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  • Picasso.mania au Grand Palais jusqu’au 29 février 2016 : l'inspiration suprême !

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    Le nom de Pablo Picasso est entré dans le vocabulaire pour désigner communément un génie. Génial, il l’a été, et génial, il continue de l’être. L’inspiration du Maître est contagieuse, du cubisme au pop art jusqu’au cinéma, les courants et les disciplines artistiques se sont imprégnés de l'oeuvre entière de Pablo Picasso.

    A son époque, en très habile metteur en scène de sa propre vie, le fascinant Artiste a tissé la trame culturelle du XXième siècle par son œuvre, mais aussi par ses idéaux politiques et sa recherche intellectuelle autant que par sa vie sentimentale et familiale. Millionnaire fantasque et artiste sincère, l'œuvre entière de Pablo Picasso l’a propulsé au rang de star multimédia bien avant l’heure. 
    Au Grand-Palais, l’exposition Picasso.mania témoigne de cet héritage inépuisable. L’insoumission constante, la créativité hors la toile, tout cela vibre dans le puissant portrait de Pei-Ming Yan (2009), c'est un Picasso vivant, un « homme concept », l'homme compte autant que son oeuvre, un talent extraordinaire hors frontières, hors matières, hors temps, qui s'étire jusqu’aux créations des vidéastes d'aujourd'hui (Tate Liverpool, Rineke Dijkstra 2009)...

     

    picasso.mania,rineke dijkstra,emir kusturica,jean-michel basquiat,grand palais,rmn,adel abdessemed,david hockney,roy lichtenstein,jasper johns,thomas houseagoLe Violon, Les demoiselles d’Avignon, les innombrables portraits des femmes aimées, L’Acrobate bleu et autres toiles voisines sont étonnamment regroupées et alignées, les œuvres semblent faire office d’introduction, ou bien de définitions étymologiques aux réalisations plus récentes de David Hockney, Roy Lichtenstein, Jasper Johns ou Thomas Houseago, entre autres peintres et plasticiens. Il y a aussi cette juxtaposition des oeuvres de Picasso aux œuvres plastiques plus contemporaines, l’ensemble offre une compréhension de la fracture parfois un peu obscure entre l'Art dit classique et celui désigné comme "Art contemporain". Tout à coup, tout semble clair, lisible, évident. Un choc. L’Art de Picasso est visionnaire dans le même registre qu’un Léonard de Vinci dessinant des engins ailés des siècles avant la conquête de l’air.

    Picasso.mania est une exposition éblouissante et infiniment pédagogique ; son parcours débute sur le ton de la gaîté, celle du cirque, de la danse et de l’amour, puis traverse ensuite la guerre (Guernica, Adel Abdessemed), s’explose de mille feux à l’ère du pop art, et coule enfin dans une atmosphère (parfois) plus sombre, notre époque paraît se rapprocher… Les séparations sont toujours douloureuses, c’est une fin colorée par le street art ("bad painting") avec un rien de provocation, juste l'essentiel, et illuminée par l’intense portrait de Picasso imaginé par Jean-Michel Basquiat en 1984.

    Précipitez-vous, réservez vos entrées sur le site du Grand-Palais, l’exposition promet d’être un immense succès.

    Laurence Caron-Spokojny

     

    nb : A voir dans son intégralité le court-métrage d’Emir Kusturica « Guernica » réalisé alors qu’il était encore étudiant en 1978, et diffusé lors de cette exposition. Bouleversant.

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  • Cats d'Andrew Lloyd Webber, au Théâtre Mogador

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    Pour un bon nombre de comédies musicales, les chorégraphies sont décoratives, elles s’esquissent très simplement, en ensembles ou duos, afin de laisser les chanteurs et comédiens s'exprimer (Chorus Line). Pour d’autres c’est l’inverse, la danse est privilégiée et les premiers rôles sont aussi essentiellement chantés (West side story). Et puis, il y a des comédies musicales très exigeantes qui imposent aux artistes d’être à la fois d’excellents chanteurs et d’excellents danseurs (Un Américain à Paris). La comédie musicale Cats d’Andrew Lloyd Webber est de ce registre. 

    CATS est une œuvre à part entière, chorégraphique, musicale mais aussi picturale, de nombreux coups de griffes sont nécessaires pour faire naître la Jellicle-shère (Félinosphère pour les initiés).

     Plébiscitée par le public du monde entier depuis sa création en 1981, la comédie musicale Cats puise dans le répertoire classique et exerce les demies-pointes des danseurs aux techniques les plus hardues. Il en est de même pour la musique inspirée du répertoire du XXième siècle tandis que l’orchestration est maniée à la sauce eighties parcourant des rythmes jazz, rock et pop, à grand renfort de synthés. Les costumes épousent la peau des danseurs avec sensualité, ils ne laissent aucune chance aux moindres bourrelets ou plis disgracieux qui tenteraient de s’en échapper. Les maquillages étirés du nez, plutôt de la truffe, jusqu’à la racine des cheveux, plutôt des poils, créent autant de minois adorables ou effrayants qu’il y a de races de chats. Les perruques, de poils hirsutes ou douces peluches, engagent à la caresse et tirent un trait définitif sur ce qu’il restait d’humain chez ces artistes. Désormais, ils sont chats : des chats de gouttière, des chats noirs, des chats siamois, des chats câlins, des chats blancs, des chats fins gourmets, des chats sexy, des chats baratineurs, des chats très singuliers.

     

    Dès le hall d’entrée du Théâtre Mogador, CATS accroche de ses yeux dorés ses futurs spectateurs. L’heure est aux selfies, à Broadway, Londres, Hong Kong ou Paris, la photo devant l’affiche est culte. Le parcours jusqu’au siège, désigné par une hôtesse survoltée, consiste à éviter les pièges : confiseries en tout genre et achats incontournables de badges, tee-shirts et autres colifichets à l’effigie du spectacle, la toile du marketing est définitivement tissée et se resserre à chaque nouvelle production autour de Mogador. 
    - Il paraît que c’est en Français, je regrette tellement, tu sais moi qui l’ai vu à Londres… » La petite phrase assassine semée par quelques spectateurs snobinards est répétée à qui veut bien l’entendre. Pourtant, une traduction bien faite est bien plus agréable qu’un torticolis. Mais laissons ici ces oiseaux de mauvais augure, les chats auront vite fait de faire voler leurs plumes. 

    La scène de Mogador paraît bien exiguë tellement le décor est chargé, plusieurs camions sont arrivés de Londres pour transformer la scène et la salle en déchetterie sophistiquée. Les musiciens sont ailleurs dans le théâtre, un écran retransmet aux artistes l’image du chef d’orchestre afin que les interprètes puissent suivre la mesure. Des effets de lumière, fumigènes et autres technicités très eighties enveloppent l'atmosphère et font la promesse d’une mise en scène spectaculaire. 

    Comme à l'accoutumée, les félins se faufilent entre les spectateurs ravis, ils délient quelques gracieux étirements sur la scène et se rassemblent pour raconter leur histoire en un enchaînement de ballets endiablés, tableaux drôles ou tendres, chorégraphies audacieuses et airs mémorables…

    Et puis ?  Et puis, c’est tout. Ce CATS là n’est pas tout à fait CATS .

    Malgré leurs beaux pedigrees, ces chats là ne semblent pas bien éveillés de leurs siestes et leurs miaulements manquent douloureusement de justesse. La grâce des mouvements créés à l’origine par Gillian Lynne aboutie rarement, et l'allegro de la partition ne semble pas gagner les corps des danseurs. Cette nouvelle traduction se heurte très maladroitement aux mélodies, et la musique s’encombre, et c’est nouveau, d’accords pianistiques façon Richard Clayderman, inutiles et lourds. Certains costumes semblent épais, plus proche du lycra que de la soie, les perruques sont plates et sans texture, les maquillages paraissent ternes. 

    Le pauvre Munkustrap a des problèmes de micro et semble manquer de place pour faire entendre sa belle voix, Deutéronome (Mathusalem) a un phrasé bien tremblant à tel point qu’on lui souhaite à lui aussi de s’envoler au paradis des chats, Grizabella hurle comme si elle s'égosillait sous la voûte du Palais des Sports, toute la sensibilité du célèbre et poignant air Memory est piétiné, le sympathique chat rockn-roll (rocky tam tam) s’est transformé en chat hip-hop, pas vraiment hip-hop…. Heureusement : admirable, Bustopher Jones, qui est aussi Yves (le chat du théâtre) et Growltiger, offre lui une interprétation beaucoup plus fine aux côtés d'autres artistes très talentueux mais qui semblent noyés dans une ambiance plus obscure que claire.

    Pourtant la magie de CATS opére, les chats défoulent toute la séduction dont ils sont capables. Le spectacle se clôt sous des trombes d’applaudissements, visiblement je suis la seule à ne pas me laisser charmer..

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    Parce que CATS peut être tout à fait autre chose ! Le 23 février 1989 a commencé l’aventure parisienne : Mel Howard, producteur averti de Broadway, a couvert Paris de ces affiches noires aux yeux flamboyants: « ils arrivent ». L'effervescente production s’est affichée au fronton du Théâtre de Paris, juste après Starmania (1988), pendant 18 mois et a vite été reconnue par ses pairs lors des Molières comme Meilleur spectacle musical. Fourni par un casting international de danseurs et de chanteurs aux personnalités originales, la direction artistique avait alors fait le choix de l’exacte traduction de Jacques Marchais pour servir les vers de TS Eliot ("Old possum's book of practical cats"). 

    En ces temps, les West Side Story, Black and Blue ou autres sublimes comédies musicales étaient surtout servies par le Théâtre du Châtelet, grâce à CATS au Théâtre de Paris le public des Théâtres Privés Parisiens des années 80 découvrait pour la première fois une œuvre à la fois dansée, chantée et jouée, d’une qualité égale. Toujours sur un ton très humoristique, aux accents poétiques, en rythmes jazzy et en vertigineuses envolées lyriques, ce CATS là était un tout autre spectacle. 

     

    Depuis, la crise économique semble avoir pelé le poil de cette nouvelle version de CATS, à moins que ce soit le dépressif Bal des Vampires qui hante encore les lieux... L'intention reste spectaculaire mais la poésie n’est plus : l'émotion a t'elle été volontairement gommée ou innocemment perdue au détour d’un faubourg de Londres ou de Paris ? A l’heure où les icônes des années 80, de la mode ou de la musique, sont célébrés et cités en référence, était-ce vraiment nécessaire de tenter de moderniser cette œuvre emblématique ? Je reste sans réponse.

    Dommage, extrêmement dommage.

    Laurence Caron-Spokojny

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  • ”Les Cartes du Pouvoir” au Théâtre Hébertot

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  • CARO / JEUNET jusqu'au 31 juillet 2018 à la Halle Saint-Pierre

    Affiche-DefV4-OKCMJNV2-692x1024.jpgAu pied de la Butte Montmartre,
    Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet sont chez eux. Le monticule grouillant surplombé de son gâteau crémeux leur doit bien ça depuis la naissance d’Amélie en 2001.
    La Halle Saint-Pierre abrite ce qui est « brut », « singulier », et « outsider », Caro et Jeunet s’inscrivent là, les récompenses et les séjours Hollywoodiens ne paraissent pas avoir corrompus l’énergie créatrice des deux artistes.

     

    Ce jour d’inauguration, Caro et Jeunet ont les yeux qui pétillent comme ceux des enfants qui préparent une bêtise. Les coudes appuyés sur un coin de socle qui soutient de bizarroïdes machines attendant un souffle pour s’animer, ou bien les mains dans les poches avec l’air d’y chercher quelque chose (des billes ? une vis ? un crayon ? ...), Caro et Jeunet se racontent aux journalistes. 

    L’exposition sombre plonge dans les abysses de la création. Pourtant, même en farfouillant dans les corridors rouges, et jaune orangés, du duo infernal, le prestige des magiciens n’est jamais dévoilé. L’illusion reste intacte car l’envers du décor révèle un univers encore plus dingue. L’esthétisation extrême des plans, particulière au style Caro/Jeunet, est décousue en d’imposantes fresques circassiennes (Delicatessen), de costumes et de décors (sur)réalistes (Un long dimanche de fiançailles), de mécaniques tarabiscotées et de story-boards savants (La Cité des enfants perdus), d’objet volant non identifié si poétique (L’Extravagant voyage du jeune et prodigieux TS Spivet ), de visages aux maquillages patients et inouïs (Alien Resurection), de maquettes d’une authenticité lilliputienne (Le Manège), de dessins extravagants et de peintures dadaïstes (Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain), de monstres qui ne demandent qu’à prendre vie, … Le parcours de l’exposition s’étire en forme d’étoiles, il faut en faire le tour, puis retourner s’attarder sur chacune des branches en revenant en son centre, une étoile dans un univers infini. 

    Et puis, il y a les acteurs, choisis par Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet, toujours magnifiquement mis en valeur par l’intensité des personnalités qu’ils incarnent : Dominique Pinon, Rufus, Lambert Wilson, Jean-Claude Dreyfus, Yolande Moreau, Dany Boon, Audrey Tautou, … 

    L’envie est grande de dévorer à nouveau leur filmographie dite « d’auteur » autant que de « blockbusters », pour Caro et Jeunet il n’y a pas de différence entre les genres, peut-être est-ce là le secret de la source de jouvence qui nourrit leur inspiration…Génial !

    Laurence Caron

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  • L'exposition ”Maria by Callas” jusqu'au 14 décembre à La Seine Musicale

    maria by callas,callas,la seine musicale,opéraLa Seine Musicale s’inaugure en musiques, en spectacles et aussi en expositions : « Maria by Callas » est le premier opus, l’exposition se déroule jusqu’au 14 décembre.
    Callas se conjugue au présent de l’indicatif, elle est partout, en tête de gondole des music-stores, en téléchargement illimité, warholisée, standardisée, starifiée, immortalisée, Maria Callas est à l’Opéra ce que Nefertiti est à l’Egypte antique. La somptueuse diva est en images photographiques et vidéos, en opéras et témoignages, elle est sur le devant de la scène autant que sur les couvertures des magazines. Quelques documents intimes, lettres d’amour ou films super 8, rapprochent les petites choses que nous sommes au plus près du Monstre Sacré dans toute sa vulnérabilité. L'exposition « Maria by Callas » est une émouvante interprétation de Maria Callas, comme une héroïne romantique absolue dont l’histoire et l’aura sont pourtant beaucoup plus vastes...
    Pour en témoigner, voici une interview filmée de Janine Reiss qui fut son professeur de chant pendant 8 ans, interview réalisée par Jean-Luc Hees sur Radio-Classique. Je crois que Janine Reiss nous en dit beaucoup plus ...

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  • Novecento au Théâtre Montparnasse

    Elio DI TANNA,theatre montparnasse,Alessandro BARICCO,andré dussollier,Pierre-François LIMBOSCH,Sylvain GONTARD,Gilles RELISIEUX,Olivier ANDRÈS,Michel BOCCHI,Laurent CASTAINGT,Christophe CRAVERO,novecentoAu Théâtre Montparnasse, André Dussollier est épatant. Il ne danse pas, il joue un danseur. Il n’est pas musicien, il joue de la musique. En fait, il s’amuse tout le temps depuis le Conservatoire, en passant par la Comédie Française, André Dussollier s’éclate ! Passer sa vie à « jouer » c’est certainement la raison de ce regard qui pétille, ce sourire scotché, cette allure adolescente et cet entrain si communicatif.

    Novecento d’Alessandro Baricco est pourtant une histoire tragique. Le conte fantasque de Danny Boodmann T.D. Lemon Novecento né en 1920 à bord d’un Transatlantique, un être singulier abandonné sur un piano dont la vie restera accrochée aux touches noires et blanches… 

    « Parce qu'un bateau, tu peux toujours en descendre : mais de l'Océan, non... » Alessandro Baricco le dit, et cette phrase pourrait se transposer à la perfection à André Dussollier : « Parce que d’une scène, tu peux toujours en descendre : mais du Théâtre, non…»Molière en 2015 pour Novecento, à partager avec ses musiciens et l’auteur génial, même si on sait bien : « qu’on va voir Dussollier surtout…». 

    Sur scène, il y a la musique, incarnée par quatre géniaux jazzmen, et Dussolier, il est Novecento, et les autres : les passagers, l’équipage, … tout un monde coincé entre ciel et océan. Novecento est d‘abord une histoire d’amour entre un homme et la musique, avec peut-être pour maîtresse avouée l'océan. Un amour difficile, déséquilibré, cela tangue sur le roulis de la houle autant que sur les mélodies jazzys. Avec tendresse et délicatesse, le comédien explore son personnage, il trifouille au fin fond des sentiments à la manière d’un enfant qui dévoilerait le contenu d’un coffre à jouets oubliés. Puis, Dussollier, si respectueux du texte, laisse échapper son personnage vers le destin qu’il a choisi, l’instant est si poétique, difficile d’incarner l’ombre quand on est si lumineux ! Le bonheur de Dussolllier d’être sur scène rayonne de partout et a gagné les rangs des spectateurs. Totalement sous le charme. 

    Laurence Caron

    Nb : et toujours 10 euros la place pour les moins de 26 ans !

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  • ”Réparer les vivants” au Petit Saint-Martin

    maylis de kerangal,emmanuel noblet,theatre de la porte saint-martin,réparer les vivantsEnvisager l’adaptation, la mise en scène et l’interprétation d’un « seul en scène » issu d’un roman -qui a été unanimement salué par la critique et qui a raflé près d’une dizaine de prix littéraires- pourrait-être considéré comme une chose gagnée d’avance ou au contraire très casse-gueule… Lorsqu’il s’agit de « Réparer les vivants », phrase empruntée à Tchekov dans Platonov, par Maylis de Kerangal pour titrer son roman : la tâche semble rude, complexe. Le sujet évoque une transplantation cardiaque, rien que ça !

    Prendre la vague 

    Emmanuel Noblet est un conteur, le conteur d’un jour et d’une nuit, un espace temps traversé par les adieux d’un jeune homme de dix-neuf ans à la renaissance d’une femme de cinquante et un an. Les 24 heures, terribles et haletantes, de ce cœur suspendu qui bondit entre deux êtres s’expriment par le jeu et la voix du comédien, et pas seulement. Emmanuel Noblet n’est pas tout à fait seul sur scène, il fait apparaître dans une mise en scène extrêmement soignée les personnages tourmentés du récit. Ses interprétations ont la saveur de la lecture, tout est ressenti, les intentions sont délicates, les sentiments s’étendent de la détresse insoutenable à l’espoir insensé. Le jargon médical se transforme en un langage fantastique, il épouse la décontraction d’un chirurgien urgentiste, accompagne un mort comme on endort un enfant, soutient des parents inconsolables, ... 

    Un continuum fantastique réglé au millimètre

    Le pouvoir libérateur de la scène et l’inventivité du jeu d’Emmanuel Noblet déroulent la tragédie, sans pathos, digne. Sur un rythme régulier, comme les pulsations du cœur, l’ensemble des spectateurs est littéralement happé par le pouvoir quasi hypnotique du jeune comédien et de sa mise en scène si juste : aucun écart, aucune longueur, rien à en dire, impeccable. S’extirper du Petit Saint-Martin n’est pas une mince affaire, l’envie d’y rester est grande. Traiter aussi élégamment de la beauté de notre Humanité est un cadeau bouleversant, c’est une occasion bien rare à laquelle je vous souhaite à tous la chance d’assister, jusqu’au 31 décembre à Paris au Petit Saint-Martin, puis en tournée dans toute la France.

    Laurence Caron

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  • ”Mon Ange” au Théâtre Tristan Bernard

    adrien hollocou,jérémie lippmann,jacques gabel,joël hourbeigt,lina el rabi,theatre tristan bernard,mon ange,henry naylorL’auteur contemporain Henry Naylor l’a écrit et le crie dans le monologue « Mon ange » au Théâtre Tristan Bernard. La très jeune et belle comédienne Lina El Arabi disparaît dans son personnage, une jeune fille syrienne qui choisit de résister face à Daech.

    Découverte et arrivée d’Avignon, « Mon Ange » savamment parée de noir, se tient sous un ciel de plumes de Jacques Gabel, engloutie dans les ténèbres oppressantes de Joël Hourbeigt, et orchestrée soigneusement de très (trop ?) près par Jérémie Lippmann. Lina El Arabi est d’une beauté foudroyante que l’on cherche à deviner un peu mieux dans cette obscurité envahissante, maintenue par le son (de la guerre) parfois assourdissant d’Adrien Hollocou. 

    Le ton est grave, terrifiant, rien n’est trop fort pour imprimer les ravages de la guerre sur une si jeune vie. Une vie inspirée de faits véritables, de cette réalité dont on ne découvre la plupart des contours que par la lorgnette des médias. Ici, le langage artistique apporte autre chose, une prise de conscience indélébile.

    Impossible d’échapper à un monde en guerre
    La voix est forte, rageuse, Lina El Arabi ne décolère pas et tient la distance comme une coureuse de fond, elle incarne totalement son personnage autant que ceux qu’elle fait naître en modulant sa voix et arcboutant son corps pour épouser la stature du père ou d’un de ces bourreaux. Le rythme est soutenu. Il est difficile de soulever le lourd et menaçant fusil, de suivre les pas précipités dans la poussière de l’exode, de se cacher de la violence des combattants de Daech, d’échapper à la fureur des Hommes. Parfois, quelques bribes d’humour, témoins d’une jeunesse évanouie d'entre les tirs, s’extirpent, les spectateurs se jettent dessus, avides de ces minuscules joyaux oubliés par un torrent de boue. Les haltes sont infimes, Lina El Arabi tient la distance, elle ne s’attarde pas, jamais, jusqu’à la fin.

    « Mon Ange » est une expérience harassante. Les spectateurs du Théâtre Tristan Bernard sont terrassés, bouleversés, ravagés, saisis par la performance hors normes de la jeune comédienne, mais aussi complètement abattus par leur impuissance collective. L’impuissance d’un monde qui assiste à la destruction d’un autre. Comme une histoire universelle qui se répète, un aspect de notre Humanité que l’on souhaite rayer. « Mon Ange » fait figure de Manifeste pour la résistance, un combat dont les auteurs et les artistes ont le pouvoir… Une pièce essentielle. 

    Laurence Caron

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  • THE MONKEY'S CHILD

    the monkey's child,musique,adosSur le terrain, onze adolescents, entre 11 ans et 16 ans, avancent dans un même élan : faire de la musique tous ensemble. Un peu comédiens, parfois danseurs, toujours musiciens, The Monkey’s child (teaser) ont choisi d’explorer la musique, toutes les musiques, qu’ils transforment au gré de leurs envies. 

     

    Des reprises réinterprétées, remixées (Couleur café), et fondues à la sauce MKC sont de vibrants hommages aux tubes indémodables de leurs aînés. Déterminés à se frotter aux tubes emblématiques, les MKC osent bousculer paroles et musiques et rendent au meilleur des couplets leur part d'intemporalité. Cherchant l’accord magique sur un ukulélé, chauffant leurs aiguës et se baladant sur toutes les octaves, réveillant les voisins par des sessions de batterie acharnées, chantant à tue-tête dans la salle de bain ‘parce que la réverb est trop bien’, chuchotant aux touches du piano comme on parle à un pote, organisant battles et blind test de culture musicale, griffonnant sur des pages de portées pour y trouver le refrain de demain, inventant des chorégraphies endiablées dans les cours du collège ou dans les couloirs du lycée,…les MKC abolissent les frontières entre les générations et les styles. Et, parce que les MKC ne s’arrêtent pas là, des compositions sur mesure sont attendues dans les prochains mois. Textes et accords, chansons et mélodies, créent et canalisent la folle énergie des MKC, ils n’ont de cesse de battre la mesure les paumes des mains collées sur leurs casques audio. 

    The Monkey’s Child se sont réunis pour la première fois en 2015, sous l’impulsion du producteur Ange Ghinozzi (Séchez vos larmes). Morgane, Raphaël, Jade, Anna, Alexy, Marylou, Teo, Louison, Victor, Anicet et Élyne (portraits vidéo), tous ont passé l’épreuve du casting pour faire partie de l’aventure. Selon leur producteur, Ange Ghinozzi : « Les enfants doivent avoir des qualités de chanteur, savoir apprendre une chanson, être à l’aise face à un micro et avoir le goût de la scène. Il ne doit pas y avoir de contrainte pour les enfants, les MKC doit être une source de plaisir pour eux ». Très attentif au bon épanouissement de ces jeunes artistes au sein du groupe, Ange Ghinozzi renchérit : « Cela fait 25 ans que j’ai la chance de vivre ma passion pour la musique. A mon tour, il m’a semblé évident de partager ce bonheur, et peut-être de le transmettre ». 

    Certains de ces enfants sont déjà sur scène, dans des comédies musicales, des concerts et des productions lyriques (1789 : les amants de la Bastille, La Belle & la Bête, Maîtrise des Hauts de Seine,...), ils sont nombreux à jouer d’un instrument et se découvrent des envies artistiques au delà de la musique et du chant… Enregistrements studio, tournages de clips, discussions autour des textes des chansons, les membres des MKC sont curieux de tout afin de conserver leurs sens artistiques en éveil, et restent motivés par leur engagement dans le groupe aussi grâce à l’amitié qui les lie. 

    Le sérieux, employé par ces adolescents pour ces projets, se manifeste par leur volonté ferme de travailler avec des professionnels de la musique (Never walk alone). Chacun apporte son style, sa personnalité et sa façon d’être, tout en respectant les autres, les MKC sont avides d’échanges et fières de leur passion pour la musique. Le souhait d’Ange Ghinozzi est de faire évoluer les projets musicaux de MKC au même rythme que ces adolescents grandissent : « Ces enfants consacrent une partie de leurs temps libres et de leurs vacances scolaires à la musique et pour certains l’idée de transformer l’essai en un métier se fait sentir… L’important aujourd’hui est qu’ils partagent une expérience constructive et forte ! ».

    Un titre inédit est attendu pour cet été, je vous conseille vivement de rejoindre leur page Facebook et de vous abonner à leur chaîne Youtube pour ne rien manquer.

    Laurence Caron

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  • Fundacio Joan Miro, Barcelona

    Nombreux sont les architectes, peintres, musiciens et écrivains à avoir marqués cette ville par leur empreinte créative et imaginaire, aussi libre que rebelle. Joan Miro, lui le catalan, il est l'enfant du pays,  il nait en 1893 à Barcelone d'un père horloger, et s'éteindra 90 ans plus tard à Palma de Majorque pour être enterré dans le cimetière de Montjuïc à Barcelone, à quelques pas de sa Fondation.


    En juin 1975, La Fondation Joan Miro ouvre au public, il s'agit alors de créer un lieu vivant, presque organique, afin de stimuler l'intérêt du visiteur et de trancher avec les codes des musées traditionnels.Miro,art,culture Les expositions se succèdent, Calder, Magritte, Tapies et bien d'autres, les jeunes artistes disposent d'un espace dédié, l'Espace 13. L'attention du public est renouvelée constamment par, en plus de la collection permanente, des expositions thématiques et itinérante.

    Ce qui surprend au premier abord c'est l'architecture du lieu. Nous entrons ici dans un espace infiniment blanc et sobre, aux lignes pures tracées par un disciple de Le Corbusier, Josep Lluis Sert. L'architecture méditerranéenne, aux carreaux de céramique et à la voûte catalane,  trouve ici son apogée avec  quelque chose de monastique et  les matériaux traditionnels utilisés renforcent cette idée de sérénité, presque spirituelle. La construction s'inscrit dans une nature insolente et lyrique celle des jardin du Montjuïc, sur une terrasse un  olivier à l'écorce torturé rivalise avec les sculptures de Miro, il n'est pas question de le distinguer de la collection.

    artr

    Les 250 peintures sur toile, papier ou bois, les tapisseries monumentales, les innombrables sculptures et dessins tournent autour d'un patio, si bien que l'ensemble des œuvres est sublimé par la lumière du soleil et chacune se révèle selon l'heure du jour, de par cet éclairage naturel et changeant, sous des angles différents.

    Plus qu'un espace voué à l'art, la Fondation Miro est un havre de paix, autant poétique, que bouillonnant. C'est un lieu dans lequel on ressent l'envie de vivre, de s'y installer...

    A l'image de l'artiste et de son œuvre, l'atmosphère du lieu nous livre de précieux indices sur l'homme que fut Joan Miro, sans doute infiniment sympathique !

    Laurence Caron-Spokojny

    art« Je commence mes tableaux sous l'effet d'un choc que je ressens et qui me fait échapper à la réalité. La cause de ce choc peut être un petit fil qui se détache de la toile, une goutte d'eau qui tombe, cette empreinte qui laisse mon doigt sur la surface de la table. De toute façon il me faut un point de départ, ne serait-ce qu'un grain de poussière ou un éclat de lumière. (...) Je travaille comme un jardinier ou comme un vigneron (...) » Joan Miro


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  • « The King and I » au Théâtre du Châtelet jusqu’au 29 juin

    the king and i,lambert wilson,susan graham,jean-luc choplin,laurence caron-spokojnyJusqu’au 29 juin, le Théâtre du Châtelet dévoile les attraits de sa plus belle scène, celle créée et dédiée au théâtre musical, en proposant des oeuvres, mythiques ou rares. «The King and I» s’inspire des mémoires d’Anna Leonowens (1834-1915), une préceptrice anglaise partie éduquer les nombreux enfants du roi Mongkut (dit Rama IV) de Siam dans les années 1860.

    La romancière américaine Margaret Landon a écrit le roman "Anna and the King of Siam » (1943). Puis le 29 mars 1951, la comédie musicale est jouée au St. James Theatre à Broadway, elle est orchestrée par le célèbre duo formé par le compositeur Richard Rodgers et par le librettiste Oscar Hammerstein II. L’indétrônable Jerome Robbins dessine la chorégraphie. Pour la comédie musicale jouée sur scène et aussi pour le très beau film de Walter Lang (en 1956 - avec Deborah Kerr et Rita Moreno), Yul Brynner est le roi de Siam, pour un nombre de représentations infini jusqu’en 1985.

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    Au Châtelet, « The King and I » respecte en tout point les codes du genre, les décors sont monumentaux, les costumes sont flamboyants, les airs, tous plus mélodieux les uns que les autres, sont soutenus par le très brillant chœur du Châtelet, et les tableaux s’enchaînent avec rythme. Tout est ici réuni pour divertir un très large public. Sur la scène du Théâtre du Châtelet, « The King and I » prend une dimension nouvelle. Très consciencieuse à la contemporanéité politique du propos, l’histoire de ce roi résolu à moderniser son royaume de Siam tout en souhaitant s’affranchir de l’impérialisme anglais, illustre aussi le conflit entre les deux sexes que tout oppose dans ces sociétés orientales. La tâche est rude et longue, et, ces thèmes fondamentaux sont encore d’actualité. 

    Cette production se distingue par le très grand raffinement du jeu de ces interprètes, à la fois comédien et chanteur, Susan Graham et Lambert Wilson révèlent un travail d’une grande qualité. Rien n’est laissé au hasard, le divertissement s’emploie à en découdre aussi bien avec la comédie qu’avec le chant avec une attention tenue par une juste mesure. La cantatrice Susan Graham virevolte, de l’enseignante à la femme amoureuse, avec un charme irrésistible, souveraine, la merveilleuse mezzo-soprano chante comme elle respire. Son partenaire, de sa belle voix et de son indiscutable présence, Lambert Wilson, échappe à l’ombre de Yul Brynner, il incarne un roi aux accents profonds, drôle, dramatique et parfois romantique. Admirablement bien entourés, notamment par Mesdemoiselles Je Ni Kim et Lisa Milne, les deux artistes dirigent les émotions et les éclats du rire du public avec précision.

    Susan Graham et Lambert Wilson forment un duo d’artistes de haut vol, tout semble si simple et si facile pour eux, l’excellence de leur art pour servir cette œuvre est une véritable source de bonheur. « The King and I » poursuit le dessein de Jean-Luc Choplin, le directeur du Châtelet prouve une nouvelle fois que la comédie musicale est un genre qui est bien loin d’avoir dit son dernier mot, sous réserve qu’elle soit amenée avec autant d’intelligence et d'élégance et cætera, et cætera, et cætera...

    Laurence Caron-Spokojny

    "The King and I » -  du 13 au 29 juin au théâtre du Châtelet. Susan Graham et Christine Buffle interprètent en alternance le rôle d’Anna Leonowens. En version originale anglaise sur-titrée.

    A suivre avec la plus grande attention :
    du 22 novembre 2014 au 4 janvier 2015, An American in Paris

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  • La leçon américaine : ”Un Américain à Paris” au Théâtre du Châtelet

    un américain à paris,van kaplan,stuart oken,théâtre du châtelet,jean-luc choplin,leanne cope,robert fairchild,gene kelly,leslie caron,veanne cox,jill paice,brandi uranowitz,max von essen"Un Américain à Paris", produit par Arthur Freed et réalisé par Vincente Minnelli, fut montré pour la première fois à Londres en 1951 ; un an plus tard, orné de six Oscars, le film avec Gene Kelly, Leslie Caron, Oscar Levant et Georges Guétary est sur les grands écrans en France.

    En 2014, Jean-Luc Choplin, le directeur du Théâtre du Châtelet, et les producteurs de Broadway, Van Kaplan et Stuart Oken, proposent la comédie musicale sur scène,
    pour la première fois au monde.

     

    Généralement c’est l’inverse, la version cinématographique est créée après la version scénique, mais il est aisé de comprendre à quel point ce projet d'adaptation a du être extrêmement tentant, pour des producteurs de Broadway, et pour le directeur du Théâtre le plus musical de Paris. A la tentation s’ajoute naturellement le risque, celui d’égratigner un chef-d’œuvre du cinéma ou bien d’en offrir un pâle plagiat scénique… L’inverse là aussi s’est produit. La coproduction franco-américaine de « Un Américain à Paris » sur la scène du Théâtre du Châtelet est un bijou.

    Très logiquement inspirée par le film et ses interprètes, et surtout très justement initiée par la musique de Gershwin, cet « Américain à Paris » n’est pas l’adaptation scénique d’un film, il s’agit d’une création à part entière. Jamais de pause et jamais de noir, aucun flottement et aucun vide, rien n’échappe au parti pris scénographique qui s’empare du Châtelet dans un très grand raffinement esthétique. Ce qui aurait pu faire naître quelques craintes, légitimes, lorsqu’il est question de faire référence à un chef-d’œuvre, n’a pas lieu d’être.

    Parfois quelques mouvements chorégraphiques créés par Gene Kelly ressurgissent dans l’écriture fine du chorégraphe Christopher Wheeldon, comme des attentions appuyées, analysées, le chorégraphe a su extraire la substantifique moelle… C’est une chorégraphie pleine de grâce, résolument contemporaine par son inventivité, et aussi très inscrite dans l’esthétisme des années 50 par sa joie de vivre et son optimisme d’après-guerre.

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    Le couple formé par Leanne Cope (Royal Ballet) et Robert Fairchild (New York City Ballet) est terriblement à la hauteur de ses aînés, Gene Kelly et Leslie Caron. Et puis, il y a le jeu exact de Veanne Cox, la somptueuse Jill Paice, la formidable personnalité de Brandi Uranowitz, et la très belle voix de Max Von Essen, ils dansent, chantent et jouent la comédie, entourés d'une formidable troupe de danseurs, ils sont sans faille, du début à la fin. Sur un rythme parfait, l’élégance et l’harmonie sont de mises, l'ensemble de l'oeuvre s'inscrit dans la justesse.

    Les courants artistiques de l’époque ne sont pas en reste -comme pour le film qui rendait hommage aux peintres tels Dufy, Toulouse-Laurec ou Renoir- les décors, costumes et intentions chorégraphiques du Châtelet transportent la romance dans le Paris de l’après-guerre mais tissent aussi des liens avec le Paris -totalement indémodable- des années 30. C’est en 1928 que George Gershwin a composé « Un Américain à Paris », à l’origine un poème symphonique d’une vingtaine de minutes. Après avoir été très chaleureusement accueilli par les compositeurs français comme Debussy, Ravel ou Milhaud, le critique Isaac Goldberg avait qualifié cette composition comme étant "L'après-midi d'un faune américain". Il est certain que pour cette production, les célèbres fantômes qui hantent les cintres du Théâtre du Châtelet, comme Diaghilev et Nijinsky, seront au premier rang de Corbeille pour chaque représentation.
    Cet « Américain à Paris » devait se créer au Théâtre du Châtelet et nulle part ailleurs.

    Laurence Caron-Spokojny

     

    Le spectacle sera à Broadway au Palace Theater en mars 2015. 
    Production :
 Théâtre du Châtelet
 et Pittsburgh CLO 
en accord avec Elephant Eye Theatrical.

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  • West Side Story à La Seine Musicale

    comédie musicale,la seine musicale,west side story,jerome robbins,leonard bernsteinJ’attendais ce moment avec une immense impatience. West Side Story à Paris.
    En 2012 je l’avais loupé au Théâtre du Châtelet, je m’étais consolée avec les merveilleux  « The King and  I »  et « Un Américain à Paris »  en 2014, puis par le somptueux « Singin’in the rain » l’année suivante, toujours sous la très judicieuse direction artistique de Jean-Luc Choplin.

    Ce soir là, nous nous rendons à La Seine Musicale en famille, les rôles ont été si bien répétés que enfants, parents et grand-mère sont prêts à remplacer au pied levé un danseur blessé ou un chanteur enroué . C’est donc en chantant, et en improvisant quelques pas de danse, que  nous découvrons cette nouvelle salle. Nous nous installons à 15 kilomètres de la scène sur les « gradins », alors que nous avons acheté nos places en 1ère catégorie (105 € la place tout de même). Avant de connaître la configuration de la grande salle de La Seine Musicale, je pensais que l’usage des jumelles était réservé aux enfants du Paradis, première erreur. Les yeux écarquillés, comme pour regarder une diapositive sur une table lumineuse disproportionnée, le rideau s’ouvre, pas tout à fait d’ailleurs, les girafes et les éléphants, et autres bestiaux célestes, de l’étrange rideau de scène de Nicolas Buffe, continuent à nous observer. 

    L’Orchestre dirigé par un spécialiste du genre, et de ce chef-d’oeuvre en particulier, a beaucoup de peine à suivre la partition de Bernstein. La modernité indiscutable et l’énergie fantastique du compositeur Leonard Bernstein, Maestro spécialiste de Stravinski, se trouve engoncée dans d’hasardeux arrangements. La sonorisation s’égare, elle accentue les envolées lyriques d’une façon quelque peu outrancière, le passage dans les micros se fait sentir lors du glissement des curseurs sur la table de mixage au plus haut, le souhait est de faire frissonner le public… Sans nuance et effectuant des dérapages incontrôlés, Tony écrase sa voix, il semble avoir la voix fatiguée et a certainement oublié de protéger ses cordes vocales du froid parisien. La jolie Maria a le mérite inouï de conserver sa justesse auprès de son partenaire, elle a la voix belle mais l’intention demeure terne. L’intrépide Anita relève le défi mais c’est déjà trop tard, le mal est fait. 

    La mise en scène est menée tambour battant. Le metteur en scène, qui a été élève et assistant de Jerome Robbins, a depuis dirigé plusieurs ballets de comédies musicales, il est le seul à chorégraphier cette unique production de West Side Story, en tournée dans le monde entier, et validée dit-on par Robbins Rights Trust, dont acte. Pourtant Robbins n’est pas là. Jerome Robbins a inscrit la danse américaine dans une forme de théâtralité, l’amour et le désir sont aériens, l’espoir se danse comme il se chante, et l’action s’exprime par un mouvement virtuose, d’une fluidité poétique, qui doit se lire aussi dans les scènes de bagarres… Ce soir là, ce n’est pas le cas. La joie de la danse mêlée à l’humour se font sentir mais la rapidité jazzy et surtout la précision raffinée du geste semblent avoir été oubliées au profit de l’exploit. 

    Pour ses soixante ans, West Side Story à La Seine Musicale prend l’allure d’un spectacle de Music Hall kitch alors qu’il s’agit d’un chef d’œuvre intemporel et d’une modernité absolue autant que peut l’être L’Opéra de Quat’Sous de Brecht et Weill créé trente ans plus tôt. Les costumes et lumières à la tonalité magenta essaient peut-être de faire oublier qu’il s’agit de la première œuvre musicale inspirée d’un drame Shakespearien inscrit dans l’actualité sociale de l’époque avec ses guerres des gangs qui ravagent le New-York des années 50. Dix ans avant la comédie rock ‘Hair’, le théâtre musical américain a été profondément révolutionné lors de la création de West Side Story en 1957 alors que les premiers producteurs craignaient l’histoire trop sombre et la partition trop élitiste pour un spectacle populaire.

    Bref, l’émotion se disloque au quatre coins du bien trop vaste plateau de La Seine Musicale. La sauce ne prend pas, jusqu’à la scène finale quand Maria tente de relever Tony pour fredonner un dernier « There’s a place for us… », un moment sensé faire fondre les plus froids d’entre nous : c’est raté. 

    Quand West Side Story s’est jouée au Châtelet, en 1981 j’avais dix ans, puis en 1991 j’avais vingt ans, j’étais dans la salle à chaque fois : c’était dingue ! En 2017, le spectacle se clôt sous des applaudissements sans rappel. Pas de standing ovation. Impossible à croire. Maintenant, je suis convaincue : ce n‘était pas West Side Story, c’était autre chose. Dimanche soir, nous regarderons à nouveau le film de Robert Wise, en famille, au moins je suis certaine que le sens critique de mes enfants aura été attisé !

    Laurence Caron

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  • ”Une vie sur mesure” au Théâtre Tristan Bernard

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    Ce soir là, j’ai eu vraiment du mal à faire accepter à mon fils l’idée d’aller se coucher. Pourtant, un spectacle à 19h, la soupe à 21h et l’extinction des feux à 22h me paraissait être un programme plutôt sage, même si au demeurant exceptionnel pour un soir de semaine. Et tim dam badaboumboum ba et tim dam badaboumboum ba et tim dam…, Adrien Lepage, le héros de « Une vie sur mesure », a raison : la batterie, même quand tu n’en as pas, tu peux en jouer quand même. C’est en tout cas ce que mon fils de 13 ans, déjà passionné de batterie, a retenu. Les couverts disposés sur la table deviennent baguettes, ses doigts et paume de mains tressautent à l’unisson et viennent contrarier le rythme de son talon qui fait vibrer les lames du vieux parquet, il raconte à qui veut bien l’entendre l’intégralité du spectacle. Version longue.

    Sur « Une vie sur mesure », il nous avait été dit que l’histoire était plutôt drôle, je n’imaginais pas qu’elle puisse être aussi bouleversante : Adrien est autiste, enfin il n’est pas tout à fait comme les autres, il est infiniment gentil et vit dans son joli monde à lui, il n’est pas contaminé par la méchanceté et la bêtise des humains qui l’entourent même s’il en est la victime impuissante. Adrien découvre le son, les vibrations, le rythme, c’est une révélation, la batterie devient langage, amie, elle est sa vie, on pense même que la batterie va changer sa vie… Par les yeux de son auteur, Cédric Chapuis, qui a aussi crée le rôle à la scène, la vie d’Adrien est poésie, compassion et compréhension, pour qui veut bien le voir tel qu’il est. Seulement la réalité est autre, Adrien est confronté à une vie médiocre, d’une injustice inouïe, sans bienveillance, presque oubliée, jusqu’à la violence.

    « Une vie sur mesure » est un spectacle musical, le comédien et l’instrument racontent une histoire commune. Axel Auriant-Blot, en comédien instinctif, est à fond dans le rôle d’Adrien, émotif et passionné, avec cette même énergie il enfonce la pédale de la charleston, fait résonner la grosse caisse et fait vibrer les cymbales de la batterie. Le comédien fait apparaître d’autres personnages, par la façon dont il les regarde il est possible d’en deviner les contours et les aspérités. L’émotion est difficile à contenir, elle cueille le public par la puissance du son puis par l’émotion suscitée par les scènes drôles ou tragiques. Il est difficile de résister à l’envie d’arracher le personnage d’Adrien à son destin. Impossible d’en sortir indemne. Plusieurs jours plus tard, mon fils vient me chuchoter : « Au fait Maman, Merci c’était génial le théâtre, j'arrête pas d'y penser… ». 

    Le Théâtre Tristan Bernard a décidément choisi de faire la place belle aux très jeunes et beaux talents : à 19h, les fougueux dix-neuf ans d’Axel Auriant-Blot, dans « Une vie sur mesure », sont suivis par l’émouvante Lina El Arabi et ses vingt-deux printemps dans « Mon ange » à 21h…  Réservez sans attendre. 

    Laurence Caron

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  • ”Le violoncelle français : hommage à Philippe Muller”, c'était le 2 avril au Théâtre des Champs-Elysées

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    Le sensible virtuose à une discographie foisonnante et variée, Philippe Muller enseigne aujourd'hui à la Manhattan School of Music à New-York, auparavant il était professeur au CNSM de Paris de 1979 à 2014. Hier soir, au Théâtre des Champs- Elysées, entourés par l’Orchestre de chambre de Paris, les élèves du Maître se sont réunis afin de rendre hommage aux 50 ans de carrière de leur professeur.

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  • Concert du Choeur d'enfants Sotto Voce, dirigé par Scott Alan Prouty | le 28 mars 20h à l'Eglise Américaine | Paris

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    Le Choeur d'enfants Sotto Voce

    Entrée libre

    American Church in Paris, 65 quai d'Orsay, 75007 Paris
    France Tel: +33 (0)1 40 62 05 00

     

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  • PROLONGATIONS ! Jean Yanne au Petit Montparnasse

    Le titre évocateur de la pièce à sketches « On n’arrête pas la connerie ! », sur la toujours très surprenante scène du Petit Montparnasse, est plus que jamais d’actualité. Il est à croire que l’ambiance n’a pas tellement changé depuis… depuis plus de quarante ans. L'acidité de ce propos est à frémir de plaisir. Lire l'article

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  • Les étoiles du 21ème siècle au Théâtre des Champs-Elysées

    C’est une soirée de gala, l’Avenue Montaigne se délecte des quelques robes longues qui flottent dans sa contre allée. Cette démonstration d'élégance est très agréable même si je demeure un peu agacée par la mine du public que je trouve manquer de fraîcheur, je m'interroge encore sur ce type de programme, attire-t'il uniquement ce public ou bien est-ce « la faute à la crise » qui ne permet qu’à une maigre frange de la population (des retraités) de s’offrir ce divertissement ; je vous laisse juge… Décryptage du programme : du répertoire classique et quelques chorégraphies contemporaines, pas de surprise ; ouverture avec le Ballet National de Cuba et clôture de la soirée avec Le Ballet de l’Opéra de Munich et son adulée  Lucia Lacarra... le nom de l’Etoile est chuchoté avec ferveur dans les rangs des spectateurs.

    lucia lacarra,marlon dinoLucia Lacarra a déjà un nom prédestiné, il sonne bien, comme celui d’une déesse de la danse ou d’une diva. Repérée et choyée par Roland Petit au Ballet de Marseille, elle s’éclipsa d’Europe pour le Ballet de San Francisco :  Robbins, Balanchine, Duato, Mac Milan, Dato et Lubovitch n’eurent plus aucun secret pour l’Ibère. Aujourd’hui, Lacarra règne sur le Ballet de l’

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  • ”Hôtel des deux Mondes” au Théâtre Rive-Gauche

    hôtel des deux mondes,laurence caron,bric-emmanuel schmittJ’aime le Théâtre d’Eric-Emmanuel Schmitt. D’ailleurs ses succès se bousculent, je marque une préférence pour « Le Visiteur », « Les Variations énigmatiques » ou plus récemment « La trahison d’Einstein » avec le formidable Jean-Claude Dreyfus... Le Théâtre d’Eric-Emmanuel Schmitt est d’un genre particulier, son genre à lui, entre Comédie et Drame bourgeois frôlant parfois le Théâtre de l’Absurde, l’auteur a l’adroite manière de s’adresser à un public extrêmement large. Des sujets très graves sont traités avec la naïveté apparente et la tendresse des brèves de comptoir, le ton semble toujours léger mais le questionnement est profond et existentiel. C’est une réflexion sérieuse qui ne se prend pas au sérieux, le texte garde toujours suffisamment de coquetterie pour prendre l’air d’un divertissement savoureux. La recette est d’une efficacité redoutable.

     

    Depuis le 19 janvier, dans son antre de la rue de la Gaité, le Théâtre Rive-Gauche, Eric-Emmanuel Schmitt propose la reprise de « Hôtel des deux Mondes ». Dans cet « Hôtel », sorte de passage entre deux univers, un réel et un autre fantasmé (ou comme il vous plaira), les perspectives philosophiques, spirituelles ou ésotériques ont toutes valeur à être entendues.

    Pour avoir assisté à la création en 1999, de « Hôtel des deux Mondes », j’ai regretté que la mise en scène d’Anne Bourgeois, et notamment les effets scéniques, tonnerre et autres lumières transcendantales, n’aient pas été un peu rajeunis. Mais, sur scène, Noémie Elbaz, Davy Sardou, Michèle Garcia, Jean-Jacques Moreau et Odile Cohen sont épatants aux côtés d’un Jean-Paul Farré absolument époustouflant. Nominé (pour reprendre cette déformation verbale consacrée) plusieurs fois aux Molières, puis récompensé (enfin !) en 2010 pour Les Douze pianos d’Hercule, Jean-Paul Farré a une biographie longue comme le bras - un très grand bras. Entre ses rôles au théâtre, au cinéma et à la télévision, le comédien est auteur et aussi chanteur. Fantaisiste ou grave, le jeu impeccable de Jean-Paul Farré ne flirte jamais avec le cabotinage, ce travers souvent fréquent chez les comédiens qui ont beaucoup voyagé. Jean-Paul Farré est d’une justesse et d’une sincérité extrême, ce sens de la mesure est sans aucun doute en accord avec le musicien qu’il est aussi.

    Depuis plus de vingt ans, l’histoire ne dit pas si Eric-Emmanuel Schmitt trouve des réponses à toutes ses énigmes, et, c’est heureux car si la source de ce questionnement ne se tarit pas, il est probable que l’auteur nous projette encore dans bien d’autres Mondes...

    Laurence Caron

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  • « Rimbaud Verlaine Eclipse totale » au Poche-Montparnasse

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    Les amours de Verlaine et Rimbaud sont en effet bien sombres sous cette Eclipse totale de Christopher Hampton au Poche-Montparnasse. Le dramaturge britannique caricature un peu et offre une image qui semble s'éloigner de notre imaginaire littéraire…

    Rimbaud a dix-sept ans, il débarque à Paris en réponse à l’invitation de Verlaine. Verlaine est un poète embourgeoisé, marié avec une très jeune femme et bientôt père de famille. Des périples entre Bruxelles et Londres suivront, les deux hommes chercheront tour à tour à éveiller ou à apaiser le feu qui les anime, attisant aussi bien leur sexualité que leur inspiration à écrire. L’amour encore, toujours l’amour, il nourrit le poète quand il ne s’agit pas d’alcool, d’absinthe ou d’opium et celui-ci est violent, excessif et jaloux.

    Julien Alluguette interprète Artur Rimbaud, il épouse à la perfection les contours du corps et de l’esprit voulus par Christopher Hampton, il se plonge dans le rôle avec un jeu quasi schizophrène, très "Actor Studio". Quant à Paul Verlaine, Didier Long le joue avec force, un monstre sacré ou plutôt un sacré monstre, impressionnant. Didier Long par la voix de Verlaine a un grand sens du tragique, il insiste sur le don particulier du poète pour la destruction. Sa femme Mathilde, la comédienne Jeanne Ruff, est aussi intense que ses camarades de jeu mais elle apaise par sa douceur et son physique éthéré. La comédienne est souveraine, elle a un sens de la mesure impossible à contrarier. Divine. 

    Il ne faudrait jamais avoir à rencontrer les êtres qui se cachent derrière les icônes, ceci pour éviter (souvent) des déceptions inutiles. C’est en tout cas ce que je crois et qui s’avère une nouvelle fois se vérifier. La performance des comédiens et la mise en scène de Didier Long, encore merveilleusement rythmée, ne sont pas à remettre en cause, il s’agit plutôt de la vision d’Hampton. Cette façon particulière de résoudre les désordres de l’âme par des raccourcis est sans doute plus lisible au cinéma qu’au théâtre. Les scènes de Théâtre ont besoin de plus de lumière que les plateaux de cinéma, cette lumière aurait pu être apportée par un peu plus d’extraits de textes poétiques. Une chose est certaine, après avoir assisté à la pièce « Rimbaud /Verlaine Eclipse totale », l’envie de relire Rimbaud ou Verlaine est irrésistible.

    Laurence Caron

     

    *du mardi au samedi à 21h

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  • Le Songe d'une nuit d'été à La Cartoucherie jusqu'au 2 avril

    le songe d'une nuit d'été,theatre de la véranda,lisa wurmser,cartoucherie,laurence caronOn ne va pas assez souvent à La Cartoucherie !

    Sous l’impulsion première de sa mère nourricière Ariane Mnouchkine depuis 1964, l’ancienne réserve de poudre et munitions du Château de Vincennes demeure un des berceaux créatifs des plus intéressants.

    « Le Songe d’une nuit d’été » de William Shakespeare se joue Salle Copi jusqu’au 2 avril. Rien de très nouveau qu’une œuvre de Shakespeare jouée en ces lieux déjà si fortement emprunts des grands auteurs.
    En 1996, j’avais eu la chance de découvrir cette même œuvre interprétée par la formidable et acrobatique troupe belge « Les Baladins du Miroir ». Plus de vingt ans après, je découvre un nouveau songe, cette fois par la troupe du Théâtre de la Véranda

    Au pays des merveilles

    La vie est une succession de rêves rythmés par quelques rares réveils. Le réel est bien pâle comparé aux songes. Et, ce sont ces songes qui plaisent au metteur en scène Lisa Wumser, ce qu’il y a autour des rêves est dérisoire. Ainsi, la Reine Hippolyta (Marie Micla) se transforme en une déesse Titania totalement fantasque, le Roi Obéron (John Arnorld) en un Thésée doux dingue extravagant en diable, Bottom (Christian Lucas) est aussi un très inventif Pyrame, l’épatante Quince (Flore Lefebvre des Noëttes) est un ‘mur’ magnifique et déluré, l’éperdu Démétrius (Adil Laboudi) est un Lion génialement ravagé et cætera et cætera… Sans craindre les grands écarts, et comme il est d’usage dans le Théâtre antique, les comédiens revêtent plusieurs rôles, deux, trois et même parfois quatre. Sur la musique savamment placée de Laurent Petitgand, les marionnettes et les masques de Pascale Blaison enveloppent les spectateurs dans un univers fourni de mille petites inventions. 
    Les dieux et leurs serviteurs sont d’attentifs farceurs qui n’hésitent pas, à grands renforts de burlesque, à secouer les spectateurs de rires. Certains comédiens se font remarquer par leur sophistication de jeux extrême, c’est le cas pour Christian Lucas et Flore Lefebvre des Noettes dont les rôles de compositions sont des délices, et aussi pour Jade Fortineau, éblouissante Héléna

    J’ose émettre quelques bémols sur les costumes et le décor, mais il est aisé de les oublier tant la créativité des comédiens, selon la mise en scène colorée de Lisa Wumser, sont inventifs et fantasques. Les spectateurs sont emmenés, non pas sous le chapiteau d’un cirque comme la structure scénique semble vouloir le figurer, mais bel et bien sous une canopée étoilée où nymphes charmantes, fleurs psychédéliques, fées mutines et farfadets malins exercent leurs charmes la nuit de la Saint-Jean. Un ensorcèlement. A voir sans tarder par tous.

    Laurence Caron

    de William Shakespeare
 mise en scène Lisa Wurmser, 
    texte français Jean-Michel Déprats
 (éditions Folio Théâtre)

    Hermia aime Lysandre, et refuse d’épouser le prétendant que son père lui destine, Démétrius, lui-même courtisé par Héléna. Les amants fuient dans la forêt. Parallèlement, des artisans répètent une pièce qu’ils joueront pour le mariage du duc d’Athènes avec la Reine des Amazones. Au clair de lune, tous vont entrer dans le royaume des fées et de leurs souverains : Titania et Obéron dont la querelle trouble la nature. Obéron demande à son génie, Puck – qui a le pouvoir de commander aux phénomènes naturels – de déposer un philtre d’amour sur les yeux des personnages. S’ensuit une série de méprises… jusqu’au petit matin où Puck rétablit la concorde entre les couples respectifs. Le Songe d’une nuit d’été, première grande comédie de Shakespeare, fait référence à la Saint-Jean et aux festivités champêtres. La virtuosité de l’enchevêtrement des intrigues multiples, l’atmosphère onirique et les jeux de miroir créés par l’image du théâtre-dans-le-théâtre, font de cette pièce un véritable enchantement. Les facéties de Puck, le magicien, régénèrent le monde ; les sortilèges d’Obéron rétablissent l’ordre de l’univers.

    La pièce s’achève en réjouissances et en hymne à la fécondité.

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  • Shaman & Shadoc ou l'imposture des rats, au Théâtre Essaïon jusqu'au 13 mai

    julie allainmat,céline legendre- herda,theatre essaion,pierre margot,xavier béa,guillaume orsatC’est là où tout se passe, c’est là où tout commence…  
    Le centre de Paris peut s’enorgueillir de frontons célèbres comme c’est le cas pour la façade du Théâtre du Châtelet ou du Théâtre de la Ville, et aussi de lieux de création plus confidentiels... Le Café de la Gare par exemple, juste derrière le Centre Georges Pompidou aux portes du Marais, abrite en son sein un foisonnement théâtral dont, malgré vents et marées depuis Mai 68, la réputation n’est plus à faire. Et puis, tout proche, dans la minuscule rue Pierre au Lard, le Théâtre Essaïon a l’âme plus discrète mais toute aussi volontaire.

    L’escalier est profond pour descendre dans le ventre de Paris, des caves (en)voûtées accueillent les artistes et leurs publics, l’ambiance est très particulière. Comme dans un club de jazz réservé aux initiés, il y a deux salles au Théâtre Essaïon, ce sont des territoires privilégiés dédiés aux auteurs et aux artistes. La programmation théâtrale est riche et toujours de qualité, truffée de petites trouvailles, de merveilles (Fureur en 2014), de révélations, et le jeune public autant que les amateurs de spectacles musicaux ne sont pas oubliés. Remarquable aussi, le prix des places à la portée de tous (à surligner au feutre fluo ;-) ).

    Depuis le 9 mars et jusqu’au 13 mai, les jeudis, vendredis et samedis, à 21h30, le comédien Pierre Margot révèle son talent d’auteur en projetant sur les planches sa première pièce « Shaman & Shadoc ou l’imposture des rats ». Shaman est Guillaume Orsat, un rôle sur mesure..

    julie allainmat,céline legendre- herda,theatre essaion,pierre margot,xavier béa,guillaume orsat(°photo David Krüger)

    La petite pièce deviendra grande 
    De l’histoire, je ne dirai rien. Il est toujours moyen de se nourrir des résumés de la pièce qui s’éparpillent au fil des articles de la presse spécialisée autant que sur les sites internet de billetterie. Je défends l’idée qu’il faudrait ne rien savoir d’une œuvre avant de la découvrir : arriver tout neuf. La surprise a un goût irrésistible, lorsque la saveur mêle des parfums que l’on reconnaît à d’autres totalement inédits, la délectation est suprême ! C’est le cas pour « Shaman & Shadoc ou l’imposture des rats ». 
    Le texte claque, rien d’inutile, pas de fioritures prétentieuses ou aventureuses, tout se dit, soufflé par maintes références et souvent en paraboles. De cette hauteur, les comédiens abordent un jeu radical, sans concession, imprégnés tout entier de leurs personnages, il y a une envie d’aller à l’essentiel, de viser juste. 
    Dans « En attendant Godot » de Beckett, il y a ce même pessimisme désespéré sur la nature humaine qui parvient par d’adroits stratagèmes à exprimer son grand amour pour l’Humanité. Ou bien aussi comme dans les dialogues d’Audiard, il y a cette facilité apparente du rythme et de la métaphore, cette gravité que l’on fait paraître dérisoire rien qu’avec des mots. L’influence poétique de Roland Dubillard semble aussi bien veiller au grain afin de moudre l’ensemble dans une parfaite cohérence de l’Absurde. Des références aussi en musique en font un texte qui respire, une leçon d’humanisme qui s’évertue à se jouer du tragique autant que de la comédie sans que l’un fasse de l’ombre à l’autre…

    A beau texte, grands comédiens !
    Pour se faire, Manhattan Shaman et Victor Shadoc doivent leurs vies respectives aux comédiens Guillaume Orsat pour Shaman et Pierre Margot pour Shadoc (en alternance avec Xavier Béja). 
    Guillaume Orsat est gigantesque. Quel qualificatif faut-il utiliser pour un comédien qui impose un jeu aussi fort, aussi juste ? Guillaume Orsat aborde son interprétation de Shaman avec raffinement, son jeu pourrait se comparer à l’énergie et à cet absolu abandon maîtrisé d’un Depardieu, d’un Weber ou Maréchal - en plus jeune et en plus mince ;-). Pierre Margot lui est un Shadoc émouvant, dont la profondeur et la pudeur du jeu a cette sorte d’élégance qui ne parvient pas à masquer la reconnaissance de l’auteur pour son comédien : comme Pierre Margot n’a de cesse de le répéter : « ce rôle, je l’ai écrit pour lui (Guillaume Orsat )»…
    Et puis, il y a cette réconciliation ultime avec le Théâtre, celui qui se passe de sous-titres parce que les comédiens façonnent leurs textes avec grâce autant que les techniques du phrasé et de la syntaxe, ce théâtre chic dont on ne se lasse jamais et qui n’est pas si répandu sur les multiples scènes parisiennes, plus ou moins grandes, privées ou subventionnées… Enfin, Céline Legendre- Herda (en alternance avec Julie Allainmat) offre de fraîches échappées entre les scènes, un parti pris amusant, peut-être pour éviter à l’auteur et à ses comédiens de trop sombrer dans la pénombre des âmes sensibles…

    Assister à une représentation de « Shaman & Shadoc ou l’imposture des rats » est être témoin de la naissance d’une œuvre. Un phénomène à ne pas manquer !  

    Laurence Caron

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  • ”C'est encore mieux l'après-midi” au Théâtre Hébertot

    michel winogradoff,jean-michel adam,jacques villeret,sébastien castro,pierre cassignard,theatre hebertot,lysiane meis,guilhem pellegrin,pascale louange,guillaume clérice,rudy milstein,jacques marillier,anne-sophie germanazS’il y a bien un genre de Théâtre rarement évoqué sur ce blog, c’est bien le Théâtre de Boulevard. Les femmes bafouées, les amants lâches et les maris coléreux, dont le voisinage s’approche souvent de l’hystérie collective, m’exaspèrent...
    Au Théâtre Hébertot, il n’y a rien de tout ça ! « C’est encore mieux l’après midi » (Two into one – 1984) du génial auteur Ray Cooney est à se plier de rires !

    Le metteur en scène José Paul a le sens du rythme, ce talent si particulier que l'on croit  souvent être réservé aux anglo-saxons. Mais l’adaptation de Jean Poiret n’est évidemment pas étrangère à cette alchimie, le rire est ici d’une grande élégance. 

    Jamais essoufflé, Pierre Cassignard, entre Darius au Théâtre des Mathurins et Folle Amanda au Théâtre de Paris, se glisse dans la peau d’un homme politique peu scrupuleux dont le pouvoir attise l’appétit sexuel. Toujours chic et avec cette sorte de décontraction naturelle, le comédien maîtrise son jeu à la perfection face à Sébastien Castro avec lequel conserver son sérieux doit-être un véritable tour de force. 

    La saison théâtrale avait démarré avec lui en septembre 2016 sur les planches du Petit Montparnasse dans le savoureux « Moi, Moi et François B. ». Cette fois, sur les traces de Jacques Villeret (au Théâtre des Variétés en 1987) Sébastien Castro ne lâche rien, il invente un personnage complètement barré. Avec un sens de l’appropriation des lieux très impressionnant, Sébastien Castro se permet de récréer un vrai one-man show au sein même de la pièce. Sans empiéter sur les territoires des autres comédiens mais au contraire en leur renvoyant adroitement leurs répliques, le personnage de composition se régale en mots, mimiques, gesticulations burlesques et exagérations dont le public raffole. 

    Dans un irrésistible jeu de portes qui claquent (scène culte !), chacun est à sa place, la distribution des rôles est parfaite, du sur mesure : Lysiane Meis, Guilhem Pellegrin, Pascale Louange, Guillaume Clérice, Rudy Milstein et Anne-Sophie Germanaz plongent la fête dans les règles de l'art. Le décor initial de Jacques Marillier a été modernisé par Jean Michel Adam et le son est signé Michel Winogradoff.

    Plus que jamais très inscrite dans l’actualité, « C’est encore mieux l’après-midi » est LA pièce à voir, aussi en soirée, si vous voulez vraiment vous amuser !

    Laurence Caron

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  • Singin'in the rain au Théâtre du Châtelet jusqu'au 15 janvier 2016

    C'était en mars 2015 au Châtelet et c'est à nouveau à l'affiche jusqu'au 15 janvier 2016 : attention chef-d'oeuvre !

    théâtre du chatelet,singin'in the rain

    Le magicien - Ma première fois c’était en 1993 au Grand Théâtre de Bordeaux pour Les Noces de Figaro. William Christie dirigeait la musique, et, Robert Carsen architecturait l’espace. Ce soir là, je découvrais qu’il était donc possible de faire traverser la lumière du jour jusqu’à la scène d’un théâtre ? Une autre dimension s’ouvrait… Ce fut un éblouissement, à tel point que mon regard sur les choses de l’éphémère changea définitivement.

    Robert Carsen, le metteur en scène canadien, est capable de ça et de bien d’autres choses. Que ce soit pour Disneyland (Buffalo Bill’s Wild West Show), pour les plus grands opéras, le théâtre ou pour des scénographies d’expositions (L’Impressionnisme et la Mode, Musée d’Orsay 2012), Robert Carsen est un illusionniste.

    La fonction d’un metteur en scène est de façonner un monde dans un espace déterminé, comme un géant qui se jouerait des êtres et des éléments, il les déplace à sa guise, et fait valser ce qui est établi au profit  de son propre ressenti. Le public ne parvient pas toujours à suivre et à comprendre les intentions et les liens qui animent les interprètes, les décors et les costumes, dans cet espace apprivoisé qu'est l'espace scénique. Robert Carsen, lui, n’égare personne, attentif, il va à l’essentiel, il y a une évidence, comme une vérité. Et puis, c’est beau. Toujours beau. 

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  • Places réservées : parce qu'il ne faut pas les rater !

    31876.jpgles7doigts-blueline-traces-600x855-150529-210x300.jpegles 7 doigts de la main,tartuffe,berthier,théâtre de l'odéon,traces,bobino

     

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  • ”DUEL, opus 2” au Théâtre du Palais-Royal, dès le 5 février et jusqu'au 15 avril 2016

    laurent cirade,paul staicu,théâtre du palais-royal,duel,duel opus 2,violoncelle,piano,spokojny consulting,agnès bouryRaymond Devos disait : « Le rire est une chose sérieuse ! », le violoncelliste Laurent Cirade, et, le pianiste Paul Staïcu ne sauraient contredire la maxime du Maître de la dérision. Les intrépides virtuoses se sont libérés d’une technique, déjà éprouvée sur les bancs des conservatoires, orchestres prestigieux et en tant que soliste, pour créer « Duel ».

    En interprétations loufoques, délicates espiègleries, digressions délirantes, et intentions théâtrales, les musiciens débridés traversent un répertoire coloré : jazzy, rock, populaire ou classique ; toutes les musiques se confrontent, à la fois aux insolentes cordes du violoncelle, aux tendres touches du piano et autres instruments surprenants (scie, fil de pêche, didgeridoo,…). 

    Au delà des mots, afin d’atteindre une dimension universelle compréhensible par tous, la musique se fait le langage du rire. La recette est élégante et semble sophistiquée, mais pas seulement : « Duel, opus 2 » est un spectacle truffé d’inventions musicales, un show énergique, libre, complètement extravagant et tout à fait déraisonnable !

    « Duel » : lorsqu’un violoncelliste rencontre un pianiste…

    En 2000 à Paris, le violoncelliste Laurent Cirade rencontre le pianiste Paul Staïcu. A l’issue de cette rencontre en 2002, le premier « Duel » est provoqué, il se produit à Paris et est mis en scène par Agnès Boury : quatre mois au Théâtre des Mathurins, puis en 2006 à la Comédie des Champs-Élysées pour sept mois.

    Tout autour du Monde (Etats-Unis, Mexique, Vénézuela, Espagne, Angleterre, Ecosse, Belgique, Liban, Russie, Lettonie, Estonie, Serbie, Macédoine, Kosovo, Australie), le duo de virtuoses infernaux joue ce premier opus de « Duel » plus de 800 fois.

    Toujours sous l’œil avisé d’Agnès Boury, la seconde création « Duel, opus 2 » est créée au Festival d’Avignon en 2009. « Duel, opus 2 » poursuit sa conquête : après l’Europe (France, Allemagne, Pays-Bas, Luxembourg, Italie, Suisse, Suède, Pologne, Roumanie, Moldavie), c’est au tour de l’Asie (Chine, Japon, Philippines, Turquie), puis de l’Afrique (Maroc, Tunisie, Algérie, Angola), et à nouveau de l’Amérique du sud (Chili).

    Enfin, de retour à Paris, après 1500 représentations dans 37 pays du monde, « Duel, opus 2 » sera sur la scène du Théâtre du Palais-Royal, dès le 5 février 2016, du mercredi au samedi à 19h. Il est à noter que ce spectacle s'adresse à tous, dès l'âge de 7 ans. De plus, il ne faut pas tarder pour réserver vos places dès les premières représentations, elles bénéficient d’un tarif de moins 40 %, puis de moins 30%. 

    Laurence Caron-Spokojny

     

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  • WE ARE BOWIE par le photographe Guillaume Bounaud

    Nous sommes tous Bowie, depuis ce lundi 11 janvier 2016, un peu perdus, presque orphelins. 

    En 1983, j'écoutais "Let's dance" sur mon walk-man. Lors de petites vacances chez mon oncle à côté de Biarritz, j'ai fouillé dans ses disques et j'ai découvert l'album "Rare" (1982. RCA). Je l'ai gardé avec moi, tout contre moi, et j'ai usé les sillons du somptueux "Amsterdam" (Brel/Shuman) en me demandant comment était-il possible qu'un chanteur anglais puisse avoir l'audace de se frotter à Brel ?
    Une douzaine d'années plus tard, il y a eu des concerts mais surtout ce show-case à l'amphithéâtre de l'Opéra Bastille, nous étions peut-être 200, une ambiance plutôt intime : 30 minutes de concert, pas une de plus, si proche, c'était dingue ! En fait, je crois que je n'ai rien écouté, trop préoccupée à renifler sa présence...

    Ces derniers jours, les témoignages des fans de Bowie parcourent la toile, les images, nos lectures et les ondes. Et puis, il y a des histoires d'amour aussi, des vrais, des histoires pour lesquelles les fans ont investi une partie de leur vie et leur talent. WE ARE BOWIE, la réalisation photographique de Guillaume Bounaud, est de cette trempe. 

    guillaume bounaud,we are bowie
    Family by Guillaume Bounaud

    guillaume bounaud,we are bowieEn 2008, le photographe Guillaume Bounauden écoutant l’album « Aladdin Sane » de David Bowie, imagine dessiner un éclair rouge et bleu sur le ventre arrondi de sa femme. Signe cabalistique ou symbole d’un dieu protecteur, Guillaume Bounaud n’a aucun doute : comme lui, sa fille aimera Bowie. 

    Le dessin s’est mué en une empreinte profonde, l’idée de transmission ne le quitte pas. Appareil photo au poing, Guillaume Bounaud zèbre les visages de sa famille, de ses amis, puis de ses rencontres professionnelles. Photographe au long cours ou sur les plateaux de cinéma et de télévision, Guillaume réunit sous son regard et son objectif des artistes comme des anonymes qui se prêtent à la transformation. Enfin, lors de chacun de ses déplacements, Guillaume Bounaud organise des photocalls enthousiastes ; commerçants, badauds, enfants ou grands-parents, tous, le temps d’un cliché, sont « WE ARE BOWIE ». 

    La tribu WE ARE BOWIE est née.

    Le photographe, pour tenter d’approcher au plus près de David Bowie, façonne le monde à l’image de son idole. Les photos, portraits ou mises en scène, se multiplient et les visages zébrés se découvrent sur une page Facebook. Aujourd'hui et plus que jamais, ces visages zébrés doivent exister autrement, autre part, afin de témoigner de tout cet amour. Une exposition est souhaitée et très vivement espérée...

    Vos propositions et idées sont attendues ICI

    Laurence Caron-Spokojny 

    En avril 1973, sortie du sixième album de David Bowie : « Aladdin sane », la photo de la pochette de cet album est réalisée par le photographe Duffy.

    Histoire d’une pochette d’album culte « Mona Lisa of Pop »

    « L’histoire d’Aladdin Sane telle que me l’a toujours racontée Duffy est la suivante. Un jour, lors d’une réunion aux Trident Studios, il a demandé à David quel titre il avait l’intention de donner à son album. David a répondu : « A lad insane » (« un gars aliéné »). Duffy a compris « Aladdin Sane », je devine que la vision du génie, Aladin et la lampe merveilleuse ont dû lui apparaître.

    En fait, si vous regardez la typographie de la pochette de l’album, il y a une flamme au-dessus de la lettre « i » comme si elle venait de la lampe d’Aladin. De source sûre, Elvis Presley avait aiguisé la curiosité de David. Elvis qui était devenu littéralement fou de la musique gospel, au point d’avoir formé une société secrète, The Templar’s of The Christian Brotherhood, qui combattait le racisme et l’antisémitisme. Elvis avait abrégé le nom en un sigle, TCB – Taking Care of Business (dans un éclair), et en avait fait sa devise. Il avait utilisé le symbole de l’éclair avec les lettres TCB, il s’en était servi pour lui-même, notamment comme logo sur la queue de son jet privé, sur une bague, un pendentif pour son service de sécurité – la même empreinte sur tous ces éléments.

    Depuis le début, David avait toujours eu cette idée de l’éclair. Je pense que si le travail de David et celui de Duffy ont parfaitement fonctionné ensemble, c’est parce que David savait pertinemment qu’il pouvait proposer un concept aussi abstrait à Duffy, que Duffy revisiterait l’idée de l’éclair et qu’il reviendrait avec quelque chose de génial. Ce fut leur alchimie, c’est pourquoi il a choisi Duffy, c’est comme ça que les choses se sont faites. L’éclair a été l’élément de base du projet et Duffy savait qu’il devait faire partie intégrante du concept de l’album. « Comment ? » : telle était la question.

    Le jour de la séance, Duffy a pris dans la cuisine un cuiseur pour le riz que sa mère lui avait offert, un National Panasonic avec un petit logo, un éclair rouge et bleu. Ce cuiseur était toujours là quand j’ai commencé à travailler au studio, mais on ne l’a jamais utilisé, à tout bien considérer ce doit être celui que j’ai jeté durant un grand rangement. Quoi qu’il en soit, Duffy l’a montré à David et lui a demandé : « Est-ce bien de ce genre de choses que nous parlons ? » D’après ce que j’ai compris, David a confirmé que c’étaient les couleurs parfaites, à la suite de quoi la séance a débuté. Duffy a dirigé Pierre pour qu’il dessine un éclair sur le visage de David, comme il avait été dit. Mais, après avoir vu qu’il avait seulement peint un petit motif sur une joue de David, il lui a demandé de l’enlever. Puis il a pris un tube de rouge à lèvres dans la trousse à maquillage de Pierre et il a grossièrement dessiné les contours d’un éclair nettement plus vif sur le visage et a dit : « Comme ça. » Le vrai coup de génie, pour moi, a été d’ajouter ce symbole de l’eau sur sa clavicule. L’éclair est venu de David, mais c’est vraiment Duffy qui a mis ce cachet sur la photographie. Sans ce symbole, la photo est déjà en elle-même originale, mais avec celui-ci l’effet visuel atteint un autre niveau – c’est une sorte de couronnement. Cette composition ajoute un élément étrange, surréaliste, l’eau représentant l’émotion alors que la forme phallique de ce symbole est évidemment très sexuel».

    Extrait. Chris Duffy, Bowie par Duffy, Ed. Glénat.

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  • ”Libres sont les papillons” au Théâtre Rive-Gauche

    vz-157347B2-BBF9-475F-8BE2-DE3A37D9DA6B.jpegLa pièce de Broadway, Butterflies are free, de l'auteur américain Léonard Gershe récompensé en 1973 par un Writers Guild of America Award, semble vouloir prolonger son succès à Paris...

    Quentin (Julien Dereims) vit dans un studio du quartier de Barbès à Paris, il est musicien. Sa voisine, Julia (Anouchka Delon) est une comédienne en devenir. La mère de Quentin (Nathalie Roussel), écrivaine et bourgeoise de Neuilly, souhaite protéger son fils des femmes, de la vie...

    C'est une tradition, les pièces dites "de boulevard" ornent les frontons des Théâtres Privés Parisiens, ceux du 9ème arrondissement mais aussi ceux de la rue de la Gaité  ; c’est souvent le cas lorsqu’il s’agit d’une pièce avec une mise en scène sans surprise, mais efficace, de Jean-Luc Moreau, et, avec une adaptation sans surprise aussi, mais aussi efficace, d’Eric Emmanuel Schmitt. 

    Au Théâtre Rive-Gauche, la jeunesse est sur la scène, pas tellement dans la salle, et c’est un tort car Libres sont les papillons s’adresse à tous. Et, en particulier à ma fille de bientôt 15 ans, elle est écroulée de rire du début à la fin, tout en me jetant, de temps à autres, des regards humides. 

    Intelligemment, le comédien Julien Dereims joue sur une exacte mesure, jamais il ne verse dans la tragédie, ni dans la caricature. Le personnage de Quentin est aveugle, il devient encore plus bouleversant lorsqu’il rencontre Julia interprétée par Anouchka Delon, un choc. La jeune femme est faite de gourmandise et de feu, tout en spontanéité et provocation, Anouchka Delon dévoile un personnage qui dépasse sa propre apparence pour se révéler bien plus sensible... Nathalie Roussel est une mère à fleur de peau, parfaite, élégante, et protectrice tandis que Guillaume Beyeler est un personnage parfaitement désagréable comme son rôle de metteur en scène obscur l’impose. 

    Les comédiens forment un quatuor rythmé et harmonieux pour offrir un instant de théâtre léger et tout à fait divertissant. 

    Laurence Caron-Spokojny

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  • Les lauréates du Paris des Femmes

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    Le Paris des femmes (4ème édition) est né de l'initiative de 3 personnalités du monde de la culture ayant pour point commun un rapport intime à la littérature et à l'écriture : Michèle Fitoussi, Véronique Omi et Anne Rotenberg.

    Durant trois jours, le Théâtre des Mathurins a mis en avant la création théâtrale au féminin, avec neuf auteurs contemporaines. Au programme cette année, trois pièces courtes par soir, d'une durée de 30 minutes chacune, et aussi, des rencontres avec les auteures, des débats et conférences.

    Les prix de l’édition 2016 du Paris des Femmes - qui a eu lieu les 8, 9 et 10 janvier dernier - ont été décernés.

    Voici la liste des lauréats : 

    Un Prix d’aide à l’écriture Le Prix Durance-Paris des Femmes attribue une bourse à l'une des neuf auteures afin de lui permettre de prolonger ou d'enrichir sa pièce. 
    Le jury est composé du personnel de l'entreprise des parfums Durance; les textes sont lus sans mention de l'identité des auteures. La pièce primée est mise en espace dans sa version longue en septembre, au théâtre des Mathurins, pour une représentation unique.
    Un Prix théâtre Le Prix DSO-Paris des Femmes récompense l’auteure d’une des neuf pièces jouées. Le jury est composé des membres du comité culturel de la société DSO.

    Le Prix  d’aide à l’écriture Durance-Paris des Femmes à Valérie Tong Cuong  pour sa pièce: “Frères”, représentée le vendredi 8 janvier, dans une mise en espace de Murielle Magellan, assistée de Léa Saint Bois,  avec Franck Mercadal, Mathias Mlekluz,  Gilles  Treton.  

    Le Prix théâtre DSO-Paris des Femmes à Cécile Ladjali pour sa pièce « Fils de », représentée le  vendredi 8 janvier, dans une  mise en espace de Murielle Magellan, avec Raphaël Chrétien (Violoncelliste), Daniel Mesguisch et Raphaël Mesguich. 

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  • Triste soir à l'Opéra Garnier : Bel /​ Millepied /​ Robbins

    jérome bel,benjamin millepied,dorothé gilbert,opéra national de paris,opéra garnier,benjamin tech,grégory gaillard,sébastien breton,sandra escudé,karl paquette,françois alLa création de Jérôme Bel à l’Opéra Garnier s’intitule « Tombe » : déjà le titre engage à la rêverie et à la féérie...
    Trente minutes de contemplation atterrante en trois tableaux : une caissière de supermarché est invitée par Grégory Gaillard à visiter le plateau de Garnier ; la belle Gisèle, Sandra Escudé, est unijambiste, tenue dans un fauteuil roulant, elle ne semble pas tout à fait prête à se relever de ses cendres pour rejoindre son Prince Sébastien Bertaud… ; enfin, sur vidéo, une femme très âgée – fragile figure, attentive, et fan de la première heure du Ballet – entame un pas de deux fantasmé avec son Prince, Benjamin Pech. 

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    L’instant n’est pas chorégraphique, il se veut conceptuel. Un concept sans intention, une provocation dénuée d’audace. Une absence, un propos vide de sens.  Sommes-nous à ce point déconnectés de la réalité des choses pour que les artistes expriment le besoin de nous la montrer ? Décadence et désarroi... 

    A sa suite, « La nuit s’achève » de Benjamin Millepied, toute dernière création du déjà ex-Directeur de la Danse du Ballet de l’Opéra. Ce titre aussi inspire de grandes réjouissances, mais le choix de l’ « Appassionata » de Beethoven rassure et la chorégraphie très (trop) fortement inspirée, par Balanchine et Robbins, est harmonieuse. Pourtant, rien de nouveau sous le soleil de Garnier : après avoir épuisé ses danseurs dans de nombreuses circonvolutions, le deuxième tableau proposé par Millepied est un copier-coller du Parc d’Angelin Preljocaj, jusqu’aux costumes et embrassades. J’ai du mal à croire que personne ne s’en rende compte ?

    Enfin, le Maître déifié, Jerome Robbins et son ballet « Les Variations Goldberg » tout juste entré au répertoire de l’Opéra. Il n'est pas étonnant que ces variations soient restées si longtemps au fond des tiroirs : absence à nouveau, cette fois-ci de lumière et de rythme. Les danseurs s’appliquent, impeccables, mais ils demeurent académiques, l’interprétation n’est plus, le merveilleux Robbins semble bien pâle… Heureusement, l’Etoile Dorothée Gilbert domine, tout paraît tellement simple avec elle. Le talentueux Karl Paquette et le grand interprète François Alu entraînent avec maestria le Corps de Ballet. Ils sont tous, toujours, magnifiques, mais un peu désorientés, il est temps que le Ballet retrouve un guide à la hauteur de son talent. 

    Laurence Caron-Spokojny

    5 au 20 février 2016 - Opéra Garnier

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