresse, « Je m’appelle Erik Satie comme tout le monde » est un spectacle qui chamboule l'âme. Il est à partager intensément avant qu’il ne s’échappe du Théâtre de La Contrescarpe pour une très longue vie.

    Laurence Caron

     

    Pour être complet, il faut lire "Les parapluies d'Erik Satie" de Stéphanie Kalfon (Gallimard/ Folio), un livre qui tombe de la table de chevet pour se porter comme un talisman. Je ne peux plus m'en passer.   

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  • PATRICK MILLE & FLORENT MARCHET : RELIRE ARAGON AU THEATRE DE LA GAITE MONTPARNASSE

    patrick mille,florent marchet,relire aragon,gait2 montparnasse,aragonAu Théâtre de la Gaité Montparnasse, dans une ambiance intimiste, de la poésie engagée et des textes concernés. Rares. Nous sommes ici en territoire privilégié. Patrick Mille et Florent Marchet ont créé un canevas ténu pour rattacher les mots aux notes et pour fondre et confondre les sentiments en mélodies. « Relire Aragon» - malgré la difficulté apparente de la poésie de l’intellectuel communiste le plus respecté - coule comme de l’eau parfois débordante de sentiments ou déferlante en vagues rageuses.

    Le génie littéraire d’Aragon traverse les époques. Après Ferré, Ferrat, Brassens, Brel jusqu’à Thomas Dutronc, Patrick Mille et Florent Marchet ont su intercepter ce pouvoir intemporel pour le transformer en une interprétation musicale qui vise juste pour toucher droit au cœur. Dans le choix des textes d’Aragon réalisé par le duo, Le fou d’Elsa parle aussi souvent d’amour, le grand et l'absolu, un amour qui va au delà de la vie terrestre pour arriver jusqu’ici.  Sur un air de dadaïsme et de surréalisme, Mille et Marchet semblent puiser leur inspirations, conscientes ou inconscientes, dans les moments les plus remarquables de la chanson française. Des rythmes serrés rappellent le phénomène du groupe Trust, lorsque Bernie Bonvoisin rassemblait des foules brûlantes répétant à l’unisson les refrains de Antisocial dans les années 80. Brel veille aussi au grain, et la haute et élégante stature du slameur de Seine Saint-Denis, Grand Corps malade, semble parfois sortir de l’ombre...

    Inspirés mais uniques, Patrick Mille et Florent Marchet offrent une toute nouvelle lecture d’Aragon, un peu pop et radicalement rock !

    Laurence Caron

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  • La vie de Galilée jusqu’au 9 octobre à La Scala

    theatre,la scala,la vie de galilée,Bertolt Brecht,Claudia Stavisky,Philippe Torreton,Gabin Bastard,Frédéric Borie,Alexandre Carrière,Maxime Coggio,Guy-Pierre Couleau, Matthias Distefano,Nanou Garcia,Michel Hermon,Benjamin Jungers,Marie Torreton,Alexandre Paradis,Lili Kendaka,Franck Thévenon,Jean-Louis Imbert,Michaël Dusautoy      Nous sommes à la fin d’un monde... Pour beaucoup d’entre nous, c’est l’impression que nous avons : les dérives de la mondialisation, le réchauffement climatique, les guerres terroristes, cyber attaques et autres Big Brother are watching us. Un monde s’éteint pour laisser place à un autre, dans le meilleur des cas. Les changements qui s’opèrent sont difficiles à appréhender et souvent violents à vivre. Pour toutes ces raisons la pièce La vie de Galilée de Bertolt Brecht s’inscrit dans notre actualité. L’histoire est un éternel recommencement et l’obscurantisme trouve toujours une manière de s’y infiltrer pour étendre son ombre.

    Rendez-vous donné à La Scala.

    En 1929, les nazis brûlent l’œuvre de Brecht lors de l’autodafé du 10 mai, l’auteur marxiste quitte l’Allemagne. C’est au Danemark en 1938, sa terre d’exil, que Brecht écrit La vie de Galilée, il tisse alors des liens entre le pouvoir de l’inquisition au 17ème siècle qui bâillonne les avancées scientifiques et l’Allemagne nazie des années 30 qui exerce une dictature tout aussi réactionnaire.

    - Qui ne connaît la vérité n'est qu'un imbécile. Mais qui, la connaissait, la nomme mensonge, celui-là est un criminel ! »

    S’appuyant sur l’hypothèse de l’héliocentrisme, théorie physique développée par Corpenic en 1543 (Des révolutions des sphères célestes) lui même largement inspiré des astronomes et philosophes grecs, Galilée défend le principe que la Terre est en rotation autour du soleil. Alors que la toute puissante Eglise catholique a décrété que la Terre est au centre du Monde, le ciel à Dieu et la politique ficelée aux grilles du Vatican. Le monde à cette époque ne saurait souffrir d’être contredit sur ces points.

    En 1616, l’Eglise déclare l’héliocentrisme comme hérétique. Galilée, menacé de torture, est obligé de se rétracter sur ses découvertes et termine sa vie en résidence surveillée.

    Un grand comédien pour un grand homme

    De cette vie de scientifique et d’homme passionné, Philippe Torreton fait sienne. Magistral ! Le grand comédien crée un Galilée plus vrai que nature dans une mise en scène extrêmement juste de Claudia Stavisky, la directrice du Théâtre des Célestins de Lyon. On ne saurait imaginer Galilée autrement que dans la peau de Torreton. Le texte est dense, l’intention est profonde. C’est une fresque biographique très rythmée qui scanne la vie de Galilée pendant plus de 2h30, à la vitesse de l’éclair.

    Galilée est malin, il bidouille la lunette astronomique en un tour de main. L’invention de la lunette existe déjà en Hollande mais l’astronome l’adapte à la lecture de la voûte céleste.

    Galilée croit en la raison ; à tel point que son remarquable excès de zèle pour la science et son enthousiasme débordant l’éloignent de toute prudence vis à vis de ses bienfaiteurs religieux, ce que furent ces mécènes incontournables des sciences, des arts et de la philosophie pendant des siècles. Face aux protecteurs de l’Ecriture sainte, il fait fi des recommandations attentives de son plus proche entourage : l’épatante Nanou Garcia dans le rôle de Madame Sarti et la très sincère Marie Torreton dans le rôle de Virginia. Les comédiens Michel Hernon et Guy-Pierre Couleau se partagent plusieurs rôles avec une élégance racée, de celle qui distingue les grands interprètes. Plongés dans la pénombre brumeuse de Franck Thevenon transformée par les dimensions sobres voulues par Lili Kendaka, animés par les vidéos de Michaël Dusautoy et éclairés par la voie lactée que l’on aperçoit scintiller dans les yeux de Philippe Torreton : tous sont formidables, justes, à la hauteur de ce texte engagé !

    - Et pourtant elle tourne ! »

    Après avoir vu les instruments de torture exposés par les bourreaux pontificaux, Galilée abjure, brisé. Symbole du martyr face aux dogmatismes philosophiques, Galileo Galilei s'exprimera plus tard, un acte ultime de résistance, en offrant à l'Humanité un cadeau-testament, l’écriture de ses Discorsi. Il parviendra à faire échapper ces textes d’Italie faisant de lui le fondateur de la physique et des sciences exactes.

    A voir absolument.

    L. Caron.

    La vie de Galilée

    texte Bertolt Brecht- mise en scène Claudia Stavisky

    avec Philippe Torreton, Gabin Bastard, Frédéric Borie, Alexandre Carrière, Maxime Coggio, Guy-Pierre Couleau, Matthias Distefano, Nanou Garcia, Michel Hermon, Benjamin Jungers, Marie Torreton

    assistant à la mise en scène Alexandre Paradis
    scénographie et costumes Lili Kendaka
    lumière Franck Thévenon
    son Jean-Louis Imbert
    vidéo Michaël Dusautoy

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  • La Pastorale jusqu’au 19 décembre au Théâtre National de Chaillot

    thierry malandain,ludwig van beethoven,jorge gallardo,françois menou,ballet biarritz,chaillot,thÉÂtre national de la danse,nijinsky,bejartQuadrillé de barres métalliques, le décor graphique de la scène de Chaillot revendique une nouvelle fois toute sa contemporanéité. Ici, la danse avance, vigilante aux mouvances de l’art de la chorégraphie sans jamais ignorer la création made in France, bien au contraire. Thierry Malandain fait partie de ce formidable élan, il vient d’ailleurs d’être nommé à l’Académie des Beaux-Arts, section chorégraphique, aux côtés de Blanca Li et Angelin Prejlocaj. En 2017, le ballet Noé avait reçu le prix de la « meilleure compagnie » par l’Association professionnelle de la critique de théâtre, de musique et de danse. A cette époque La Messa di Gloria de Rossini avait guidé l’inspiration du chorégraphe, pour cette fois Beethoven est le grand inspirateur,  la Symphonie n°6 en fa majeur, opus 68, dite La Pastorale, composée entre 1805 et 1808, est l’occasion de fêter le 250ème anniversaire de la naissance de l’inventeur du romantisme.

    Avant son retour à la Gare du Midi de Biarritz, les 28 et 29 décembre prochains, et la création mondiale à l’Opéra de Bonn le 23 décembre, La Pastorale est en avant-premières exceptionnelles à Chaillot. Les vingt-deux danseurs du Ballet de Biarritz se sont frayés un chemin, dans un Paris pollué, vrombissant et klaxonnant, pour montrer toute l’expressivité esthétique de la nature.

    « Aujourd’hui, la nature n’est plus seulement synonyme de rêverie…, elle est devenue une urgence » Thierry Malandain.

    Collés ou noués, sortes de chrysalides extirpées d’un maillage aux reflets froids, les danseurs de Malandain sont athlétiques, les jambes et les coups de pieds s’enroulent comme des rubans et se tendent comme des arcs pendant que Beethoven couvre Chaillot d’un ciel orageux, sombre et menaçant. Le Ballet de Biarritz se décline en solo, duo, trio et groupes dans un rythme soutenu, aucune hésitation, aucune errance, l’intention du chorégraphe est forte et ses danseurs lui rendent à force égale. Les jeunes interprètes racontent une danse rigoureuse, la discipline de la danse classique ne lâche rien et dessine une chorégraphie d’une grande précision. Une attention toute particulière est donnée par les lumières de François Menou, les tableaux se suivent comme des clichés photographiques. Les costumes signés Jorge Gallardo accentuent cet effet esthétique soigné et sophistiqué.

    Puis, une transformation s’opère, radicale, les carrés dessinés par les barres d’acier montent dans les cintres, le jour se lève ou les nuages se dissipent, une clarté éblouissante comme un matin de printemps illumine le plateau. Les danseurs abandonnent au sol de lourds costumes aux basques baroques, débarrassés de leurs cocons, ultimes mues, une métamorphose magique et mystique s’opère. Il s’enchaîne une danse qui semble être échappée de la gravure d’un vase étrusque, une joyeuse danse de Ménades et rondes dionysiaques tournoyantes. Il y a une confusion entre les filles et les garçons, fondus dans d’aériennes tuniques de voiles, le ballet célèbre autant la nature que la jeunesse.

    Ce changement de saison se révèle être une nouvelle naissance, les interprètes apparaissent tout à fait dépouillés en justaucorps de chair. C’est une sculpture ciselée ou un modelage de terre cuite qui s’anime, toujours sur un rythme effréné, épousant la musique et faisant mine de s’abandonner définitivement à la toute puissante nature.

    Le jeune danseur Hugo Layer bouleverse par la délicatesse de sa danse, ce sont des mains qui s’élancent comme les ailes graciles d’un papillon qui se déploient pour la première fois ou bien des bras qui s’envolent comme poussés par un vent tourbillonnant. Toute cette fragilité de la vie ressentie et suspendue aux étapes d’une transformation s’oppose aux énergiques Frederik Deberdt et Arnaud Mahouy qui forment un duo fantastique.

    Évidement Nijinsky veille au grain, le Prélude à l’Après-midi d’un Faune ou Le Sacre du Printemps ne sont pas loin et on retrouve avec gourmandise ces visages qui se tournent de profil, ces déplacements latéraux et ces rythmes marqués. Maurice Béjart aussi n’est pas en reste, en 1964 il avait fait naître, ce qu’il désignait comme un « concert-dansé », un ballet éponyme créé sur la Neuvième Symphonie de Beethoven. Des inspirations que l’on traduit ici comme des hommages à ceux qui ont été à l’origine de la danse contemporaine d’aujourd’hui et pour laquelle Thierry Malandain inscrit à son tour sa marque.

    Les 17, 18 et 19 décembre, ce sont les trois prochaines dates à Chaillot pour un ballet qui n’a pas fini de faire parler de lui ; à pieds, à deux ou trois roues, voici un spectacle qui mérite de traverser Paris, une récompense largement à la mesure de vos efforts !

    Laurence Caron

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  • The Tree : Carolyn Carlson ouvre en grand les portes de Chaillot

    En 2020, la crise sanitaire a voulu faire taire les voix des arts, ces lieux protéiformes d’expressions et d’inventions constantes se sont refermés sur eux-mêmes… Seules les lucarnes d’internet, ondes radiophoniques et télévisuelles nous ont un peu éclairées. Seulement, quand on a l’habitude de voir ce qui est vivant, il est très frustrant de n’observer le monde que par le petit bout de la lorgnette. Heureusement, la chorégraphe Carolyn Carlson* - dont on se plait à dire depuis des lustres qu’elle est la plus française* des américaines, jusqu’à adopter la nationalité française en 2019 – a maintenu la tension du fil de sa créativité en parfaite osmose avec le temps qui passe et l’espace qui nous entoure. En "poète visuelle", Carolyn Carlson parle de vous, de nous, du monde.

    Dans la maison nationale de la danse, le Théâtre de Chaillot, la Californienne qui a parcouru la Terre entière pour arriver jusqu'à nous est chez elle, notamment pour y avoir été artiste associée jusqu’en 2016. Après les pièces eau (2008), Pneuma et Now (2014), dont la source est née des écrits de Gaston Bachelard (1), sa plus récente création The Tree est le quatrième volet.

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    « … La terre nous demande de ralentir et de songer aux conséquences de nos actes… » Carolyn Carlson. 

    La pièce The Tree est inspirée Des Fragments d’une poétique du feu**. Carolyn Carlson a placé l’arbre au centre de ses préoccupations. L’arbre, le symbole de cette nature abimée parfois même dévastée, et aussi la solution dans sa façon formidable de combiner les éléments terre, eau et air, enracine l'œuvre ; un juste écho au carnage auquel nous participons mais aussi aux espoirs et aux efforts que nous nourrissons - souhaitons qu’il ne soit pas trop tard.

    La sauvagerie des flammes confrontée à la poésie contemplative de la nature sont mises délicatement en lumières par le créateur Rémi Nicolas. Des rayons de soleil succèdent à de sombres orages sur les décors projetés de Gao Xingjian, des toiles vivantes sur lesquelles l’encre de chine semble se délier dans l’instant. La musique qui épouse la dramaturgie est signée Aubry, qu’il s’agisse du père ou bien du fils, elle a quelque chose d’évident et de rassurant peut-être parce que son style est reconnaissable entre tous. L’esthétisme de The Tree saisit par son raffinement, puissant, la mémoire s’imprègne de chaque image comme un photographe qui mitraille en mode rafale. 

    Devant un public sage et extrêmement attentif - comme si chaque seconde était vitale - la compagnie de Carolyn Carlson est au summum de son art. Les danseuses et danseurs, aux corps archi disciplinés et puissants, ont de fortes personnalités, pour chacun d’eux la chorégraphe a dessiné tout un territoire qui laisse exprimer pleinement leur virtuosité. Les long cheveux des danseuses se mêlent au vocabulaire chorégraphique d’une façon théâtrale. Les corps, soulevés par le vent que l’on sent passer dans les arbres, se jouent des molécules d’air et méprisent toutes les lois de l’attraction terrestre pour ensuite retourner s’ancrer dans cette terre nourricière, comme plantés par des intentions toujours très radicales… Assurément, le témoignage humaniste et politique de Carolyn Carlson est compris. Comme c’est le cas pour les grandes œuvres, la dimension universelle du propos traverse les continents et le temps pour en extraire ce qu’il y a de mieux, et montrer ce qu’il y a de plus beau.

    Les années n’effleurent pas Carolyn Carlson, elle apparaît toujours comme une super héroïne. Sautillant d’enthousiasme, sa longiligne silhouette rejoint la compagnie pour saluer le public. Une grande vague d’amour déferle de la scène jusqu’aux derniers rangs de Chaillot, puis fait le trajet inverse. Je ne sais pas si ce sont les spectateurs ou bien les artistes qui sont les plus ravis d’être là, il n’y aucune frontière visible, ni palpable, entre les deux peuplades. Les élastiques des masques du public se tendent à l’extrême renonçant à contenir leurs très larges sourires, une extase. Enfin, le public remonte des entrailles marbrées de Chaillot à regret mais terriblement apaisé. Le manque vient d’être comblé de la plus belle façon qui soit. Merci !

    Laurence Caron

    ICI > Calendrier des tournées de la compagnie Carolyn Carlson 

    * Le 2 décembre 2020, Carolyn Carlson a été élue à l'Académie des Beaux-Arts, rejoignant Blanca Li, Angelin Preljocaj, et Thierry Malandain. En 2006, Carolyn Carlson est lauréate d'un Lion d'Or de la Biennale de Venise, puis en 1999 elle fonde l'Atelier de Paris-Carolyn Carlson à La Cartoucherie, et dirige le Centre Chorégraphique National Roubaix Nord-Pas de Calais de 2004 à 2013. Pour tout savoir, c'est ICI.

    ** Gaston Bachelard (préf.Suzanne Bachelard), 
    Fragments d'une Poétique du Feu, Paris, PUF, 1988, 176 (ISBN 978-2-13-041454-4).

    THE TREE
    Chorégraphie et scénographie : Carolyn Carlson.
    Assistante chorégraphique : Colette Malye.
    Interprètes : Chinatsu Kosakatani, Juha Marsalo, Céline Maufroid, Riccardo Meneghini, Isida Micani, Yutaka Nakata, Sara Orselli, Sara Simeoni,  Constantine Baecher.
    Musiques : Aleksi Aubry-Carlson, René Aubry, Maarja Nuut, K. Friedrich Abel.
    Création lumière : Rémi Nicolas, assisté de Guillaume Bonneau.
    Peintures projetées :  Gao Xingjian.
    Accessoires | Gilles Nicolas et Jank Dage.
    Costumes | Elise Dulac et Atelier du Théâtre National de Chaillot. Remerciements à Chrystel Zingiro.
    Production | Carolyn Carlson Company. Coproductions en cours | Théâtre National de ChaillotThéâtre Toursky Marseille, Ballet du Nord / Centre Chorégraphique National Roubaix Hauts-de-France, Equilibre Nuithonie Fribourg.

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  • ”Le manteau de Janis” prolongé jusqu'au 28 mai !

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    La programmation de la petite salle du Théâtre Montparnasse surprend toujours, c’est un credo auquel elle ne déroge pas depuis longtemps ! Aussi loin que je me souvienne : l’invraisemblable et géniale La Goutte de Guy Foissy avec Claude Piéplu et Jacques Seiler (1985), le magistral Fabrice Lucchini dans Voyage au bout de la nuit (1988), ou carrément plus récent, les bouleversantes Andréa Bescond  dans Les Chatouilles (2016) et Béatrice Agenin dans Marie des poules (2020), ou bien encore le remuant Adieu Monsieur Haffmann de Jean-Philippe Daguerre (2018). Le Petit Montparnasse a le don d'être à l'écoute des auteurs et des artistes afin de dénicher des phénomènes théâtrales et de leur donner l’élan nécessaire pour de vibrants succès ! Tout ceci est de très bonne augure pour Le Manteau de Janis d'Alain Teulié  prévu en ces lieux jusqu’au 25 mars.

    Ce n’est pas une énigme policière, quoique… ? Ce n’est pas une histoire d’amour, enfin un peu quand même… ? On retiendra surtout que c’est une histoire émouvante menée avec beaucoup d’humour. Suite à accident, Joseph (Philippe Lelièvre) est cloué dans un fauteuil roulant. Opiniâtre, râleur, acide, triste, à jamais résigné, le paralysé est bousculé par l’arrivée de Mila (Alysson Paradis), un tourbillon de fantaisies et de mystères. La rencontre est étonnante, en apparence opposée. La ruse est adroite, l'alchimie théâtrale fonctionne parfaitement. L’auteur Alain Teulié se délecte en confrontant les différences du duo. Du pragmatisme renfrogné de l’un à l’originalité solaire de l’autre jusqu’au vocabulaire et tics de langage, les situations s’avèrent amusantes, ici le ton est au divertissement et pas seulement. Terriblement présente avec sa blondeur Marylin, Alysson Paradis est gouailleuse, rigolote et d’une sincérité désarmante. Ni trop, ni pas assez, la comédienne attaque son rôle avec un très juste sens de la mesure, la grande liberté de son personnage fait soupçonner un travail précis, consciencieux. Son partenaire, le comédien Philippe Lelièvre manœuvre le fauteuil roulant comme s’il s’agissait d’un troisième personnage, il est aussi metteur en scène et orchestre les situations du récit avec finesse et vive allure tout en conservant une sorte de tension qui n'hésite pas à provoquer l'attention du public, comme cette envie irrésistible (pour le public) de se lever pour aller fermer la porte du réfrigérateur laissé ouvert (sur scène). Et puis, il y a ce soin donné à ce que l’on nomme « un coup de théâtre » où le metteur en scène et l'auteur semble s'être parfaitement trouvés, une très intelligente façon de montrer la magie sans en dévoiler ses secrets.

    Dans ce huis clos, le spectateur est embarqué, à une vitesse qui s’accélère au fur et à mesure de la pièce, c'est une progression constante et enveloppante, le spectateur n’a pas le temps, ni la place, d’échafauder des hypothèses de dénouement comme il est coutume de le faire lorsqu’il y a une intrigue. C’est un véritable kidnapping du public ! Les comédiens complices peuvent être fiers de leur effet, Le manteau de Janis est un spectacle lumineux et divertissant à conseiller à tout le monde pour oublier tout à fait, le temps d’une histoire, le monde gris qui nous entoure. D'ailleurs, comme pour une bonne série, une saison 2 est vivement souhaitée !

    Laurence Caron

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  • ”Une journée particulière” au Théâtre de l'Atelier

    Rome, 6 mai 1938. Hitler rencontre Mussolini. Une parade militaire rameute la population pour célébrer l'entente fasciste entre l'Allemagne et l'Italie. Dans un lieu déserté de ses habitants, la rencontre d’une femme au foyer, délaissée et éreintée, et d‘un homme dont l’homosexualité est condamnée par le régime totalitaire, révèle une humanité terriblement douloureuse, vidée de sens. L’histoire « Une journée particulière » voit le jour en 1977 au cinéma, Ettore Scola signe un chef d’œuvre. Sophia Loren est une tragédienne fatale et Marcello Mastroianni est d’une délicate fantaisie, le duo est sensible, éblouissant.

    Au Théâtre de l’Atelier, ce sont deux acteurs du cinéma français qui endossent les rôles de leurs ainés, Laetitia Casta et Roschdy Zem, dans une version adaptée par Huguette Hatem, Gigliola Fantoni et Ruggero Maccari et mise en scène par Lilo Baur.

    Dans une ambiance baignée de chants et de messages radiodiffusés mis au service du dictateur, des costumes jusqu’aux décors, l’adaptation théâtrale colle à la création cinématographique de départ. Qu’il s’agisse d’être respectueux de l’œuvre originale ou bien de la réinventer, le pari est toujours risqué. Pour cette fois, une sorte de simplicité règne, hormis un décor tournant extrêmement ludique, cette version théâtralisée a fait le choix de l’humilité, ce sont les âmes (perdues) des personnages qui habitent l’espace. Laetitia comme Sophia a cette grâce lumineuse qu’une robe de quatre sous et des chaussons n’éteignent pas. Roschdy comme Marcello a cette pudeur qui laisse parfois échapper un brin d’imprévu. Cependant, il est tout à fait inutile de comparer, ce qui se passe au cinéma ne doit pas se confronter avec ce qui se passe sur scène, l’exercice du théâtre est selon moi bien plus ardu. Laetitia Casta l’a bien compris en donnant sens au moindre de ses gestes tout comme Roschdy Zem qui traverse la scène de sa fine stature en deux ou trois foulées. La comédienne porte loin une voix claire, ronde et un phrasé impeccable, quand il est question de prononcer des mots en italien un accent doux et velouté transporte avec lui tout l’auditoire. Tous deux nous montrent ce que l’on ne voit pas, tous deux nous parlent de ce qui n’est pas dit.

    La banalité de cette journée que l’on souhaiterait sans fin prend l’allure d’une tragédie humaine. Petit à petit les personnalités se dévoilent, elles éclosent comme des fleurs qui voient enfin le soleil, petit à petit l’intelligence du cœur gagne sur l’ignorance crasse. Finalement, le propos d’« Une journée particulière » livre un message d’espérance sur notre Humanité où la beauté a son dernier mot. Une alchimie magique que seuls les œuvres et les artistes savent créer, c’est au Théâtre de l’Atelier, jusqu’au 31 décembre.

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  • Pénélope de Jean-Claude Gallotta, au Théâtre du Rond-Point

    jean-claude gallotta,axelle andré,naïs arlaud,alice botelho,ibrahim guétissi,fuxi li,bernardita moya alcalde,clara protar,jérémy silvetti,gaetano vaccaro,thierry verger,noémi boutin,géraldine foucault,marie nachury,sophie martel,antoine strippoli,mathilde altaraz,claude-henri buffard,manuel bernard,benjamin croizy,chiraz sedouga,paul callet,george mac briar,béatrice warrand,dominique laidet,stéphane chrisodoulos,nicolas bulteau,guillem pic,anne bonoraEn 1995, l’Opéra de Paris ouvre sa saison chorégraphique avec Les Variations d'Ulysse de Jean-Claude Gallotta, c’est une commande pour le Ballet, désormais inscrite au répertoire. Avec cette oeuvre, initialement inspirée par Ulysse, voyage intérieur créée en 1981 par Jean-Claude Gallotta, l’Opéra de Paris affiche sa ferme volonté d’offrir une place à la chorégraphie contemporaine française. C’est un triomphe ! Sur la scène de Bastille, le ballet blanc est composé de quarante-sept danseurs accompagnés des étoiles plus que brillantes, Marie-Claude Pietragalla et Carole Arbo, et Patrick Dupond dont la poésie et l’humour sont impossible à oublier ! 
    Entre Joyce et Homère, le chorégraphe français, élève de Merce Cunningham, a démultiplié la vie d’Ulysse, et comme pour le héros éponyme le ballet devient mythique. Évidemment, Jean-Claude Gallotta ne s’arrête pas là. Comme tout bon créateur qui se respecte, il a fait l’homme, il manque la femme : Pénélope voit le jour dans une version opposée, d'un noir chic, elle est une figure féminine volontaire que toute les femmes souhaitent comme modèle, c’est à dire absolument pas résignée. Pénélope n’attend pas, elle est, elle aussi, une conquérante. Ce moment formidable de danse contemporaine se passe sur les planches du très cosy Théâtre du Rond-Point (dans lequel le Grenoblois est artiste associé), jusqu'au 22 janvier... Autrement dit, il n'y a pas de temps à perdre pour réserver ses places !

     

    Pour embrouiller nos esprits et nous préparer à partager une expérience nouvelle, les choix musicaux qui rythment la première partie sont un peu perturbants, puis des accents pop-rock s’imposent et remportent la partie pour révéler un ballet d’une intensité rare. Tout comme les costumes, un rien punk, les corps se dénudent progressivement et se dessinent en une sobriété esthétique qui ajoute de la force au propos en finissant par se confondre et tisser une harmonie puissante entre les hommes et les femmes.
    La danse de Gallotta est définitivement un acte de résistance entier, ce sont des gestes arrêtés et engagés. Ce qui semble se précipiter dans une grande vélocité de mouvements, notamment ces tournoiements de mains si ludiques, est orchestré par un devoir de précision dont seul le chorégraphe a le secret. Cette intention chorégraphique entraîne à sa suite l’insolente vitalité de sa dizaine de danseurs dans des solos aériens, des pas de deux acrobatiques, et des ensembles remarquablement toniques toujours dans une atmosphère follement spontanée ! Ne quittant jamais la scène, les danseurs se donnent à la chorégraphie avec une vigueur incroyable, les corps racontent la vie, des regards aux phalanges jusqu'aux mouvements de cheveux.

    Enfin, en filigrane, une projection vidéo incarne un couple de danseurs inattendu. L’image, qui semble glisser ou bien flotter dans les airs, remue les tripes, sert le cœur. Larmes ou sourires, tendresse ou admiration, un peu de tout peut-être, c’est selon, la recette est émouvante et magique ; chacun des spectateurs du Théâtre du Rond-Point en vivra sa propre expérience ; comme il est dit par Claude-Henri Buffard : « Nous sommes ce que nous dansons ».     

    Laurence Caron

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  • ”L'évènement” au Théâtre de l'Atelier

    Annie Ernaux,Éditions Gallimard,Marianne Basler,Jean-Philippe Puymartin,Robin Laporte,Célestine de Williencourt,Thomas Cordero,theatre de l’atelier,cequiestremarquableMarianne Basler a été « L’autre fille » d’Annie Ernaux au Festival d’Avignon en 2021, aujourd’hui elle est celle qui créée « L’Évènement » jusqu’au 27 mars au Théâtre de l’Atelier. Décidément, les femmes se font fortement entendre sur les scènes parisiennes ! Après la découverte du formidable « Prima Facie » de l’auteure britannique Suzie Miller, interprété brillamment par la comédienne Elodie Navarre au Petit Montparnasse, et à la veille de la reprise d’Ariane Ascaride et son exceptionnel « Gisèle Halimi, une farouche liberté », le 27 février prochain à La Scala ; Annie Ernaux, Prix Nobel de littérature 2022, s’exprime par la voix de Marianne Basler à l’Atelier. Silhouette noire, cheveux d’or, teint diaphane, il y a une similitude physique entre les deux femmes, la sobriété est de mise, l’histoire qui nous est contée fait mal, très mal. En 1963, sur un campus universitaire à Rouen, Annie Ernaux a vingt-trois ans, elle apprend qu’elle est enceinte, elle ne veut pas garder « ça ».  

    A cette époque pas si lointaine, l’avortement est interdit, il est même sanctionné par la loi. Un long parcours douloureux, voir atroce, s’annonce dans cette France patriarcale du début des années 60. Ce que la jeune femme ne sait pas encore est qu’il faudra attendre plus de dix ans avec la loi Veil du 17 janvier 1975 pour que l’avortement soit dépénalisé, jusqu’à ce très récent 30 janvier 2024 où l'Assemblée nationale a adopté le projet de loi constitutionnelle, visant à inscrire dans la Constitution de 1958 la liberté des femmes de recourir à l'interruption volontaire de grossesse. Autant dire que ce seul en scène est essentiel au moment où le droit d'avorter régresse aux États-Unis et même en Europe. Le théâtre nous rappel au danger, restons vigilant(e)s.

    L’expérience est intense. Le thème du féminisme parcourt l’ensemble de l’œuvre d’Annie Ernaux, son engagement social et politique fait d’ailleurs souvent naître des polémiques. Il y a ceux qui aiment Annie Ernaux et ceux qui ne l’aiment pas. Cependant, à l’Atelier la question ne se pose pas, pour « L’Évènement », on vient assister à un extrait d’Humanité, et pas seulement, toute l’Humanité puisqu’il s’agit de la naissance, …ou pas. Ce choix que les femmes ont à prendre en toute liberté n’est pas encore inscrit partout, n’est pas encore compris par tous. Notre civilisation a force de faire basculer ses valeurs d’une extrême à l’autre semble plus que jamais fragilisée.

    Magistrale, Marianne Basler fait gronder la souffrance de son personnage dans tout son être, elle a le corps tendu par l’angoisse et les épaules baissées comme craintive des coups, sa voix est haute, légèrement gutturale, une façon de refuser d’adoucir les angles. Sans concession, le langage est dur, rugueux, cru, un vocabulaire neutre ne s’embarrassant pas de fioritures littéraires ou d’effets théâtraux. Les parents d’Annie Ernaux, ses amoureux, amis et rencontres estudiantines, des médecins jusqu’à la faiseuse d’anges, une ribambelle de personnages sans visage peuple la scène, autant de témoins passifs du drame qui se joue. La comédienne est forte pour s’emparer de ce texte si abrupte, on ne peut s’empêcher de penser que pour elle aussi il doit raisonner quelque part. Public écrasé, choqué aux nuques glacées de frissons et aux tripes étalées là aux yeux de tous, même si Marianne Basler mérite un immense succès il est très difficile de lever les mains pour applaudir.

    En sortant du Théâtre de l’Atelier, on s’en va avec une sororité encore plus renforcée, un sentiment puissant et une grande part d’héroïsme.

    Laurence Caron

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  • ”Les Chatouilles, ou la danse de la colère” au Petit-Montparnasse

    éric métayer,andréa bescond,les chatouilles,théâtre du petit-montparnasseDe cette histoire au Théâtre du Petit-Montparnasse, je n’écrirai rien, je ne dirai rien, je ne peux pas - ce nest pas à moi de le faire. Andréa Bescond, l’auteur et l’interprète, est seule à pouvoir raconter « Les chatouilles ou la danse de la colère ».

    La représentation passe le temps dun souffle. A linspiration, Andréa Bescond est un formidable clown transformiste ou une tragédienne bouleversante, puis à l’expiration, elle danse un ballet académique ou instinctif. Aucune technique n’échappe à la jeune artiste, elle semble avoir tout absorbé pour livrer un langage, du corps et de l’esprit, unique.

    Latmosphère du Petit-Montparnasse se charge d’une émotion électrique, un courant passe entre le personnage d’Odette et les spectateurs, une compréhension attentive, une compassion muette. La réalité et le destin qui se partagent la scène sont intimement liés, Andréa Bescond est d’une vérité crue.

    Le metteur en scène Eric Métayer est un dompteur de fauves. Il canalise la colère et il illumine ce qu’il y a de plus sombre. Les déplacements d’Andréa Bescond mesurent le temps et dessinent l’espace avec une précision horlogère.

    Des personnages effroyables prennent vie, l’interprète a l’élégance de les parer de légèreté, d’humour et de poésie. Et puis, Andréa Bescond est drôle, infiniment drôle. Cet humour sauve lartiste et le public, un temps. Magicienne, Andréa Bescond jongle avec les époques, elles se bousculent sans jamais se gêner. L’artiste est victime et héroïne, les choses qui dérangent sont dégagées à coups de puissants fouettés, et les mauvaises rencontres sont éloignées par daériennes pirouettes.

    Le cœur piétiné, j’ai envie de serrer Andréa Bescond dans mes bras Je me lève, j’applaudi à tout rompre, fort, très fort. Par le bruit, je veux affranchir Odette de sa douleur.
    Je quitte la salle, ravagée par les larmes. 
    Ce soir, Andréa Bescond nous a offert le monde. Andréa Bescond est une très grande et une très belle artiste. 

    Laurence Caron-Spokojny

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  • LIGHT BIRD de Luc Petton, en tournée (après sa création au Théâtre National de Chaillot), les 2 et 3 octobre à la Maison

    "...Luc Petton est en Maître, il sait regarder les vides et écouter les silences, les préceptes des Arts martiaux ne le quittent pas lorsqu’il accueille avec respect les grues de Mandchourie,  adversaires et partenaires de combat. L’instant est intense, unique. Les oiseaux et les Hommes sont soumis aux dimensions de l’imprévisible, la communication entre les deux s’établie, ou pas, seule la rencontre compte..."

    Lire l'article ICI.

    Maison de la Culture d'Amiens.

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  • Compagnie Nationale de Danse d'Espagne, José Martinez, au Théâtre de Champs Elysées, jusqu'au 29 janvier

    AFFICHE JOSE MARTINEZ CND.jpgIl y a des Hommes dont le rôle est de résoudre les problèmes d’équilibre de notre univers... José Martinez en fait partie. 
    A seize ans, il quitte l’Espagne pour la France, parce que son pays ne lui offre pas la possibilité d’épanouir son art, il ne tarde pas à rejoindre les Etoiles de l’Opéra de Paris et se fait remarquer aussi pour ses créations chorégraphiques. En 2011, « l’âge de la retraite », sonné par les codes établis de l’Opéra de Paris, permet à l’Etoile de changer de galaxie, il prend la direction de la Compagnie Nationale de Danse d’Espagne. La compagnie espagnole bat de l’aile, faire exister l’art dans un pays en crise est une lutte sans merci. La tâche s’avère plus que difficile mais c’est sans compter sur la passion et le talent de José Martinez.

     

    La Mer

    Entre la douceur de ses flots et la passion de ses tempêtes, la Mer Méditerranée qui borde Carthage a poussé ses marées jusqu’au Théâtre des Champs Elysées pour trois très exceptionnelles soirées, jusqu’au jeudi 29 janvier. Sur la scène, des danseurs altiers se distinguent les uns des autres par leurs tempéraments, beaux, racés, volontaires, leur bonheur de danser coule comme de l’eau entre les rangs des spectateurs. Il y a comme une évidence entre la qualité d’interprétation proposée par la Compagnie Nationale de Danse d’Espagne, et, le choix parfait des trois pièces chorégraphiques du programme.

    La Terre

    Sub de Itzik Galili ouvre la soirée. Des hommes uniquement, forts et élastiques, s’ancrent dans la scène, pour dévorer l’espace et bouffer  l’oxygène. De la même façon qu’un sculpteur travaillant la glaise, l’intention est vive, puissante mais demeure maîtrisée. L’artiste et la matière ne forment plus qu’un. Sur la musique véloce de Michael Gordon, les danseurs libèrent la danse à l’extrême pour en laisser apparaître la matière première ; instinctifs et archi-extensibles, le défoulement est tel que les danseurs semblent atteindre l’épuisement. Danser jusqu’à en perdre haleine, et de la plus belle façon, voilà qui est fait, en un seul tableau.

    L’Air

    josé martinez,la compagnie nationale de danse d'espagne,mats ek,alejandro cerrudo,itzik galiliExtremely close de Alejandro Cerrudo est une halte qui se voudrait douce, comme les plumes qui couvrent les planches… Mais il ne faut pas se fier à la douceur du duvet, les plumes ont la capacité de virevolter à une vitesse affolante. Le piano de Philip Glass emmène les danseurs bien au dessus du sol, aériens, une véritable rivalité s’engage entre les élans chorégraphiques et l’envol des plumes. L’harmonie se fait danse, ou bien l’inverse, l’éloge de la beauté utilise un vocabulaire minimaliste, et c’est dans une grande pureté que se noue un pas de deux d’une tendresse infinie.

    La Vie

    Et puis, Mats Ek, le maître… « Casi-Casa » est inspiré d’ « Appartement », pièce chorégraphique créée pour le Ballet de l'Opéra de Paris. Dans une grande précision, et ce mot n’est peut-être pas assez fort pour Mats Ek, archi-disciplinés les danseurs se glissent dans l’œuvre résolument contemporaine d’un des plus grands maîtres de la chorégraphie contemporaine.
    Le propos est épais et profond, la vie quotidienne racontée par Mats Ek n’est pas anecdotique comme on pourrait le croire, elle est mythique. Les personnages, car il s’agit aussi de dramaturgie, affrontent des situations souvent familières, plus ou moins compliquées, toutes présentées sur un même niveau d’importance. Et puis, Mats Ek a intégré la folie comme une composante de l’humanité et cette attention toute particulière laisse toujours un sentiment étrange, toujours bouleversant.
    De la danse donc mais aussi du théâtre, les danseurs de la Compagnie de José Martinez font preuve d’un sens de l’interprétation tout à fait juste. 

     

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    Moderne et intelligent, l’Etoile ibère brille encore et toujours, José Martinez use de toutes les fibres de son talent pour dévoiler celui des autres, et c’est une grande réussite ! Cette production est un cadeau.
    Les mots parfois sont insuffisants et même embarrassants, il faudrait que vous voyiez aussi mon sourire et mes yeux qui brillent… Alors, croyez-moi, allez y, il reste deux représentations.

    Laurence Caron-Spokojny

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  • Jusqu'au 17 juin, « Mother’s milk » de la « Kibbutz contemporary dance company » au Théâtre de Paris

    KIBBUTZ JPEG.jpgLe rendez-vous est pris. Désormais, la scène du Théâtre de Paris s’ouvrira à la danse chaque fin de saison.

    Jusqu’au 17 juin, la Kibbutz Contemporary Dance Company (KCDC) offre le ballet Mother's Milk.

    La compagnie israelienne fut fondée en 1970 par Yehudit Arnon (1926-2013), survivante des camps nazis. En 1996, elle confie la direction de la compagnie a un de ses premiers élèves du Kibbutz Ga’aton, le chorégraphe Rami Be'er.

    Mother’s Milk est un hommage aux parents du directeur et chorégraphe de la KCDC. Ils ont disparu il y a deux ans, ils étaient des survivants de l'Holocauste.

    De la danse comme un combat rapproché. Ce sont des corps secoués, arc-boutés, des dos pliés ou cambrés, des épaules fuyantes, parfois des formes écrasées, rampantes mais qui parviennent toujours à se redresser pour s’étirer en ensembles survoltés, puissants.
    Comme nés de la terre, rien ne semble pouvoir arrêter les dix-neuf danseuses et danseurs de la KCDC. Mués par de belles et intenses personnalités, les interprètes ajoutent force à la chorégraphie de Rami Be’er. La danse, très technique, souvent inspirée au chorégraphe par les improvisations de ses danseurs, est d’une apparente spontanéité. Les intentions radicales s'articulent et s'accélèrent en des enchaînements rapides et fluides.

    Rami Be’er raconte le drame sans s’y attarder. Les bras forment des boucliers à la violence inutile, la précision et souplesse des gestes préviennent les coups. L’engagement est total, inévitable, la vie est un combat et le temps est un allié. Sur des sons électro de Rami Be'er et Alex Claude, des couples se cherchent, se forment, se séparent, s'échappent et finissent toujours par se retrouver.
    Le père du chorégraphe était architecte, il fut un des fondateurs de l’idée même du Kibboutz. C’est dire à quel point les histoires du chorégraphe, aussi violoncelliste de formation, sont empreintes de symboles. Pour Mother’s milk, on retiendra celui de l’espoir.

    Laurence Caron

    13 au 17 juin
    « Mother’s milk » de la Kibbutz Contemporary Dance Company
    Théâtre de Paris  15 rue Blanche, 75009 Paris.

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  • Seul PEF le cascadeur, avec son sens inné et sa maîtrise parfaite de l’équilibre, pouvait relever le défit de monter SPA

    spamalot,pef,éric idle,andy cocq,philippe vieux,arnaud ducret,gaëlle pinheiro,monty python,comédie musicale,bobinoLorsque l’humour british rencontre l’humour français, le mariage n’est pas forcément évident. C’est pourtant le pari gagné par Pierre-François Martin-Laval, dit PEF.
    Inspiré par le film des Monty Python « Sacré Graal ! » (1975), puis créé sur scène à Londres en 2005, l’arrivée de « Spamalot » à Paris était très risquée ; ces dernières années les comédies musicales servies sur les planches parisiennes n’ont pas su être à la hauteur de leurs aînées londoniennes ou newyorkaises… Pourtant, après le succès en 2010 au Théâtre Comédia, la production de Spamalot continue à prouver le contraire à Bobino.

    C’est avec une grande adresse que les dialogues ont été traduits et adaptés au goût du jour et aussi à un certain « goût français ». Ce raffinement ne passe pas inaperçu et est renforcé par l’interprétation d’une troupe de comédiens  sensationnels. Voici déjà deux ingrédients qui entrent dans la composition du spectacle « Spamalot ».
    Ce n’est en effet pas sur la scène du Palais des Sports ou des Congrés que se trouve la création artistique, celle qui est sensée répondre aux exigences de l’art de la comédie musicale. En la matière, de  prestigieuses productions, pour la plupart étrangères, s’établissent sur la scène du Théâtre du Châtelet (West Side Story, My Fair Lady, ..) et font oublier quelques temps la maladresse du genre servi par nos artistes français.
     
    Ici, les talents sont souvent cachés, dans de petites salles, confidentielles, trop peu servies par les médias, parfois dénigrées, pour ainsi dire snobées. Sur les écrans, quelques capsules appelées « programmes courts » révèlent certains talents, mais les places sont rares. Pierre-François Martin-Laval est de cette veine de saltimbanques, il connaît les rouages de la machine théâtrale et les dédales qui permettent de sortir du labyrinthe. Depuis la troupe des Robins des bois, initialementThe Royal Imperial Green Rabbit Company, qui se produisit pour la première fois en 1996 au Théâtre des Sablons à Fontainebleau, sous la baguette d’Isabelle Nanty, il est reconnu et révélé par Dominique Farrugia qui le projette chaque soir en direct sur la chaîne COMEDIE! (La Grosse Emission). Depuis, PEF exerce ses talents de cascadeur en faisant le grand écart entre le théâtre et le cinéma, et la figure de style est une réussite ;  son récent (et énorme) succès de réalisateur sur le film « Les Profs » l’impose définitivement. L’art de faire rire dans un univers où l’absurde se distingue, sur un ton potache, jamais vulgaire, mêlé à un brin de naïveté apparente, une certaine poésie en somme… surréaliste. La trépidante production de « Spamalot » est le reflet de ce juste équilibre, l’esprit de troupe y est omniprésent, les talents se mêlent adroitement sans se confronter, les tableaux s’enchaînent sur un rythme soutenu, le ton est drôle, infiniment drôle, radicalement irrévérencieux. La légende arthurienne est aussi un prétexte pour parodier les productions de Broadway ou plus précisément celles qui se frottent aux portes de Paris.

    Metteur en scène et comédien, PEF campe un roi Arthur, innocent, effacé, avec ce petit air de « excusez moi d’être là » qui lui va si bien, bien loin du parti pris shakespearien du rôle initial. Dans un décor délicieusement kitchissime, une seule petite ombre au tableau : les ensembles chorégraphiques manquent d’élan ; mais l’essentiel du triomphe de la rue de la Gaité est cette troupe de comédiens, ils sont tous formidables, particulièrement Gaëlle Pinheiro en extravagante diva balayant tout les octaves, Andy Cocq subtil et bouleversant, Philippe Vieux et Arnaud Ducret qui rivalisent d’inventivité dans leur jeu…

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    Pef et Eric Idle © Héléne PAMBRUN

    Il y a quelques jours, un peu nostalgique, j’affirmais sur les réseaux sociaux qu’ « une vie était vraiment petite si on n’avait pas éprouvé le plaisir de danser dans West Side Story aux côtés de George Chakiris », et bien ce n’est pas le cas pour PEF. Evidemment, il n’est pas question pour PEF de danser avec George Chakiris, mais se doute t’il qu’il a atteint son Graal ? Pierre-François Martin-Laval ne serait-il pas aujourd’hui le digne et légitime ambassadeur des Monty Python en France...

    Laurence Caron-Spokojny

    Pour "aimer" la page facebook de "Ce qui est remarquable", c'est par ici

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  • Entre création et répertoire, Sa Majesté audacieuse...: la saison 2014-2015 de l'Opéra national de Paris, en scène !

    cequiestremarquable chagall.jpgL’Opéra national de Paris a démarré ce mois de mars sur les chapeaux de roues. Une nouvelle étoile, Amandine Albisson, a été nommée, ce mercredi 5 mars par Brigitte Lefèvre, à l’issue de la représentation du ballet Onéguine (chorégraphié  en 1965 par John Cranko). Ce même soir, le futur directeur de la danse, Benjamin Millepied, qui succède dès la saison prochaine à Brigitte Lefèvre, proposait, au Théâtre du Châtelet, sa toute récente création L.A. Dance Project 2. Puis, ce vendredi 7 mars, l’AROP (l’Association pour le Rayonnement de l’Opéra de Paris) est venue -soutenue par l’équipe artistique de l’Opéra (Brigitte Lefèvre pour la danse, et, Christophe Ghristi pour le lyrique et les concerts)- présenter la saison à ses adhérents, autrement dit aux Amis de l’Opéra ; ce soir là, j’en faisais partie…

    aropcequiestremarquable.jpegL’AROP soutien l’Opéra national de Paris, en termes de mécénat, depuis plus de trente ans avec un réel investissement et une grande énergie. Cet engagement, sans cesse renouvelé, concerne aussi un programme pédagogique remarquable : Dix mois d’Ecole et d’Opéra. Selon le Président de l’AROP, Monsieur Jean-Louis Beffa : « Il est essentiel que l'Opéra ne s'adresse pas qu'à une élite. D'où les actions en direction des enfants défavorisés, à priori éloignés de cette offre culturelle. Élargir l'Opéra au grand public est une de nos actions prioritaires ». Et, cette action est devenue essentielle. Destiné à offrir aux élèves (des Académies de Paris, Versailles et Créteil) une égalité de chance dans des lieux où l’éducation a un rôle plus que salvateur, ce programme permet de donner accès à l’Art et à la culture sur de nouveaux  territoires. Par la pratique d’une discipline artistique, la rencontre, ou tout simplement par le simple fait d’assister à un spectacle, l’action engagée permet d'étendre l'horizon, et de libérer «la possibilité de» si nécessaire à la compréhension du monde. Pour l’heure, la volonté est d’inscrire cette action dans un contexte national par un partenariat avec les Opéras et Académies de Nancy et de Reims, un nouveau festival est attendu en 2015, à suivre…

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  • ”Nous, artistes, avons un devoir de lutter et l’émotion est un de nos vecteurs les plus puissants”, Peter Sellars.

    L'interview du fantastique Peter Sellars  est à lire sur La Terrasse .Peter Sellars,la terrasse

    Desdemona, de Toni Morisson, mise en scène de Peter Sellars, musique de Rokia Traoré.

    Du 13 au 21 octobre 2011, à 21h, sauf dimanche à 16h, relâche lundi.

    Théâtre Nanterre-Amandiers

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  • Dom Juan de Jean-François Sivadier au Théatre de l'Odéon, jusqu'au 4 novembre 2016

    jean-françois sivadier,nicolas bouchaud,vincent guédon,lucie vallon,marie vialle,stephen butel,marc arnaud,philippe berthomé,alin burkarth,mozart,theatre de l'odeonAu Théâtre de l'Odéon, le metteur en scène Jean-François Sivadier fait tout ce qui se fait déjà et ce qui a déjà été vu : il crée une amusante complicité entre le public et ses comédiens, fait chanter son Dom Juan sur des accents Soul music (un entracte suggéré très divertissant), désarticule l’envers et l'endroit du décor, dénude tout entier son héros, jonche la scène d’amas divers, … Jusque là tout va bien, les aficionados du 'Théâtre subventionné', et de mise en scènes contemporaines, ont un os à ronger. Mais, le talent de Jean-François Sivadier ne s’arrête pas là.

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    Dom Juan, photo © Jean-Louis Fernandez

    D’ailleurs ces quelques traits conceptuels de mise en scène, le metteur en scène sait lui-même s’en moquer et n’hésite pas à le faire par la voix de ses comédiens. Bien au delà de son rapport à l'esthétisme ambiant, Jean-François Sivadier a cherché dans les textes et fouillé dans l’histoire, une sorte d’archéologue du théâtre, pour en tirer la substantifique moelle et enfin ressusciter un Dom Juan…terriblement vivant. 

    Pour le servir, Nicolas Bouchaud est un Dom Juan d’une authenticité formidable ! Ce Dom Juan est un homme dont les défauts sont à la hauteur de ses qualités. La désinvolture de l’impertinent séducteur répond à sa franchise d’esprit, et, sa fourberie amoureuse est aussi forte que son réel courage. Le mensonge est vain, qu’il soit lié au libertinage ou à toutes autres croyances, ce Dom Juan là se révèle moderne et peut-être bien plus éveillé, si ce n’est savant, que ces congénères. Le charme de Dom Juan hypnotise, à se demander si Méphistophélès ne s'est pas emparé de l’impressionnant Nicolas Bouchaud !? Sganarelle quant à lui est la représentation d’une époque avec son lot d’hypocrisie, il se veut être la voix d’une sorte de « raison » ou plutôt celle du plus grand nombre. Vincent Guédon l’incarne à merveille, il est une sorte de Jiminy Cricket bourré d’inventions. Inventive aussi, Lucie Valon est « Charlotte », elle enchaîne trois rôles de composition avec adresse et originalité. Marie Vialle, Stephen Butel, Marc Arnaud rejoignent cette équipe d’enfer. 

    L’ensemble du dispositif scénique s’étire entre science et ésotérisme, des domaines que tout oppose, des territoires dangereux sur lesquels Molière s'avance à peine dissimulé par le masque de Dom Juan. Sous un ciel stellaire, magnifié par les lumières de Philippe Berthomé, les suspensions magiques de Alain Burkarth dansent très acrobatiquement pour rythmer chacune des scènes. D’ingénieuses trouvailles créent des effets surnaturels alors qu’en filigrane Mozart fait entendre son, très certainement, plus bel opéra… Et puis, ce Dom Juan du Théâtre de L’Odéon a un truc de séducteur tout à fait infaillible -il est impossible de ne pas y succomber- l’Humour !       

    Laurence Caron

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  • Le Roi Arthur, jusqu’au 14 octobre, au Théâtre de l’Epée de Bois (Cartoucherie-Paris)

    le roi arthur,cartoucherie,theatre de l'epee de bois,jean-philippe bêche,antoine bobbera,lucas gonzalez,jérôme keen,erwan zamor,marianne giraud-martinez,marie-hélène viau,franck monsigny,morgan cabot,fabian wolfromLa grande histoire, de la naissance à la disparition, d’un Monde. Une histoire d’Hommes étonnamment intemporelle. Un éternel recommencement. Sans fin. Mythique.

    Un Monde s’évanouit, dissimulé à jamais aux yeux des Hommes par les feuillages sombres et épais de la forêt de Brocéliande. Les dernières palpitations de ce Monde font coexister un amour aux accents de drame antique, et, une épopée celtique légendaire de chevaliers aux bras armés par une religion qui tente de dépasser des croyances druidiques et chamaniques. L’espoir ambitieux symbolisé par la conquête du « Saint » Graal fait basculer les Hommes d’une obscurité à une autre…

    Il est impossible d’échapper au folklore de la Table Ronde et à l’ambiance moyenâgeuse. Fondu d’entre les pierres humides, de chandeliers au fer forgé, de lumières claires obscures, de costumes de velours et de jutes, l’espace voulu par Jean-Philippe Bêche, auteur et metteur en scène, soutenu par les exigeantes créations lumières d’Hugo Oudin, s’y accroche. Il a raison. Le décor est une réussite. Seul et délirant, le bleu de la kitchissime robe de strass bleu de la fée Morgane tranche et reflète la personnalité tout à fait déraisonnable du personnage. Le voyage fantastique commence et envoûte son public. 


    le roi arthur,cartoucherie,theatre de l'epee de bois,jean-philippe bêche,antoine bobbera,lucas gonzalez,jérôme keen,erwan zamor,marianne giraud-martinez,marie-hélène viau,franck monsigny,morgan cabot,fabian wolfromLes escaliers de bois qui descendent jusqu’à la magistrale salle en pierre du Théâtre de l’Epée de Bois ont la responsabilité de cet esthétisme époustouflant de beauté. Sur les percussions choisies de Aidje Tafial, l’enchanteur Merlin (Jérôme Keen), élégant et malin, sorte de Grandalf du Seigneur Des Anneaux, entraîne à sa suite une troupe de comédiens très exercés aux jeux dramatiques, ou chorégraphiques quand il s’agit des combats à l’épée réglés par François Rostain. C’est un cadeau que Jean-Philippe Bêche offre à ses artistes et ils lui rendent bien. 

    Parmi eux, Fabian Wolfrom dans le rôle de Mordred, déjà remarqué dans Histoire du Soldat au Poche-Montparnassepoursuit son ascension et se dévoile toujours aussi talentueux.  

    Le dépouillement apparent de la scène laisse la part belle au jeu. Sans concession, sans filet, le texte, délié et découpé juste comme il le faut, se libère énergique et naturel. Dans un rythme cinématographique, Le Roi Arthur est un rêve éveillé, assurément à voir par TOUS. 

    Laurence Caron

     

    Du jeudi au samedi à 20h30, samedi et dimanche à 16h

    Crédit photos Cédric Vasnier

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  • À partir du 16 avril 2016, à la Grande Halle de la Villette : l'exposition James Bond 007, 50 ans de style Bond

    james bond 007,grande halle de la villette,ce qui est remarquable,spokojny consultingÀ partir du 16 avril la Grande Halle de la Villette accueille James Bond 007, l'exposition, 50 ans de style Bond réunissant plus de 500 objets originaux permettant une immersion dans l'univers esthétique de l'espion le plus célèbre du monde. 

    Aston Martin, costumes, gadgets, croquis, photos de tournages, et des pièces exclusives issues du tournage de Spectre notamment le costume de James Bond lors de la séquence d'ouverture "Dia de Muertos" à Mexico, le "Smart Blood Engine" tout droit sorti du département Q, la tenue que porte Oberhauser dans son repère au Maroc et l'anneau de Spectre ! 

    Du smoking blanc de Roger Moore dans Octopussy à la combinaison spatiale de Moonraker, du pistolet d'or de Scaramanga dans L'homme au pistolet d'or, à la mâchoire d'acier de Requin dans L'espion qui m'aimait, des gadgets de Q comme l'attaché-case de Bond dans Bons baisers de Russie à l'Aston Martin DB5 argent de 1964 dans GoldenEyel'exposition retrace la plus grande saga cinématographique jamais produite et raconte cet authentique mythe contemporain.

    James Bond, 007 l'exposition, s'annonce d'ores et déjà comme le grand rendez-vous culturel du printemps prochain car de Dr No en 1962 à Spectre en 2015, nous avons tous quelque chose de James... Réservez vos entrées  ICI

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