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  • ”Mishima n'était pas un héros” de Laurence Caron. éd. Publibook

    mishima n'était pas un héros,laurence caron-spokojny,publibookChronique littéraire du magazine "Opérette, théâtre Musical" (août 2013) sur "Mishima n’était pas un héros" de Laurence Caron



    mishima n'était pas un héros,laurence caron-spokojny,publibookLe public du Lyrique connaît bien le ténor Michel Caron, disparu en 2001, dont le nom a brillé au fronton des théâtres, des années 60 à la fin des années 80. Il a été une des vedettes du Châtelet, des grandes scènes de province et de l’étranger, du théâtre de Paris et de l’ORTF.

    On a vu Michel Caron au cinéma et dans des publicités. L’objet du livre de Laurence Caron, sa fille, n’est pas de retracer une carrière. On aurait d’ailleurs aimé que l’auteur nous fasse partager autant les moments de gloire que les périodes plus difficiles, où les contrats se font plus rares. Laurence Caron écrit un beau livre sur la finitude et la violence du suicide. Car son père, Michel Caron, s’est donné la mort il y a dix ans, sans livrer d’explications sur son geste. Sa fille ne s’en remet pas. Elle inscrit son témoignage dans la quotidienneté d’une famille unie, inclut ascendance et descendance, et scrute à la lumière de ces évocations tout ce qui aurait pu expliquer l’irrémédiable. Vainement. A l’exception de quelques bribes.
    Mais ni Mishima, ni Banville n’apaisent la douleur. La revanche (sur quoi ?) est dans cette vie, qui force les destins, qui arrache malgré tout de bons moments (en vrac, les vacances, Arletty, Offenbach…). Le livre évoque dans des pages pudiques, mais d’une telle justesse, les ravages de la maladie d’Alzheimer de la Grand-mère, ou encore maints détails sociologiques sur le vécu du métier, si particulier, de chanteur lyrique. Les parades tombent les unes après les autres. 

    « Désormais, pour être à la hauteur de cette noblesse de sentiment, je m’emploie pour que son absence soit aussi importante que sa vie », conclut Laurence Caron. Le livre, peuplé de cette absence, bâtit une sorte de temple au disparu. Et si la conscience de la finitude était le meilleur rempart contre les formes imprévisibles, cruelles, que prend l’inéluctable départ, toujours injuste, toujours sans réponse ? Un très beau témoignage.

    Didier Roumilhac (pour le magazine "Opérette", août 2013)

    Laurence Caron, « Mishima n’était pas un héros », Publibook, 2013, 16 euros.

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  • Daphnis et Chloé de Benjamin Millepied, à l'Opéra Bastille jusqu'au 8 juin 2014

    benjamin millepied,opéra national de paris,opéra bastille,daphnis et chloé,daniel buren,aurélie dupont,brigitte lefèvreLe piège, lorsque l’on a beaucoup entendu parlé, et lu, de choses sur une œuvre, et en particulier sur une création, est que notre curiosité se transforme souvent en une hâte particulièrement exigeante.  Ainsi, j’ai eu la chance de faire partie des premiers élus pour découvrir le « Daphnis et Chloé » à l’Opéra Bastille, de la star mi-bordelaise mi-américaine, qui sera dès novembre à la tête du ballet de l’Opéra de Paris, Benjamin Millepied.

    Sur une idée de l’actuelle directrice du Ballet, Brigitte Lefèvre, le plasticien Daniel Buren s’est emparé de la scène de l’Opéra Bastille pour organiser l’espace de cercle jaune, carré orange ou rectangle vert. Les couleurs éclatantes, qui se fondent et s’enchaînent aux costumes fluide

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  • Etat de siège au Poche-Montparnasse : prolongation jusqu'au 26 juin !

    1554791593.jpgAu lendemain de la Seconde Guerre Mondiale en 1948, Albert Camus propose un nouvel écrit L'Etat de siège dont le caractère, universel et intemporel, raisonne encore. Il s’agit du déroulé schématique et froid qui précède, établi, entretient et finalement laisse s’écrouler -pour mieux renaître ailleurs- les rouages de la dictature. En référence à Pétain ou Franco, Camus dénonce le fléau du nazisme (entre autres) et l’installe dans une logique implacable. 

    lire l'article ici

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  • Un cadeau :-) ! Un très beau Taschen pour ceux qui ont la chance de fêter leur anniversaire très prochainement : An Amer

    Somptueux photochromes de la vie quotidienne et des paysages américains au tournant du XXe siècle

    taschen,An American Odyssey,Marc Walter,Sabine ArquéCe que Taschen nous dit : De l’Atlantique au Pacifique, des Rocheuses au tropique du Cancer, les paysages qu’offre l’Amérique du Nord sont aussi vastes que variés. Lacs aussi grands que des mers, forêts se dressant vers le ciel, plaines balayées par le vent, déserts brûlants, prodigieuses cascades, marais mystérieux, gigantesques rapides, canyon légendaire… la liste des caractéristiques naturelles du continent américain surprend autant qu’elle émerveille.

    Cet ensemble de photochromes et de cartes postales Phostint de la collection privée de Marc Walter a été produit, en couleur, par la Detroit Photographic Company entre 1888 et 1924. Il montre les paysages vastes et variés d’Amérique du Nord dans toute leur splendeur, ainsi que leurs habitants - Amérindiens, Afro-Américains, immigrants, cow-boys et chercheurs d’or. Des lieux mythiques tels que les saloons du Far West, les Chinatowns de New York et de San Francisco, ou encore Coney Island ou Atlantic City complètent ce panorama du siècle dernier.
     
    Grâce à un procédé photolithographique précédant de près de vingt ans l’autochrome, ces images ont permis au public de voir pour la première fois des photographies en couleur. Dégageant une impression de découverte et d’aventure, elles offrent un fabuleux voyage à travers l’Amérique du passé.

    Relié, avec pages dépliantes 29 x 39,5 cm, 612 pages € 150

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  • REWIND... En course pour LES MOLIERES 2014 : ”Des fleurs pour Algernon” de Daniel Keyes, mise en scène Anne Kessler au T

     

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    L’adaptation de Gérald Sibleyras et la mise en scène d’Anne Kessler sont en tout point parfaites, résolument contemporaines, la part belle est faite à la magnifique présence du comédien et à la sincérité du texte. L’intense scénographie de Guy Zilberstein, les lumières ingénieuses d’Arnaud Jung et l’inventivité  sonore de Michel Winogradoff contribuent à offrir un écrin idyllique au jeu de Grégory Gadebois.

    Pour écrire ces lignes, j’avoue mon impuissance, je ne suis pas certaine de retransmettre ici  l’émotion incroyable ressentie dès les premiers mots prononcés par Grégory Gadebois jusqu’aux derniers, alors qu’ils retentissent encore… 
    Lire l'article ici 

     

     

     

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  • REWIND... En course pour LES MOLIERES 2014 : Léonore Confino pour Ring nominée pour le ”Molière de l’Auteur francophone

    Jean-Claude Camus,Magali B.,Leonore Confino,molières 2014,ring,audrey dana,Par des effets de miroirs, lissés ou brisés, Leonore Confino renvoie des éclats de vies amoureuses et chacun en prend pour son grade. La recette est bonne, le public est friand : « ça y est, incroyable, on parle de moi !». Les répliques fusent, rythmées par une mise en scène toujours très sobre qui tend à mettre les comédiens en valeur. Sur un fond de décors vidéo (encore ! il faut s’y faire, c’est dans l'air du temps) aux lignes géométriques très pures, qui dénotent une atmosphère résolument urbaine soutenue par une création sonore tout autant contemporaine, les couples se font et se défont selon les mouvements inscrits par la chorégraphe Magali B. Décidément, Monsieur Jean-Claude Camus, directeur à la fois de la Porte Saint-Martin et de la Madeleine, a la volonté ferme de nous montrer un théâtre qui marie systématiquement les arts de la scène entre eux. Et cette fois-ci, l’équilibre est parfait, les apartés chorégraphiques donnent du grain au jeu des comédiens et mettent en relief le propos. Lire l'article ici

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  • Les animaux sauvages s'installent à Paris : le PARC ZOOLOGIQUE de Paris ouvre ses portes le 12 avril

    parc zoologiqueAu loin, 'le rocher des singes' se dessine... sa seule vue rassure, on se dit que le Zoo de Vincennes ne doit pas avoir tant changé : les souvenirs, vieux de trente ans, que l’on s’est pressé de raconter aux enfants vont être crédibles.
    Le soleil fait darder ses rayons sur les allées blanches, une foule jacassante et curieuse s’agglutine devant les vitres et autres espaces réservés à la vue des animaux sauvages. Le parcours se déroule selon cinq zones géographiques dites 'biozones' : La Patagonie, Le Sahel-Soudan, Madagascar, La Guyane et l’Europe. Naturellement réfractaire à toutes formes 'd’enfermement du vivant', je suis vite convaincue par le grand espace attribué à chacun des animaux, et, à l’attention toute particulière donnée à la scénographie environnementale du lieu. Il est probable que les nouveaux locataires de Vincennes doivent se sentir à leur aise. Mais ce jour là, beaucoup d’entres eux n’ont pas encore eu le temps de s’habituer à leurs nouveaux territoires, certains préfèrent rester cachés aux yeux de cette faune urbaine dont les râleries sont reconnaissables par le 'caractère endémique' de leur espèce. 
    Cette première visite est un succès, je compatis de tout cœur à la frayeur des otaries qui préfèrent rester à l’abri de leur grotte.nero le lion,parc zoologique,zoo de vincennes

    Plus de 1000 animaux, 180 espèces différentes dont certaines cohabitent, peuplent ces 15 hectares. Les addax et les oryx algazelles sont un peu orgueilleux, ces sortes d’antilopes triomphent de leurs cornes annelées. Nero le lion, observe, ses soigneurs lui ont promis l’arrivée prochaine de trois femelles, il patiente, étendu sur son rocher chauffé comme un fauteuil de voiture luxueuse. 

    nero le lion,parc zoologique,zoo de vincennesPas très loin, seize girafes d’Afrique de l’ouest, élégantes, les gardiennes des lieux se sont parées de faux cils extravagants, leur chic contraste avec la quarantaine d’affreux culs roses de ces antipathiques babouins de Guinée au regard torve. On envie les barbotages des manchots de Humbolt qui s’ébattent dans les eaux d’un bassin bleu émeraude en forme d’amphithéâtre. La grande serre est un refuge tropical, une sorte de jungle civilisée où serpents et autres raretés vénéneuses sont bien gardés. Des palmes, fleurs et lianes accueillent des oiseaux extraordinaires dont les plumages colorés rivalisent avec les teintes des orchidées. Une meute de loups d’Espagne ravive l’imagination des enfants et gomme par sa beauté, sa puissance et la douceur apparente de sa fourrure, toute la terreur inspirée par les contes. Ravie de retrouver un des plus bouleversants mammifères qui soit, je me surprend, écrasée contre la vitre, à souhaiter croiser le regard du tendre lamantin…

    parc zoologiqueDepuis 1934, le Muséum National d’Histoire Naturelle poursuit sa mission avec le nouveau Parc zoologique en termes scientifiques et pédagogiques et selon un esthétisme raffiné. Le charme des années 30 subsiste malgré les 27 mois de travaux qui ont été nécessaires. Artistes, ingénieurs, architectes, jardiniers, techniciens et artisans ont laissé place aux vétérinaires, éthologues, soigneurs, concepteurs et médiateurs pédagogiques, afin de jongler au mieux entre une cohérence esthétique, le bien être des animaux et l’accueil du public.

    nero le lion,parc zoologique,zoo de vincennesUn attrait supplémentaire a retenu toute mon attention : les arbres. Le parc est autant zoologique que botanique. Des jeux de perspectives intéressants rythment l’espace, un vrai travail artistique en somme puisqu’il s’agit de copier la nature. L’effet est garanti. 870 Espèces végétales ont entamé leur course vers le ciel, les troènes, érables, chênes, noisetiers et sorbiers ne semblent pas se méfier des cordylines, bananiers, palmiers, savonniers et autres arbres encore plus exotiques bien décidés à gagner du terrain. La plantation des espèces est multiple et précise, elle s’harmonise par de savants voisinages. D’ici deux ou trois ans, il faudra s’armer d’un coupe-coupe pour visiter l’endroit ! La surface arbustive du Parc zoologique a été augmentée de 40 %, il est à souhaiter que cet effort botanique soit contagieux au reste de la capitale, sa tutrice, puisque le terrain sur lequel il est situé appartient à la Ville de Paris.

    Laurence Caron-Spokojny

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  • En mars 2014, les étoiles seront au complet dans le ciel de Paris... L'étoile Pietra brillera !

    Voici "Mr & Mme Rêve", une rencontre entre danse et réalité virtuelle dans un spectacle innovant où l’excellence de la danse de Marie-Claude Pietragalla et de Julien Derouault est magnifée par une technologie spécialement adaptée sur une musique de Laurent Garnier. 

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    Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault rendent hommage au père du "Théâtre de l'absurde" Eugène Ionesco grâce à la 3D et au numérique.
    La compagnie Pietragalla-Derouault donnera une dizaine de représentations en province, dont les 8 et 9 mars à Marseille et le 12 à Grenoble en 2013. A Paris, M. & Mme Rêve sera à l'affiche du Grand Rex, à compter du 12 mars 2014. 

    Mr & Mme Rêve
    1 & 2 février / Lens
    9 février / Béthune
    13 & 14 février / Joué lès Tours
    16 février / Saint Maur
    26 & 27 février / Mérignac
    8 & 9 mars / Marseille
    12 mars / Grenoble
    16 mars / Bulle
    19 mars / Morges
    21 & 22 mars / Genève
    23 & 24 mai / Châtillon

    A Paris du 12 au 24 mars 2014 au Grand Rex

     

    Chorégraphie et mise en scène Marie-Claude Pietragalla et  Julien Derouault
    En coproduction avec Dassault Systèmes, The 3D Experience company, Mehdi Tayoubi

    Interprètes : Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault
    Collaboration musicale Laurent Garnier

    Conception et réalisation graphique  Gaël Perrin
    Réalité virtuelle et mise en œuvre technologique Benoit Marini
    Costumes Johanna Hilaire
    Son, Lumière et Vidéo  Stars-Europe

     

    INFOS ICI http://www.pietragallacompagnie.com/

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  • LIVING ROOMS de BOB WILSON s'exposent au Louvre, jusqu'au 17 février 2014

     Exposer son appartement dans les salons du Louvre est un privilège réservé au metteur en scène Bob Wilson. En 2008, Bob Wilson avait déjà mis en scène ses funérailles à la demande de l’artiste déjantée Marina Bramovic*, c’est dire à quel point la mise en scène ne supporte aucune limite pour Bob Wilson. 

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    Amoureux obsessionnel de la danse, Bob Wilson fond la discipline dans la moindre de ses créations, il matérialise la pensée par le mouvement qu’il décortique et livre avec une sensibilité extrême. Autant la musique (notamment auprès de Phil Glass) qu’il associe très méticuleusement au geste, Wilson esquisse un dessin, puis son esprit créatif s’étend jusqu’à la réalisation vidéaste ; ainsi armé de technologies et d’inspirations nourries par ses rencontres et univers (les arts africains, asiatiques, …) « Le voyage en grande Wilsonie » (de Philippe Malgouyres, éd. Triartis) commence…

    Wilson s’empare de tout, ces « Living Rooms » en sont la preuve, objets hétéroclites, œuvres chinés ou offertes, fétiches,  photos emblématiques, masques, témoignages, passé, présent, futur, il y en a partout, jusqu’aux plafonds du Louvre. Insolente, l’accumulation pourrait sembler un rien égocentrique, symbole de la folie des grandeurs de l’Artiste, mégalomane… Il n’en est rien, chaque chose a un sens, une raison d’être, rien d’inutile, tout s’explique. Témoignages intimes mais pudiques de l’artiste, les « Living Rooms » sont des passerelles qui traversent un univers en plusieurs dimensions, des passages de l’Homme à l’Artiste ou bien l’inverse.
    A visiter absolument avec des échasses ou des jumelles, certains objets sont accrochés si haut sur les murs que l'on regrette de ne pouvoir mieux les distinguer...

    Laurence Caron-Spokony

    * à voir le documentaire "Bob Wilson’s life and death of Marina Abramovic". 

    Pour "aimer" la page facebook de "Ce qui est remarquable", c'est par ici

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  • Les accords parfaits de Serge Poliakoff au Musée d’Art Moderne, jusqu’au 23 février

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    Serge Poliakoff, Gris bleu, 1962. Collection particulière, Paris © ADAGP Paris, 2013

    Entrer dans l’exposition de Serge Poliakoff, proposée par le Musée d’Art Moderne, se passe comme dans un rêve… un rêve très éveillé : « Le rêve des formes ». Et des formes, il en existe une infinité. A perte de vue, un horizon  s’offre au regard : plus de 70 peintures, et, autant d’œuvres sur papier réalisées entre 1936 et 1969 composent cette sorte de toile géante reflet harmonieux de l’œuvre de Serge

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  • Picasso à Malraux : « J’ai fait des assiettes, on peut manger dedans. » - Picasso, céramiste à la Cité de la Céramique d

    picasso céramiste et la méditerranée,cité de la céramique,sèvres,laurence caron-spokojny,picassoLors de l’exposition annuelle des potiers de Vallauris en 1946, Picasso rencontre Suzanne et George Ramié, les propriétaires d’une fabrique de céramique, l’atelier Madoura. Picasso y réalise ses premières œuvres en céramique puis 4500 œuvres suivront jusqu’en 1971. Picasso considère avoir trouvé une façon  de démocratiser son œuvre ; depuis la libération, Picasso est inscrit au parti communiste, son engagement date de la période de la guerre d’Espagne, il confiera à André Malraux : « J’ai fait des assiettes, on peut manger dedans. »

    L’œuvre céramique de Picasso a investi le dernier étage de la très belle Cité de la Céramique de Sèvres : c’est un éblouissement. La sensualité des courbes de ses femmes, aux hanches généreuses et à la taille élancée, côtoie la foule déchaînée de ses chères corridas alors que faunes, et chèvres délicates, se partagent les vitrines lumineuses de l’exposition.

    Un premier espace réunit matrices et moules aux œuvres originales, c’est une entrée dans l’atelier ; on respire presque la poussière de terre cuite, est-ce le bruit lancinant du tour du potier ? l’envie de caresser l’émail… il faut seulement imaginer, ici même les photos sont interdites, les 150 œuvres présentées sont gardées jalousement par les héritiers du maître. 
    Puis un second espace puise dans les précieuses réserves de l’exposition permanente de la Cité pour présenter quelques pièces anciennes symbolisant les courants qui ont inspirés Picasso, les civilisations chypriotes, grecques ou espagnoles marquent le territoire.
    L’entrée dans le cœur de l’exposition est magique, foudroyée par la beauté. Les mains de Picasso sont partout, inventives, elles modèlent en quelques tours savants des colombes et des chouettes prêtent à prendre leur envol, aussi vivantes que les plats, carafes et assiettes. Picasso transforme l’objet mobile et anodin en œuvre vibrante et tournoyante, les traits sont souvent tracés dans la pâte encore molle de bleus et d’ocres éclatants, la brillance des vernis se frotte au ton mat de la pâte blanche sans que l’une ou l’autre en porte ombrage. 
     

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    Picasso surcharge de décors certaines pièces classiques pour ensuite modeler une forme pure et aérienne. Par hasard, il ramasse un éclat de brique, il dessine un visage de déesse, tel un fragment de cité antique digne des plus grands trésors de Pompéï.  L’artiste génial s’exprime pleinement, de la façon la plus spontanée qui soit pour enfin se consacrer à l’édition de céramique dont 633 modèles seront édités pour des tirages allant jusqu’à 500 exemplaires, l’Atelier Madoura en aura l’exclusivité.

    Votre connaissance de Picasso est incomplète si vous ne connaissez pas son œuvre céramiste ; à la Cité de la Céramique de Sèvres, il est question de s’approcher au plus près de l’intensité créative de l’œuvre de Picasso : ainsi il est possible de sentir les mains de l’artiste courir sur la glaise, il suffit juste de dévorer des yeux ces modelages et sculptures, une expérience envoûtante. 

    Laurence Caron-Spokojny

    A visionner ici le film "Picasso céramiste et la Méditerranée" - de Christine Pinault et Thierry Spitzer, 2013 (19'30) - production Picasso Administration. 

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  • « Hollywood » est un triomphe depuis deux saisons, après Daniel Russo, Samuel Le Bihan et Dominique Pinon, le Théâtre de

    laurence caron-spokojny,théâtre de la michodière,daniel colas,françoise pinkwasser,hollywood,ron hutchinson,margaret mitchell,victor fleming,autant en emporte le vent,ben hecht,david o.selznick,jacques-emile ruhlmann,thierry fremont,pierre cassignard,emmanuel patronEntrer dans le hall du théâtre de la Michodière est déjà un voyage dans le Hollywood des années 30. La décoration précieuse, intacte jusqu’à ce jour, de Jacques-Emile Ruhlmann, ornée d’appliques stylisées, de moulures courbes et de lignes géométriques et de sa moquette graphique rouge et or, révèle ici la puissance esthétique des années Art Déco. On imagine aisément que la décoration du bureau du célèbre producteur de films David O. Selznick devait s’en approcher.

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  • Les amants terribles, de Benoîte Groult, embarquent sur ”Les vaisseaux du coeur”, au Petit Montparnasse

    serge riaboukine,benoîte groult,les vaisseaux du coeur,petit montparnasse,josiane pinson,jean-luc tardieuGeorge sans ‘s’ - son nom inspiré par George Sand, annonce déjà la couleur - est une parisienne, raffinée et cultivée. Gauvin - dont le nom héroïque est emprunté à un des chevaliers de la table Ronde - est un marin pêcheur, simple et rustre.
    Entre ces deux héros, l’histoire d’amour se noue et se dénoue au rythme des pêches. L’amour partagé est passionné. Mais l’harmonie n’est pas au goût du jour, les contraintes sociales et culturelles enchaînent les amants et les contraignent à quelques rendez-vous entre Paris et des rives exotiques…

    « C’est trop compliqué d’écrire une histoire d’amour » : c’est ce qu’affirme l’héroïne de Benoîte Groult. Pourtant, l’auteure a su remporter le défit dans un écrit résolument moderne. « Les vaisseaux du cœur » dépasse le style du 'roman d’amour' qui consiste à décrire la puissance du sentiment amoureux. Benoîte Groult, avec l’alibi de la romance, affirme un engagement féministe, limpide et combatif. A cet esprit militant s’ajoute un amour immodéré pour la mer - partagé avec son mari, l’écrivain et journaliste, Paul Guimard - et se délie sous une plume aiguisée. « Les vaisseaux du cœur » ont remué la bonne conscience et bousculé les diktats à leur sortie en 1988, et c’est tant mieux !

    serge riaboukine,benoîte groult,les vaisseaux du coeur,petit montparnasse,josiane pinson,jean-luc tardieu,laurence caron-spokojnyDeux en scène, Josiane Pinson et Serge Riaboukine, jouent sur un quai ou sur le bord d’un ponton qui prend parfois l’allure d’un lit immaculé, théâtre de leurs ébats. Des pans d’étoffe d’un blanc pur, suspendus aux cintres, les empêchent parfois d’avancer, empêtrent leurs déplacements, comme autant de contraintes qui gênent leurs vies. Ainsi, Jean-Luc Tardieu peint la toile de fond de l’histoire selon une mise en scène impeccable qui, toujours, prend grand soin des comédiens et sert le texte avec raffinement.

    Josiane Pinson a adapté le texte de Benoît Groult. Parfaitement ajustée, elle se glisse dans la peau de George, elle touche juste, elle interpelle, et son personnage est souvent très agaçant, elle veut tout sans rien donner, et cela elle en est tout à fait consciente... Le temps de la représentation, elle incarne un féminisme qui poursuit la lutte (incessante et toujours d'actualité) ; l’amour physique, décrit en termes crus, est un prétexte pour faire entendre sa voix. Comparée à son amant, George semble être la moins libre à moins qu’elle soit la plus réaliste, il est à chacun d'entamer cette réflexion... Josiane Pinson fait aussi office de narratrice, et malgré l’importance de son texte, elle laisse toute la place nécessaire aux courtes répliques de son partenaire. Serge Riaboukine est Gauvin, il campe un marin pêcheur plus vrai que nature, il ne cesse d’opposer sa forte stature à une candeur masculine désarmante. La performance de l’acteur est d’une grande poésie nourrie par de très délicates intentions de jeu.

    Le couple de comédiens fait preuve d’une sincérité absolument magnifique. Il n’est pas question de confronter l’homme et la femme, mais plutôt d’assister à une sorte d’union sacrée qui tente de résister coûte que coûte aux contraintes imposées par la société mais surtout aux idées reçues de chacun. « Les vaisseaux du cœur » est encore une très, très jolie pièce proposée au sein de la toujours très artistique saison du Petit Montparnasse.

    Laurence Caron-Spokojny

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  • Au Palais de Tokyo, ”LES MODULES” (Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent) : Vivien Roubaud, Thomas Teurlai, Tatian

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    Thomas Teurlai,Camping Sauvage, 2013. Courtesy de l’artiste.

    Les trois modules de ce printemps 2014 sont consacrés à des artistes récemment diplômés de la Villa Arson, Nice. Chacun s’approprie le bâtiment du Palais de Tokyo à sa manière. Vivien Roubaud détourne les soubassements du plafond afin de produire des sculptures issues des tuyauteries, gaines et autres câbles d’alimentation. Thomas Teurlai suspend dans le vide une immense sculpture porteuse de sons vibratoires qui envahissent l’espace. Enfin, Tatiana Wolksa réalise une architecture déconstruite en s’appropriant les chutes des expositions précédentes.

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  • Médée, poème enragé, selon Jean-René Lemoine, à la MC93 de Bobigny : the ultimate experience

    Christophe Ouvrard,médée poème enragé,Romain Kronenberg,Jean-René Lemoine
,Damien Manivel,François Menou-Dominique Bruguière
,Bouchra Jarrar
,mc93 bobigny,Zelda Soussan,Médée aime, tue et fuit… puis Médée aime, tue et fuit, encore et toujours.

    La magicienne ne conçoit aucune limite à son amour lorsqu’elle l’offre, et aucune limite si cet amour lui est repris. Eternelle amoureuse, esclave sentimentale ou manipulatrice vengeresse, Médée déifie les passions, elle donne la vie comme un cadeau ou la reprend comme une punition, suit les battements de son cœur et répond à ses affres passionnelles avec une logique et une froideur implacable.

    Pour l’avoir écrit et composé, et pour lui donner souffle, Jean-René Lemoine impose un être hybride, homme, femme, démon, ange, dieu, déesse. Jamais violente, ni hystérique, l'autorité du comédien est toute en nuances, envoûtante…
    Il absorbe mon oxygène, il m’oblige à me plier à son propos

     

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  • ”L’Interlope” jusqu’au 30 octobre au Studio-Théâtre de la Comédie Française

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    Pendant que le succès « Les Damnés » fait le plein de la salle Richelieu jusqu’en janvier 2017, « L’Interlope » au Studio-Théâtre démarre sur les chapeaux de roues. La saison de la Comédie-Française mise en œuvre par Eric Ruf commence très bien. A grandes enjambées, pour 2016/2017, le répertoire théâtral est fouillé du classique au contemporain, avec cette aisance d’équilibriste dont seuls les talents de cette Maison ont le secret.

    C'est au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, nichée au creux du Carrousel du Louvre, une discrète annexe très judicieusement aménagée où l’acoustique est notamment exceptionnelle ; en son sein vibre une matière protéiforme à chaque fois renouvelée, et, pour cette série dédiée à l’univers du cabaret, Serge Bagdassarian est à la conception et à la mise en scène pour faire émerger «L’Interlope».  

     « Cette chose équivoque, qui n’a que des apparences louches » (déf.Laroussse).

    Ici, « L’interlope » est un lieu d’amusements mondains et débridés ou un refuge presque clandestin pour les homosexuels et les lesbiennes. Ce sont Les Années Folles, cet entre-deux-guerres foisonnant d’inspirations, cette accélération créative inouïe, et aussi l’époque d’une grande hypocrisie, les différences se dissimulent pour se cacher tout à fait.

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    Pour résister, pour exister, les paillettes et plumes (admirables ! en provenance directe du Moulin Rouge), la musique et l’humour, sont des armures qui s’avèrent aussi protectrices que combatives. Véronique Vella, Michel Favory, Serge Bagdassarian et Benjamin Lavernhe, les élégants comédiens de la Maison de l’autre côté de la rue de Rivoli, livrent une œuvre parfaite.

    D’abord le texte, fluide, il s’infiltre dans les moindres recoins jusqu’aux tréfonds de nos âmes, et tout ça, évidemment, sans en avoir l’air, avec simplicité et légèreté. Il y a beaucoup d’enthousiasme à revêtir la réalité de costumes et de parures afin de ré-enchanter la vie. Tout n’est que vue de l’esprit. Le défi est important, il n’est pas question de tomber dans la caricature, d’égratigner ce qui est beau, de désespérer ce qui est courageux ou de diminuer ce qui est héroïque. Cela, les comédiens le respectent avec un sens de la mesure pour lequel le public ne cesse de soupirer d’admiration. Entrainées par une tendresse contagieuse, les larmes viennent souvent noyer les paupières, l’âme s’emballe mais le rire gagne toujours la partie !

    Complétement hypnotisée par (entre autres rencontres) la « Madame Butterfly » de Serge Bagdassarian, j’ai été plaquée au sol par la performance de Véronique Vella, très émue par Michel Favory et étouffée de rires par les inventions extravagantes de Benjamin Lavernhe ; des sommets sont atteints. La musique épouse très intelligemment les chansons, justement interprétées par ces vies, moulées dans les beaux costumes de Siegrid Petit-Imbert, côté loge et côté scène, et, échappée de l’ardent piano de Benoît Urbain, et de l’insolente contrebasse d’Olivier Moret.

    « L’Interlope » est un spectacle qui reste collé à la peau, un cadeau d’une grande valeur. A partager... pour tous et plus encore.

    Merci les artistes !

    Laurence Caron

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  • LA FRESQUE jusqu'au 22 décembre au Théâtre national de la Danse Chaillot

    theatre national de la danse,chaillot,mirea delogu,nuriya nagimova,anna tatarova,yurié tsugawa,marius delcourt,antoine dubois,victor martinez caliz,fran sanchez,jean-charles jousni,leonardo cremashi,angelin preljocaj,ballet preljocaj,dany lévêque,natalia naidich,Éric soyer,constance guisset,nicolas godin,azzedine alaïaIl était une fois en Chine deux voyageurs, qui, un jour de tempête, trouvent refuge dans un temple. Ils découvrent alors, sur l’un des murs, une fresque magnifique représentant un groupe de jeunes filles. Le voyageur nommé Chu tombe éperdument amoureux de l’une d’elles. Pour rejoindre l’objet de sa flamme, il traverse le tableau...  

    Il n’est pas forcément très utile de connaître l’histoire pour comprendre le spectacle. Angelin Preljocaj raconte, non pas avec des mots, mais avec les corps et l’invisible. Un langage puissant qui bouleverse les cœurs. 

    La mise en espace de Constance Guisset déploie d’étranges tentacules, effilochements savants ou cheveux éparpillés, ces éléments évanescents soulèvent les interprètes, un ballet aérien décolle de la scène. Le parti pris pour le noir de la nuit méprise un peu les yeux des spectateurs, ce sont les lumières de l’air du temps, parfois très blanches et pour ici noires, une contemporanéité voulue souvent par les scénographes (sur les scènes ou dans les lieux d’expositions) qui commence à devenir vraiment lassante ces dernières années. Mais peu importe les ardents danseurs de Preljocaj brillent. La Compagnie d’Aix-en-Provence se coule dans les soyeux costumes d’Azzedine Alaïa. L’apesanteur a gagné l’immensité de Chaillot.  La mise en sons électro de Nicolas Godin (groupe Air) enveloppe l’atmosphère dans une évidence, la musique naît de la dramaturgie chorégraphique. Pour respirer, précieusement, des silences s’installent, des laps de temps courts, forts, indispensables et respectueux, afin de saisir la beauté des tableaux proposés. 

    Les créations d’Angelin Preljocaj, notre chorégraphe français échappé du Pays des Aigles, se réinventent à chaque fois. Les personnalités fortes qui composent la compagnie de Preljocaj n’ignorent rien des intentions de leur directeur et répondent en un écho parfait à ce flot de sentiments intarissable. L’air est un élément de coordination du mouvement à part entière, il n’y a jamais de vide, Preljocaj montre l’invisible. La passion amoureuse demeure au centre des préoccupations de Preljocaj, quelques pincées d’humour sont saupoudrées, et relevées par des clins d’œil pop comme ce tableau tonique dont la rythmique est certainement un hommage au désormais très classique Thriller de Mickael Jackson. La construction poétique de Preljocaj est complexe et pourtant l’évocation laisse une impression de fluidité et de simplicité apparente. La chorégraphie et la théâtralité se fondent l’un dans l’autre, tout est compréhensible, lisible. Les sentiments prennent forment et les soupirs se matérialisent.

    Le rêve, toujours le rêve. L’amour, toujours l’amour. Voir de ses yeux et ressentir de partout ce qui appartient au domaine de l’imperceptible est une expérience inoubliable, c’est encore une fois la promesse tenue par Angelin Preljocaj. Pour tous, à partir de 9 ans.

    Laurence Caron

    A lire  aussi :

    "ROMÉO ET JULIETTE" AU THÉÂTRE NATIONAL DE CHAILLOT EN 2016

    "RETOUR À BERRATHAM" AU THÉÂTRE NATIONAL DE CHAILLOT EN 2015

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  • Paysages Intérieurs de Philippe Genty au 13ème Art, jusqu'au 21 janvier

    philippe Genty,« L’imaginaire, c’est ce qui tend à devenir réel » cette citation d’André Breton, Philippe Genty pourrait la faire sienne. Le monde de Philippe Genty raccourcit définitivement les distances entre le rêve et la réalité, au point qu’il les juxtapose. A découvrir dans la toute récente salle du 13ème Art à Paris. 

     

    Cet univers, à la fois pictural et vivant, fantastique et profondément humain, est aussi familier et lointain. Philippe Genty a toujours aimé bousculer. Depuis les années 80 au Théâtre de la Ville où ses premières œuvres ont ouvert des horizons radicalement différents à l’ensemble de la création scénique, que ce soit pour les marionnettistes, la chorégraphie, le théâtre ou la musique, le spectacle vivant en général y a renouvelé son inspiration, il s’est transformé. De ces peaux qui s’échappent comme de l’eau, sortes de toiles de parachute, qui enveloppent et titillent notre imagination, Philippe Genty modèle ses Paysages Intérieurs (à découvrir aussi chez Acte Sud), souvent mélancoliques, parfois terrifiants, toujours drôles, avec la créativité de la jeunesse éternelle ! Pour conter ces histoires, la compagnie de Philippe Genty se compose d'interprètes protéiformes, aux talents presque élastiques, de vrais artistes en somme. 

    Philippe Genty n’a de cesse d’inonder les scènes du monde entier par ces étoffes soufflées, ces marionnettes ou danseurs acrobates fantasques dont on ne sait plus s’ils sont faits de chairs, d’os ou bien de plastiques et de bois. Avec la candeur et la tendresse d’un Gepetto qui fait naître de ses mains un pantin articulé, Philippe Genty va puiser aux confins des rêves ce qui est impossible à dire, ce qui est impossible à écrire. Et puis, il y a encore une fois, et il est impossible de s'en lasser, les mélodies de René Aubry accompagnant si bien l’œuvre plastique qu’elles en deviennent indissociables.

    Ces Paysages Intérieurs se dévoilent comme les pages d’un carnet de voyage dont chacun y découvrira une lecture tout à fait personnelle, pour ainsi dire universelle. A voir au plus vite ce soir à 20h30 ou dimanche à 15h.

    Laurence Caron

     

    philippe Genty,ce qui est remarquable,acte sudPaysages Intérieurs Actes Sud Théâtre Hors collection Mai, 2013 / 19,6 x 25,5 / 304 pages - ISBN 978-2-330-01943-3 - prix indicatif : 35, 00€

    A suivre au 13ème Art  : "Murmures des murs" de Victoria Thierrée-Chaplin avec Aurélia Thierrée, jusqu'au 3  février.

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  • ”Roméo et Juliette” au Théâtre National de Chaillot, jusqu'au 24 décembre

    angelin preljocaj,prokofievDéjà, il y a la musique de Prokofiev. Si colorée, si vivante, il est aisé de comprendre pourquoi une somme éhontée de compositeurs s'est inspirée à grandes brassées de ces oeuvres éblouissantes.

    La tragédie antique gravée dans le marbre par Shakespeare est le passage obligé en matière de création, l’exercice de style n’échappe pas aux auteurs dramatiques, aux compositeurs (pas moins de vingt-quatre Opéras) autant qu’aux chorégraphes. L’entreprise s’avère en réalité des plus ardues, se frotter à toutes formes de comparaisons est bien ce qui est de plus risqué et parfois aussi de plus ingrat.

    Le génial chorégraphe Angelin Preljocaj s’est aventuré sur ce terrain avec une sorte d’insolente innocence, la première fois en 1990 avec le Ballet de Lyon avant d’être rejoint par Enki Bilal en 1996 à Aix-en-Provence. Depuis, le spectacle s’est fait voir, entendre, applaudir et a été encensé par les plus attentifs d’entre nous.

    angelin preljocaj,prokofievJusqu’au 24 décembre 2016 sur la scène de Théâtre National de Chaillot, le décor monumental prend place, il est à son aise, les lumières s’obscurcissent pour emmener le spectateur sous un régime dictatorial avec son lot d’arrogance, de violence, de crainte, et de suspicion. Les personnages sombres et muets racontent avec leurs corps l’histoire des amants maudits. La talentueuse compagnie d’Angelin Preljocaj écrit la chorégraphie comme on choisit des mots. Angelin Preljocaj est un conteur d’histoires, des histoires d’Amour surtout. Sur les rives extrêmes d’un romantisme foudroyant, les pas de deux qui unissent ces êtres rappellent évidemment les tournoiements et abandons passionnés de l'inoubliable Le Parc (1994). Comme une vague, une sensualité envahit le plateau de Chaillot et remonte les rangs serrés du public pour submerger tout à fait la salle. Preljocaj commande aux frissons avant de faire couler les larmes. L’intention est exacte et d’une justesse incroyable, il n’y a pas un instant ou l’intensité ne se perd. Il s’agit bien d’amour, un amour pressé, sincère, emporté, ce genre d’amour qu’il faudrait avoir vécu au moins une fois même si c’est pour en mourir…

    Ce soir là, Jean-Charles Jousni, le Roméo de Preljocaj est dans la pleine puissance de sa jeunesse, un acrobate virtuose absolument convaincant, il aime une Juliette fantasque, gracile et forte, souple et cassante, Emilie Lalande est magique, une Etoile rare, elle apparaît comme dans un rêve, l’interprète a fait abstraction du monde matériel pour nous traduire ce qui est impalpable. Divine.

    Cet émouvant Roméo et Juliette demeure un vibrant hommage au ballet classique, sans rien renier Angelin Preljocaj en extrait la substantifique moelle, l’essentiel est là, d’une efficacité redoutable. Les ensembles de danseurs, lors de la scène du bal notamment puis lors des affrontements, font sensiblement penser aux envolées lyriques dessinées par Jérôme Robbins dans West Side Story, une sorte de dédicace qui prend l’air d’une élégante révérence.  

    Sans contexte, Angelin Preljocaj a cette particularité, tout à fait singulière à ses créations, qui consiste à faire naître les sentiments amoureux par l’expressivité du corps. Assurément bouleversant par sa beauté et son intensité, ce "Roméo et Juliette" est inscrit profondément dans le répertoire de la danse contemporaine du 21ème siècle, et comme souvent pour ces pages historiques de la danse, c'est à Chaillot que cela se passe. Magique et magnifique. 

    Laurence Caron

    photo (C) JC Carbonne 

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  • ”Je ne suis pas une arme de guerre” jusqu'au 26 février au Petit Théâtre du Gymnase

    Zenel Laci,théâtre du gymnase,Sevdije Ahmeti,Anila Dervishi,je ne suis pas une arme de guerre,« Je ne suis pas une arme de guerre » est un projet collectif inspiré de la chronique tenue par Sevdije Ahmeti*, militante albanaise des Droits de l’Homme, durant la guerre au Kosovo. Aujourd’hui, le conflit a cessé au Kosovo, la jeune République fête ses dix ans cette année. En 2018, en Syrie, au Yémen, en Birmanie, en Ethiopie, … les civils sont les premières victimes des conflits, en particulier les femmes. Le conseil de l’ONU traite « de l’impact disproportionné et tout à fait particulier des conflits armés sur les femmes » (résolutions 1325 et 1820). Les violences sexuelles faites aux femmes sont utilisées comme une arme de guerre, sorte d’immonde rouleau compresseur qui marque pour l’éternité les «purifications ethniques».

     

     

    A Paris, tout les lundis soirs et jusqu’au 26 février sur le boulevard Bonne Nouvelle, l’art démontre une nouvelle fois sa capacité à délivrer des messages universels. Même lorsque le propos est insupportable. Inaudible. Inconcevable. Inimaginable. Effroyable. Ce qui touche aux confins de l’immonde parvient à témoigner. 

    Drapée d’une robe d’un blanc immaculé, la comédienne Anila Dervishi domine l’espace voulu par le metteur en scène Zenel Laci. A la création vidéo de Lionel Ravira et Loïc Carrera, brossée comme une peinture à l’huile sur une toile tendue, s’ajoute quelques éléments de décor et une lumière soignée. Les accents rock et folk de la guitare d’Afrim Jahja soutiennent et guident les émotions qui submergent la petite salle du Théâtre du Gymnase. Le sujet est d’une violence inouïe. L’interprétation et la lecture scénique des artistes projettent des mots puissants tout en proposant des respirations musicales, des ambiances claires-obscures et des images presque chorégraphiques. L’art plastique délivre l’air à respirer, marque le temps et dessine l’espace tandis que l’art dramatique éveille la compassion, la colère, le désespoir mais aussi l’amour. Pour un sujet terrifiant qui colle à l’Histoire, ancienne ou récente, éloignée ou proche, l’intention est tout à fait contemporaine, comme il convient de le dire, mais surtout extrêmement juste. Anila Dervishi est une comédienne intense, elle créé son interprétation par les modulations de sa voix, son regard sincère, sa chevelure farouche et sa chair sensible. Pour libérer la parole de toutes ses femmes, la comédienne déploie tout avec une délicate pudeur et une dignité naturelle. Anila Dervishi et l’équipe artistique qui l’accompagne sont investis d’une mission, un cri de révolte, un devoir de mémoire. Remarquable.

    Laurence Caron

     

    * « Journal d’une femme du Kosovo » aux éditions Karthala, Paris 2001.

    Théâtre du Gymnase - Les lundis à 20h jusqu’au 26 février 2018 
    Tarifs : 10-18-24 € Location : 01 42 46 79 79

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  • Jiří Kylián et le Ballet National de Norvège, jusqu'au 24 septembre au Théâtre des Champs-Elysées

    jiri kylian,ballet national de norvège,transcendanses,théâtre des champs elysées,laurence caron-spokojnyArchi-productif avec près d’une centaine de création depuis 1970, le chorégraphe tchèque Jiří Kylián a fait ses armes au Royal Ballet School de Londres avant de rejoindre le Ballet de Stuttgart (John Cranko) où il devient chorégraphe en1968. En 1975, Jiří Kylián est co-directeur artistique du Nederlands Dans Theater à La Haye, sa création La Symphonie des Psaumes le projette sur la scène internationale. 

     

    jiri kylian,ballet national de norvège,transcendanses,théâtre des champs elysées,laurence caron-spokojnyL'époque extrêmement créative est imprégnée notamment par les créations de Jérôme Robbins et Maurice Béjart, toute la danse se voit transformée, sur l’empreinte indélébile de Nijinsky, l’ère des grands chorégraphes contemporains a commencé …

    Avant d’entrer à l’école de danse de Prague, Jiří Kylián était un petit acrobate de 9 ans, ce goût pour le saut et la contradiction articulaire ne semble pas l’avoir quitté. Pour trois soirs au Théâtre des Champs-Elysées, le Ballet National de Norvège s’est emparé de trois œuvres du chorégraphe et il s’exprime dans ce qui se perçoit comme une grande liberté de mouvements. La gestuelle se délie, les corps se coulent entre eux, s’entrelacent, ne se cognent jamais, tout est fluide. Le néo-classicisme de La Symphonie des psaumes, ses envolées de diagonales et pas-de-deux tendres et romanesques, sur un fond riche de tapis persans majestueux, et, cette interprétation plus abstraite mais si théâtrale de Belle Figura qui se joue entre la sensualité poétique du corps et un humour enfantin à grands effets de jupons rouges et de corps abandonnés, révèlent un esthétisme incontestable renforcé par un sentiment de sérénité. Et même, dans Gods and dogs, instant qui se voudrait plus sombre, sur ce rideau d'argent qui rythme la course d'un grand chien étrange, lorsque Jiri Kylian dévoile une part de notre vulnérabilité : «On ne peut pas prétendre à un quelconque développement positif sans une bonne dose de folie» (Jiří Kylián à propos de Gods and Dogs), il n'y a pas d'angoisse encombrante, juste un questionnement humain.

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    Les pièces chorégraphiques de Jiří Kylián ne proposent pas uniquement une chorégraphie aux intentions abstraites : la mise en scène des corps sophistiquée, les costumes d'étoffes soyeuses et pures, les décors essentiels, les choix musicaux recherchés et la très belle mise en lumières, composent un voyage vers un univers à chaque fois différent, même si la signature du Maître est reconnaissable, la destination n’est jamais la même. Jiří Kylián transmet chacune de ses créations à la manière des Contes de Milles et Une Nuit avec la simplicité d'un conteur à chaque fois renouvelée. Merveilleux !

     Laurence Caron

    S'informer et réserver ses places pour la suite de Transcendanses, ICI

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  • Carmen(s) de José Montalvo à Chaillot, jusqu'au 24 février

    « J’aime Carmen parce que cette pièce solaire me permet de réfléchir à des questions qui me taraudent : l’immigration, les valeurs du métissage, l’enfance. » José Montalvo

    josé montalvo,joëlle iffrig,fran espinosa,ji-eun park,kee-ryang park,saeid shanbehzadeh,georges bizet,carmen,coumba diasse,vincent paoli,pipo gomes,sylvain decay,franck lacourt,clio gavagni,michel jaen montalvo,daniel crétois,andrès gomez-orellana,karim ahansal,zk flash,Éléonore dugué,serge dupont tsakap,samuel florimond,elisabeth gahl,rocíogarcia,acrow,rosa herrador,chika nakayama,lidia reyes,beatriz santiago,danse,théâtre national de chaillot,sithaIl aime les gens. Chorégraphe, mais pas seulement, aussi scénographe, vidéaste, monteur de sons, José Montalvo est avant tout un humaniste. Un artiste humaniste.

    La Carmen de Prosper Mérimée, hissée en personnage mythique par Georges Bizet (selon le livret de Meilhac et Halévy), est un prétexte pour José Montalvo. L'héroïne se divise en déesse aux multiples talents. Une symbolisation énergique et dramatique pour traiter de la condition féminine et de toutes les femmes en général, et aussi pour aborder, très poétiquement, les migrations des peuples oubliés. 

    Sur la largeur de la scène s’étend une vaste création vidéo. Ce qui sépare le réel de la fiction s’est évanoui, des artistes voyageurs se chargent de guider le public dans ce nouveau monde, sans frontière. L'espace du Théâtre National de Chaillot s'est ouvert sur l'infini. 

    Près des remparts de Séville
    La danse de Montalvo, façonnée de classique et de contemporain, est toujours métissée. L’Orient et l’Occident fusionnent tout en préservant et révélant l’identité et les particularités des cultures. Hip hop savant et aérien, flamenco rythmé et sensuel, danse coréenne appliquée et douce, danse africaine endiablée, capoeira acrobatique, entre autres, les artistes choisis par Montalvo dansent comme ils chantent. Ils sont musiciens, par des échappées rythmiques de peau tendues, de vibrantes castagnettes ou d’enivrant neyanban (sorte de cornemuse perse), la troupe aux personnalités bien distinctes construit le récit avec une sincérité et une joie de vivre communicative. Il suffirait d’un mot pour que le public soit invité à danser et bondisse sur scène. Il faut l’avouer, tant de générosité et tant d’optimisme sont suffisamment rares pour être totalement bouleversants.

    Si tu ne m’aimes pas, je t’aime, et si je t’aime, prends garde à toi !
    De l’amour, José Montalvo sait en parler car finalement il s’agit de cela.
    A l’heure où notre Monde prend encore difficilement conscience que les Droits de l’Homme doivent s’appliquer à tous les hommes, et qu’ils concernent aussi les Droits de La Femme, José Montalvo ne fait pas que s’inspirer, il inscrit un témoignage social et politique qui fait du bien à l’âme. 

    Laurence Caron

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  • Premier Amour par Sami Frey au Théâtre de l'Atelier jusqu'au 3 mars

    Beckett,sami Frey,théâtre de l'atelierLe public du Théâtre de l’Atelier s’est levé d’un bond. Salve d’applaudissements. Avec l’élégance féline qui le caractérise, Sami Frey a quitté la scène par la petite porte par laquelle il était entré près d’une heure trente plus tôt. Entre cette entrée sur scène et ce départ qui nous manque déjà, le comédien s’est oublié, totalement, pour céder la place à un personnage de Beckett, un seul en scène, une adaptation de la nouvelle  Premier amour

     

    Une heure trente de texte. Au théâtre c’est en moyenne la durée d’une vie, ou tout au moins d’une tranche. Le personnage incarné par Sami Frey est assez ordinaire, à la fois alerte et nonchalant, avec toujours ces notes de désespoir dont Beckett se régale comme un enfant qui aurait fait une mauvaise blague. Avec Beckett, l’ordinaire fini toujours par devenir extraordinaire. L’auteur est un transformiste, volontairement il égare son public, ou son lecteur, pour mieux le piéger. Les chemins sont sinueux, si on se trompe de direction on peut vite sentir la terre se dérober sous ses pieds. L’apparente naïveté des êtres auxquels Beckett donne vie n’est créée que pour mieux aller trifouiller nos consciences. Il y a une sorte de cruauté qui se teinte d’humour, une façon élégante de dire les choses les plus pessimistes, les plus difficiles. 

    Beckett,sami Frey,théâtre de l'atelier« C'est pénible de ne plus être soi-même, encore plus pénible que de l'être. »

    En 1946, Becket écrit la nouvelle Premier amour, deux ans avant son chef d’œuvre du Théâtre de l'Absurde En attendant Godot. En 2009, Sami Frey s’empare de la peau du personnage de Premier amour, déjà au Théâtre de l’Atelier (vous savez, c’est le Théâtre de la place Charles Dullin, celui où on ne se trompe jamais, là où tout est toujours génial). Dix ans plus tard, l’expérience se renouvelle, la voix envoûtante de Sami Frey saisie les plus de cinq cent paires de tympans assis là. Dans une fascination quasi muette souvent secouée par quelques rires sarcastiques, les spectateurs sont frappés, médusés, totalement incapable de résister. Sami Frey est à l’œuvre. Magistral. Nous sommes ses prisonniers, consentants. Le texte naît dans l’instant, chaque intention est respirée,  texturée. Beckett bat la mesure, Sami Frey n’en manque aucune avec une sorte d'humilité, celle qui accompagne les grands interprètes lorsqu'ils s'éffacent pour un auteur. Les intentions sont parfois lapidaires comme échappées d’une vérité que l’on ne parvient pas à étouffer. Rien n’est inutile, il n’y a aucune fioriture, tout est essentiel. Essence de l’humain. Sans concession, le personnage se raconte, doute, se contredit toujours, la sincérité sans faille de Beckett, Sami Frey en use et s’en amuse avec un naturel déconcertant. 

    « Le tort qu'on a, c'est d'adresser la parole aux gens »

    Incroyablement juste, la mise en scène créée par Sami Frey est dépouillée, en apparence évidemment, comme le texte. Et puis il y a ce décor, dont la verticalité amène le comédien au plus près du public, sur le fond d'une feuille de tôle aux reflets rouillés qui laisse imaginer une cale de bateau, un crématorium qui ronronne ou la ligne de démarcation établie avec un purgatoire sans paradis. Comme il vous plaira. L'imagination est en marche. 

    « Elle ne semblait ni jeune ni vieille, sa figureelle était comme suspendue entre la fraîcheur et le flétrissement »

    La complexité et le minimalisme s’épousent l’un et l’autre pour ne faire plus qu’un, Beckett et Frey font se rejoindre les extrêmes avec une intelligence commune. Rare. C'est une vision profonde tout en demeurant un  théâtre extrêmement divertissant. Un voyage aux confins de l’humain dans ses recoins les plus obscurs et un Premier amour loin d’être aussi romantique que son titre l’indique. Quoique... personne n'est là pour en juger mais plutôt pour ressentir. Je ne résume pas l’histoire, c’est à vous de la découvrir, de la vivre.

    Voici un théâtre que l’on emporte avec soi, que l’on a envie de partager à raison et à travers, puis que l’on garde précieusement comme un des meilleurs souvenirs artistiques de sa vie. Tout simplement. 

    Laurence Caron

    photo : Hélène Bamberger-Opale

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  • ”Palace sur scène” au Théâtre de Paris jusqu'au 5 janvier 2020

    Jean-Marie Gourio,Jean-Michel Ribes,Virginie Ferrere,Germinal Tenas,Gilles Tinayre,Stéphane Jarny,Patrick Dutertre,Juliette Chanaud,Patrick Dutertre,Laurent Béal,Virgile Hilaire,Maurine Baldassari,Salim Bagayoko,Joséphine de Meaux,Salomé Dienis-Meulien,Mikaël Halimi,Magali Lange,Jocelyn Laurent,Philippe Magnan,Karina Marimon,Gwendal Marimoutou,Coline Omasson,Thibaut Orsoni,Simon Parmentier,Christian Pereira,Alexie Ribes,Rodolphe Sand,Emmanuelle Seguin,Anne-Elodie Sorlin,Alexandra Trovato,Eric Verdin, Philippe Vieux,Ben Akl,Armelle GerbaultImpossible de ne pas se souvenir de Philippe Khorsand en directeur du Palace, de Valérie Benguigui en soubrette espiègle, des brèves de comptoir de Jean Carmet, du standardiste Darry Cowl, de (la toute jeune découverte de l’époque) Valérie Lemercier en Lady Palace, du shadok inégalé Claude Piéplu et ses clefs d’or, d’un Marcel Philippot râleur à souhait, de François Morel, Renée Saint-Cyr, Laurent Spielvogel, Eva Darlan ou bien encore Jacqueline Maillant entre autres grandes figures de la scène, et des invités d’un soir comme Alain Delon, Tony Curtis, Pierre Arditi, Annie Girardot et compagnie. Un casting incroyable pour assurer un show délirant totalement incongru qui fut diffusé pour la première fois sur Canal +, en 1988. Pour nourrir ces talents, les très fines plumes et crayons de Topor, Wolinski, Gébé, Rollin, Gourio et Willem étaient au boulot. Un succès, triomphalement porté par Jean-Michel Ribes, devenu culte par sa transformation en série publicitaire pour assurance, multi-diffusée depuis plus de quinze ans sur un grand nombre de chaînes de télévision.

    Passer du petit écran à la scène est un exercice de haute voltige, quand le premier réclame d’être condensé et précis l’autre impose un rythme qui ne supporte aucun écart. La scène est une loupe grossissante doublée d’une oreille plus qu’attentive. Les deux brillants complices, Jean-Marie Gourio et Jean-Michel Ribes, se sont attelés à la tâche. Le rendez-vous est donné au Théâtre de Paris.

     

    Quand le rideau se lève sur un décor en tout point identique à celui connu à la télévision, un frisson de bonheur semble parcourir les rangs des spectateurs, ils sont comme rassurés. Le Palace n’a pas bougé, le hall d’entrée et son escalier exagérément monumental, outil idéal pour camper le show à la façon d’une revue des années 30. Délicieusement déraisonnables les sketchs se suivent et les fans retrouvent les personnages récurrents comme Lady Palace, les répliques cultes  telles : « Je l'aurai un jour, je l'aurai! » ou « Appelez-moi le directeur ! »,  les histoires invraisemblables et les géniales et si drôles blagues comme celle des œufs brouillés réconciliés… 

    Brodé comme une gentille opérette, l’ensemble a un charme désuet. Gwendal Marimoutou est un talentueux groom, le jeune artiste qui est aujourd’hui de toute les comédies musicales parisiennes, exerce un marathon chanté et dansé tout en passant les plats entre chaque scènette, entouré par des danseuses au tempérament de comédiennes. La musique enregistrée souffre d’une sonorisation peu délicate, cela étonne dans une salle de spectacle qui a partagé les grandes heures du théâtre musical. Heureusement le visuel couvre le sonore, les effets et étoffes des costumes et défilés de robes sont une réussite. La troupe de comédiens se démène, quelques interactions se créent avec le public quand des fous rire impossibles à contenir montent de la salle. Mais, le Palace prend l’eau, sans métaphore.

    L’écriture acérée des sketches et la géniale verve irrévérencieuse viennent tout à coup se faire bousculer par une mise à jour malvenue, des allusions sur les sans-papiers et migrants souhaitent actualiser le propos. Les sketches s’éternisent... Épaté par les prestations d’une troupe de comédiens plutôt efficace là où l'équilibre semblait le plus difficile à tenir en comparaison de la distribution d'origine, le public est paumé, entre étonnement et déception. Ce Palace est encore charmant mais a perdu de son éclat…

    Laurence Caron

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  • ”Une des dernières soirées de Carnaval” au Théâtre des Bouffes du Nord, et en tournée dans toute la France.

    une des dernières soirées de carnaval,theatre des bouffes du nord,carlo goldoni,myriam tanant,jean-claude penchena,actes sud-papiers,clément hervieu-léger,aymeline alix,erwin aros,louis berthélémy,clémence boué,jean-noël brouté,adeline chagneau,marie druc,charlotte dumartheray,m’hamed el menjra,stéphane facco,juliette léger,jeremy lewin,clémence prioux,guillaume ravoire,daniel san pedro      La profondeur des murs ocres du Théâtre des Bouffes du Nord transporte immédiatement à Venise, on imaginerait presque les reflets ondoyants de l’eau sur les façades des palais... Au 18ème siècle, les fêtes du Carnaval se succèdent sur plusieurs mois, entre Épiphanie et Carême, cette exubérance mondaine tente de dissimuler les conflits qui ensanglantent l’Europe. La Sérénissime qui orne les rives de la mer Adriatique lutte contre le déclin qui s’avance, ses faiblesses commerciales et politiques s’oublient derrière les masques.

    En 1761, Carlo Goldoni (cf. Les Jumeaux vénitiens) s’apprête à quitter Venise, Paris le réclame pour la Comédie-Italienne, il écrit une dernière pièce « Une des dernières soirées de Carnaval », une lettre d’adieu, quasi autobiographique, à la cité lacustre.

    une des dernières soirées de carnaval,theatre des bouffes du nord,carlo goldoni,myriam tanant,jean-claude penchena,actes sud-papiers,clément hervieu-léger,aymeline alix,erwin aros,louis berthélémy,clémence boué,jean-noël brouté,adeline chagneau,marie druc,charlotte dumartheray,m’hamed el menjra,stéphane facco,juliette léger,jeremy lewin,clémence prioux,guillaume ravoire,daniel san pedro      

    (cdt. Photo Brigitte Enguérand)

    Dans la maison du tisserand Zamaria, le vin de Chypre coule à flots tandis que les raviolis épongent. On parle chiffons, ou plutôt "étoffes" et ragots, on se lance dans des jeux de hazard, l’humeur est badine, et, la musique et la danse sont de toutes les fêtes. Le metteur en scène, Clément Hervieu-Léger (cf. Les cahiers de Nijinsky), sociétaire de la Comédie-Française, anime son monde avec la virtuosité d’un chef d’orchestre et la fluidité  d’un grand chorégraphe.

    Dans un décor sobre et des costumes de matières nobles, toute la lumière se porte sur les comédiens. Les rôles sont tous soignés, en particulier ceux des femmes : Domenica (Juliette Léger), la jeune fille de la maison est romantique à souhait, Alba (Aymeline Alix) est une bourgeoise burlesque qui s’évanouie à tout bout de champ, Marta (Clémence Boué) incarne une épouse moderne et indépendante tandis que Madame Gatteau (Marie Druc) se taperait bien un petit jeune. Dans cette pièce, par l’écriture fine de Goldoni et à la mise en valeur exacte de Clement Hervieu-Léger, comédiennes et comédiens ont tous un premier rôle.

    Le réalisme de la société vénitienne décrit par Goldoni est d’une précision exacte et d’une modernité déroutante. La magie opère. Le Théâtre des Bouffes du Nord a le pouvoir d’attirer le public au plus près des artistes et au coeur de l’œuvre.

    Après avoir bien dansé, bien bu et bien mangé, après avoir chanté même, soupiré de bonheur et surtout tellement ri, je cherche les pans lourds et soyeux de ma robe de velours pour me dégager de mon fauteuil. Pas de robe. L’illusion a été parfaite. Sur le trottoir du Boulevard de la Chapelle on se surprend à héler le passage d'un gondolier... Quel dîner !

    Laurence Caron

    Calendrier de la tournée ICI.

    De Carlo Goldoni - Texte français de Myriam Tanant et Jean-Claude Penchenat (Actes Sud-Papiers) - Mise en scène Clément Hervieu-Léger.
    Avec Aymeline Alix, Erwin Aros, Louis Berthélémy, Clémence Boué, Jean-Noël Brouté, Adeline Chagneau, Marie Druc, Charlotte Dumartheray, M’hamed El Menjra, Stéphane Facco, Juliette Léger, Jeremy Lewin, Clémence Prioux, Guillaume Ravoire, Daniel San Pedro.

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  • Nederlands Dans Theater /NDT 2 - Ekman / Goecke / Leon & Lightfoot au Théâtre National de Chaillot

    jiri kilian,nederlands dans theater ndt 2,ekman,goecke,leon & lightfoot,théâtre national de chaillot,danse contemporaineD’abord il y a Alexander Ekman. Après avoir transformé le Théâtre des Champs-Elysées en un Lac des Cygnes profond de 20 cm d’eau en 2014 (« Swan lake »), le chorégraphe suédois a été définitivement adopté, en faisant jouer les danseurs de l’Opéra de Paris dans une marée de petites balles vertes dans la fosse du Palais Garnier en décembre 2017 avec « Play ». Le microcosme hype de la danse contemporaine éclairée avait été conquis, pourtant «Play» avait révélé une chorégraphie peut-être trop minimaliste (pour ne pas dire simpliste) comparé aux prouesses techniques et d’interprétation dont est capable le Ballet de l’Opéra de Paris… Pour « Fit », sur la scène de Chaillot l’histoire est tout à fait différente. Tout prend sens, la façon de décortiquer le mouvement, cet humour élégant, cet enthousiasmant sens ludique de la mise en scène et cet esthétisme ravageur, jusqu’à ces costumes fondus sous d’élégantes vestes noir soutenues par des jupons de tulles pour un ensemble non genré.

    Les danseurs du NDT2 sont une pâte malléable à souhait pour Ekman. Le tableau tient en moins de trente minutes et fait entrer dix-huit danseurs. Selon Ekman « FIT » est un « puzzle » qu’on emporte avec soi dans des volutes de fumées blanches pour y penser encore longtemps après.  

    Moins lumineuse mais tout aussi éclairée, la proposition « Wir sagen uns dunkles » de Marco Goecke fait se côtoyer Schubert et Placebo avec une évidence nouée par une chorégraphie exigeante, hachée, rapide, les très jeunes danseurs sont connectés. Scintillantes sur le flottement des pantalons de costumes, les fines lumières de Udo Haberland creusent les muscles et les articulations pour en dessiner un alphabet savant issu d’un langage des sentiments.  « Aujourd’hui, mes sentiments appartiennent plus que jamais aux danseurs » dit le chorégraphe allemand, on veut bien le croire. Toute la complexité de ce ballet plonge au cœur de l’intime. 

    Cette soirée chorégraphique qui peint la couleur des sentiments atteint le comble du romantisme avec Sol León et Paul Lightfoot. Le couple anglo-espagnol était déjà là au NDT il y a trente ans, à l‘époque où Jiri Kylian tenait les rênes. A sa suite, ils ont entretenu le plus fidèlement possible l’héritage de Kylian en maintenant la compagnie au plus haut niveau de la danse contemporaine. 

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    « Signing off » n’a rien à envier aux plus grand pas de deux du ballet classique, les couples se soudent si bien, les jambes glissent le long des bras (à moins que cela soit l’inverse) dans une sensualité qui entre en résonance avec les accents tragiques de la musique de Philip Glass. Tout est en virtusosité. Malgré l’immobilité résignée du spectateur tenu entre les accoudoirs de son fauteuil, le cœur s’accélère, le souffle se suspend, comme pour mieux ressentir, voir et entendre. Le fond du décor tendu d’étoffe noir avance, il voudrait transformer le réel, happer ce qui est pour l’emmener vers un ailleurs. Magique… 

    Les très jeunes danseurs du Nederlands Dans Theater "2", le corps de ballet qui prépare les recrues à intégrer la NTD 1, ont le talent de resituer l’œil du spectateur là où il doit être. Tout est exactitude. La justesse d’interprétation et l’exigence inouïe du mouvement en font certainement une des plus belles compagnies au monde. 

     Laurence Caron

    Photo "Signing Off" de  Sol Leon et Paul Lightfoot  crédit photo : Rai Rezvani.

    Jusqu'au 19 mai 2019.

     

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  • Petit éloge de la nuit, jusqu'au 30 juin à La Scala - Paris

    pierre richard,la scala,gérald garutti,marie-agnès gillot,theatre,petit éloge de la nuitCelui qui a fait de son prénom un nom a l’air heureux, ses quatre-vingt cinq ans l’ont auréolé d’une tignasse blanche qui lui donne un air de grand sage. Pourtant le grand blond, dès qu’il se déplace, est tel qu’il a toujours été, souple et malicieux. Pierre Richard entre sur la scène de La Scala, comme un cheval de course habitué à franchir des obstacles, il parcourt la vaste estrade de long en large avec l’impatience du boxeur sur le ring qui ne craint pas les coups. Le public trépigne, attend le moindre sautillement de l’acteur pour éclater de rire, pourtant il n’en est rien, l’intention de « Petit éloge de la nuit » est autre…

    La démarche est alerte, la voix est claire et de longues mains de pianiste virevoltent tout autour de lui. Jusqu’au 30 juin, le comédien a choisi d’éclairer la nuit par les mots d’Ingrid Astier, Robert Desnos, Milan Kundera, Henri Michaux, Pablo Neruda, Jules Barbey d’Aurevilly, Charles Baudelaire, Guy de Maupassant et Edgar Alan Poe ; des choix judicieux par la variété des styles et des univers.

    Avec simplicité et ce naturel déconcertant si particulier aux grands acteurs, Pierre Richard se glisse entre les mots pour les faire siens et s’approprier les pensées des auteurs. Comme à son habitude parfois il semble vouloir aller trop vite, pour cette raison, certainement, la mise en scène élégante de Gérald Garutti le rappelle à l’ordre et pose le temps, pour prolonger la nuit en perspectives oniriques par des projections vidéos et par la création musicale de Laurent Petitgand. Pendant un peu plus d’une heure, la nuit s’étend, s’étend jusqu’à la plus brillante des étoiles, Marie-Agnès Gillot, apparition inattendue, drapée, intense, telle la beauté fantasmée d’un corps céleste.

    « Petit Eloge de la nuit » est un délice de poésie, d’humour et d’amour.

    Georges Duhamel a dit « L’humour est la politesse du désespoir », à moins que cela soit Boris Vian ou un autre… quoiqu’il en soit nous savons que les personnalités comiques prennent grand soin à camoufler leurs âmes profondes et sensibles, Pierre Richard a fait le pari de nous en montrer une partie, c’est une réussite !

    Laurence Caron 

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  • Monsieur X, jusqu’au 20 mars au Théâtre de l’Atelier

    monsieur x,mathilda may,pierre richard,ibrahim maalouf,théâtre de l’atelierDerrière soi, il faut laisser se renfermer la porte battante du théâtre. Tourner le dos à la foule grise, fatiguée et fulminante d’un Paris qui gronde, l’oublier un temps pour partager un instant poétique baigné d’humanité, de surréalisme et d’humour. Rencontre avec Monsieur X.

    Il y a d’abord ses mains, fines et aériennes, des petites ailes virevoltantes qui auraient appris à parler. Et puis, il y a ce corps tout entier, ses haussements d’épaules rigolos et étonnés, ses bras qui balayent l’air à la vitesse d’une vague, sa tête qui s’incline comme lorsqu’on se penche vers un enfant. Au cinéma, on le connaît en funambule exercé aux pitreries, puis infiniment sensible et solitaire dans Petit éloge de la nuit au théâtre, pour cette fois Pierre Richard raconte une histoire sans parole, à nouveau seul en scène. 

    L’apparente maladresse du comédien se révèle d’une grande précision, Pierre Richard semble danser sur des pointes dans un huit clos fantastique qui invite au voyage… Une invisible et ingénieuse machinerie donne vie à la scène du Théâtre de l‘Atelier, Mathilda May, auteure et metteure en scène de Monsieur X, anime murs, fenêtre, porte, évier et même la poubelle de ce petit appartement avec le talent de Mickey Mouse dans « L’Apprentis sorcier ». Mathilda May est aux commandes et elle sait ce qu’elle veut. C’est simple, sur la scène de l’Atelier, tout ce qui appartient au registre de l’ordinaire devient extraordinaire même le réfrigérateur s’ouvre sur des contrées inconnues. D’ailleurs on imagine aisément la tripotée de farfadets qui s’active en coulisses ; mais la magie enveloppante éloigne définitivement de la réalité et de ces considérations techniques.

    Le comédien, pour qui les lois de l’attraction terrestre n’ont aucun effet, obéit à sa marionnettiste  avec l’air émerveillé et résigné d’un enfant sage. Ses battements de cils amoureux et ses coups d'oeil espiègles soulèvent de leur fauteuil, jusqu’au dernier rang, des spectateurs subjugués, attentifs, terrassés presque. 

    Le visuel électrisé par des effets vidéo oniriques, des cascades d’objets et des éclairages spéciaux, fusionne parfaitement avec la création musicale d’Ibrahim Maalouf. Comme pour un ballet, lorsque le chef d’orchestre donne la mesure sans lâcher un seul instant les pas des danseurs, le compositeur épouse les mouvements de Pierre Richard autant que ceux du décors. Ces intentions jazzy qui s’envolent vers l’Orient, si particulières à la musique d’Ibrahim Maalouf, transportent vers un ailleurs sensible qui oscille entre gaité et nostalgie.   

    Monsieur X est un monde de poésie qu'il est difficile de quitter, un instant intense qui s’inscrit dans la mémoire, la vraie - comme pour l’intelligence - celle du cœur. Merci !

    Laurence Caron

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  • L'Opposition Mitterand vs Rocard au Théâtre de l'Atelier

    georges naudy,eric civanyan,philippe magnan,cyrille eldin,theatre de l’atelier,l’opposition mitterrand vs rocardLe 19 octobre 1980, Michel Rocard annonce sa candidature à l'investiture du Parti socialiste pour l'élection présidentielle de 1981. Le moment est bien choisi, il a cinquante ans et des idées nouvelles plein la tête. Seulement il n’est pas seul, la course à l’échalote a commencé pour la Présidentielle de 1981. François Mitterrand, celui même qu’il a soutenu dans la campagne de 1974, l’oblige à récidiver le 8 novembre. Mitterrand a 74 ans, battu par le général de Gaulle en 1965 et en 1974 par Valéry Giscard d’Estaing, le premier secrétaire du Parti socialiste s’interdit de louper la marche vers la Présidentielle, c’est maintenant ou jamais. Mitterrand et Rocard doivent se parler. Jacques Attali, l’éminence grise de tous les instants, est à l’initiative de la rencontre.

    L’entretien entre les deux hommes a donc réellement eu lieu en revanche les échanges, dans ce huis-clos de la rue de Bièvres, ont été imaginés par Georges Naudy.

    Inspiré par des personnages politiques hauts en couleurs et piochant dans les interviews, discours, écrits et témoignages rapportés, l’auteur tisse un dialogue tiré au cordeau. Loin du délire caricatural - mais plutôt sous la forme d’une mise à mort programmée dont on connaît la victime - la scène politique de l'époque parait riche d'un vocabulaire militant ou engagé mué par des personnalités aux parcours différents (cf. « 1988 Le Débat Mitterrand-Chirac » réinterprété par Jacques Weber et François Morel en 2017 sur cette même scène) : toutes les formes d'affrontements et de contradictions couvrent le devant de la scène médiatique. 

    Ainsi, en cette fin de matinée, piaffant d’enthousiasme et fermement décidé à occuper le clocher, Michel Rocard se présente au domicile de François Mitterrand. De ses épaules voutées prolongées par des mains qui se nouent au rythme de sa réflexion, Philippe Magnan est un Mitterrand terriblement convaincant, jusqu’à ses battements de cils incessants qui rythment un esprit en mouvement, et cette façon si particulière de déstabiliser jusqu’au doute son adversaire. Face à lui, Cyrille Eldin est Michel Rocard, le comédien est peut-être moins assuré dans sa maîtrise de l’art dramatique que ne l’est Philippe Magnan déjà exercé au rôle ; cependant, cette très sensible différence installe un décalage qui insuffle une formidable sincérité au dialogue. Les écarts de poids entre les deux animaux politiques sont perceptibles.  Tandis que Mitterrand se vautre dans un cynisme endémique, Rocard tente l’attaque avec un pragmatisme éclairé. Parfaitement rompus, les deux comédiens décochent leurs répliques comme des flèches trempées de venin, le rythme est impeccable et les propos passionnants. Les rangs des spectateurs du Théâtre de l'Atelier se secouent de fous rires ou de mouvements de têtes indignés ou entendus, pour la plupart le souvenir de l’élection de 81 n’est pas si loin.

    La rencontre glisse vers un règlement de comptes à O.K. Corral, beaucoup de choses doivent-être dites. Michel Rocard, impulsif et valeureux, puise dans les ressources que lui dicte sa jeunesse, il invoque un monde en mutation, des changements à opérer, une évolution salutaire. A l'opposé, dans l'angle d’une imposante bibliothèque, voulue par Edouard Laug, et qui s’élance certainement vers des cieux totalement inaccessibles au commun des mortels - en jugerait son propriétaire-  François Mitterrand attend que sa proie se fatigue.

    Ecrasé, terrassé, sans être parvenu à tuer le père, Rocard déclare forfait. Le jeune premier du parti socialiste aurait pu avoir un tout autre destin et même très certainement devenir Président de la République si la force tranquille de François Mitterrand ne s’y était pas férocement opposée.

    A aller applaudir assurément, pour un bon shoot revival années 80, attention addiction probable.

    Laurence Caron

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  • ”La Promesse de l'aube” par Stéphane Freiss au Poche-Montparnasse

    AFF-LA-PROMESSE-768x1152.jpgEst-il possible de trop aimer son enfant jusqu’à fantasmer son existence ? C’est la question que l’on se pose en quittant le Poche-Montparnasse. Pendant plus d’une heure, Stéphane Freiss fait revivre la délicatesse des lignes, vives et drôles, de La promesse de l’aube, le roman quasi autobiographique de Romain Gary. Évidemment, les presque 380 pages de l’édition de Gallimard parue en 1960, ne sont pas toutes livrées sur scène. Stéphane Freiss a choisi d’évoquer rapidement les jeunes années polonaises de Romain Gary, né en Lituanie en 1914, puis de s’attacher à son adolescence lors de ces années niçoises (dès 1928) alors que sa mère était gérante de l'Hôtel-Pension Mermonts, jusqu’à son départ à la guerre.

    Stéphane Freiss n'est pas tout à fait seul en scène quand il s’immerge dans le chef d'oeuvre de Romain Gary. Figurant la présence maternelle par un jeu de fauteuils qui se font face, il se glisse dans la peau de l’auteur avec une apparente décontraction. Le ton est à la confidence enthousiaste. L'ambiance est teintée de légèreté, celle qui est nécessaire à la gravité. Une intervention tendre, dont l'identité est à découvrir in situ, ajoute une intime sincérité qui aurait certainement beaucoup plu à l'auteur.

    « Après avoir longuement hésité entre la peinture, la scène, le chant et la danse, je devais un jour opter pour la littérature, qui me paraissait le dernier refuge, sur cette terre, de tous ceux qui ne savent pas où se fourrer. »*

    A l’époque, Roman Kacew se cherche un pseudonyme. Comme lui fait remarquer très justement sa mère : pour une carrière de musicien, son nom Russe aurait convenu, mais pour être un auteur il se doit d’avoir « un nom bien français ». Cette obsession du pseudonyme partagée par la mère et le fils est à la limite du délire schizophrène. Les mathématiques et les arts sont des premiers choix de carrière écartés au profit de la littérature. Roman sera écrivain, si possible diplomate, et les femmes se jetteront à ses pieds.

    « Je ne dis pas qu'il faille empêcher les mères d'aimer leurs petits. Je dis simplement qu'il vaut mieux que les mères aient encore quelqu'un d'autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n'aurais pas passé ma vie à mourir auprès de chaque fontaine »*

    Enfant, le jeune Roman, résigné, répond aux ambitions visionnaires de sa mère, de son écriture il noircit  pages après pages. A l’adolescence, l’extravagance de sa mère devenant trop visible, il en souffre et parfois même il avoue en éprouver de la honte. Pourtant, ce grand amour lui fait pousser des ailes. Malgré les difficultés de la vie, l’absence du père, et une époque tourmentée, mêlée de guerre, d’injustice et d’antisémitisme, Roman Kacew recevra les honneurs militaires, aviateur de la Grande-Bretagne à l’Afrique, résistant, diplomate et enfin réalisateur, l’écrivain ira jusqu’à se dédoubler, sous le nom d’ Emile Ajar, pour devenir le seul romancier à avoir reçu le prix Goncourt à deux reprises (les Racines du Ciel en 1956, et la Vie devant soi  en 1975).

    Le fils adoré de l’ex-actrice exilée, Mina Owczyńska, deviendra une légende du 20ème siècle. Une légende que Romain Gary saura entretenir par une vie terriblement romanesque, comme le jour où il provoquera en duel Clint Eastwood, autant que par une écriture éclatante, jugée post-moderniste. De son vivant, il aura décliné pas deux fois l’Académie française. Enfin, reconnu comme l'un des plus grands écrivains, son œuvre est entrée dans la prestigieuse collection de la Pléiade en 2019.

    Celui qui a francisé son prénom et choisi comme nom « Gary » (le verbe « brûle » à l’impératif, en Russe) raconte dans La promesse de l’aube que sa mère souffrante n’a pas cessé de lui écrire pendant ces années de guerre. Seulement, à son retour du front, Romain Gary, entré caporal et sorti capitaine, couronné de gloire par ses faits d’armes, officier de la légion d’honneur, devenu diplomate et serrant son premier roman sous le bras (Education Européenne, 1945), apprendra que sa mère est décédée trois et demi plus tôt.

    Le récit dévoile l'attention exceptionnelle de sa mère qui, se sachant condamnée, quelques mois avant sa mort, aurait écrit quelques 250 missives enflammées et, par un habile stratagème, les aurait confiées à une amie afin que son fils les reçoive toute la durée de la guerre. Cette fin de récit - d’un tragique absolu, d’une beauté inouïe et d’un lyrisme incroyable - a l’apparence d’un témoignage mais est pourtant totalement fictionnelle.

    Il est fort à parier que la mère de Romain Gary aurait adoré cette invention littéraire. En employant les mêmes codes maternels, Romain Gary a peut-être cherché à lui rendre une part de ce si grand amour en lui offrant un rôle infiniment romanesque, celui d’une des plus bouleversantes héroïnes littéraires.

    Laurence Caron

    *extrait "La promesse de l'aube", Romain Gary.

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